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J’ATTENDS
LE NUMÉRO
64
LD
RC
4 e TRIMESTRE 2021 - FEUILLES
J’ATTENDS
LE NUMÉRO
64
J’ATTENDS LE NUMÉRO 1
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
2011 • 2021
CRÉATION
Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre
DESIGN
Ivan Leprêtre
CONTACT
ivanlepretre@gmail.com
PHOTO DE COUVERTURE
Milica JanjiĆ
PHOTOS 4 e DE COUVERTURE
Marie Edery
marieedery108@gmail.com
https://soulgames.fr/
LD
RC
4 e TRIMESTRE 2021 - FEUILLES
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
03
SOMMAIRE
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
04
LD
RC
ALAIN DIOT • 06
Maître de conférence en arts
plastiques • alaindiot2@orange.fr
MILICA JANJIC • 12
Graphic Designer
milicajanjic10@gmail.com
IVAN LEPRÊTRE • 20 • 49
Directeur de création
ivanlepretre@gmail.com
https://ivanlepretre.com/
FRÉDÉRIC ADAM • 28
Poète • frederic_adam@hotmail.fr
STÉPHANE ISSAURAT • 30
D. A. et webdesigner
stephane@i-stef.com
Site : i-stef.com
LILAS LEPRÊTRE • 40
Étudiante • lilaslepretre@gmail.com
ALINE HANSHAW • 44
Bricoleuse
aline.hanshaw@wanadoo.fr
YVES LECOINTRE • 45 • 47
Érudit • yves.lecointre@gmail.com
RAOUL HARIVOIE • 47
Poète • raoul.harivoie@laposte.net
LAURENT VERNAISON • 47
Épicurien - lvernaison@wanadoo.fr
HILARIO PEPPIM • 48
Exilé lexical
hpeppim@gmail.com
JEAN-MICHEL BAUDOUIN • 48
Baladin
baudoin.jean-michel@wanadoo.fr
COLETTE LE VAILLANT • 49
Jongleuse de mots,
exploratrice de l’inconscient
contacter.colette@gmail.com
NICOLAS QUANTIN • 53
quantinnicolas@gmail.com
OLIVIER ISSAURAT • 55
Enseignant • oissaurat@ac-creteil.fr
olivier.issaurat.free.fr
CHRYSTEL ÉGAL • 58
Artiste, écrivaine
chrystel.egal@me.com • c-egal.com
THIERRY FAGGIANELLI • 62
Poète du quotidien
thierry.faggianelli@sfr.fr
JEAN-MARC COUVÉ • 70
Écrivain, critique et illustrateur
jeanmarc.couve@gmail.com
KARINE SAUTEL • 74
Ellipse formation
karine@ellipseformationcom
ellipseformation.com
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ÉDITORIAL
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
06
ALAIN
DIOT
LD
RC
TU SERS, FEUILLE ?
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle à
l’appel de l’automne monotone, comme le dit le
poète qui se la pète, lorsque le tonnerre résonne
encore quand, dans l’éther nu, les nues éternuent.
C’est que leur vie est éphémère, même si sans
être vraiment solidaires, elles ne sont pas pour
autant solitaires, à ras de terre ou tout là haut
dans les airs. Du début du printemps, et quelque
soit le temps, à la fin de l’été, c’est ainsi qu’il en est
décidé de leur longévité. Il faut bien reconnaître
qu’elles doivent respecter la dure vérité du peu de
durée qui est attribuée à leur existence épanouie,
pourtant peu impactée par les turbulences de la
vie, à part le vent et la pluie, ou parfois quelques
ouistitis enhardis. Et on les remercie, ces serviles
amies, de protéger des regards indiscrets les nids
de nos volatiles chéris pour qu’ils puissent garder
leurs secrets, en offrant autant de fauteuils
tout doux aux écureuils tout roux qui se faufilent,
tranquilles comme Basile, et qui jubilent dans la
chlorophylle.
Bien sûr, d’année en année, tout va recommencer
et à peine sorties du bourgeon turgescent,
dans un élan presque indécent, on va les
voir déplier leurs nervures si pures et déployer
leurs robes de verdure qui nous éclate à la figure,
sans oublier de préciser le dessin sacro-saint de
leurs bordures qui leur servent de signature. Et
sous le soleil printanier, le monde entier voit ses
arbres se rhabiller dans la fierté de leurs parures
impériales bien avant les ardeurs estivales. Et
c’est ainsi que nos chers portefeuilles bien dégarnis
quand la bise fut venue se dressent alors avec
orgueil comme des millefeuilles qu’ils sont redevenus
quand mars est enfin revenu, en regardant
du coin de l’œil, si on les admire sans écueil
maintenant qu’ils ont quitté le deuil. Et le monde
un peu dénudé qui nous faisait quand même
un peu pitié se gonfle alors de fierté quand les
platanes ont la banane à vouloir péter la cabane,
quand les chênes se redressent à la chaine quand
la sève revient dans leurs veines, quand les saules
pleureurs sans arme qui avaient séché leurs
larmes vous refont le coup du charme, quand
les bouleaux montrent à nouveau les biscotos
feuillus qu’ils avaient perdus, quand les peupliers
qu’on avait un peu trop oubliés jouent les fiers à
bras avec leur grand air qu’ils voudraient d’opéra,
quand on se recueille devant les tilleuls qui derechef
redressent le chef et vous font de l’œil, et on
les passe en masse tous ces autres trompe-l’œil
qui se la joue tape-à-l’œil pendant que les pins et
les sapins font tintin parce qu’ils ne sont pas foutus,
les malins, de lâcher leurs aiguilles pointues,
ces vilaines filles, qui jamais ne les déshabillent,
hiver comme été, de peur qu’ils dégoupillent !
N’oublions pas non plus celles des feuilles
qu’on peut voir dès notre seuil, les pissenlits ou les
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ALAIN
DIOT • ÉDITO
orties, et toutes celles de la même catégorie, sans
négliger, cher.es camarades, nos magnifiques
salades qui nous offrent, parce qu’elles ont du
coffre, leurs feuilles diversifiées auxquelles on
peut se fier sans hésiter et toujours aussi craquantes
à s’en lécher les bacchantes, de la scarole
qui fait la folle, toujours aussi rock and roll, à
la laitue qui n’hésite pas à se montrer toute nue,
de la mâche qui joue les bravaches à la roquette
qui fait la coquette, de la romaine qui se promène
sans gêne au mesclun opportun pas si commun,
des épinards goguenards mais pénards au cresson
polisson mais si trognon, et pour quoi pas de
la batavia des soirs de gala à la Lollo rosa sûrement
pas mater dolorosa.
Et puis, pour finir en beauté, célébrons tous
ensemble celle qui jamais ne tremble, notre
très sainte feuille de vigne, si digne, et qui voudrait
dissimuler aux regards égrillards ces attributs
qui se situent là, au fond des falzars, mais
qui ne sauraient, paraît-il, être nus, des fois que
la vertu, grande ou petite, en devienne éperdue
parce qu’elle aurait perdu toute retenue ! Heureusement
qu’avec les vendanges, nos regards
d’ange changent le raisin en vin et que ce n’est
pas en vain qu’on va y voir de plus près, nous les
archanges, justement là où çà nous démange !!
