J'attends le numéro-65

LD
RC
J’attends
le numéro 65
1 er TRIMESTRE 2022 • SPÉCIAL GRIMACES

J’attends
le numéro 65
LD
RC

J’ATTENDS LE NUMÉRO 1
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
2011 • 2022
——
CRÉATION
Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre
DESIGN
Ivan Leprêtre
CONTACT
ivanlepretre@gmail.com
PHOTO DE COUVERTURE
Tasos Mansour - unsplash
PHOTOS 4 e DE COUVERTURE
Fred Chapotat
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Sommaire 65
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HENRIKKE - UNSPLASH
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Alain Diot•07
Maître de conférence en arts
plastiques • alaindiot2@orange.fr
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Fred Chapotat•13
Photographe
fredchapotat@orange.fr
fredchapotat.com
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Olivier Issaurat•21
Enseignant • oissaurat@ac-creteil.fr
olivier.issaurat.free.fr
——
Bixente Caballero•28
Épicurien
locotwister@gmail.com
——
Éric Rabbin•34
Capitaine de vaisseau grammatical
devie.celine@neuf.fr
——
Frédéric Adam•37
Poète • frederic_adam@hotmail.fr
Ivan Leprêtre•41
Directeur de création
ivanlepretre@gmail.com
https://ivanlepretre.com/
——
Yves Lecointre•49
Érudit • yves.lecointre@gmail.com
——
Raoul Harivoie•51
Poète • raoul.harivoie@laposte.net
——
Laurent Vernaison•52
Épicurien - lvernaison@wanadoo.fr
——
Alain Créhange•55
Écrivain
alain.crehange.pagesperso-orange.fr
——
Yves Niquil•56
Ingénieur, chef de chœur, écrivain
yves.niquil@gmail.com
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Éditorial 65
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ARTEM BELIAIKIN - UNSPLASH
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AlainDiot
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FACE À FARCE !
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Evidemment, quand on pense à la grimace,
en première place, on suppose, perspicace, que
s’impose une pratique ludique des zygomatiques
pour que çà le fasse, face à face, dans les
mimiques. Mais çà se complique parce que, lubriques
ou sataniques, c’est automatique, ils
savent faire la nique à n’importe qui quand il
s’agit de jouer aux surdoués de la gymnastique
faciale, que ce soit dans le comique brutal ou le
tragique fatal. Et quand on pense avec rigueur
aux buccinateurs, çà commence à faire peur
lorsque les corrugateurs, les élévateurs et les releveurs,
et même, quelle gageure, les abaisseurs
ou les dilatateurs se fédèrent pour produire une
laideur à faire battre de stupeur le cœur de vos
sœurs à mille à l’heure ou à vous faire rire, vous,
les tristes sires, jusqu’à vous fendre la tirelire
en chœur, pour le pire ou pour le meilleur. Et
comme vous séduire jusqu’au délire ne suffit pas
à leur bonheur de phénomènes anxiogènes ou
de souveraines turlutaines, ils convoquent illico
ces vieux cinoques de transversaux qui s’accouplent
avec les pyramidaux, les temporaux et
les frontaux pour vous mettre en déroute sans
aucun doute ou, quoi qu’il en coûte, vous faire rigoler
à satiété, de la tête jusqu’aux pieds. Et si çà
n’est toujours pas çà, pas de tracas, ils leur restent
les auriculaires et les orbiculaires, avec les masséters,
pour vous satisfaire sans trop s’en faire ou,
au contraire, pour vous déplaire, vous mettre à
la renverse avec les transverses ou vous offrir un
bonus avec les risorius ou les procérus. Et en plus,
vous aurez toutes les audaces jusqu’au collapsus
et toutes les astuces cocasses des rictus qui vont
vous hypnotiser comme des bécasses hébétées
au sortir des fourrés.
