J'attends le numéro 67
Laboratoire de recherches créatives
Laboratoire de recherches créatives
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
HÉROS • HÉROÏNES
DE NOTRE ENFANCE !
Laboratoire de Recheches Créatives
Troisième trimestre 2022
HÉROS • HÉROÏNES
DE NOTRE ENFANCE !
J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
Laboratoire de Recheches Créatives
Troisième trimestre 2022
J’ATTENDS LE NUMÉRO 1
LABORATOIRE DE RECHERCHES CRÉATIVES
2011 • 2022
——
CRÉATION
Isabelle Souchet & Ivan Leprêtre
DESIGN
ivanlepretre.com
CONTACT
ivanlepretre@gmail.com
——
PHOTOS DE COUVERTURE
1 re : Choregraph - Stocklib
2 e : Avemario - Stocklib
4 e : Joerg Wigger - Pixabay
03
HÉROS • HÉROÏNES
DE NOTRE ENFANCE !
06
ALAIN DIOT Maître de conférence en arts plastiques
• alaindiot2@orange.fr
SOMMAIRE
10
12
16
19
BRUNO LAURENT Accompagnement au changement
• bl@questionsrh.com • brunolaurentconseil.fr
YVES LECOINTRE Érudit
• yves.lecointre@gmail.com
IVAN LEPRÊTRE Directeur de Création
• ivanlepretre@gmail.com • ivanlepretre.com
DO SÉ Poétesse
• dose.mots@gmail.com
20
LAURENT VERNAISON Épicurien
• lvernaison@wanadoo.fr
21
RAUL HARIVOIE Poète
• raoul.harivoie@laposte.net
04
J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
22
JEAN-MICHEL BAUDOIN Écrivain et musicien
• baudoin.jean-michel@wanadoo.fr • facebook.com/jmbaudoinecrivain
26
GÉRARD MARTY Artiste - Illustrateur
• martygetc@free.fr • gerardmarty.blogspot.com
28
OLIVIER ISSAURAT Enseignant
• oissaurat@ac-creteil.fr olivier.issaurat.free.fr
32
ALINE HANSHAW Bricoleuse
Bricoleuse • aline.hanshaw@wanadoo.fr
34
KARINE SAUTEL Ellipse formation
karine@ellipseformationcom • ellipseformation.com
40
JEAN-MARC COUVÉ Écrivain, critique et illustrateur
• jeanmarc.couve@gmail.com
05
[ALAIN DIOT]
FACE AUX HÉROINES CRITIQUES,
LES HÉROS TIQUENT !
ÉDITORIAL
Ah ! Combien d’héroïnes divines, combien de héros trop beaux ont charmé nos jeunes années
enchantées en nous faisant prendre des malins intrigants pour des princes séduisants ou
des bougresses perverses pour des princesses enchanteresses alors qu’en vérité, tout ce beau
monde privilégié hantait sans cesse les pince-fesses organisés justement pour que les romans
à l‘eau de rose n’étalent pas au grand jour les névroses de l’amour. Et depuis des millénaires,
mes très cher·es, avant les téléviseurs hâbleurs et les ordinateurs frimeurs, on nous l’a joué aux
contes de fées où des mijaurées plus ou moins sorcières, jouant de la baguette sans barguigner,
foutaient le bordel sous le ciel rien que pour se marrer, les fieffées, à jeter des sorts à travers et à
tors, et sans effort !
...
On nous a tout fait, çà c’est vrai. On nous a fait le coup du petit chaperon rouge et du grand méchant
loup qui a bouffé la grand-mère - et fallait s’la faire - alors qu’il aurait pu se fader un joli petit
tartare, le veinard, en se mangeant la mouflette guillerette mais pas foutue, la tordue, de s’apercevoir
que, dans le plumard, ce n’était pas sa mémé chérie qui lui racontait des histoires ! On nous
prenait déjà pour des poires ! Il y a eu Guignol à faire le mariole avec la maréchaussée déglinguée
et le petit Poucet, prévoyant le mouflet, qu’on croyait fou parce qu’il passait son temps à ramasser
des cailloux. L’avait prévu le coup, le ch’ti filou ! Et Blanche Neige qui se goberge avec les sept
nains, les petits malins, qui ont des noms à dormir debout, mais qui ont sûrement flairé le bon
coup, les petits loulous ! Et la Belle au bois dormant qui n’en fout pas une rame mais qui brame
dès que le prince charmant s’enflamme et l’embrasse sur son lit sans lui demander son avis ! Y’en
a qui l’ont sûrement mauvaise de voir comment il s’est conduit, le kiki ! Et Cendrillon, la bolosse
qui se cabosse le carrosse en potiron sans faire attention, c’est par hasard qu’elle s’est dénudé
les panards ? Fallait y penser au coup du soulier ! Ces dames exquises étaient déjà bien délurées
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
et ce n’est pas d’aujourd’hui qu’elles mènent nos jours et nos nuits à nous jouer des tours de folie.
Et ce n’est pas la Reine des neiges, libérée, délivrée, qui va stopper ce manège endiablé, surtout
pas avec Olaf comme chorégraphe !
...
Et si, pour faire gentil, Nicolas et Pimprenelle nous ont joué de la prunelle télévisuelle à qui gagnera
la course avec ce fidèle Gros Nounours, le Monde a tout à coup viré de bord et çà a fait fort
avec Albator, ce matamore, ou les tortues ninja tout droit sorties du Fuji-Yama et de l’esprit tordu
des nippons à nous foutre le bourdon. On a eu aussi Casimir dans la mire et son gloubiboulga de
gaga et toute la famille à Barbapapa qui n’arrêtait pas, quand aujourd’hui il y a Kirikou qui fait
les quatre cents coups. Et puis tout çà s’est emballé avec les gros super musclés à venir frimer
dans leurs collants bien moulés quand Tarzan, lui, cachait à peine son bazar dans son calfouette
en léopard ! Et qui se souvient, à part les plus anciens, de Bibi Fricotin ? Et des Pieds Nickelés,
pour les plus décalés, avec Croquignol, le grand qui rigole, Ribouldingue, le gros un peu dingue
et Filochard le petit roublard, ce joyeux groupe d’anars qu’on a malheureusement un peu trop tôt
foutu au placard. N’oublions par pour autant Tintin, le malin, et le capitaine Haddock, le cinoque,
Spirou, le relou, Fantasio, le rigolo, Lucky Luke qu’on reluque, Astérix qu’on remixe, Obélix si prolixe,
Gaston si mignon, mais aussi Bipbip qui énerve les quenottes de son coyote, Titi qui ne l’a
joue pas vraiment fair-play avec Gros Minet, et tant d’autres encore à signer le livre d’or. Et on en
invente encore.