Alain (digne) DIOT.
Octobre 2021.
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PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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ALAIN
DIOT • FOCUS
ON L’A EU BU !
On a eu les jeux olympiques sataniques chez
les nippons toujours aussi fripons, avec les premiers
de la classe et leurs médailles, comme des
vaches et leurs sonnailles, qui regardent, tout
fiers, la larme à l’œil, plein d’orgueil, ou le sourire
aux lèvres, pleins de fièvre, monter le drapeau
tout là-haut, pendant qu’on leur dégaine
à tue-tête ces rengaines apologétiques et bêtement
patriotiques qui poussent à la consommation
frénétique de barbituriques si on veut
rester conscient que derrière tous ces gens bien
contents, et même devant, il y a tous ceux qui se
font, bien au chaud, de l’argent sur leur dos. Et
puis, bien sûr, on a eu les paralympiques, quand
çà rigole ou quand çà pique, ou des gens certes
magnifiques se font la nique, niquedouille, et où
çà se dérouille la quenouille à se foutre en loque
pour se mettre dans les fouilles toutes ces breloques
de cinoque. Ça interloque !
Pendant ce temps là, pour l’oseille, à Marseille,
y’a la marijuana, la coco, l’héro, etc., qui vous font
des dégâts et les canailles qui se tiraillent à kalachnikovs
raccourcies au point que les mères de
famille marries n’osent plus que leurs petits chéris
jouent aux billes à l’envi. Mais Macron l’a dit,
le pognon n’ira plus à la corruption ! Et les spécialistes
de la récupération, inscrits depuis longtemps
sur les listes, rigolent à gorge déployée en
suivant à la piste les picaillons dorés qui font des
bonds pour finir dans les poches sans fond de
leurs pantalons pour encore se les faire en or, les
bonbons, en se foutant pas mal de la population
locale qui prend encore cher sur le bocal ! Peuchère,
on est vert !
Et on a eu aussi le Messi ! Si si ! Et à Paris ! Oui
oui ! Saint Germain, priez pour nous, pour que les
supporters qui vitupèrent, à l’endroit ou à l’envers,
s’envoient en l’air sans nous mettre l’enfer à
la sortie des vestiaires, à nous qui n’en avons rien
à faire de leur folie de malappris. Ça exaspère !
Et on aura peut-être pour toujours notre grand
amour pathétique, Zemmour le Magnifique !
Alors là, on en reste baba ! C’est qu’il roucoule,
ce maboul, accroché comme une moule à son
petit rocher de notoriété pour bavasser des billevesées
à longueur de journée, ce petit cynique
pathétique qui fait son cirque de gugusse sur les
montagnes russes, ce ridicule corpuscule avec
des bidules dans les pustules, des bulles dans les
vestibules, des tarentules dans les globules, lui
qui se dore la pilule en se prenant sans scrupule
pour Hercule ! Et Marine fait grise mine depuis
que ce guignol se fout dans ses guiboles à lui
faire danser la carmagnole, elle qui n’est pas folle
de ce genre de fariboles. Sans oublier, manque
de pot, Phillipot ou Asselineau, les rois des barjos
! Ça pourrait être rigolo s’ils ne venaient pas
nous jouer du pipeau à tirelarigot et nous casser
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LD
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les bibelots, tous ces mégalos malades du ciboulot
! On en a plein le dos ! Et maintenant que la
Baker qu’on préfère entre au Panthéon sans quitter
son pantalon, espérons que les grognons ne
lui reprocheront pas d’avoir chanté un jour : « J’ai
deux Zemmours ! ». C’est qu’en ce moment, dans
les villes et dans les bourgs, tout le monde se tire
la bourre mais çà manque sacrément d’humour !
Et puis il y a les anniversaires délétères des
violences interminables sur cette terre et s’il ne
faut pas se taire, il faudrait faire le nécessaire
pour qu’on arrête de se faire la guerre. Pas facile
puisque depuis des millénaires on dirait que c’est
ce que les hommes préfèrent ! Mais gardons bon
moral, c’est normal, et ce n’est pas l’approche
des élections, présidentielles et législatives, qui
va gâcher nos érections sexuelles et communicatives,
pas plus que les péroraisons, habituelles
et politiques, ne troubleront les orgasmes essentiels
et érotiques, de nos compagnes éruptives.
Quoiqu’il en soit, on va se vautrer dans le satin et
dans la soie et s’en donner à cœur-joie ! Na !! Et
ils ne sont pas encore nés, non de d’là, ceux qui
nous empêcheront de faire les fadas les grands
soirs de radada !
Alain (versé) DIOT
Octobre 2021.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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LES AVENTURES DE THÈCLE
Je vous présente Thècle (Terra Incognita), mon roman de Sci Fi que je couvais depuis plusieurs
années et que je me suis enfin décidé à écrire.
Je rassure tout de suite les personnes qui n’apprécient pas ce genre de littérature, Thècle, c’est aussi
une bonne dose d’humour qui frôle parfois l’absurde, de la SF qui ne se prend pas au sérieux et une
quête positive qui fait plutôt défaut à notre époque. Cette aventure peut plaire autant aux adultes
hommes et femmes qu’aux ados. Ceux qui voudraient y trouver de la violence et du sordide seront
sûrement déçus. Thècle, c’est aussi une tranche d’amitié, des sentiments amoureux, des créatures
fantasques et saugrenues, des mondes étranges et poétiques et pour finir, une énigme à résoudre…
Ce livre de 180 pages a nécessité trois années de travail et je me permets - une fois n’est pas coutume
- de le mettre en vente au tarif symbolique de 8,00 euros en lecture sous format PDF protégé par
un mot de passe. J’ai bien eu l’idée de le faire imprimer et de l’auto éditer, mais les coûts de fabrication
et d’expédition sont élevés. De plus, j’ai besoin de vos retours après lecture, pour avoir une idée de la
valeur de cet écrit (souvent, le créateur est aveugle). Peut-être qu’un jour, je pourrais avoir le luxe d’en
faire un bel objet palpable.
https://issuu.com/jattendslenumero1/docs/terra_incognita-extrait
Voici un lien vers un extrait qui vous permettra d’appréhender l’univers de Thècle, mon héroïne et de
ses compagnons de voyage et qui, je l’espère, vous donnera l’envie d’en savoir plus. Dans ce cas, merci
de me le signaler en m'envoyant un message à ivanlepretre@gmail.com pour convenir des modalités
du règlement, puis vous recevrez le PDF protégé et le mot de passe par courriel.
Ce bouquin me tient particulièrement à cœur, car il est dédié à mon père, disparu trop tôt et qui
m’avait initié à ce genre littéraire. Les bénéfices serviront – entre autre – à sa petite fille pour terminer
sa maîtrise de coréen à l’université de Paris Diderot, son grand-père aurait sûrement été très fier d’elle.
