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Sur les traces Le Play - Voyage dans le Harz 2022

En 1829, le jeune ingénieur des mines Frédéric Le Play marche de Paris vers le Harz en Allemagne pour étudier le système d’exploitation minière locale. Ses observations, notamment sur la condition sociale des mineurs, ont marqué le début d’une démarche qui allait faire de lui l'un des plus importants chercheurs et réformateurs sociaux du 19e siècle. Près de deux cents ans plus tard, deux spécialistes des sciences sociales suivent ses traces. Sous le nom de "Clemson & Clemson", ils se glissent dans le rôle du jovial Américain Thomas Green Clemson, qui accompagnait Le Play à l'époque. Ils visitent d'anciennes villes minières, se rendent dans des mines et suivent les traces des transports de bois et de charbon dans les forêts du parc national du Harz. Épaulés par les experts les plus renommés de l'histoire minière et de parc national ils découvrent des aspects surprenants d'une "Silicon Valley" précoce, dont les effets sur la technologie, la société et la nature se font encore sentir aujourd'hui, bien au-delà du Harz. Ils trouvent des traces de leur propre histoire familiale, de Steinway et de Goethe. Mais trouvent-ils aussi Le Play ? Une Gaya Scienza personnelle et décalée, richement illustrée et avec une postface d'Antoine Savoye, spécialiste de Le Play.

En 1829, le jeune ingénieur des mines Frédéric Le Play marche de Paris vers le Harz en Allemagne pour étudier le système d’exploitation minière locale. Ses observations, notamment sur la condition sociale des mineurs, ont marqué le début d’une démarche qui allait faire de lui l'un des plus importants chercheurs et réformateurs sociaux du 19e siècle.
Près de deux cents ans plus tard, deux spécialistes des sciences sociales suivent ses traces. Sous le nom de
"Clemson & Clemson", ils se glissent dans le rôle du jovial Américain Thomas Green Clemson, qui accompagnait Le Play à l'époque. Ils visitent d'anciennes villes minières, se rendent dans des mines et suivent les traces des transports de bois et de charbon dans les forêts du parc national du Harz.
Épaulés par les experts les plus renommés de l'histoire minière et de parc national ils découvrent des aspects surprenants d'une "Silicon Valley" précoce, dont les effets sur la technologie, la société et la nature se font encore sentir aujourd'hui, bien au-delà du Harz. Ils trouvent des traces de leur propre histoire familiale, de Steinway et de Goethe. Mais trouvent-ils aussi Le Play ?
Une Gaya Scienza personnelle et décalée, richement illustrée et avec une postface d'Antoine Savoye, spécialiste de Le Play.

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Bernard Kalaora & Carlo Michael Sommer

"Clemson & Clemson"

Sur les traces de

Frédéric Le Play

Voyage dans le Harz

2022

1


Bernard Kalaora

Carlo Michael Sommer

"Clemson & Clemson"

Avec une postface

d' Antoine Savoye

Sur les traces de Frédéric Le Play

Voyage dans le Harz 2022

Impressum

ISBN 78-3-00-074996-4

Copyright (c) with the authors

/ photographer

All rights reserved

Paris / Mannheim 2023

Carlo Michael Sommer

Verantw. i. S. d. Presserechts

Carlo Michael Sommer

Wilhelm-Leuschner-Str. 28

68163 Mannheim

Deutschland


Sommaire

• Départ 2

• Goslar 4

• Wolfshagen

14

• Rammelsberg - Dr. Knolle 19

• Rammelsberg - Dr. Dettmer 25

• Schierke et le Brocken

• Altenau

• Hahnenklee

• Zellerfeld - Prof. Ließmann

• Clausthal - Prof. Ließmann

32

41

43

45

53

• Sankt Andreasberg - Prof. Ließmann 60

• Goslar

• Hypothèses sur la méconnaissance

de Le Play dans le Harz

• Antoine Savoie :

Sur les traces de Le Play en Allemagne

du Nord : après le Haut-Hartz,

cap sur le Lunebourg!