...
Bon ben si question héroïne, aujourd’hui ce n’est pas ce qui manque, à ne pas se mettre dans les
narines, évidemment, on en a plein le boléro de tous ces faux héros qui colonisent les réseaux
sociaux à vouloir se montrer si géniaux ! Et on ne sait plus où donner de la tête pour l’édification
morale de toute notre marmaille qui s’encanaille aujourd’hui sur le Net. C’est bête !
. . . Alain (si dense) DIOT • Juillet 2022.
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[ALAIN DIOT]
QU’IL EST BEL ET BON,
LE BORDEL AU PALAIS BOURBON !
LE FOCUS
Ah ! Oui ! On y a eu droit comme il se doit dans notre nation merdique, certes, mais démocratique.
On s’est donc tapé les élections. Bon d’accord, y’a eu pas mal d’abstentions mais ce n’est
pas une raison pour faire les mijaurées mal représentées. Fallait aller au charbon, les nistons !
...
Et puis c’est rigolo le boulot de con qu’ils se sont tous tapé pour changer de nom, voire de pédigrée.
Avant c’était toutes sortes de listes pluralistes, des communistes, des socialistes, des royalistes,
des nationalistes, des fascistes, des gaullistes, des centristes, des gauchistes, des trotskistes, des
maoïstes, des anarchistes, des arrivistes, des carriéristes, des opportunistes, des paumés sur la
piste, des échangistes à l’improviste, des touristes et des lampistes, des jansénistes fumistes, des
spécialistes qui persistent, voire même des séminaristes tout tristes ou des violonistes unijambistes
sans oublier les bouddhistes, les islamistes et quelques animistes si on insiste. Aujourd’hui,
c’est carrément plus permis de s’appeler ainsi ! Ça ferait tout pourri !
...
On a la France insoumise qu’on nous a promise même si Mélenchon est toujours aussi ronchon,
pauvre petit bouchon, notre gentil petit Jean-Luc, qui aime tant qu’on le reluque ! Et pour jouer
de la huppe, ils ont fait des heures sup pour inventer la Nupes. Çà les occupe ! On n’a plus la
France en marche qui nous démarche parce que Macron, pas vraiment rebelle, a pondu la Renaissance
avec son aisance habituelle, Emmanuel, pendant que Philippe, loin d’avoir cassé sa pipe
mais toujours pas trop bavard, l’Edouard, nous a sorti Horizons de son baluchon, quand, toujours
le même, Bayrou a gardé le Modem, lui qui voudrait tant qu’on l’aime dans la joie, le François.
Et tout çà, çà nous a fait Ensemble – on en tremble ! - sûrement pour que tous ceux qui se ressemblent
s’assemblent ! - Quant à la Marine, frémissante de la narine, elle avait déjà baissé le
front, avant le pantalon, pour son nouvel amant, le Rassemblement national délirant alors qu’Eric,
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
A
le magnifique, s’est pris une secousse tellurique malgré sa Reconquête mirifique qui a tourné à la
défaite apocalyptique. Personne ne veut plus lui faire des mamours, à Zemmour ? Bon, là, on va
couper court !
...
Avec tout çà, on finit en soirée de gala !! A l’Assemblée Nationale, çà va être tous les jours Carnaval,
au Sénat, ça va être la bamboula dans tous ses états et dans les ministères, y’aura intérêt à se
taire et vivre dans le mystère. C’est sûr qu’on peut être content énormément de notre magnifique
patrie, les kikis ! Est-ce que çà pourrait être pire, ce délire ? Va savoir ! On en a vu d’autres, dans
l’Histoire ! C’est vrai qu’avec un tel bordel, c’est sûr la France s’en va retourner à la maternelle,
avant de passer, c’est la ritournelle habituelle, à la proportionnelle qui, bien sûr, c’est écrit sur
tous les murs, va régler tous nos problèmes pour que tout le monde s’aime et que, c’est certain,
le peuple ne soit plus aussi vilain ! Bon, ben on n’est pas tiré des ronces et on a beau regarder la
bande-annonce, dans ces jeux en quinconce, ce n’est pas demain qu’on va trouver la réponse et
les masses un peu vénères vont continuer à nous montrer leur derrière, la jeunesse poétesse ses
fesses et les personnes âgées, qui ont tout de même plus de retenue, à nous montrer plus élégamment
leur gentil petit cul velu !
Ceci dit, les ami.es, que celle ou celui qui a la solution vienne tirer les marrons du feu pour que
çà baigne quand on ne se mangera plus de châtaignes, pour que tout le monde rigole et puisse
faire le mariole sans que le Père UBU, même foutu, nous patafiole, pour que les classes populaires,
qu’elles soient bourgeoises ou qu’elles soient vulgaires, puissent s’envoyer en l’air sans se
faire la guerre, pour que la jeunesse, qui paraît-il, serait notre richesse, puisse nous montrer ses
prouesses sans être obligée d’aller à confesse et que les vieux généreux et les vieilles sans pareil
puissent finir leurs jours heureux en ouvrant encore les bouteilles vermeilles sous les cieux toujours
plus bleus !
. . . Alain (briqué) DIOT • Juillet 2022.
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[BRUNO LAURENT]
L’ÉPOQUE DE THIERRY LA FRONDE !
C’était il y a longtemps. C’était hier. Je me souviens. Paris et ses pavés. C’était Félix Potin, c’étaient des bonbons à 10 balles.
C’était le pot de colle, parfum amande, qu’on mangeait comme une glace en classe. C’était l’école des garçons et l’école des filles.
C’était la circulation dense avec les Panhard, DS, 2 chevaux et autre 203 Peugeot. C’était Paris sans les voies sur berges et sans
parcmètres. C’était déjà Johnny Hallyday. C’étaient les Chaussettes Noires, les Rolling Stones et les Beatles. C’était "Petit papa Noël"
de Tino Rossi. Et le poinçonneur des Lilas poinçonnait pendant que Du bon Dubonnet égayait de sa publicité murale la monotonie
des tunnels de métro. C’était quand on comptait en nouveaux et en anciens francs. C’était quand le général De Gaulle présidait la
république et qu’Henri Salvador nous faisait rire. Ça sentait Paris. C’était la vie en couleur... sauf pour les héros en noir et blanc du
petit écran. C’était l’époque de Thierry la Fronde. C’était quand je vivais en caserne de la Garde Républicaine.