Merci d’avoir pris le temps de me lire.
Ivan Leprêtre
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FRÉDÉRIC
ADAM
COMME MARCHER PIEDS NUS...
Comme marcher les pieds nus et humides
Sur les tomettes du vestibule
L'arbre dépose à son pied les feuilles de ses lectures passées
Les lettres mortes de ses in-folio
Cet écho noue mes antichambres aux sous-bois
Il est mon marivaudage
Le feu de la Saint-Jean au dessus duquel je saute
Une moire en guise de fanal
J'y ai ma bibliothèque, mes meubles immobiles
C'est de cette orée que je recueille
L'oreille attentive de chaque arborescence
Les rectos et versos de leurs printemps
Les gazettes de leurs automnes
Ratissant la frondaison tombée
Planche de salut ou seilliée d'ombre
Pour en brocher une à une les fanes
Et relier le tout
Aux libellés d'ici-bas
Je réserve en revanche mes brouillons
À la verdure des potinières, aux feuilles de chou des ramées
Mes semis ne peuvent aller à dame
Qu'au dos de ces en-allées
Ils ne s'échenillent qu'à rebrousse-poil
Où la canopée versé sa doublure
Ce revers sensible à la taille fine
Comme l'eau d'un broc dans un vase presque vide
Un papillon futur à la fleur des rayonnages
L'effeuillement est cette page pleine à ras bords
Que je retourne
Et dont l'empennage interdit tout volte-face
Mon jardin, cette brassée de feuilles séchées
Que je laisse aux chapitres de mes herbiers
À la herse des apostilles.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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RC
DE LA BRANCHE OÙ J'ÉPIE...
De la branche où j'épie
Le monde d'en-bas, la vanité des cadastres
On me prend pour un phasme
Sensible à la brise, en équilibre sur une teinte
Je suis une acrobate, il est vrai
Mes sauts de cabri, mes pirouettes d'écureuil
Ont pourtant la retenue
De garder une main toujours en pédicule
Je guette, je guigne
Nul ne remarque ma vigilance
Mon mimétisme est parfait
La foule, mon subterfuge
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
Je sais qu'à l'automne
L'été m'ayant tanné
Je prendrai mon envol
Et laisserai le vent décider de moi
Ma vie y consultera une légèreté
Qui me servira de boussole
Elle ne tiendra qu'à la danse d'une aiguille
Dont je me piquerai d'en être la carte, la feuille détachée.
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STÉPHANE
ISSAURAT
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LILAS
LEPRÊTRE
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ALINE
HANSHAW
LE BOIS BOURILLON
C’est un bois, un trou de verdure, il est merveilleusement
situé, face à la gare, à la suite des
quartiers sud.
C’est une artère verte qui irrigue le centre ville.
C’est mon bois : le bois Bourillon.
Le bois Bourillon m’a vu grandir, j’y ai appris les
saisons, j’y ai parcouru les « trous » à bicyclette,
je l’ai longé pour aller au cours préparatoire, je
l’ai traversé pour me rendre aux courses avec
mon père.
Les turfistes arrivant par le train l’empruntaient
jusqu’à l’hippodrome, lors des grandes
courses, des tables s’y installaient, offrant
bière et frites. Certains jouaient au bonneteau,
c’est un jeu d’argent, de dupes, une escroquerie
proposée à la sauvette.
Il faut retrouver une carte choisie parmi trois,
elles vont changer plusieurs fois et rapidement
de place, la mise est gagnée si on la retrouve
et perdue dans le cas contraire. Un complice
gagne et incite ainsi les autres à tenter leur
chance. J’étais intriguée et fascinée quand ils
ouvraient leurs parapluies et y déposaient leurs
cartes. Une fois leur forfait terminé, un complice
criait : « police » alors ils s’enfuyaient en refermant
leur parapluie.
C’est un bois, un trou de verdure, il est
merveilleusement situé, face à la gare, à la suite
des quartiers sud.
C’est une artère verte qui irrigue le centre ville.
C’est mon bois : le bois Bourillon.
PHOTO : ALINE HANSHAW
Le bois Bourillon continue de m’abriter de la
chaleur, j’aime le remonter et déboucher sur la
petite pelouse au niveau du jeu de boules et de
l’ancien jeu d’arc. Une buvette fermée témoigne
d’un temps qui n’est plus et que je n’ai pas
connu.
Parfois, je prends un autre chemin, il longe
le cimetière appelé Bourillon du nom d’un
dénommé «Burillon» laboureur fortuné résidant
à Quinquempoix, propriétaire de la parcelle qui
fut rachetée au Duc d’Aumale en 1841.
Mais ce n’est pas cela qui occupe mon esprit,
je pense à mes ancêtres couchés de l’autre côté
du mur, aux frondaisons les berçant de leurs
murmures.
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YVES
LECOINTRE
LD
RC
LA CHAUDIÈRE À FEUILLES
Conséquence de la révolution iranienne de
1979, le monde entier encaissa un deuxième et
encore plus brutal choc pétrolier, renchérissant
fortement le prix de l’or noir, poussant ainsi les
états dépendants à chercher des substituts, afin
de satisfaire leurs besoins en énergie sans augmenter
la facture de leurs importations.
A cette époque correspondant à l’ère giscardienne,
tout jeune maître d’œuvre au visage encore
bourgeonnant, j’obtins la mission d’agrandir
et de réhabiliter l’habitation bourgeoise d’un
ingénieur de l’agence nationale de la valorisation
de la recherche (ANVAR), villa située dans un lotissement
original et huppé établi en pleine forêt,
dont les grandes parcelles de terrain largement
engazonnées obligeaient chaque année les propriétaires
à ramasser et à évacuer des quantités
importantes de feuilles mortes. Alors j’eus l’idée
que je partageai avec mon client intéressé, de récupérer
les dites feuilles jonchant le sol à chaque
automne, de façon à en concocter un combustible
gratuit et renouvelable, comparable à une
manne tombée du ciel.
En partant d’une feuille blanche, on dressa
alors une feuille de route en commençant par
l’établissement d’une feuille de calcul des ressources,
et établîmes qu’en moyenne un lot de
cinq mille mètres carrés normalement boisé,
pouvait sans raconter de salades par ses feuilles
de chêne collectées, assurer une température
agréable dans une habitation de cinq pièces
pour une durée de cinq mois d’hiver en Picardie.
Le principe était de récolter les feuilles, et de
les faire sécher au soleil tout en les remuant doucement
dans un silo de stockage grillagé tout en
étant largement vitré vers le sud et couvert de
feuilles de zinc. Une fois le taux de siccité requis
atteint, les feuilles devaient être broyées de façon
à être transportées au moyen d’un réseau de
tuyaux d’air comprimé. Nous avions par ailleurs
contacté un fabricant de chaudière de Fougères
qui séduit par l’idée devait mettre au point un
brûleur adapté, sensé aspirer et calciner instantanément
la poussière végétale obtenue, dont
la combustion dans le foyer chaufferait l’eau alimentant
le circuit classique des radiateurs.