C’est vrai qu’il est difficile de croire que, pour
se fendre la poire, il faut tant d’efforts jubilatoires
pour la rendre rubiconde ou pudibonde ou que
pour qu’elle devienne marante ou effrayante,
il soit nécessaire de faire se conjuguer tous ces
muscles dédiés pour vous dilater la rate qui éclate
ou vous calmer le palpitant qui n’en demande
pas tant. Est-ce vraiment navrant ou sûrement
désopilant ?
Mais les grimaces, lorsqu’elles s’amassent, à
Paris ou à Annemasse, il se pourrait qu’elles nous
encrassent, ces malines jouvencelles qui nous
embarrassent, même si elles se décarcassent
pour devenir de plus en plus belles. Diantre,
c’est qu’elles sont coriaces avec leurs carcasses
de polichinelle et qu’elles ne manquent pas de
ressource dans leur palace, ces tourterelles pugnaces
comme des rapaces, voraces comme des
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AlainDiot
rascasses et sacrément tenaces de la calebasse.
Mais, sans chercher à vous faire des crasses, elles
peuvent être tout autant bonasses, jusque, parfois,
à en être un peu fadasses, voire mollasses,
alors qu’en voulant être vivaces, elles savent se
montrer sagaces avec cette classe qui leur évitent
de tomber dans la bouillasse, pour ne pas dire
dans quelque infâme ragougnasse salace qui ne
vous dépasserait qu’à grand peine la godasse ou
la poulaine. C’est à vous fendre la cuirasse qu’elles
sont les plus efficaces et que celle ou celui qui,
en se regardant dans la glace, ne s’est pas permis
parfois quelques essais fugaces, ne serait-ce que
pour briser un peu la carapace, vienne à cette
place nous affirmer qu’il n’appartient pas à cette
race et qu’il n’est pas tombé dans cette impasse
alors qu’il n’ose simplement pas dire qu’il cherchait
à se faire reluire en vampire assoiffé de désir
ou en vieux satire ivre de plaisir, voire dix fois
pire, ou simplement à se fendre le carafon du sol
jusqu’au plafond ou, en rentrant le ventre à fond,
à se prendre pour Apollon. Quant à la soupe éponyme,
cette entourloupe anonyme, que, dans sa
soucoupe, elle s’abime.
Et rappelons-nous, nous les enfants de la Patrie,
que rien ne vaut le plaisir partagé des visages
ravis, illuminés par la grâce ou la beauté chéries
et que les sourires et les rires éclatés valent cent
fois mieux que des figures contorsionnées. Et
pour nous éviter de présenter des grises mines
chiffonnées, voire même des trognes renfrognées,
trinquons donc à notre éclatante santé !
Alain (con sidéré) DIOT. Janvier 2022.
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FRED CHAPOTAT
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AlainDiotFocus
TOUS A LA CAMPAGNE !
———
Pour celles et ceux dont la déréliction essentielle
serait l’élection présidentielle tant attendue,
le temps béni de la campagne éperdue est venu.
Attention, même si ce n’est que la campagne,
c’est comme la montagne, çà vous gagne ! Et
comme çà, à première vue, vu le nombre de
prétendants prévus, çà va être du nanan, les enfants
!! Et pour les candidats, les minces, les gras,
les poilus, les tondus, les pas beaux, les rigolos, il
y’a toutes sortes de jolis entrechats, on ne vous
dit que çà ! Mais pour ne pas risquer de pronostic,
visitons-les, pacifiques et reposés, par ordre
alphabétique.