• Remerciements

71

72

74

8

• Auteurs 79

1


Départ

En 1829, le jeune ingénieur des mines Frédéric Le Play

marche de Paris vers le Harz en Allemagne pour étudier

le système d’exploitation minière locale. Ses

observations, notamment sur la condition sociale des

mineurs, ont marqué le début d’une démarche qui allait

faire de lui l'un des plus importants chercheurs et

réformateurs sociaux du 19e siècle.

« Pour en venir à des idées plus riantes, je te dirai que

notre voyage de Clausthal à Goslar s’est fait de la

manière la plus gaie, Reynaud étant un farceur fini et

Clemson, notre nouvelle recrue, étant le garçon le plus

aimable et le plus amusant qu’il soit possible de voir. Il a

pris entre autres choses à tache d’embrasser toutes

les gardeuses de chèvres et de vaches que nous

rencontrons dans les montagnes »

(Le Play, Voyages en Europe, 1829-1854), Extraits de sa

correspondance, édité par Albert Le Play, 1899, Paris)

Près de deux cents ans plus tard, deux spécialistes des

sciences sociales suivent ses traces. Sous le nom de

"Clemson & Clemson", ils se glissent dans le rôle du jovial

Américain Thomas Green Clemson, qui accompagnait Le

Play à l'époque. Ils visitent d'anciennes villes minières, se

rendent dans des mines et suivent les traces des

transports de bois et de charbon dans les forêts du

parc national du Harz.

Épaulés par les experts les plus renommés de l'histoire

minière et de parc national ils découvrent des aspects

surprenants d'une "Silicon Valley" précoce, dont les

effets sur la technologie, la société et la nature se font

encore sentir aujourd'hui, bien au-delà du Harz. Ils

trouvent des traces de leur propre histoire familiale, de

Steinway et de Goethe. Mais trouvent-ils aussi Le Play ?

Une Gaya Scienza personnelle et décalée, richement

illustrée et avec une postface d'Antoine Savoye,

spécialiste de Le Play.

2


3


Goslar

Le 29 août

Arrivée triomphale de Clemson 1 (C. M. Sommer) et

Clemson 2 (B. Kalaora) à l’hôtel Romantik Alte Münze,

l’ancien hôtel de Monnaie dont l’un des ancêtres de

Clemson 1, Henning Thiling, fut le directeur.

Mal lui en prit. Cet ancêtre quelque peu maffieux sur les

bords, fut d’après les dires décapité pour avoir extorqué

à son profit la monnaie dont il était le responsable.

4


5


Nous faisons une randonnée dans Goslar la

« moyenâgeuse » et Clemson 1 retrouve la maison en

forme de châle. Cette maison appartenait à Johannes

Thili(ng), le neveu du Henning. Clemson 1 prend les

photos grivoises des statuettes ornant la façade, une

petite servante battant le beurre et montrant ses

fesses au diable/fou / Johannes Thili.

6


7


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9


Goslar est pleine d’histoires des Thili(ng), mais pas des

traces de Le Play et de ses comparses. Retour à leur

hôtel et surprise : au lieu de diligences dans la cour

majestueuse, des Harley Davidson, les mœurs ne sont

plus les mêmes.

Clemson 1 et Clemson 2 vont souper, sans doute, dans la

même salle de restaurant inchangé et hors du temps ou

le Play, Clemson, l’ami américain et Reynaud vinrent.

Voulant rendre hommage à Le Play, les Clemson

demandent une soupe à la bière avec un rôti de cerf,

déception, ces plats ne figurent pas sur la carte. La

petite serveuse en apprentissage semble interloquée et

s’en remet à la serveuse-chef. Clemson 1 et 2 n’ont

d’autre choix que de se rabattre sur des plats

végétariens. Les Clemson décident de se coucher, déjà

harassés de fatigue par ce long voyage de Mannheim à

Goslar.