...
Thierry la Fronde avec sa coupe de cheveux toujours nickel, son gros médaillon sur son torse ouvert et son gilet de cuir marron sans
manches. C’était notre Robin des Bois sans arc..., un hors la loi avec une bande de compagnons aventuriers, muni d’une fronde qui
lançait des pierres pour terrasser tous les méchants qui avaient le malheur de se trouver au travers de son chemin de justicier. C’est
fou comme il faisait mouche à chaque coup pour assommer un ennemi. On ne lui arrivait pas à la cheville avec nos lance-pierres.
...
C’est surtout notre cri de ralliement avec mes copains qui reste gravé dans ma mémoire. Ah ! Ce générique. Une épopée à lui tout
seul. À peine le feuilleton terminé, tous les garçons se retrouvaient en bande à courir sur les pavés de la caserne en beuglant ce
générique unique. « tin tin tin tin tin tin... » que ça faisait en chœur. On cassait les oreilles de tout le voisinage.
On s’y croyait avec nos épées de bois à combattre d’invisibles méchants. Cela faisait de chacun de nous l’héroïque Thierry la
Fronde. On bouillonnait de joie et on était d’intrépides guerriers. Sauf une fois. Dans la précipitation, ne trouvant pas mon épée,
j’avais pris une fine planche, avec des clous rouillés en guise de pommeau. Un rien suffisait pour se faire un personnage.
...
Me voilà à hurler le générique « tin tin tin tin » en courant bras tendu avec mon épée cloutée levée au ciel. Si ce n’est que ce jourlà,
je n’avais pas été aussi leste que mon héros. J’avais trébuché sur ces satanés pavés et je m’étais étalé de tout mon long, tel le
méchant percuté par un caillou vengeur de la fronde de Thierry. La honte ! C’est ainsi que je m’étais retrouvé chez le médecin qui
s’étonnait que la planche tienne toute seule dans ma main ouverte. C’était facile, les clous étaient bien plantés dans la paume. Et
quand j’avais vu ma mère tourner de l’œil, le héros en moi se dérobait pour laisser place à l’enfant que j’étais. Je criais de douleur à
chaque clou retiré. Dur d’être un héros dans la vraie vie. Pourtant, insouciant la fois d’après, avec mon pansement gros comme ça
autour de ma main, je cavalais à nouveau en criant à pleins poumons avec mes camarades « tin tin tin ».
...
C’était les années 60. C’étaient il y a longtemps. C’était hier.
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Photo : Dolgashov • stocklib
[YVES LECOINTRE]
LE CHEVALIER HUBERT
DE LA PÂTE FEUILLETÉE
DOSSIER
On pourrait trouver que mon héros préféré est au fond un peu tarte, mais ne le jugez pas seulement
sur son nom, car le chevalier Hubert de la Pâte Feuilleté, quand il est rentré dans ma vie
par le biais non pas de la lecture d’un album de bande dessinée, mais par l’audition de son histoire
racontée par un microsillon lu par un Teppaz des années gaulliennes, m’a tellement marqué que
c’est lui qui me vient instantanément à l’esprit si je dois évoquer mon représentant de l’héroïsme.
Après une première vie éphémère en 1951 où l’action d’alors était contemporaine et localisée au
sein d’une réserve indienne dans les actuels Etats-Unis, Goscinny associé à Uderzo redonnèrent
vie aux personnages autochtones avec un concept modifié en 1958 dans le journal de Tintin.
Désormais l’intrigue se passait au milieu du XVIII e siècle, sur les pas de Cartier en Nouvelle-France,
où Oumpah-Pah un grand guerrier d’une tribu locale, inspirée de celle des Shawnees, se trouve
confronté aux Européens, et devient ami d’un jeune marquis français fraîchement débarqué du
trois-mâts "L’Arrogant".
...
L’œuvre complète comprend 5 épisodes : Oumpah-Pah le Peau-Rouge, Oumpah-Pah sur le sentier
de la guerre, Oumpah-Pah et les Pirates, Mission secrète et Oumpah-Pah contre Foie-Malade.
Le studio Belvision a produit un court métrage d’animation assez médiocre, mais sous forme de
clin d’œil Oumpah-Pah fait une courte apparition dans Les Douze Travaux d’Astérix, quand Kermès
le Perse lance son javelot jusque sur le continent américain.
Deux 33 tours ont été produits par les Disques Festival en 1959 : Oumpah-Pah le Peau Rouge (Celui
que j’ai ouï pour mon plus grand bonheur) et Oumpah-Pah sur le sentier de la guerre avec les voix
de Roger Carel pour Hubert de la Pâte Feuilletée, de Georges Aminel pour celle d’Oumpah-Pah,
d’Henri Virlogeux pour Mamah-Pah et du Colonel, et de Jean Rochefort pour Y-Pleuh et le Comte.
Malheureusement débordés par le succès croissant des aventures d’Astérix, les créateurs de la
série l’interrompirent, donc logiquement on peut considérer que les Gaulois sont les descendants
des Amérindiens du Nord et des futurs Canadiens.
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
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Uderzo & Goscinny • image librement autosourcée pour les besoins de l’article.
Au gré des aventures narrant l’affrontement avec la tribu des Pieds-Plats, la traversée de l’Atlantique
pour ramener des chevaux, un complot déjoué dans le royaume de France et une drôle
de guerre en dentelle dans la Prairie entre les armées française et prussienne, on peut croiser
entre autres Y-Pleuh le sorcier, Y-A-Plus-De-Saisons le chasseur, et le Marquis Octave-Claude
de l’Épanchement de Synovie, sans oublier Ciel-Couvert sorcier ennemi, Dent-De-Sagesse,
Foie-Malade chef des Yeux-Pochés plagiant par anticipation Napoléon, Grenouille-Maladroite le
fils du chef, Crapaud-Haineux le chef des Pieds-Plats, Ongle-Noir, Petit-Front et Temps Couvert.