Et çà commence par du costaud avec AR-
THAUD, le gros lot de L.O. où on sent que c’est
chaud de chez réchaud (La ciguë jusqu’à la lie,
Nathalie ?) et ASSELINEAU qui manie le râteau
pour ramasser les gogos (Toujours matois, François
!). Et puis y’a eu BARNIER, négociateur brèxité,
qui n’a pas nié qu’il s’était pris les pieds dans le
panier (Il l’a amer, Michel !), et frère BERTRAND,
maçon franc, qui s’en ait pris plein les dents (T’es
plus convié, Xavier !). CIOTTI, bien tapi, c’est retrouvé
à demi marri, le ouistiti (Un vrai lombric,
Eric !), avec ce cher DUPONT-AIGNAN, toujours
aussi gnangnan, l’opinel de rebelle entre les
dents (Il va être chocolat, Nicolas !). Notre bonne
HIDALGO, en bonnet d’âne de bobo pourtant, ne
voit rien venir céans (T’as pas la banane, Anne ?)
et JADOT, bricolo, ne passera pas les cols hauts de
sitôt (Y’a panique, Yannick ?), quand JUVIN qui se
croyait malin c’est bien foutu dans le pétrin (Au
casse-pipe, Philippe !). LASALLE, et son accent
qui traîne, a du mal à remplir les salles, même pyrénéennes
(Il va prendre un vent, Jean !), pendant
que LARROUTUROU, ce bijou trop chou, se la joue
à compter nos sous (Y’a de l’air dans la cafetière,
Pierre !) et que LE PEN la ramène encore obscène,
mais quand même à la peine (Tu fulmines, Marine
?). MELENCHON, avec tout l’art du cochon,
se grise dans sa remise de la France insoumise
(Chaud de la perruque, Jean-Luc !) et MONTE-
BOURG est à la bourre dans les bourgs dérisoires
de Saône et Loire (Il est penaud, Arnaud ?).
Notre gentil toutou POUTOU va prendre encore
des mauvais coups (Mal aux tripes, Philippe ?),
quand PECRESSE remue des joues, remue des
tresses pour attirer notre tendresse (Elle cavale et
rit, Valérie !) et que PHILIPPOT, facho plein pot,
nous conte, affable, des fables (Pas brillant, Florian
!). ROUSSEL, encore un peu pucelle, rajoute
son grain de sel (Pour notre bien, Fabien ?) là où
WAECHTER, gentil pépère, renaît de ses cendres
si chères (T’es idoine, Antoine ?) quand THOUY
nous fait des gouzigouzis comme à ses animaux
chéris (Tu nous promènes, Hélène !). Et pour finir
dans les lourds, y’a ZEMMOUR, balourd, qui
laboure à rebours avec ses discours de vautour
(Pathétique, Eric !) et y’a MACRON, petit patapon,
qui joue à celui qui en a dans le pantalon (Gare à
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la gamelle, Emanuel !). Et TAUBIRA qui vivra verra,
qu’est-ce qu’elle dira ? (Tu sors de ta cabane,
Christiane ?)
Et puis il y a eu une liste invraisemblable de
« divers » sur le sable, ceux du milieu, malheureux,
celles de droite, maladroites, ou de gauche,
en ébauche, et même de n’importe où ! Nous, on
s’en fout !
Il y a Marie CAU, c’est trop beau, pour la fin des
haricots, Clara EGGER, c’est pas cher, même si on
la perd, Anasse KAZIB, c’est risible, on s’en tape sur
le bide, Georges KUZMANOVIC, c’est bien chiche,
qui nous a récrit le pitch, Fabrice GRIMAL, c’est
pas banal, qui s’est donné bien du mal, Alexandre
LANGLOIS, c’est pas adroit, qui a tout fait pour
qu’on le voit, Jacline MOURAUD, c’est du boulot,
qui a visé trop haut, Antoine MARTINEZ, c’est pas
balèze, qui l’a toujours mauvaise, Jean-Frédéric
POISSON, c’est si mignon, qui s’est pris dans le
filet sans raison. Quel beau défilé, ma doué !
Ceci dit, il ne faudra pas oublier d’aller voter,
parce que çà reste une chance pour la France.
Oui, çà fait un peu dans la grandiloquence, mais
si la démocratie çà n’est pas la folie, c’est quand
même mieux que toutes les dictatures pourries.