Au moment de présenter le projet qui tenait
finalement sur quatre feuilles volantes, nous
tremblions mais finalement l’audience fut positive,
et la proposition avait été entendue par une
agence gouvernementale habituellement dure
de la feuille pour ce genre de programme, ainsi
un financement riche en trèfle devait être versé
à l’industriel pour la mise au point du matériel,
mais en fin de l’année 1981 les producteurs de
l’OPEP mirent fin à cette situation et l’on assista
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YVES
LECOINTRE
à une baisse spectaculaire du prix du baril, plongeant
alors dans les oubliettes tous les projets
alternatifs que la situation avait suscités, fanant
totalement nos espoirs.
Quelques années plus tard, en faisant du tri
dans de vieux magazines de mes grands-parents,
je découvris dans une revue scientifique des
années 1940 loin de la feuille de chou, un papier
sur le chauffage avec le même combustible, mais
sous forme de briquettes faites de feuilles agglomérées
et compressées au moyen d’une presse
empruntée aux imprimeurs. Je lus l’article avec
intérêt avant de le jeter dans la cheminée allumée
pour la circonstance.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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LOGOS
RALLYES
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MOTS IMPOSÉS : PERSÉVÉRANCE, FEUILLES, DÉPASSER, GÉANT, INVENTEUR.
Persévérance l’astromobile d’exploration qui
arpente le sol martien actuellement ferait
sensation si jamais il trouvait sur son chemin
une trace de feuille de pistachier, dépassant
ainsi les espoirs les plus insensés des
scientifiques. Ce serait un véritable pas de
géant dans la recherche planétaire et
une fabuleuse récompense pour tous ces
inventeurs ayant la tête dans les étoiles.
YVES LECOINTRE
Je fus récompensé de ma persévérance :
après avoir reçu mon millième trèfle à
quatre feuilles, elle accepta de boire un
verre avec moi.
Pour me montrer qu'elle était sérieuse,
elle découpa l'étiquette de mon T-shirt qui
dépassait. "A la cafétéria du Géant Casino,
Raoul. Tu auras 15 minutes pour me prouver
que tu as un esprit inventeur".
RAOUL HARIVOIE
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
À chaque printemps, je numérote avec persévérance
toutes les feuilles de mes arbres.
C'est un gros boulot. Je fais ça au pochoir,
sans dépasser, avec une peinture en bombe.
Le modèle géant, c'est plus pratique. En
tous cas, l'automne c'est simple. Pour les
ramasser, il suffit de les prendre dans l'ordre.
L'inventeur de la méthode, il l'applique à son
bonzaï. Moi, j'ai une forêt de chênes...
LAURENT VERNAISON
47
LOGOS
RALLYES
MOTS IMPOSÉS : PERSÉVÉRANCE, FEUILLES, DÉPASSER, GÉANT, INVENTEUR.
À force de persévérance, Eve obtint de
son compagnon d'infortune qu'il ôtât la
feuille de vigne de laquelle d'ordinaire rien
ne dépassait. Le géant barbu inventeur
du grand scénario cosmique n'avait pas
prévu cela. "C'est le bordel dès la première
semaine" soupira-t-il, "demain je reste au lit".
HILARIO PEPPIM
Mon chat à décidé de me pourrir l'existence.
Il fait preuve de toute la persévérance dont
il est capable. Il commence par déchiqueter
les feuilles de mon hibiscus. Puis il s'attaque
lâchement au plaid écossais sans défense
qui orne mon canapé, tire sur les fils qui
dépassent jusqu'à la rupture. Il organise ensuite
un rallye géant, saute sur toute surface
supérieure à cinq centimètres carrés, provoque
la chute d'objets friables avec un sens
certain de la dramaturgie de fin du monde
et de la musique concrète. Enfin calme, sous
couvert de ronronner sur mes genoux, il
se pose en inventeur d'une nouvelle forme
d'acupuncture, dont le résultat est de me
coller illico une crise d'asthme.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
JEAN-MICHEL BAUDOUIN
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LOGOS
RALLYES
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MOTS IMPOSÉS : PERSÉVÉRANCE, FEUILLES, DÉPASSER, GÉANT, INVENTEUR.
J’ai été conçue par un couple d’inventeurs
d’humains malgré eux. Bipède miniature, je les
voyais tel des géants, dépassant mon champ de
perception. Persévérance n’était pas dans notre
généalogie, j’ai donc été nourrie au Roundup,
faisant pousser des feuilles plus nombreuses que
les stylos pour les noircir. Aujourd’hui, je savoure
le temps d’écrire ces pages opalines.
COLETTE LE VAILLANT
Sylvestre est garde forestier (un beau bouleau).
C’est un géant* au cœur tendre, un hêtre
sensible. Quand il voit passer un beau brin de
fille, il tremble, souvent noyé par ses émotions.
Il commence par s’élancer vers le ciel, mais
rapidement, il frêne et il fait un mélèze. Après
avoir végété pendant des jours – avec un peu de
persévérance – il arrive à dépasser ses peurs,
car il ne veut par rester saule.
Il branche la jolie donzelle pour lui conter
fleurette. Enfin, son charme agit et la jeune fille
s’éprend de sa verte tige pleine de sève et ces
deux-là vivront alors en chênaie avec un tronc
commun [quand il y a du chêne, il y a du plaisir !]
Sylvestre est un peu dur de la feuille et un peu
plié, mais attention, ce n’est pas un gland, ni un
plat âne, il parait même qu’il serait l’inventeur
de l’arbre à came… D’ailleurs, on ne l’a même
pas payer pour son apport à la civilisation !
Et pis c’est assez pour aujourd’hui.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
IVAN LEPRÊTRE
*un géant comme Sequoyah, l’inventeur du système
d’écriture Cherokee.
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COLETTE
LE VAILLANT
JAMAIS JE N'AI PU SAISIR...
Montand dans mes souvenirs,
J'ose aujourd'hui l'écrire,
Jamais je n'ai pu saisir
Ce grand mystère que
Je cherche encore à convertir :
"Les feuilles décédées se ramassent à l'appel,
Les sous venir et les regrets aussi"
Derrière cette énigme se
cache le trésor caché
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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NICOLAS
QUANTIN
LD
RC
LA FEUILLE
Une feuille sur un arbre
se balançait au gré du vent
légère souriante
flottante susurrante
amoureuse d'un brin d'herbe
qui tout en bas la regardait
L'automne un jour
décida d'être clément
et d'un coup d'Autan
détacha la chlorophylle
devenu feu et or
la porta la porta encore
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
Sinueuse descente
périlleuse chute
doux atterrissage
sur le gazon ravi
heureux présage
de l'amour d'une vie
NICOLAS QUANTIN • 29 10 2002
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PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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OLIVIER
ISSAURAT
LD
RC
CONTE D’AUTOMNE
Il venait d’arriver dans un petit village de
moyenne montagne. Disons « Bagnols sur Siagne
». L’endroit était agréable, on y trouvait
une forêt très étendue où dominait le chêne. A
l’époque, disons une sorte de Middle Age situé
entre un devenir où le monde accélère le rythme
et un passé dans lequel régnait l’immobilisme.