On trouve aussi ceux qui possèdent probablement les plus longs noms de l’histoire de la
bande dessinée : l’indien N’a-qu’une-dent qui devient au cours de l’histoire après un accident
"N’a-qu’une-dent-mais-elle-est-tombée-alors-maintenant-n’en-a-plus", et le chevalier prussien
au vormidable voire egzdraordinaire accent Franz Katzenblummerswishundwagenplaftembomm
(Toujours désigné pour les missions dangereuses, quand on sait que les volontaires sont choisis
par tirage au sort au moyen de petits papiers tirés d’un chapeau).
...
Mais au fait qui est donc cet Hubert ?
Hubert de la Pâte Feuilletée, chevalier du Roy courageux autant qu’étourdi et naïf, est devenu
frère de sang d’Oumpah-Pah, après une rencontre musclée ponctuée par la réussite du guerrier
à des épreuves terribles, notamment celle du supplice de la plume qui chatouille le nez, sans
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[YVES LECOINTRE]
DOSSIER
Uderzo & Goscinny • image librement autosourcée pour les besoins de l’article.
éternuer bien sûr. Il a reçu alors le surnom de "Double-Scalp" en raison de sa perruque poudrée.
Durant les différentes tribulations on le retrouve assez souvent ligoté sur les totems des différentes
tribus ou bien sur le mât du navire des pirates. On ne peut pas nier son courage frisant
souvent l’inconscience, mais même s’il doit parfaitement manier son épée il ne peut rien contre
la force brutale ou la traîtrise. Il a la tête solide car son crâne goûte assez souvent à la caresse
du tomawak. A y réfléchir maintenant, cela cache peut-être une attirance pour le bondage et les
pratiques masochistes qu’adolescent je n’avais pas décelées !
...
Ayant toujours détesté les westerns se finissant si souvent par une hécatombe des méchants
indiens provoquée par la cavalerie venant sauver les gentils cow-boys assiégés, le fait de voir un
tel rapprochement entre européens et amérindiens me convint parfaitement.
Le personnage principal de cette bande dessinée demeure malgré tout Oumpah-Pah, fils de
Papah-pah et de Mamah-Pah, le plus brave guerrier de la tribu des Shavashavas, armé d’un
tomahawk ravageur, amateur du pemmican de sa maman, protégé par son totem le puma et par
Nanabozho le Grand Lapin, il met sa force et sa ruse au service des siens et de tous ses amis.
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
Le regard curieux de Double-Scalp sur le monde indien puis celui, plus lucide mais non moins
neuf d’Oumpah-Pah sur la France de Louis XV sont prétextes aux quiproquos les plus réjouissants.
On rit des danses rituelles farfelues, des signaux de fumée dyslexiques rendant les messages incompréhensibles
au destinataire, de la reptation dans la forêt comme mode de déplacement, des
cris de guerre improbables, et des épreuves d’initiation loufoques.
On devine la préfiguration des aventures d’Astérix au travers des seconds rôles avec Gros Bison
son chef ombrageux et distrait qui se doit de paraître sentencieux quand il parle, mais oublie la
phrase rituelle devant conclure ses propos et qui rentré dans son tipi, en ressort aussitôt pour
ajouter ce que l’on attendait: « Ah oui! Gros Bison a parlé! », les terribles pirates vaincus, le camp
retranché : Fort Petit si semblable au Petibonum romain, le sorcier ou le barde incompétent et
les banquets finaux s’achevant par les pluies intempestives déclenchées par des danses initiées
par un sorcier nul accompagnées par un « A la Clairefontaine » de circonstance poussé par la
garnison.
...
Espérant vous avoir donné l’envie de découvrir ou redécouvrir ce héros souvent brisé mais jamais
rompu sachant sabler le champagne pour fêter ses succès, je conclurai en poussant le célèbre cri
des Shavashavas : « Yakyakyakyakyak ! »
Uderzo & Goscinny • image librement autosourcée pour les besoins de l’article.
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[IVAN LEPRÊTRE]
Raagland, fils des âges farouches, c’est vraiment le héros de mon enfance. Il est grave balèze...
À cette époque éculée, y a pas internet qui serve à expliquer les choses de la vie, mais Raagland y
trouve tout seul des solutions à des problèmes indélébiles pour les autres QI de bulots, tellement
qu’il est intellijan.
...
Son père, Craado, (qui meurt tout cuit, on le voit fumer) lui a refilé un collier avec des dents des
animals préhistoriques, il y a la dent du Bonheur pour être content, la dent Dîner pour casser la
croute en gesticulant, la dent Ré pour faire de la zique, la dent Dure pour péter les noix et la dent
Tonc. . . pour euh. . . Bref !
Raagland, il est très fort. Souvent, dans ses aventures, y pourrit la gueule à des voyous pâtes y
bulaires ou y pète la tronche à un baloua ou y peut encore botter le train à un deux-dents sans une
égratignure. Il a un couteau Suisse qui sert à faire plein de trucs, y peut ouvrir des grosses moules
géantes, y peut se raser et se curer les oncles et y fait même GPS pour lui montrer le chemin.
Raagland, il est trop beau aussi, les zouz le kiffent un max et même qu’un jour y rencontre Raaklette
la fille du sorcier Raageur, elle est trop belle et elle a des beaux... Des belles... Des machins de fille
quoi !
...
Du coup, y font un bébé qui s’appelle Raalakouett, mais lui, il est trop con, alors Raagland, il le jette
dans la rivière aux piranhas et y va se bourrer la gueule avec des jus des fruits du soleil. Y devient
alcoolo et y finit SDF. . . En y réfléchissant bien, il l’a toujours été d’ailleurs, c’est vrai ça ! En fin de
compte, il est nul ce héros de mon enfance !
. . . Kevin Aigrette in "J’attends le numéro 67".
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[IVAN LEPRETRE]
Mots imposés : origine, héros, enfance, adapter, fidèle.
LOGOS RALLYES
— Bonjour madame, auriez-vous vu passer un superhéros en courant ?
— Lequel monsieur ? J’en ai vu défiler des hurluberlus en collants moule-burnes depuis les origines,
vous savez.
— C’est Jeanlucator, le fidèle justicier des nôtres en France.
— Connais pas... Il a quoi comme pouvoir votre Jenculator, là ?
— Il peut s’adapter à n’importe quelle situation politique, grâce à la mélanchonite !