Alain (civil) DIOT. Janvier 2022.
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FRED CHAPOTAT
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Grimace

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VIKTOR BYSTROV - UNSPLASH
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OlivierIssaurat
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LA SOUPE À LA GRIMACE
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Le visage grimace sous la fenêtre. Petit homme,
tu es réduit à pousser de tristes jouets épars.
Qu’ont-ils donc fait de si méchant pour que
le diable en personne les prive de ballon ?
Le salon encombré d’humidité et de fumée que
la pipe a déposées dans les moindres recoins,
Sent lui aussi l’odeur de chien mouillé.
Elle imprègne les idées vagabondes,
Lesquelles sont privées de sortie, rangées
au garde-à-vous, prêtes au surgissement.
Où sont ces autres avalés par le crachin
maussade ? Eux aussi, derrière leur fenêtre,
Observent les chemins que dessinent
les gouttes irrationnelles dans le reflet de soi.
À quand les jeux de garçons d’où sont exclus
les demoiselles groupées par deux ou trois.
Sur les marches de l’escalier en béton
elles bercent d’affreux poupons plastifiés.
Triste soleil pitoyable, toi aussi tu as décidé de
punir les garnements qui piétinent le gazon.
Ce mauvais bougre à la grimace hideuse
s’amuse du tour pendable qu’il vient de jouer.
Qui maintenant pour courir et sauter, danser
comme de folles girouettes, offrir de belles
roulades ?
Mais un jour, au sortir de l’enfance, tous ces jeux
devenus idiots seront balayés d’un revers de
main.
Une fille grimacera à l’idée d’une partie de foot
ou de gendarmes et voleurs.
Pire, d’un sourire, elle effacera les jours de pluie.
De ses caresses, elle ouvrira le monde,
Le dépliant à l’infini pour des promenades
alanguies oublieuses des carreaux, des gouttes
et des limaces.
Olivier Issaurat. Janvier 2022.
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OlivierIssaurat
L’homme n’était pas né ainsi. Mais lors d’un
courant d’air. Si l’on s’en tient à la version familiale,
son visage s’était crispé un jour qu’il faisait
l’andouille.
Il aimait effrayer son petit frère et sa petite
sœur. Il se cachait dans l’ombre d’un placard, ou
bien derrière une porte ou encore sous l’escalier
de la cave. Car les parents, quand ils ne trouvaient
pas l’aîné, envoyaient les petits chercher le charbon.
Au moment où l’un des bambins tenait le
seau, pendant que l’autre le remplissait, Jacques,
puisqu’il faut bien le nommer à un moment ou
un autre, sautait sur ses pieds, déformait son visage
en une affreuse grimace, dont lui seul avait
le secret.
Les pauvres petits seraient morts de peur s’ils
n’avaient pas pris l’habitude de la chose.
À l’âge de 12 ans, la grimace avait décidé de
prendre possession du visage et de ne l’en plus
quitter. Pile à l’entrée dans l’adolescence où l’allure
du corps devient prépondérante, sujet à
de continuelles moqueries. Voici notre pauvre
homme condamné depuis l’enfance à grimacer
en continu. Certains l’appelaient croquemitaine,
d’autres bernigot. Ce dernier sobriquet venait
d’on ne sait où, un mélange audacieux entre
l’anatife, crustacé marin appelé couramment
bernacle et l’escargot.
HUMAINE GRIMACE
———
Le temps a passé, Jacques s’est habitué aux
moqueries, puis aux regards inquiets des enfants
qui se cachent derrière leur mère. Il s’était
fait une raison et ne cherchait plus dans le milieu
médical à trouver réponse à l’inexplicable. Il avait
suffisamment côtoyé de regards perplexes pour
arrêter là ses tentatives de guérison.