Immobilisme dont on trouve encore la trace, notamment
dans ces villages éloignés des grandes
bourgades. Mais revenons à notre homme. Appelons-le
Machin… je sens que ça ne vous plaît pas.
Va pour Autophage. Donc Autophage débarque
de la charrette. Il a voyagé par voie d’eau jusqu’à
Mycène, la cité du Trémagnon. Je reconnais que
tout ça n’est pas très crédible, mais qu’importe, le
titre « Conte d’automne » aurait dû vous mettre la
puce à l’oreille.
Sur la place du village, on peut louer une
chambre. Bouteffrige, le charretier, l’a dit et Autophage
n’en a pas douté. Il fait retomber la
main en bronze, un heurtoir usé par le temps. Un
homme mûr, en bras de chemise et pantalon de
toile épaisse, le cheveu ras mais la barbe drue, lui
ouvre.
- C’est pour quoi ? dit-il d’un ton peu affable.
Notre voyageur s’explique, ils tombent d’accord
pour un Ducat la nuitée. Je vous sens dubitatif,
un Ducat ! pour une chambre dans une
auberge miteuse, il ne se mouche pas du coude
le paysan. Ce sont de vieux Ducat dont le poids
en argent ne vaut plus que peau de chagrin. Le
pays s’est endetté pour la guerre avec les Alamandiens
en Gascognie du nord. Le comté de
Brinducri a perdu, voilà l’explication.
L’introduction est longue et inutile mais ça
vous pose une ambiance. Voilà Autophage installé
depuis peu, il décide de se rendre en forêt. Il
a dans l’idée d’imposer une scierie d’envergure,
il s’en va donc observer la qualité du bois. Nous
sommes en été, les oiseaux gazouillent et le soleil
se glisse habilement entre les feuilles. Oh là,
du calme, je sais bien qu’il s’agit d’un conte d’automne,
patience, même à Brinducri, les saisons
alternent et se suivent les unes les autres. L’automne
ne saurait tarder à pointer le bout du nez.
D’ailleurs, il a plu la veille et un petit air vivifiant
traverse le plateau. Etes-vous satisfait ? Même
que le matin, le soleil commence à lambiner derrière
la ligne de crêtes.
Notre ami s’est installé sur une souche pour
avaler rapidement un casse-croute préparé par la
femme du loueur. Le pâté est de bonne tenue, le
fromage, une pâte à trous appelée « pâte à trous »
semble appétissante et le petit vin de pays glisse
tout seul dans le gosier. Il plonge la main dans
sa gibecière, mais se fige d’un coup. Un bruissement
attire son attention. Près de la rivière, une
belle jeune fille est accroupie. Dans le creux de
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OLIVIER
ISSAURAT
ses mains elle tente de piéger l’eau. Le peu qui
arrive à ses lèvres suffit à la désaltérer. C’est une
eau pure, au goût minéral, limpide comme le
cristal. Autophage se lève et s’approche. Il ne sait
comment faire pour ne pas l’effrayer. Le calme et
la quiétude sont tels que le moindre mouvement
pourrait la faire sursauter. Ce qui ne manque pas
d’arriver.
- Vous m’avez fait peur, je ne vous avais pas vu.
Je vous reconnais, vous êtes le voyageur.
Autophage est tellement fasciné par sa beauté
qu’il ne pense même pas à répondre. Le regard
aux reflets verts absorbe ses pensées. Mais encore
plus que son regard, c’est le sentiment de
tristesse qui émane de ce visage fin et doux qui
intrigue Autophage.
- Je vous ai parlé, monsieur dont je ne connais
pas le nom !
Notre homme se présente, propose maladroitement
de partager son casse-croute au pâté ou
bien un petit coup de rouge.
- Je n’ai pas le cœur à manger et puis vous êtes
un inconnu et les inconnus il faut s’en méfier.
Et la voilà qui part en courant comme si le
diable en personne venait d’apparaître. Autophage
la cherche au village pendant plusieurs
semaines et point ne la trouve. Etrange n’est-ce
pas ? Qui peut bien cacher cette beauté énigmatique
à la chevelure d’ange et au corps si parfait
que l’œil malheureux ne peut que la dénuder. Et
l’imaginer, et ainsi fabriquer la rêverie de la nuit,
pour de tendres ébats. Que diantre ! Car l’homme
est ainsi fait, que l’image l’emporte sur le raisonnement.
Enfin arrive l’automne tant attendu. A cause du
titre du conte, pas tant par les habitants du comté.
Pour eux, l’automne n’est qu’entassement de
feuilles, humidité et feu dans la cheminée. Ce qui
impose des corvées de bois trop nombreuses.
Seuls points positifs, les champignons et les marrons.
Notre ami est en bonne voie pour l’installation
de sa scierie, les machines automatisées
par roues à aubes interposées ont commencé
leur ouvrage. Il s’agit là d’essais, mais ils sont prometteurs.
Depuis, une bonne partie de la forêt
lui appartient. Bien souvent il y fait une promenade
espérant croiser à nouveau cette nymphe
magnifique qui enchante les yeux mais remplit
le cœur d’une langueur monotone.
La petite clairière est devenue lieu de villégiature.
Autophage prend le temps de rêver tout en
se restaurant. Dans sa gibecière, toujours il emporte
une petite brioche et un pot de confiture à
la framboise, juste au cas où. Il a compris que le
pâté pour appâter les belles n’est guère le mets le
plus adéquat. La bouche au goulot, il s’emplit le
gosier et la bedaine par la même occasion. Les oiseaux
sont au rendez-vous ainsi qu’un lapin dont
un lointain cousin a fini dans le pâté du cassecroute.
Autophage s’étrangle, le vin lui sort par les
trous du nez, il tousse recrachant le liquide rougeâtre
qui lui brûle la trachée artère. La chose
a fait fausse route, cela ne fait aucun doute. La
cause me direz-vous ? Répondre à cette question
serait un affront, vous l’avez deviné j’espère.
Près de la rivière, sur la berge, la jeune nymphe
est de retour. La voici qui ôte sa longue tunique
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LD
RC
bleutée. Sa nudité d’une blancheur d’albâtre
donne l’impression étrange d’illuminer le sousbois.
La voici qui s’allonge sur un tapis de mousse
d’un vert empire. Elle expose sa nudité sans
l’ombre d’une retenue, dévoilant sa toison pubienne
et de petits seins fermes et pointus. Je
préfère arrêter là la description de peur de passer
pour impudique. Le reste de la scène, je le garde
pour moi. Mais revenons à sire Autophage qui
n’en perd pas une miette. Il n’ose faire le moindre
mouvement de peur d’effrayer la belle et de devoir
attendre la jeune femme jusqu’au retour de
l’été.