— Il sait voler ?
— Dans quel sens ?
* toute ressemblance avec une personne existante est purement le fruit du hasard. Le personnage est interchangeable à volonté.
Mots imposés : enquiquineur, souris, revenir, égal, graffiti.
Les aventures de Naf-Naf et Snif-Snif de la Chnouf-Chnouf.
Histoire sans queue [de cochon] ni tête [de veau].
Naf-Naf et Snif-Snif sont en train de se faire une ligne quand un opportun tire la bobinette :
Ding dong !
— Z’y va voir Snif-Snif, j’en ai plein l’pif !
— C’est une souris qui demande si on a du fromage râpé pour dépanner !
— Fais voir ? [Naf-Naf yeute dans le judas] T’es bien naïf Snif-Snif, il s’agit de cet
enquiquineur de M. Wolf déguisé en rongeur, pour nous vendre ses loukoums pleins
de sucres, on va engraisser et il finira par nous bouffer.
— Allez-vous-en et ne revenez pas, loup de mes deux !
— Mais non, je suis poète et j’aimerais tant vous initier à l’art du quatrain, je m’appelle
Raoul, je suis doux comme un agneau et je peux même tatouer de magnifiques graffitis
sur vos beaux jambo... sur vos épaules délicates.
— Ça nous est égal, on n’a pas besoin de poésie pour être défoncés et on s’en tape de vos
dessins pornographiques, cassez-vous maintenant, sinon, on appelle les keufs !
— Ok, je m’en vais... Dommage ! Il y avait une promo sur les massages sauce barbecue
cette semaine !
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
[DO SÉ]
Mots imposés : Héros, voyous, fils, rageur, expliquer.
Tu es mon héroïne dont je ne peux me passer au quotidien. Tiens, passe moi le beurre.
Je suis ton voyou que tu ramollis au fil des années. Pourquoi as-tu laissé cette graisse de lait fondre
au soleil ? Moi, j’emploierais un ton rageur ! Mais non, j’aime la douceur, comme tes seins doux qui
m’attendrissent, nonobstant que ce beurre qui s’approxime au saindoux me dégoûte. Ne pleure pas,
je t’explique que j’aime ta peau lactescente. Viens, laisse tomber ce beurre trop mou, je vais chasser
la brume de tes yeux, dans mes bras aux caresses oléagineuses. Désolé, mes mains sont pleines de
beurre mœlleux. Oui, un soleil nous réchauffera, nous aussi.
Mots imposés : Héros, voyous, fils, rageur, expliquer.
Do Sé, ma fille... Ton ami Raoul, ce voyou rageur, que tu prends pour un néros chevaleresque, déteint
vraiment sur toi ! Assieds-toi là, je vais t’expliquer...
... Ivan Leprêtre
19
[LAURENT VERNAISON]
LOGOS RALLYES
Mots imposés : conducteur, modèle, ajuster, complexe, moteur.
— Tu connais Ben-Hur ?
— Le conducteur de char ?
— Tout juste, eh ben c’est mon idole, mon modèle ! J’ai fait faire une copie de son costume avec une
jupette en tôle très ajustée et des sandales romaines...
— C’est complexe à attacher, non ?
— Maintenant, j’y arrive bien. Et pour le char, pas de moteur, mais un cheval, un vrai !
Et en avant Guingamp !
— Non ?!??... Arrête ton charre...
Mots imposés : héros, voyous, fils, rageur, expliquer.
Batman, Spiderman, Superman... moi, je suis l’Héros-Toman. Rien à voir avec la poursuite de voyous ou
la lutte contre le crime. Non, je suis le fils de Pan et de Nini, une copine à lui... c’est pour ça qu’on me
surnommait "Panini", j’aimais pas ça et ça me rendait terriblement rageur. Plus tard, avec cet atavisme,
j’ai décidé de devenir "Héros-Toman". Faut vraiment vous expliquer en quoi ça consiste ?...
20
J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
[LAURENT VERNAISON]
Mots imposés : origine, héros, enfance, adapter, fidèle.
À l’origine, les fées se sont penchées sur mon berceau pour faire de moi un héros. Elles ont chanté,
en canon, « il Énée le divin enfant », le ton était donné, mon enfance se devait d’être glorieuse. Hélas,
mes facultés se sont révélées tellement limitées que mes parents ont dû adapter ma destinée et je
suis bien incapable, aujourd’hui, d’être fidèle à ma légende...
[RAOUL HARIVOIE]
Mots imposés : origine, héros, enfance, adapter, fidèle.
Quand je serai célèbre et ferai des salons
Je te jure chérie je te serai fidèle !
A mes fans excité(e)s je saurai dire non
Pas de restau à deux retour seul à l’hôtel
Comme un héros je veux garder mon pantalon
Devant une inconnue fût-elle Ange ou Modèle
Je mets un capuchon sur chacun des ballons
Offerts par les lecteurs à côté des chandelles
Même à celle voulant adapter au ciné
Mes sonnets sur l’enfance ultra-protéinée
Je dirai : Appelez mon agent au bureau
Je suis marié et j’aime à la folie ma femme
L’origine de tout et surtout de ma flamme
Elle viendra me voir derrière les barreaux
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[JEAN-MICHEL BAUDOIN]
TRANCHES DE VIE
REVANCHE DU RÉEL
En 1956, j’ai six ans. Je sais lire depuis que j’en ai quatre, alors, pour mon anniversaire, ma
mère m’abonne à "Vaillant, le journal le plus captivant". Ça tombe bien, fort de son succès grandissant,
l’hebdomadaire de bandes dessinées passe de seize à trente-deux pages. Ma vie en est
bouleversée. En format journal, somptueusement coloré, bourré d’aventures, de héros et de gags,
"Vaillant", qui paraît le jeudi mais n’arrive que le samedi à la petite ville de Blida où j’habite en
Algérie, devient une de mes raisons de vivre, avec le chocolat Kohler et les pignons de pins parasol.
Je suis de nature très crédule et je crois dur comme fer à l’existence des héros de papier dont
les histoires me sont livrées chaque semaine, sur une ou deux pages, avec la mention « À suivre
» et son suspense insoutenable. Tout me plaît, dans le journal, de la première à la dernière ligne,
que je dévore et relis, trouvant la semaine terriblement longue avant l’arrivée du numéro suivant.
...