Le cadre de ses sorties s’était rétréci à pas
grand-chose (avec une asymptote inversée à l’expansion
de l’univers) : sa vie sociale se réduisait à
quasiment rien, il limitait également ses sorties à
la nuit. Moqué et craint par les hommes, il avait
tenté de composer avec l’univers des animaux,
avait trouvé un emploi d’épouvantail pour un
paysan aux idées expérimentales. Insuccès total,
les oiseaux, pas du tout effrayés par sa grimace,
picoraient les semis à tire-bec. Le novateur rural
soucieux de ne pas dilapider ses revenus l’avait
congédié sans solde. Les chats, quant à eux,
venaient se glisser entre ses jambes, et d’un
miaou nettement formulé, réclamaient leur
pâtée habituelle. Seuls les chiens, créatures
veules et serviles, le stigmatisaient d’aboiements
agressifs, poussant ainsi la ladrerie jusqu’à
ressembler à leur maître.
Donc par une nuit sans lune et sans nuages
donc sans soleil aussi, mais à la lueur de la bougie,
notre homme est attiré par un article du journal
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FRED CHAPOTAT
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vantant les vertus curatives des plantes. Jusque
là rien de bien nouveau. Les plantes, il s’en était
gavé. Des soupes épaisses, des breuvages verdâtres
à la purée d’orties et j’en passe. Non, ce qui
rendait l’article insolite venait du nom de la spécialité
du thérapeute : Thérianthropiste.
« Qui ne tente rien… » dit pour lui-même
l’homme grimace. Il note le numéro de téléphone
et dès le lendemain matin, prend rendez-vous.
Je sens une question poindre dans votre esprit
et elle est légitime. L’homme a le téléphone, donc
un lieu où dormir, donc de l’argent. Alors quel
métier peut-il bien faire pour vivre dignement ?
Tout d’abord, le téléphone est un vieil appareil
acheté d’occasion sur une brocante. Il a d’ailleurs
la fâcheuse habitude de sonner tout seul pour
un oui ou pour un non. Ensuite, il vit sous pente,
dans une pièce mal chauffée où l’eau courante
ne court vraiment que jusqu’à l’étage du dessous.
Bref, il est pauvre comme Job. Mais pauvre
ne veut pas dire sans l’sou. Notre homme contribue
à l’élaboration de tartes. En boulangerie ?
Que nenni ! Il colle son affreux minois dans un
trou et mange de la tarte toute la journée. Jugez
vous-même : Des entarteurs qui paient pour l’entartage
en série lui en balancent des crémeuses
à souhait, sans se préoccuper de son appétit et
encore moins des bonnes manières. En résumé,
le Jacquot fait la tarte et la reçoit dans une foire à
la porte de Vincennes.
Êtes-vous satisfait ? Je l’espère. Mais poursuivons,
car là n’est pas l’essentiel.
Le voici au 15 de la rue des Martyrs dans le
quartier des Porcherons, là où l’on préfère éviter
d’aller à vêpres pour s’encanailler. Mais l’idée n’est
pas celle-ci. Il entre dans une bâtisse qui a oublié
d’être ravalée. À l’intérieur, il fait aussi sombre que
dans la culotte d’un zouave. Les ampoules ne
brillent que par leur absence de lumière. Il faut
avancer à l’aveugle pour enfin trouver le carabin
promis par la flèche d’indication.
L’homme est avenant. Il porte la barbichette et
de petites lunettes.
- Bonjour mon cher ami, point n’est besoin
d’en dire long, je devine ce qui vous amène et je
vous rassure de suite, vous êtes au bon endroit.
Allongez-vous sur le canapé, ça fera 100 francs.
100 francs pour un pauvre, c’est une somme.
Mais le thérapeute a l’air persuasif et dans son annonce
sur le journal du Soir, il était écrit « satisfait
ou remboursé » ! Car Jacques aime à parcourir les
annonces du Soir, mais le matin avec son bol de
café.
- Racontez-moi votre petite enfance. Depuis le
début !