Mais voici que les feuilles d’automne tombent
comme pluie d’orage et en moins de temps qu’il
n’en faut pour l’écrire, la fille est recouverte de
feuilles mortes. Notre ami se lève discrètement,
approche à pas feutrés. Malheureusement, une
branche sèche comme une trique casse sous son
pied. Elle fait l’effet d’une détonation dans cette
quiétude absolue. Vite, notre homme rejoint le
tas d’humus, jette les feuilles par-dessus l’épaule
jusqu’à faire un tas équivalent derrière lui. Rien,
pas l’ombre d’une donzelle. La belle a disparu. Il
croit avoir mal calculé, que l’azimut choisi n’est
pas le bon, un repère peut vite passer pour un
autre lorsqu’on est distrait par les filles dans le
plus simple appareil. Il tente sa chance à plusieurs
endroits en suivant la rivière. Pas plus de
nymphe que de beurre en broche. Je sais, la comparaison
est osée.
Les années passent, plus aucune apparition !
Que ce soit dans la clairière, où les lapins à pâté
logent, ni, près de la rivière où les truites à embrocher
godillent de la queue. Il en est des feuilles
d’automne comme de la misère du monde, elles
recouvrent le désir et la joie pour en faire une
pauvre idée oubliée. S’agissait-il d’un rêve ? Pas
le moins. D’une apparition divine ? Encore moins.
D’un corps maltraité et jeté après avoir servi ?
Malheureusement vous approchez de la vérité.
Je voudrais que jamais on n’ait à écrire de telles
histoires, elles ne font que creuser la conscience
pour y enterrer l’amour.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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CHRYSTEL
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THIERRY
FAGGIANELLI
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BRÈVE DE TROTTOIR
Il était une fois trois balayeurs : Martial, Monsieur
Hocine et Aminata. Leur métier consiste à embellir
nos paysages, à les débarrasser du surplus
organique et végétal de la rue. Leur job: racler
l’écume des nuits, procéder à la mise
à jour des trottoirs. Nous sommes aux
portes de l’automne. Les feuilles des arbres
tombent en escadrille. Elles marquent leur
désapprobation avant l’arrivée du froid
imminente. Surtout après un été si peu glamour.
Ils appartiennent à la Brigade des Feuilles de
la Grande Ceinture. Ils se retrouvent là, chaque
matin sur ce morceau de bitume prisé des
connaisseurs.
Le large trottoir est bordé de jolis arbres,
d’érables, de cerisiers du Japon et même d’un
ou deux platanes. Tout autour, des demeures
à la fois élégantes et discrètes, de style et d’architecture
différents. Les populations non plus
n’ont rien d’homogène. Et alors. On peut trouver
toutes sortes de gens qui y vivent en bonne entente,
quitte à déjouer les pronostics populistes.
Aminata fait passer le thermos de café chaud à
monsieur Hocine qui décline. Il n’aime pas l’eau
chaude. Martial lui enlève des mains et boit pour
se réchauffer et se donner du courage. Il le rend
à Amin’. Sourires.
Ils échangent des banalités sur la famille, le
temps, la négligence des riverains. Il y a des
années, monsieur Hocine rappelle qu’il a trouvé
au pied d’un immeuble une baignoire émaillée
ancienne avec des robinets en or massif au
milieu des gravats. Un enfant de Neuilly dormait
encore à l’intérieur. On raconte que c’était un des
fils naturels de Monsieur Sarkozy. Du buzz, oui.
Chacun des trois est content d’être là. La rue est
cruelle mais généreuse. On y trouve des trésors.
Dans certaines bennes, camouflé sous la répugnante
ordure, c’est connu, il y a l’or.
Chaque rue porte, gravée dans le bitume, une
part de l’histoire des hommes, de leur chevauchée
vers le chaos. Organisé et propre, bien sûr le
chaos. Le portable d’Aminata sonne. Elle avertit
ses comparses que leur chef d’équipe ne serait
là qu’en fin de matinée. Ils n’ont pas à se presser.
Là, ils décident, je ne sais plus qui en a l’idée, de
raconter chacun une histoire.
Martial hésite à se lancer. Il a bien eu vent d’un
récit. Il ne peut garantir qu’il est vrai. Il le tient de
son cousin qui fait le planton devant un commissariat
du quartier. Celui-ci lui a lâché d’une voix
monocorde au cours d’un dîner arrosé :
« Il devait être minuit, dans la guérite, j’avais
du mal à rester éveillé. Un individu caucasien,
bien habillé s’est présenté à moi pour faire une
déposition. Il portait un chien de race… canine
dans les bras. » Un type affolé et nerveux qu’il a
placé d’emblée au rang des victimes, précise-t-il
à Martial en connaisseur. « Le gars voulait nous signaler
un phénomène assez curieux qui était advenu.
Il allait faire ses besoins à son chien comme
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FAGGIANELLI
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
tous les soirs, avenue du Périscope. Le quartier
était très calme. A 22 heures précises alors que
son setter -il se rappelle c’était un setter- reniflait
un réverbère, il entend un bruit énorme et inhabituel.
Il se retourne. Il voit une chose fumante, de
la taille d’un fauteuil club venir s'encastrer dans
le trottoir à peine à un mètre à peine de lui. Un
astéroïde certainement !
Hocine, appuyée contre le balai se frotte
le menton, incrédule. Aminata fait claquer sa
langue. Elle regarde, inquiète, de tous côtés.
Martial reprend son récit :
« Fichée dans le trottoir, la pierre météorique
était entourée d’un nuage de fumée, dense, très
noire. » Il regarde, gêné, Aminata. « Elle rougeoyait
encore de son voyage dans l’espace. Mais ce n’est
pas tout. Après un coup de vent dantesque, l’individu
s’est retrouvé projeté au sol. Et là, toutes les
feuilles mortes de la rue se soulèvent d’un coup
et remontent toutes seules dans les arbres, en
ordre dispersé. Elles se recollent aux branches,
une par une, comme si de rien n’était. »
Mon cousin me certifie que le type l’a fixé au
moins une minute, l’air hagard. Et puis, il a voulu
savoir si dans la police, ils étaient déjà au courant.
Non, il lui répond que jusque-là, rien n’a filtré.
L’autre l’attrape alors par le col : « Vous imaginez,
vous monsieur l’agent ? Plus une seule feuille par
terre. En octobre. Plus une seule trace de l’astéroïde
non plus. Rien. À peine une petite bosse sur
le trottoir. Je deviens dingue. »
Mon cousin, lui offre un coca qu’il accepte. Il
l’informe qu’il peut faire une main courante au
commissariat, au moins une déposition. Ça le
soulagerait. L’autre décline. Le chien qu’il porte
dans les bras comme un nourrisson doit commençait
à lui peser. Il veut juste oublier ça. Au
nom des habitants du quartier, mon cousin le
remercie d’être resté vigilant. Et que s’il y avait
plus de gens comme lui, bla-bla-bla... Un peu par
politesse, il lui promet d’aller faire un tour voir
si de son côté, il remarquait quelque chose. Le
Monsieur parait satisfait. Et puis mon cousin oublie
cette histoire jusqu’au troisième dimanche
pendant les vacances scolaires. Sur les lieux,
il furète un peu sans rien repérer d’anormal.