Je suis particulièrement friand des aventures d’Arthur, le fantôme justicier 1 . Parce que c’est un
fantôme, et que je prends ma revanche sur les adultes, particulièrement l’instituteur, qui affirment
que les fantômes n’existent pas – les idiots ! La preuve que si. Parce qu’Arthur a un prénom de roi,
qu’il est un enfant, qu’il fait beaucoup de bêtises et se fait gronder par ses parents – qui sont aussi
des fantômes, cela va de soi – mais dont les bêtises punissent souvent les méchants contre qui il
se bat. Et surtout, Arthur a un sacré pouvoir : il passe à travers les murs. Chapeau ! J’aimerais bien
avoir des pouvoirs, moi aussi. Par exemple, avoir une baguette magique, comme la marraine de
Cendrillon. Ce serait chouette pour aller à l’école en carrosse. Renseignements pris auprès de ma
mère, pour fabriquer une baguette magique, on a besoin de beaucoup d’or. Or, de l’or, on n’en a
pas, ma mère dit toujours : « Je ne roule pas sur l’or ». Donc, pas de carrosse. En revanche, passer
à travers les murs...
...
Un beau jour de novembre, je me souviens en lisant ma BD favorite, qu’Arthur est passé à travers
un mur, dans l’une de ses tumultueuses aventures, et qu’avant de le faire, il a prononcé une formule
magique. Bon sang, mais c’est bien sûr, Arthur. Si je retrouve la planche où la dite formule est imprimée,
je n’ai plus qu’à l’apprendre par cœur, et hop ! Je descend toute ma collection de Vaillant
de l’étagère, et, hardi petit, je cherche. Et je trouve. La formule est longue et compliquée, normal,
sinon tout le monde passerait à travers les murs les doigts dans le nez. Je compte, elle comporte
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
Jean Cézard • Image librement autosourcée pour
les besoins de l’article.
dix-huit syllabes et trente-trois lettres. Je mets deux jours à l’apprendre, mais finalement, c’est
bon, je la sais sur le bout des doigts. Je suis prêt. Je me place dans ma chambre, face au mur qui
la sépare du couloir. Auparavant, j’ai éloigné tous les meubles qui pourraient faire obstacle. Parce
que la formule marche pour les murs, mais pas forcément pour les tables et les armoires. Je me
concentre. Je me redis la formule magique dans mon crâne. Attention : un, deux, trois ! Je fonce,
en hurlant la formule à tue-tête. Ma tête, justement, fait un tel bruit contre la cloison de briques
creuses, que ma mère, rentrée du bureau, fait irruption dans ma chambre. J’ai mal, j’ai très mal,
je suis vexé, très vexé, mais je ravale douleur, déception et larmes. Longtemps, très longtemps,
je crois que je me suis simplement trompé dans la formule. Mais je ne réessaye pas, car la bosse
à mon front passe par toutes les couleurs de l’arc-en-ciel, met trois semaines à s’effacer, et mes
copains de classe se moquent de moi dans la cour de récré.
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[JEAN-MICHEL BAUDOIN]
TRANCHES DE VIE
...
Dans "Vaillant", j’aime beaucoup également la série "Group-Group" dessinée par l’argentin
Ramon Monzon, qui met en scène une sorte de marsupilami à queue courte, rayé de noir et de
vert, doué lui aussi d’une grande force, et redresseur de torts dans la pampa. Un jour, je dis à
Paul, mon beau-père, que j’aimerais bien avoir un group-group. Aussitôt, il me répond que c’est
facile, parce qu’il en a apprivoisé un. Je crois défaillir : la réalité rattrape la fiction, les héros de
bande dessinée existent vraiment ! Et en effet, mon beau-père disparaît un moment, revient tout
souriant et dit : « Ça y est, le group-group est dans ma poche, écoute ! » Je tends l’oreille, et j’entends
effectivement, venant de la poche de pantalon de Paul, un faible cri « group ! group ! » Tout
excité, je demande à Paul de me montrer le group-group. Il me dit que c’est trop tôt, l’animal est
Image librement autosourcée pour les besoins de l’article.
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
craintif, il ne me connaît pas, il se sauverait et ce serait trop dommage. J’insiste. En vain. « Dismoi
seulement comment il est ! » Mon beau-père me regarde droit dans les yeux et me dit : « Il
est petit, il est vert, et il a des dents. » Je suis émerveillé. La description correspond à l’image de
la bande dessinée. Je ne me demande même pas comment une si petite bête, qui, dans la poche
de mon beau-père ne fait même pas une petite bosse, peut avoir la force de réaliser les exploits
racontés dans "Vaillant", j’ai trop envie de croire à l’incarnation de l’imaginaire.
...
Tous les jours, je harcèle Paul pour qu’il me montre le petit animal fabuleux. Il se contente de me
faire écouter son cri : « group ! group ! » Et puis, comme j’ai bien travaillé en classe, mon beaupère
me dit qu’il va me récompenser. La récompense : il me montrera le group-group. Chouette !
Je revois la scène. Nous sommes tous les deux dans le salon. Il me dit de m’asseoir sur une chaise
loin de la table, qu’il va poser le group-group sur la table pour qu’il ne s’enfuie pas. Je retiens
mon souffle. Paul porte la main à sa poche, saisit ce qu’il y a à l’intérieur et pose sur la table...
un peigne en plastique vert. Ma déception est énorme. Je ne comprends pas. Que s’est-il passé ?
Un mauvais génie a-t-il changé l’animal en cet objet laid et trivial, rien que pour me punir d’avoir
mangé les derniers Chamonix Orange de la boîte ? Paul éclate d’un rire franc et cruel : « Tu vois,
dit-il, je ne t’ai pas menti : il est petit, il est vert, il a des dents ! » Et il prend le peigne dans sa main
droite, des ongles de la gauche, il gratte les dents du peigne et on entend le bruit que ça produit,
une sorte de grincement que mon cerveau échauffé a traduit en « group ! group ! » Je saute sur
mes pieds, je cours me réfugier dans ma chambre, je pleure.
...
D’accord, les héros de bandes dessinées ne sont que des héros de papier. D’accord, ils n’existent
pas. C’est trop triste. En secret, je continue à rêver d’en rencontrer un, dans un repli de l’espace-temps.
Quelque part entre Champignac, L’île de Las Ananas et Moulinsart 2 .
...