Nous recevons un mail d’Antoine, le vrai expert sur le

Play qui de la France nous envoie des infos sur Karl

Degenhardt, un des collaborateurs de Le Play lors de sa

deuxième venue dans le Harz en 1845. Antoine nous

piste avec son GPS Le Playsien. Les Clemson vont se

coucher, leur chambre est côte à côte et comme chacun

sait, les Clemson sont prédisposés aux ronflements (voir

le journal de voyage de Le Play sur le Harz), néanmoins

ils passeront une bonne nuit, car comme ils sont deux le

ronflement de l’un recouvre celui de l’autre et vice

versa.

10


Le 29 août

Clemson 2 a besoin d’un sac pour se donner une

contenance de vrai expert. Il s’en achète un à la

maroquinerie située au cœur de la place centrale.

Il y retrouve Clemson 1 et ensemble ils décident

de retourner à la maison en forme de châle de

Johannes Thiling. En quête des traces de Le Play,

les Clemson explorent les moindres recoins de

Goslar, mais ils ne trouvent nulle part aucune

mention de Le Play, ni de Reynaud. Ils interrogent

les autochtones sur leur connaissance de la

maison de Busching où Le Play et sa bande

(Reynaud et Clemson, l’américain rencontré par

hasard) ont été en août 1829 hébergés. La ville inscrite au

patrimoine de l’UNESCO semble avoir perdu la mémoire du

passage de ces Français. Nulle trace non plus dans le

Fremdenbücher de Grube Dorothea, la liste (voir liste)

répertoriant tous les visiteurs, liste envoyée par Ulrich

Reiff, président de la fondation Rammelsberg (les mines de

plomb et d’argent) à Clemson 1. Le dépouillement du

dossier ne fait apparaître aucun des noms de nos

voyageurs. Les Clemson contemporains s’interrogent :

leurs ancêtres sont-ils venus clandestinement à Goslar ou

même

Projet de voyage pour m.m. Reynaud et Le Play

ont-ils simulé un voyage qui n’aurait jamais existé ? Tout

invite à l’une de ces hypothèses, le programme du Conseil

des Mines rédigé en 1829 - envoyé par l’orfèvre en Le

Playisme, Antoine Savoye - avait pour fonction la validation

des étapes de leur trajet auprès des professeurs de l’école.

Il semblerait que Le Play et Reynaud se soient autorisés

quelque liberté avec le programme et l’itinéraire proposé.

Nos aventuriers se seraient-ils permis un extra ? Incognito

peut-être cherchaient-ils à se rendre invisibles et

camoufler les traces de leur venue ?

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Les Clemson 1 et 2 de plus en perplexes sur l’issue de

leur quête, retrouvent des traces de mains dans les

roches exposées à Goslar en hommage au

Rammelsberg, le complexe minier de Goslar. Sont-elles

les marques de Le Play, ou de Clemson ou encore de

Reynaud ? Ils prennent une photo espérant d’Antoine

qu’il puisse identifier la nature de ces indices. Dans leur

errance, ils tombent sur le fleuve, La Gose, fleuve pollué

par les rebuts des mines entourant Goslar. Les eaux

étaient toxiques du fait de l’exploitation des mines aux

alentours et les Clemson 1 et 2 se demandent s’il est

encore prudent de boire aux robinets. Ne vaut-il pas

mieux éviter les eaux de Goslar et se reporter sur la

bière et les vins du Palatinat ? Ils se souviennent des

descriptions catastrophiques de Le Play sur l’état des

ouvriers de Goslar dont « la plupart avaient les poignets

tordus par l’effet des vapeurs de plomb qui donnent

ainsi à leurs membres un tremblement perpétuel ».

.

12


13


Wolfshagen

Le 29 août

Avant de faire cette visite à La Fondation Rammelsberg,

nous décidons de faire une petite entorse à notre

itinéraire et d’aller sur les traces des ancêtres de

Clemson 1, les Tilly à Wolfhagen, petite bourgade dont ils

sont.

