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J'attends le numéro 67

Laboratoire de recherches créatives

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[BRUNO LAURENT]

L’ÉPOQUE DE THIERRY LA FRONDE !

C’était il y a longtemps. C’était hier. Je me souviens. Paris et ses pavés. C’était Félix Potin, c’étaient des bonbons à 10 balles.

C’était le pot de colle, parfum amande, qu’on mangeait comme une glace en classe. C’était l’école des garçons et l’école des filles.

C’était la circulation dense avec les Panhard, DS, 2 chevaux et autre 203 Peugeot. C’était Paris sans les voies sur berges et sans

parcmètres. C’était déjà Johnny Hallyday. C’étaient les Chaussettes Noires, les Rolling Stones et les Beatles. C’était "Petit papa Noël"

de Tino Rossi. Et le poinçonneur des Lilas poinçonnait pendant que Du bon Dubonnet égayait de sa publicité murale la monotonie

des tunnels de métro. C’était quand on comptait en nouveaux et en anciens francs. C’était quand le général De Gaulle présidait la

république et qu’Henri Salvador nous faisait rire. Ça sentait Paris. C’était la vie en couleur... sauf pour les héros en noir et blanc du

petit écran. C’était l’époque de Thierry la Fronde. C’était quand je vivais en caserne de la Garde Républicaine.

...

Thierry la Fronde avec sa coupe de cheveux toujours nickel, son gros médaillon sur son torse ouvert et son gilet de cuir marron sans

manches. C’était notre Robin des Bois sans arc..., un hors la loi avec une bande de compagnons aventuriers, muni d’une fronde qui

lançait des pierres pour terrasser tous les méchants qui avaient le malheur de se trouver au travers de son chemin de justicier. C’est

fou comme il faisait mouche à chaque coup pour assommer un ennemi. On ne lui arrivait pas à la cheville avec nos lance-pierres.

...

C’est surtout notre cri de ralliement avec mes copains qui reste gravé dans ma mémoire. Ah ! Ce générique. Une épopée à lui tout

seul. À peine le feuilleton terminé, tous les garçons se retrouvaient en bande à courir sur les pavés de la caserne en beuglant ce

générique unique. « tin tin tin tin tin tin... » que ça faisait en chœur. On cassait les oreilles de tout le voisinage.

On s’y croyait avec nos épées de bois à combattre d’invisibles méchants. Cela faisait de chacun de nous l’héroïque Thierry la

Fronde. On bouillonnait de joie et on était d’intrépides guerriers. Sauf une fois. Dans la précipitation, ne trouvant pas mon épée,

j’avais pris une fine planche, avec des clous rouillés en guise de pommeau. Un rien suffisait pour se faire un personnage.

...

Me voilà à hurler le générique « tin tin tin tin » en courant bras tendu avec mon épée cloutée levée au ciel. Si ce n’est que ce jourlà,

je n’avais pas été aussi leste que mon héros. J’avais trébuché sur ces satanés pavés et je m’étais étalé de tout mon long, tel le

méchant percuté par un caillou vengeur de la fronde de Thierry. La honte ! C’est ainsi que je m’étais retrouvé chez le médecin qui

s’étonnait que la planche tienne toute seule dans ma main ouverte. C’était facile, les clous étaient bien plantés dans la paume. Et

quand j’avais vu ma mère tourner de l’œil, le héros en moi se dérobait pour laisser place à l’enfant que j’étais. Je criais de douleur à

chaque clou retiré. Dur d’être un héros dans la vraie vie. Pourtant, insouciant la fois d’après, avec mon pansement gros comme ça

autour de ma main, je cavalais à nouveau en criant à pleins poumons avec mes camarades « tin tin tin ».

...

C’était les années 60. C’étaient il y a longtemps. C’était hier.

10

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