1 • Dessiné et scénarisé par Jean Cézard.
2 • Ma collection de "Vaillant" s’est perdue dans le grand chambardement de juillet 62, avec les éditions
originales des Pieds nickelés, de La famille Fenouillard, et les innombrables comics que j’achetais avec
mon argent de poche : Pépito, Tarzan, Mandrake, Kit Carson...
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[GÉRARD MARTY]
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
PECOS
BILL !
CAPTAIN
SWING
LE
FANTÔME
MÉTAL
HURLANT
JACULA
ZEMBLA
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[OLIVIER ISSAURAT]
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Photo : Ekaterina Demidova • stocklib
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SOIXANTE-SEPT
ZORRO... ZORRO, VENGEUR
MASQUÉ QUI FAIT SA LOI !
J’étais bien petit pour être malmené ainsi par la vision d’horreur qui défilait devant moi sous la
complicité familiale. Pourtant, baigné dans la libération des peuples par le commandante Che Guevara,
on aurait pu attendre un peu plus qu’une soumission devant l’image défilant. Qui pouvait donc bien se
cacher derrière ce masque avec deux trous pour les yeux ? Tout l’inverse de ce qu’on produit maintenant.
Me voilà arrivé à bientôt 62 ans, proche de la retraite, pour enfin découvrir la vérité.
Zorro est un salaud !
Désolé pour les fanatiques du genre, désolé tout autant pour les enfants qui à la pointe de l’épée
signent d’un geste qui veut dire... Tiens c’est vrai, au fait que veut dire le Z. Je sens poindre un fond
d’inquiétude parmi vous. Il va nous parler du Zozo qui veut bouter les autres hors de France, au risque
de se retrouver face à face avec les vaches et les moutons et autres mammifères rigolos.
...
Z, vient de Zi, « Il est vivant ! »
En tous les cas dans le roman de Vassilis Vassilikos.
Z, dans le cas qui nous concerne est plus simple à définir : Z comme Zorro. Pas con le type, le culte
de l’individualisme poussé à son maximum. M comme Moi, B, comme Bob l’Eponge, O, comme votre
serviteur qui tape en ce moment sur un clavier AZERTY un texte dont il ne sait pas très bien où ça le
mène...
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[OLIVIER ISSAURAT]
Pour en revenir à nos moutons, plus exactement à nos renards, l’homme rusé qui fait sa loi est un
salaud. D’abord, même petit, je me rappelle de la tête des paysans indigènes, ils étaient sales, un peu
neuneu, on se serait cru dans un asile d’aliénés au XIX e . On sent bien que l’autodétermination des
peuples, c’est pas pour eux. D’où Zorro avec sa cape noire, son cheval noir, son pantalon noir... vous
croyez qu’il pousse la noirceur jusque dans le slip ?
...
Pour faire bref, merci Zorro de justifier, et non justicier, l’annexion de la Californie et la guerre américano-mexicaine
pour entuber* les mexicains vilains qui dirigent le pays d’une main de fer. Mais heureusement,
les USA sont là, pour reprendre la main... dans un autre gant de fer !
J’étais donc bien petit pour un endoctrinement impérialiste en bonne et due forme... Les Héros, faut s’en
méfier, on ne le dit pas assez. À cause de Zorro, du coup, j’ai pas vu venir un autre Héros, Staline qui lui
aussi venait libérer les peuples...
________________
* Entuber : pour les plus jeunes, et afin qu’il n’y ait guère de confusion, signifie enfermer dans un tube cathodique pour déformer
la réalité et rendre notre cerveau disponible pour la publicité qui va suivre, comme l’énonçait l’éminent philosophe Patrick Le Lay
(496 av J-C), dans sa monographie parue dans Gala.
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
L’AMI GAGARINE !
Mon héros, prophète d’une société du futur où l’harmonie des peuples rimerait avec
liberté ché-é-rie. Avec ta tenue de cosmonaute marquée du marteau et de la faucille forgeant le
sigle CCCP t’as l’air d’un livreur de pizzas à Tchernobyl. Pauvre de moi qui associais les comptes
chèques postaux et l’unité de l’armée rouge défilant au rythme émerveillé des chars et des
lance-missiles. Missiles que je craignais autant que les suppositoires et le médecin en blouse
blanche qui allait avec. Pourtant, cher ami - je peux t’appeler cher ami, n’est-ce pas ? Depuis le
temps ! - tu fus ma première déconvenue. Admiratif de ton exploit autant que de l’éclat dans les
yeux de mon grand-père à ton évocation, j’optai, le jour de Noël, pour la panoplie de cosmonaute.
Plutôt celle de la NASA car on ne trouvait guère du CCCP à portée de porte-monnaie. Ah qu’elle
était belle, non pas ma vallée, mais ma tenue. Avec son tuyau en forme de tuyau et son casque
en forme de boîte à chapeaux. Beaucoup de blancheur et un peu de rouge, comme la croix des
Suisses. Tenue humaine, trop humaine. Est-ce que ce fut de me mirer dans la glace du salon, rue
Gabriel Péri ? Ou bien d’imaginer les camarades, pas ceux de la cellule du parti, mais les zozos
de la cité d’Ormesson ? Première trahison du social traître que j’allais devenir. Passer du mont
Valérien au futur académicien réactionnaire, le saut n’est pas mince. Un saut lunaire du futur, premier
pas pour l’homme, grand trépas pour l’humanité. En tous les cas, lorsque ma mère s’étonna
que je ne veuille pas sortir dehors retrouver mes potos avec ma tenue de boîte de conserve, je
pris conscience du décalage. Un hiatus entre imaginaire et réalité, aurait dit Lacan dans son langage
abscons et pas loin d’être hermétique. Comme le garage du même nom, que je rencontrerai
plus tard, adolescent boutonneux aux idées presque aussi larges que le canal du midi. Pour faire
court, même si c’est un peu trop tard, je découvris les impasses de la propagande et la perfidie
du discours mais sans la méthode. Au final, l’ami Gagarine, je te dois mon premier dépucelage de
l’esprit, l’autre viendra beaucoup plus tard et sera bien plus douloureux. Je devrais à ce dernier
une entrée dans le monde du réel qui ressemble plus à un coup de pied dans un montant de lit,
qu’à une joie du désir assouvi. Finalement, les filles sont plus enclines à nous projeter dans la
réalité du monde comme il va !
...