Ce devait être l’invention d’un type sans histoire
qui aimait s’en créer. Il va partir mais sa chérie
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LD
RC
se met à hurler en pointant le ciel. Elle a remarqué,
elle, que les toutes les feuilles de la rue –
toutes - sont à l’envers, du mauvais côté. Que les
tiges censées les relier aux arbres pendent vers le
bas. Mais regarde ! »
- Tu comprends, pour elle, c’est inadmissible !
- C’est du X-files ton truc dit monsieur Hocine,
fasciné.
- Ce n’est pas très écologique ajoute Aminata
Martial conclut. « Mon cousin a tout de suite
appelé une voiture de police pour faire constater.
Le temps qu’ils soient sur place avec les sirènes,
toutes les feuilles étaient tombées. Fin de l’histoire.
»
On sent une pointe de déception dans sa voix.
On le comprend. Tout ça pour ça !
Aminata prend la parole à son tour. Il est temps
pour elle de faire ses preuves, c’est la dernière entrée
dans la brigade. Elle fait quelques pas sur le
trottoir, balai en main, avec une grâce qu’on ne
soupçonne pas.
« C’est mon oncle sénégalais. Il est jardinier
pour la Samaritaine. Il m’a confié ça quand il nettoyait
ses outils. Cette prédiction, il la tient d’un
chamane du Mali qui lit l’avenir dans les pétioles. Il
m’a confié qu’en 2050, étant donné tout ce qu’on
connaît, chaque arbre devrait, pour survivre, trouver
un sponsor. Oui Martial. Comme un sportif
de haut niveau ou un footballeur. Les grandes
marques, d’après ce qu’il « voyait » avaient obtenu
de pouvoir baisser leurs impôts si elles sponsorisaient
une forêt, un massif ou même un bosquet.
- Pas idiot dit Hocine. Pourquoi pas une vache
avec un gros Mac Do sur la panse ?
- Faut pas pousser ! Grogne Martial.
Aminata ne se laisse pas démonter. Elle poursuit
:
« Imagine. Chaque société du CAC 40, dès
qu’un espace vert est sponsorisé doit inscrire
son logo sur les feuilles. Pour cela, ils utilisent des
drones avec des diffuseurs d’encres naturelles
à base de pigments et de fleurs écrasées. Voir
toute une forêt logotypée Dior ou Gucci, faut admettre
que c’est assez stylé. Du coup les urbains,
les métrosexuels majoritairement blancs si vous
voulez - ils sont de plus en plus nombreux en
2050 - reprennent goût à la randonnée à pied.
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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THIERRY
FAGGIANELLI
La flore, la faune leur redeviennent familiers
comme le rayon beauté à Monoprix. Chacun peut
s’extasier à nouveau sur la « nature », même si cet
attachement est superficiel. J’imagine bien sur
de jolis chênes massifs portant sur chacun de
leur gland la signature discrète de Roblot, fabricant
de cercueils et d’urnes de très haut de
gamme ! Hocine pouffe.
« Dans sa prédiction, il voit des millions de
feuilles de platanes réquisitionnés pour vanter les
mérites de la sécurité routière… poursuit Aminata
Il ajoute que Pôle Emploi sponsorise des forêts
de bouleau, très rares, dans laquelle les gens aiment
à se promener pour se rappeler le temps
du plein emploi. Et puis sur la feuille qui couvre le
sexe et la poitrine des statues, ou sur les feuilles
de vignes, Facebook a apposé son joli logo bleu et
blanc. Enfin sur les feuilles des fruitiers, la pomme
mordue d’Apple fait son petit effet, même auprès
des vers. Partout, on encourage la cohabitation
des hommes et des espaces verts. On imprime
des journaux sur des feuilles de choux. Une maison
d’édition estampille des millions de feuilles
mortes avec le sigle Gallimard pour une réédition
de l’œuvre de Prévert. Il ajoute qu’avec l’euphorie,
tout cela a fonctionné quelques années. Mais avec
la déforestation et le ramassage sauvage, la crise
est revenue. Certaines marques indisposaient les
consommateurs. Quel arbre voulait d’un sponsoring
de tronçonneuses ou d’une marque de papier
toilette ? N’était-ce pas indécent de voir Nike
partout dans le bois de Boulogne ?
Mon oncle, qui avait pas mal bu, m’a assuré
en postillonnant que l’on n’autorisait plus qu'un
seul arbre par famille et seulement sur autorisation
médicale. Puis, par lâcheté, on abandonna
les végétaux et les hommes furent invités à vivre
ailleurs, sur une autre planète.Voilà. La lune étant
occupée, on alla sur Mars.
- Je n’en sais pas plus. Tonton s’est endormi
sur sa bouteille de whisky.
Aminata réalise qu’elle a un peu cassé l’ambiance.
Les trois travailleurs du trottoir restent un long
moment sans piper mot.
- C’est ça. Un coup de Mars et ça repart conclut
Martial.
Monsieur Hocine se dit que c’est à son tour de
briller. Il se la joue modeste. Il commence d’une
voix suave :
« Je tiens ce récit d’un bon ami à moi qui est
maître soufi. Je me lance. Il m’a conté l’histoire
de cette femme, qui est suivie par un nuage de
feuilles mortes. Vous la connaissez ? Non, c’est
bien. Où qu’elle aille, il y a cette traîne végétale
derrière elle : au bureau, chez elle, quand elle va
faire son jogging…
- Aux toilettes aussi ? S’amuse Martial
- Partout. Mais attention. C’est une traîne sonore
et délicate de quelques mètres, tressée de
milliers de feuilles de couleurs et de nature différente.
Poétique, pas grotesque. » Martial est un
peu gêné, il reprend.
« Cette fille, Martial, on la nomme la Reine des
Feuilles. Aminata se la représente très bien, avec
ses propres traits.
Personne n’ose la suivre de peur de piétiner sa
robe végétale. Monsieur Hocine prend une expression
menaçante.
Car malgré leur légèreté, les feuilles qu’elle
porte sont très farouches. Par moment, elles font
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LD
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un tel vacarme, qu’on ne peut entendre sa voix,
pourtant suave et claire comme le cristal. Et le
soir, allongée nue dans sa couche, elle ne peut
empêcher une limbe ou un pétiole clandestin,
de s’enivrer, grisé par le parfum capiteux de sa
crinière et de sa mousse rousse.
- Ola, Hocine, tu pousses le bouchon dit Aminata
un peu excitée
« - Tous les deux, vous croyez que j’exagère ?