Une heure plus tard, le Thérianthropiste fait
une imposition des mains et déclare « Mon ami,
vous êtes guéri ! ».
Jacques doute un peu, mais il sent son visage
moins contracté. Le thérapeute lui tend un miroir,
l’affaire est dans le sac et la grimace avec.
Notre ami remercie chaleureusement l’homme
de science, pris par un élan soudain, lui claque
même deux bises.
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PHOTO BOARDS - UNSPLASH
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FRED CHAPOTAT
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OlivierIssaurat
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- Point trop n’en faut, restons en à des relations
strictement professionnelles. D’ailleurs puisqu’on
en parle, donnez-moi mes 100 francs.
Jacques est trop heureux. Une hésitation le
prend en franchissant le seuil de l’immeuble.
Dix minutes lui sont nécessaires avant d’oser un
pas. Il se lance. Une petite fille tient la main de sa
maman. Premier test. Il est anxieux, se crispe et
craint le retour de la grimace tant redoutée. Rien,
ni grimace, ni petite fille en pleurs. Il est heureux.
Le premier jour se passe bien, sauf qu’il perd son
travail à la tarte. Mais il est satisfait. C’est le deuxième
jour qu’il commence à avoir des doutes. En
effet, plus personne n’a peur, mais plus personne
ne fait attention à lui. Lorsqu’il entre au bureau
des P&T pour envoyer une énième demande
d’emploi, les gens lui passent devant. Le postier
s’adresse à la dame derrière lui et l’ignore ostensiblement.
Pour en avoir le cœur net, il traverse en
dehors des clous sous le nez d’un gardien de la
paix et il lui fait même un pied de nez. Il est devenu
transparent. La boulangère ne s’intéresse à lui
que lorsque tous les autres sont servis, et sans lui
adresser la parole lui vend un pain de campagne.
Lui qui n’apprécie que la baguette !
Le manège dure plusieurs semaines, au point
que notre homme ne sort plus de chez lui. Même
pas la nuit. Les chats n’ont que faire des boîtes de
pâtée, les oiseaux continuent à l’ignorer et même
les chiens. Un soir, il emprunte les quais, prêt à se
foutre à l’eau. Soudain une idée lui vient : redevenir
comme avant.
Le thérianthropiste est étonné par la demande,
mais pour 100 francs de plus, il rétablit ce qu’il
a détricoté. Depuis, notre homme est heureux
à la foire d’Empoigne où il a retrouvé son métier,
métier qu’il pratique avec cœur et s’amuse
même du sourire des enfants. Comme il est toujours
content, sa côte de popularité a grimpé,
on le paye double. Les soirs de bal uniquement.
Il a même fait la connaissance d’une jolie jeune
fille qui n’a qu’un défaut et c’est la raison pour laquelle
on l’appelle « la femme à barbe ! ».
Olivier Issaurat. Janvier 2022.
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BIXENTE CABALLERO - AUTOPORTRAIT
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BixenteCaballero
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C’EST QUOI
UNE GRIMACE ?
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Une grimace ? C’est quoi une grimace ?
Le rayon de soleil qui arrive dans votre œil juste au moment
où vous sortez de votre caverne pour la première fois
depuis un mois d’hibernation,
le dosage un peu trop hasardeux du piment d’Espelette
dans la réalisation fastoche du poulet basquaise
selon Jean-Guy Haute-Savoie, la réaction spontanée
face à un farfadet d’un mètre douze qui met les pouces
sur ses tempes en vous tirant la langue,
ou bien l’expression de la douleur muette et sourde
lorsque le petit orteil gauche rencontre le pied de la comtoise
de belle-maman ?
On ne contrôle souvent pas une grimace,
on se rend alors compte du nombre incroyable de muscles
que comporte notre visage.
C’est la preuve que loin des robots
qui cherchent à envahir notre quotidien,
nous restons humains et vivants !