14


Wolfshagen est consacré à Henry Steinway qui y est né

et à Franz Tilly, l’aïeul de C .M. Sommer (Clemson 1). A

l’entrée du village, Clemson 1 m’informe qu’existait un

moulin alimenté par une rivière, La Tölle, dont la

fonction était de fragmenter (avec un marteau-pilon) le

métal brut, moulin alimenté par la rivière. Nous faisons

une rencontre fortuite avec un informateur

autochtone qui habite au même endroit que Steinway

(Heinrich Engelhard Steinweg, 1797-1871). La maison est

ancienne, mais elle n’est plus d’origine. Une longue

discussion sur la généalogie, les liens entre Steinway et

Tilly - Clemson 1 a lieu sur le trottoir. L’informateur et

Clemson s’aperçoivent qu’ils ont des connaissances

communes, une histoire qui les rassemble. Clemson 2 ne

comprend pas tout, mais il n’a aucun doute sur la

richesse de leurs échanges. Les deux ont en commun

de connaître Tilly et Steinway, personnalités qui ont

marqué le village dans les années 1800. Steinway a

quitté Wolfshagen pour exercer dans une charpenterie à

Seesen où il a épousé la fille de son patron et où il a

commencé à fabriquer les fameux pianos, avant

d’immigrer et devenir célèbre à New York. Franz

Christian Tilly, quant à lui était un grand personnage,

maire de Wolfhshagen, administrateur des forêts et

responsable de l’économie du village. Le Play l’a peutêtre

rencontré pour obtenir des informations

concernant la gestion sylvicole et la production de

charbon de bois pour les mines.

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Notre informateur nous indique la boulangerie où le

père de Franz fabriquait le pain pour le village, un

commerce situé au coin de la rue Heinrich-Steinweg-

Straße. Sur le fronton de la boulangerie se trouve une

inscription : Altes Backhaus-1779. Sur la porte, une

enseigne rappelant le fameux GlückAuf, le bonjour des

mineurs, toujours en vogue chez les habitants du Harz.

Clemson 1 tient à retrouver la fameuse fabrique

d’allumettes dont il a retrouvé trace dans ses

recherches généalogiques : pas d’allumettes à l’horizon.

Nous interrogeons le GPS de la Mini de Clemson 1, il est

sans secours pour nous aider à trouver l’adresse de la

fabrique, elle n’existe plus. Clemson 2 s’impatiente, ravi

pour les trouvailles de Clemson 1. Il se pose des

questions quant au voyage de Le Play dans le Harz.

Jusqu’alors Le Play, Reynaud et Clemson 0 restent des

inconnus pour les personnes rencontrées. Ils finissent

par se demander si Le Play n’était pas un imposteur.

A-t-il été vraiment dans le Harz ? Clemson 1 et 2 sont-ils

les Laurel et Hardy, les dindons de la farce, missionnés

pour une fausse enquête. Ils se rassurent, somme toute,

ils ne sont qu’au début de leur recherche, mais le temps

presse, ils ne sont là que pour trois jours.

16


Sur le chemin du rendez-vous avec les deux autorités les

plus renommées du Rammelsberg, Dettmer et Knolle,

nous faisons une halte sur l’immense barrage construit

dans les années 1960 pour réguler la rivière portant le

joli nom de Innerste (rivière de l’intérieur). Un barrage

qui fut construit dans une période postérieure à Le Play

et qui lui aurait évité les tourments de la torrentialité

dont il fait état dans le journal de voyage publié par son

fils Albert (voir journal où Le Play et Reynaud sont

« trempés » et« crottés »)

17


Nous quittons le barrage, avec vue sur le lac artificiel, la

rivière et sur les flancs de la montagne en grande partie

pelés en raison de la sécheresse due au changement

climatique.

18


Rammelsberg

Dr. Knolle

Le 29 août

19


Avant notre rendez-vous avec Knolle nous sommes

reçus dans le bureau de Dettmer, un homme élégant

parlant un français parfait qui nous offre son ouvrage

sur les mines du Harz. Il confirme notre hypothèse d’un

Le Play clandestin, son nom lui est inconnu, de même

que s celui de l’ouvrage magistral les OE (Les Ouvriers

européens). Nous l’informons du voyage de Le Play, il se

défend de son ignorance en mettant en avant sa

discipline, la géologie et non la sociologie ! Cette

ignorance d’un spécialiste allemand de la métallurgie

restera l’énigme de ce voyage. Nous rencontrons son

ami et collègue, le géologue et historien local Friedhart

Knolle, même constat, jamais entendu parlé de Le Play.