Mon ami soufi me jure qu’il l’a vue de ses yeux,
cette beauté, en vrai, lors d’une méditation en
forêt profonde. Un cortège de lapins sauvages
gambadait dans son sillage. Vie de ma mère !
Abusée par les hommes, jalousée par les femmes,
elle ne pouvait trouver le repos et s’apprêtait à en
finir avec la vie. Car elle avait, dit-on, commis un
sacrilège. Un coup de foudre de jeunesse pour un
faune, plus hermaphrodite que méchant, qu’elle
avait sauvé d’une meute de chasseurs avinés et
obscènes, en le cachant puis en l’aimant, avait
scellé son destin. C’est pour punir cette union
contre nature que les dieux lui avaient infligé
ce cortège de feuilles. » A ce moment, une camion-poubelle
passe à côté d’eux, plein de bruit,
de fureur et d’odeurs. Professionnels, ils font mine
de s’activer avec leur balai, l’air détaché, l’œil
torve. Aussitôt parti, monsieur Hocine reprend :
« OK, j’abrège. Notre Reine des feuilles change
d’avis. Finies les idées noires ! Sur les conseils
d’une amie, fabricante de philtres dans le neuf
trois, elle a l’idée de s’inscrire à la Star Academy
ou un truc du genre. Là, vous imaginez : succès
immédiat. Le public est en transe d’autant que
les feuilles amplifient ses trémoussements lascifs
du bassin.Les amis, à côté Shakira, c’est du pipi
de chameau ! Mais il y a un hic. Dans le jury, un
type vaniteux, réticent au côté vegan de son numéro,
fait obstacle. Un beau gosse pourtant. Il
s’apprête à lui donner une note négative. Il boude
sa joie, le con ! Et là, sous l’œil des caméras, il est
attaqué par un commando de feuilles mortes qui
viennent se coller sur sa face de bébé trop gâté
par la vie.
Hocine s’adresse à Martial : - Walou, comme
sur la pochette de l’homme à la tête de chou de
Gainsbourg. Il reprend :
« Le public hurle. Les autres membres du jury
font des mimiques débiles et des jetés de sour-
PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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THIERRY
FAGGIANELLI
cils en gros plan. Le bellâtre étouffe. Peut-être,
il va crever et pas que les scores d’audience. Et
là, notre princesse intervient. Elle tire le mec en
coulisse devant tout le monde et lui pratique un
bouche-à-bouche de la mort. Elle sauve l’autre
bâtard d’une asphyxie certaine. Dans le public,
des fans pleurent et crient « je t’aime » probablement
pour qu’elle revienne. Le standard explose.
Le beau gosse du jury se réveille, avec la princesse
à califourchon sur son ventre, qui s’agite
pour lui remplir les poumons d’air frais et pur. Il
se dit sans la connaître que c’est la femme de sa
vie. Malgré son look New-Age, le type du jury est
catholique pratiquant. Il la demande en mariage.
Direct. Elle est très émue. Elle hésite, non qu’il
soit irlandais, mais à cause du nom : O’Connar.
Elle imagine même pas les commentaires négatifs
sur Insta. Enfin, on ne rencontre pas son
p.c ( prince charmant) tous les jours. Elle quitte sa
hutte pour rejoindre l’Irlande avec lui. Il y possède
plusieurs forêts, une tourbe et un authentique
Irish pub. Et même une fabrique de poneys. Il la
présente à ses parents, dont elle ne parvient pas
à décoder l’accent. Ils publient les bans, afin que
le prêtre O’Garo célèbre leur union.
J’ai bientôt fini les enfants. Dans la chapelle
bondée de Wedding Peruwelz, une voix s’élève
lorsque le prêtre demande si quelqu’un s’oppose
à ce mariage. C’est un druide en auto-entreprise.
Il prétend que la future mariée s’est accouplée -
au moins une fois - avec un arbre hermaphrodite.
D’où les feuilles ! Il s’avère que cela contrarie les
principes de la Sainte Eglise. Le prêtre est désolé.
Bien qu’émoustillé et progressiste, il ne peut
bénir cette union. Ils décident sur une impulsion
(les coups de tête sont interdits par la convention
de Genève) d’aller convoler à San Francisco où les
esprits sont plus ouverts en matière de mœurs et
où O’Connar, possède un bar à strip-tease. Vue la
distance, il renonce au canoé et loue un jet pour
le transport spécial feuilles. Banco ! A peine arrivée,
notre Reine fait sensation au cabaret dans
un numéro d’effeuillage intégral qui inclut le recyclage
et le compost. Depuis, elle s’est présentée
à la mairie comme candidate verte la plus
sexy de Californie.
Et voilà. J’espère que ça vous a plu. Emu, il fait
rougeoyer sa cigarette électronique. Je finis ma
clope et je vous laisse les amis.
Martial est bluffé. Aminata est rêveuse. Elle
se dit que balayeur, c’est surement le plus beau
métier du monde. Comme s’ils avaient compris,
les deux autres lui sourient et opinent. Le soleil
s’est levé franc, sincère. Il éclaire leurs visages qui
portent encore les faux plis de la nuit.
Leurs silhouettes allongées dansent sur le
trottoir.
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PHOTO : STÉPHANE ISSAURAT
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JEAN-MARC
COUVÉ
LES FEUILLES D’AR...BRRR !
On peut bien effeuiller
les feuillées,
ou, Efeu * endeuillé,
se fouiller,
FEUILLE DE ROUTE POUR UNE FOURMI
narrer en feuilleton
fort feuillu
la romance en deux thonstrois
merlus.
DU CHAMP' ÊTRE
* lierre, dans la langue de Goethe
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On peut aussi, petit,
s’essayer
à rimer la feuille et
l’ouistiti.
OÙ VAIS-JE, ÉTALE ?
Croire, dur de la feuille,
étendu,
renifler tel cerfeuil
quêtant dû…
MÛRIER-PLATANE : ARBRE À COGNAC
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JEAN-MARC
COUVÉ
LES FEUILLES D’AR...BRRR !
Feuillantine ou Feuillade
feuilletés,
après bars, bocks, grillades
de l’été…
LUXURE Y HANTE ?
Faut se rendre, à l’automne,
en forêt,
qui de couleurs festonne
nos mirettes ;
PALMIER INDIGENT DU JARDIN NORMAND
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faut se faire à l’idée
que ces feuilles
meurent pour élider
un cerf – qu’œil
observe, éberlué,
mille feuilles
aux teintes diluées
d’avant neuille.
UN SEUL ARBRE VOUS MANQUE,
ET TOUT EST DÉFORESTÉ !
Oui, on peut F. Œillet
l’an fuyard,
comme on fait son deuil, et,
gît Bayart [bis : j’y bâille – art] ?
J-M COUVÉ • SEPTEMBRE 2021
EN SOUVENIR DU DER ZOO !
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4 e TRIMESTRE 2021 - FEUILLES
PHOTO : MARIE EDERY