A force de regarder la lune, on finit par oublier de regarder là où on met les pieds.
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[ALINE HANSHAW]
IL ÉTAIT PETIT, MALIN, REBELLE...
Peu de livres chez mes parents, pas de bibliothèque municipale, pas de télévision jusqu’à
l’âge de sept ans. Comment les héros et héroïnes arrivaient jusqu’à moi : l’école, les cadeaux de
ma famille.
Par paresse et conviction, je n’emploierai plus que le terme : héros. Honni soit qui mal y pense !
Voilà donc la liste de mes héros par ordre d’apparition dans ma vie :
Le Chat botté/ Caroline/ Les Deux Nigauds puis Thierry la Fronde quand mes parents ont eu la
télévision.
...
Vous voulez en savoir plus ! Allons-y !
Le Chat botté : Il était petit, malin, rebelle. J’adorais la fin quand l’ogre bouffi d’orgueil
se transforma en souris que le chat dévora.
Caroline : le livre était grand, elle découvrait les Pays Bas toute seule avec son chat, je crois,
elle portait une salopette rouge.
Les Deux Nigauds : un « gros » livre, les patronymes étaient rigolos. L’histoire me plaisait.
Thierry la Fronde : Un justicier, un bel homme, nous étions tous Isabelle dans la cour
de récréation.
...
Et voilà, les choses sont devenues plus sérieuses en CM2 quand j’appris Le Saut du tremplin de
Théodore de Banville et Les Effarés de Rimbaud en sixième.
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[KARINE SAUTEL]
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[KARINE SAUTEL]
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[KARINE SAUTEL]
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[JEAN-MARC COUVÉ]
ÉLOGE DE L’ÉCRIT
QUI VÉHICULE... LES CRIS !
Me souvenant du célèbre vers de Hugo, Victor : "Mon père, ce héros, au sourire si doux 1 "...,
je dois admettre que, côté "héros de mon enfance", pour moi c’était plutôt mal barré ! Même si,
à y regarder de plus près, il y a un point commun entre bourreau et héros (oui : le rot final !), il
me fut – aussi loin que remontent mes souvenirs, soit : dès la petite enfance – difficile d’assimiler
mon bourreau [d’enfant(s)] de père à un "héros".
...
1 • Victor Hugo, "Après la bataille", in La légende des siècles, 1859.
Auto port’ raie
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
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J’erre – oh, nie maux !
Dans mon bureau se trouve, accrochée au mur, une litho de l’ami Zeimert, peintre
de grand talent – récemment décédé. L’œuvre illustre un poème de Jean L’Anselme,
autre ami cher. Le texte commence ainsi : "Les héros c’est zéro... / Zorro égale zéro"...
Si je me permets – et qui me l’interdirait ? – la synthèse (en rien Sainte Aise) entre le
premier et le deuxième paragraphe de ma remembrance, il apparaît que, dans mon cas, le
héros paternel hugolien devient, par la grâce de la poésie satirique, un bon zéro. C’est la
magie mathématique !
...
Prenant le contre-pied de ce géniteur qui donnait (des baffes) aux pauvres (enfants), pour prendre...
son pied, le sado !, je décidais, très tôt, de revêtir une panoplie de Robin des Bois. Vous savez :
ce seigneur qui, selon la légende, prit la défense des manants, redonnant aux pauvres ce que les
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[JEAN-MARC COUVÉ]
riches leur avaient taxé. Quel âge pouvais-je avoir... 6-7 ans ? En l’an 2000 de notre ère, Johan,
mon jeune fils, à peu près au même âge et, sans doute, influencé par l’atavisme familial, me fit à
la fois la surprise et le plaisir de désirer une identique panoplie pour égayer son Noël.
Elle se composait d’un petit pourpoint vert, d’un chapeau longiligne de même coloris, était assortie
d’un arc et d’une ceinture marron, afin de rendre le justaucorps plus seyant. Johan lut,
également, au même âge que moi, le Ivanhoé de Sir Walter Scott et, un peu plus tard, le Robin
tout aussi romancé de Dumas père : un ami de Victor Hugo ! Ce qui prouve bien que les grands
esprits, non seulement se rencontrent (parfois), mais aussi et surtout que, question « héros », ces
deux romantiques (français) de la première heure ne craignaient personne ; ni sur le terrain de
la bravoure (pensez à l’exil de l’auteur des Misérables) ; ni sur celui de la politique (Dumas aux
côtés de Garibaldi) ; ni, même, dans le domaine littéraire qui m’occupe, me tient lieu d’héroïsme
intellectuel, jusqu’à ce jour, En attendant... (Godot ?). Et ce, depuis l’époque, déjà lointaine, où je
considérais qu’un pérégrin de type Kerouac vaut mieux qu’un per-vers, fut-il narcissique !
Hommage à René Goscinny
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J’ATTENDS LE NUMÉRO
SOIXANTE-SEPT
Je suivis, donc, très jeune, via Jules Verne, Selma Lagerlöf, Hector Malot, la Comtesse de Ségur,
Cervantès, Goscinny, Uderzo, Morris, Astrid Lindgren et Swift, le sinueux chemin du savoir autodidacte,
n’en déplaise aux Mots de Sartre, qui n’eut pas de mots... assez durs à l’encontre des
self-made poets ! Depuis, à l’existentialisme de salon, j’ai toujours préféré les grands espaces
sauvages que défendit bec et ongles un Geronimo. D’ailleurs, pour en revenir à Robin, comparé
à lui, le shérif de Nottingham semble un piteux clown blanc ; un bouffon (du roi Jean) ; un triste
sire doublé d’un sinistre personnage. Quant à moi, armé de mon seul luth orphique, je me mis en
devoir de combattre vilains, moulins, bourreaux et dragons avec les seules armes à ma disposition
: la langue (bien pendue), verte au besoin, les mots-gros inclus.
...
Bref. Les vrais héros de mon enfance furent de papier. En bandes et en bulles. En vers et contre
tous... les z’héros autoproclamés. J’empilais les livres. M’en fis une muraille, afin de protéger mes
rêves des attaques d’un Monde extérieur si prompt à ériger le premier traîneur-de-sabre va-t-enguerre
venu en "héros" !
Jean-Marc Couvé
(16/07/2022)
Bill Deu (clown)
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HÉROS • HÉROÏNES
DE NOTRE ENFANCE !