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FredChapotat
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FredChapotat
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ÉricRabbin
LOGO-RALLYE
———
Attention, grimace, chercher, monstre, méchant, étage, perplexe,
pendule, cueillir, goût, points, évidemment, valoir, faux, pardon.
Il fallait faire très attention et grimper à l’étage
tout doucement en cherchant à faire le moins de bruit possible,
la faux à la main, un goût de fer dans la bouche.
Arrivé sur le palier, j’étais perplexe,
la porte de la chambre d’Anaïs était ouverte,
et l’on n’entendait plus le son de la mastication du monstre.
Je calais mes pas sur le tic tac de la pendule
afin de dissimuler ma progression,
mais l’obscurité évidemment me cueillit
et me fit cogner l’angle d’un buffet.
Je me mis à faire la grimace, je saignais fortement,
je m’étais pris un méchant coup sur le genou
et un gémissement s’était échappé d’entre mes dents serrées.
Je ne pensais pas aux points qu’allait me valoir cette blessure
et oubliais la douleur, car dans l’ombre,
je vis s’avancer la silhouette d’Anaïs dans sa chemise de nuit déchirée.
La tête à angle droit, elle me regardait avec avidité
affichant un sourire dément.
Je pleurais.
« Pardon » lui dis-je avant d’achever l’œuvre
du Strigoï en tranchant son magnifique cou blanc.
——
Janvier 2022
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LD
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ÉRIC RABBIN - AUTOPORTRAIT
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HAYES POTTER - UNSPLASH
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FrédéricAdam
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JE GRIMACE...
———
Je grimace aux miroirs
Par acquis de conscience
Ils me répondent
Avec l’obligeance de l’éclat
J’ai avec mes traits
Tant de prises de bec
Que les déformations que je leur impose
Font carreau pleine face
Mes chichis, mes frimes, mes pitreries
Minaudent à qui mieux mieux
Je grimpe à l’échelle de Jacob
Des contorsions, des mimiques de la grâce
Comme un pied de nez à la beauté
Je m’enlaidis exprès
Me ratatinant ou me dilatant
Faisant fi du piquant de la symétrie
Et je reviens encore
Au pied de la lumière
Faire de l’ombre
À la perfection
Une banderille que je plante
Dans le gras du dos
De la majesté de l’attrait
Voilà ma poésie, ma grimace.
——
Janvier 2022
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FrédéricAdam
L’EAU GRIMACE...
———
Dans l’âtre de la mémoire
L’eau grimace en frémissant
Le chaudron où elle se languit
L’enserre de son corset
Il l’harnache de ses brûlots, de ses raisons
Elle y murmure si faiblement
Qu’on croirait qu’elle se pelotonne
Qu’elle se blottit dans cette chaleur ouateuse
Elle y grogne simplement
D’un souvenir océan
Ou d’une nuée écrite il y a bien longtemps
Et fait la moue
Comme un credo ancien
Contre un catéchisme trop ardent, si igné
Qui la vêt de guillemets
Et lui colle un émoi
Où le trouble et la fièvre seraient
Une chaleur impropre qui la borderait de ses aumônes
Un bouillon d’onze heures dont la rumeur folle
La nouerait à la veille blanche
Des regards et des judas
Cette mimique n’a rien d’une liberté
Cette baille d’une délivrance
Elle est l’autre figure de l’oubli
Un coin laissé au libre cours des ingratitudes
Nulle eau n’y a prise
Ou alors par surprise
Seule la stupéfaction tord avec assez de justesse
L’aune, la cabosse, la submerge
Lui fait rendre ces rictus
L’ébullition est l’envol des ravines
Le pied de nez de la larme à la tristesse
Du récit au livre jamais massicoté
Ses vapeurs les pitreries de la récurrence !