Knolle est un des responsables du Parc national,

désormais au service du TUI (après le Preussag dont

dépendait Rammelsberg). Il passe pour être un

personnage incontournable de l’histoire sociale,

géologique et biologique du Rammelsberg. Nous faisons

avec lui une visite des anciens chemins des charretiers,

chemins qui remontent à l’âge du bronze et où l’on

transportait dans des carrioles le métal brut aux usines

de Rammelsberg. De précieuses informations nous sont

transmises sur la biodiversité, la géologie, l’ornithologie,

la sylviculture, et sur le sol toujours contaminé par les

toxiques. Nous apprenons que certaines des plantes

sensibles à la toxicité étaient utilisées comme des

indicateurs pour la prospection des minerais.

20


Le paradoxe de la protection est que l’on protège la

nature, mais en même temps les sols contaminés qui

sont un des marqueurs de l’histoire patrimoniale du

site. Les sapins dont la plupart sont en mauvais états en

raison de la sécheresse et des insectes invasifs et

nuisibles, progressivement et sans intervention

humaine, laissent place à de jeunes feuillus (chênes et

hêtres). La visite se termine par un repas copieux au

sommet d’une colline où se trouve une tour ancienne, un

restaurant belvédère relique d’un ancien puits de mine.

Knolle nous donne des indications sur la complexité de

l’organisation des mines et des usines (communautés de

petits propriétaires, Gewerke, conglomérats,

investissements privés et de l’État rendu nécessaires du

fait de la profondeur des puits, près de 1000 mètres).

21


Ses propos sur l’organisation des mines sont aussi

riches et complets que ceux de le Play dans la

monographie réalisée lors de son retour dans le Harz en

1845 sur le tâcheron propriétaire de la corporation des

mineurs du Haut-Harz. Nous apprenons que les mines et

usines ont fermé en 1989. Knolle y travaillait comme

géologue, et qui suite à cette fermeture, sera le

référent de l’histoire du site , mais aussi le garant de la

protection de la nature au Rammelsberg devenu un

Parc National. Le lieu s’est alors transformé en un

espace récréatif pour un tourisme de nature

essentiellement d’origine allemande (7% seulement de

touristes étrangers, mais ni français ni anglais). La

conversation se termine sur une anecdote à propos

d’Alfred Nobel qui serait venu dans le Harz et aurait

découvert la fabrication de la dynamite. Il se serait

alors approprié et modifié la méthode de fabrication

sans mentionner le rôle des ingénieurs du Harz dans

cette découverte qui a fait sa réputation mondiale.

22


23


Rammelsberg

Dr. Dettmer

Le 30 août

10 heures : rencontre à nouveau avec

Dettmer pour une visite détaillée du

complexe minier. Hans-Georg Dettmer

nous fait visiter le complexe minier de

Rammelsberg.

24


Hans-Georg Dettmer nous offre ses publications, son

livre sur Héron de Villefosse, résultat de sa thèse

d’historien soutenue en 2014 et des documents

concernant la découverte du site à destination des

touristes et des visiteurs. Employé tout d’abord comme

rédacteur de journal jusqu’en 1989 lorsque les mines

étaient encore en activité, il est par la suite devenu le

spécialiste de la valorisation patrimoniale du site tant

du point de vue culturel que technique du travail des

mines et de la métallurgie. S’il ne connaît pas Le Play,

c’est parce que son intérêt concernait exclusivement le

parcours de Héron de Villefosse et que les sources des

Annales des Mines dans la période concernée de

Villefosse ne mentionnaient pas Le Play trop jeune sans

doute pour apparaître comme une référence. Dettmer a

pourtant été à l’École des Mines consulter les Annales,

dommage qu’il n’ait alors rencontré Antoine. En tout cas

personne en France ne l’a mis sur la piste de Le Play. Le

premier geste de Dettmer et de montrer aux Clemson

sa source principale à savoir, De Villefosse : De la

Richesse minérale, considérations sur les mines, usines

et salines des différents états, et particulièrement du

royaume de Westphalie, pris pour thème de

comparaison. Dans l’ouvrage qu’il nous a offert nous

trouvons un signalement de Le Play à propos des

secrétaires de rédaction des Annales (page 196), une

énumération de noms d’ingénieurs où en voie de l’être

qu’il a copiée. Manifestement il a oublié celui de Le Play.

25


La visite du musée est passionnante et concerne tous

les aspects, historiques, sociaux, techniques, chimiques,

géologiques du travail des mines ; Clemson 1 trouve son

bonheur, des références et des portraits de son aïeul

Johannes Thiling qui fut une personnalité importante de

Goslar au XVI siècle, ce dernier étant propriétaire de

mines et d’usines autour de Goslar. Quant à Clemson 2,

lui, se désespère de ne rien trouver sur le passage des

Français à Rammelsberg, ni en 1829 ni même en 1845

lorsque Le Play retourne dans le Haut-Harz. La

monographie de Le Play en collaboration avec Mme

Alberts et Degenhardt est inconnue de Dettmer

Il n’a jamais rencontré dans ses travaux les noms de

Mme Alberts ou Degenhardt et il nous renvoie sur

CLausthal où nous dit-il, « vous serez peut être plus

chanceux pour identifier ces deux personnes ». De

même, le monsieur Busching de Goslar cité par Le Play

dans le journal publié par Albert avec qui il avait noué

une relation d’amitié n’inspire pas Dettmer. Il connait

tout de Héron de Villefosse, mais pour la période de

l’après-Villefosse, nous ne pouvons compter sur ses

bons offices.

26


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29


30


La période nazie de la visite est la plus frappante et la

plus terrible. Dès l’entrée du complexe, nous avons pu

voir un tableau montrant une fillette au salut nazi

réceptionnant les mineurs, indifférente à son père qui

vient vers elle l’embrasser, mais mettant son attention à

honorer le Reich. Dans notre tournée dans le musée, une

salle entière est consacrée aux prisonniers et déportés

juifs, ukrainiens, russes, forcés des pires travaux de la

mine. Nous apprenons que Knolle a écrit un livre réputé

dans le Harz sur les nazis à Rammelsberg et sur

l’importance que cette mine représentait pour Hitler

sur le plan militaire.

31


Schierke et le

Brocken

Le 30 août

Nous quittons Rammelsberg, nous assommés par cette

longue visite, et nous décidons d’aller nous aérer sur le

Brocken, le mont magique dont la notoriété est due

pour une grande part en Allemagne à Goethe plus qu’aux

commentaires de Montesquieu qui dans L’esprit des lois

vantait le Harz pour l’organisation sociale du travail qui

faisait du mineur un homme libre. Nous prenons

l’itinéraire de Le Play, Reynaud et l’ami américain… Nous

allons à Wernigerode où nous sommes subjugués par la

richesse du lieu et l’immensité du château qui domine la

ville. Notre trajet s’est fait dans des meilleures

conditions que celles de le Play, mais hélas, nous n’avons

pas rencontré sur notre chemin « une bonne femme

fumant la pipe » et de profession charbonnière. Nous

n’avons pas non plus reçu l’aide d’un Busching pour nous

fournir un sac à provisions garni de viande de cerf, rien

de toutes ces bonnes choses nécessaires aux

aventuriers modernes que nous sommes.

32


Un peu esseulés et affamés, nous cherchons notre route

pour le Brocken, car nous nous étions mis en tête de

prendre le train à vapeur à Schierke afin de monter au

sommet de la montagne magique comme le Play l’avait

fait, mais à pied à la différence des Clemson. Le train à

vapeur nous semblait un juste compromis, entre

tradition et modernité. Nous avons tourné en rond

avant de trouver le bon itinéraire et surtout la gare de

Schierke et où finalement nous renonçons à prendre le

train, trop attrape touriste à notre goût pour les

experts que nous avons la prétention d’être.

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34


Clemson 2 pour rendre honneur à Le Play qui semblait

goûter les plats traditionnels du Harz et faute d’un rôti

de cerf s’offre un « Thüringer Rostbratwurst vom Grill ».