——
Janvier 2022
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FRED CHAPOTAT
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KAREN LAU - UNSPLASH
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IvanLeprêtre
LD
RC
俳 句
Guenon espiègle
Elle me fait des grimaces
Me montre son cul
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Novembre 2021
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MOR SHANI - UNSPLASH
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IvanLeprêtre
LD
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LOGO-RALLYE
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Attention, grimace, chercher, monstre, méchant.
J’ai appris à Ignace,
ma limace, à faire la grimace.
Mais attention,
je ne cherche pas à l’humilier,
n’allez pas me dénoncer à L214, hein…
Je ne suis pas un monstre !
Non, c’est pour qu’elle puisse se défendre
face à un saligot d’escargot qui lui pique ses salades
et qui ne fait que baver sur son compte dans tout le jardin.
Prochaine formation pour Ignace :
« Bien maîtriser le mawashi-geri »…
Le méchant gastéropode
a intérêt à planquer ses roupettes !
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FredChapotat
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FredChapotat
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RYAN MC GUIRE - PIXABAY
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YvesLecointre
LD
RC
LOGO-RALLYE
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Attention, grimace, chercher, monstre, méchant.
Sur les réseaux sociaux
un panneau serait peut-être bien, venu :
« Attention visage dangereux »,
pour prévenir de l’apparition de têtes à clics
qui sans faire de grimaces lascives
cherchent à attirer l’attention du faux lover
pour augmenter leur présence virtuelle
au même titre que les monstres méchants
dans les contes pour enfants sages.
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Janvier 2022
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YVES LECOINTRE - AUTOPORTRAIT
49

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RYAN MC GUIRE - PIXABAY
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RaoulHarivoie
LD
RC
LOGO-RALLYE
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Attention, grimace, chercher, monstre, méchant.
- Qu’est-ce que c’est ?
- Laisse !
- « Carnet de petites attentions »
- Rends-moi mon carnet !
- Attention 84 : « Faire un concours de grimaces
pour la faire sourire quand elle est triste »
Attention 125 : « Chercher des viennoiseries
pour elle le samedi matin »...
Tu notes tout ce que tu fais pour moi ?
Tu es un monstre !
- Mon amour, ne sois pas méchante !
Ce carnet m’aide à tenir mon objectif
« Trois petites attentions par jour pour ma chérie. »
- Monstre !
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Janvier 2022
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LaurentVernaison
LOGO-RALLYE
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Attention, grimace, chercher, monstre, méchant.
Maintenant que ma chaudière est réparée
il faut que je fasse tout le temps attention
à ma consommation de gaz.
Plus le compteur tourne,
plus je fais la grimace.
C’est stressant.
Avant j’étais tranquille.
J’allais chercher mes bûches et,
au coin de mon feu, je faisais des économies.
En fait, mon plombier est un monstre calculateur.
Il a remis ma chaudière en état pour me ruiner.
En plus, ce méchant homme veut m’envoyer une facture...
Escroc !
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Janvier 2022
52

LD
RC
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FRED CHAPOTAT
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CLARD - PIXABAY
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AlainCréhange
LD
RC
LOGO-RALLYE
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Attention, grimace, chercher, monstre, méchant.
— Fais attention, mon cœur…
— Regarde, maman,
il est rigolo quand il fait la grimace…
Mais… Aïeuuuhhh !
Maman, il m’a mangé la main !
— Ça, tu l’as un peu cherché, mon cœur.
Il ne fallait pas essayer de caresser ce monstre…
— Aîouillouillouille !! Ça fait mal !!…
— Tu n’avais pas vu le panneau
« Binturong méchant » ?
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Janvier 2022
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YvesNiquil
FABLES-EXPRESS
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Morgane, l’épouse du prince,
Est cachée à la populace.
Pourquoi donc, alors qu’il en pince ?
C’est à cause de ses grimaces.
Moralité : Morgane a tics.
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Janvier 2022
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LD
RC
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FRED CHAPOTAT
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FRED CHAPOTAT
LD
RC