Après quoi, nos deux experts faussaires font une

marche à pied dans un chemin escarpé et montueux

garni de roches de granit, situé face à la gare. L’endroit

qui en impose est cependant dévasté par la chute des

arbres morts, le paysage est mortifère. Ils grimpent

avec difficulté jusqu’à un rocher majestueux (voir photo :

Le « Feuerstein ») ou Goethe et G.M Kraus s’étaient

rendus. Du paysage sublime où Goethe est passé, il ne

reste que l’immense rocher portant son nom où

paradoxalement sur son sommet un espoir de vie renait

par la pousse d’arbre qui a pris racine sur la roche à son

sommet alors qu’en contrebas tout est mort..

35


36


Nos deux experts faussaires font une marche à pied

dans un chemin escarpé et montueux garni de roches de

granit, situé face à la gare. L’endroit qui en impose est

cependant dévasté par la chute des arbres morts, le

paysage est mortifère. Ils grimpent avec difficulté

jusqu’à un rocher majestueux, le « Feuerstein » ou

Goethe et G.M Kraus s’étaient rendus. Du paysage

sublime où Goethe est passé, il ne reste que l’immense

rocher portant son nom où paradoxalement sur son

sommet un espoir de vie renait par la pousse d’arbre qui

a pris racine sur la roche à son sommet alors qu’en

contrebas tout est mort.

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38


Fort de cette petite randonnée revigorante nous

résolûmes de reprendre la route pour aller à Altenau où

Le Play avait visité une mine de plomb et où père et

frère de Steinway – charbonniers comme le petit Henry

- avaient été tués par un coup de foudre. Le paysage

sur le trajet ne ressemblait en rien à celui décrit par Le

Play, point de torrents magnifiques, ni de forêts

majestueuses de sapins et de hêtres, mais un paysage

dévasté, asséché, paysage de guerre et de désolation.

Des milliers d’hectares de forêts de sapins sont en

lambeau. Le Parc National du Harz est devenu non pas

un Musée vert, mais un Musée noir, couleur du deuil,

celle des sapins dépouillés de leurs feuillages et

transformés en squelette. Un parc post-moderne, de

l’après-changement climatique, celui de l’effondrement

de la planète, d’une terre stérile sans vie où seuls deux

humains vainement cherchent à retrouver les traces de

Le Play. Les raisons de cette catastrophe sont à la fois

le changement climatique et la monoculture de résineux

pour alimenter les mines. Acidification du sol et

sécheresse ont eu pour résultat la mort des forêts..

39


Le bon air chanté par les poètes, tout spécialement

Goethe, magnifié par Le Play est devenu un air

empoisonné, un poison mortel pour les végétaux et la

faune. Le Play dans sa monographie de 1845 vantait la

bonne gestion domaniale des futaies de sapins, il allait

même jusqu'à dire que l’administration des forêts du

Harz était l’une des meilleures de l’Europe, la France

devant la prendre en exemple. Le constat est bien autre

aujourd’hui, la futaie de sapin est réduite à néant.

Les Clemson se trouvent dans un décor de film

catastrophique traquant un fantôme. Ils espèrent

rencontrer le spectre de Le Play, mais rien (https://

encyclopedie-environnement.org/zoom/spectre-debrocken).L’acteur

principal faisant défaut les Clemson

s’évertuent à crier et hurler comme les diables et

sorciers du Harz : ou es-tu donc Le Play, sort de ta

tanière, reviens et fais-nous signe, GlückAuf !

Les bourgs avoisinants portent bien leur nom Elend

(Misère), Sorge (Soucis), néanmoins ce paysage défait

n’est pas sans noblesse, il témoigne d’une richesse et

d’une splendeur passée..

40


Altenau

Le 30 août

Arrivés à Altenau, les Clemson font halte à

l’office du tourisme et se renseignent sur

l’existence d’une trace des mines de plomb

citées par Le Play dans son journal de voyage,

la responsable de l’office est formelle, pas de

mines de plomb à Altenau, elle nous renvoie

sur Clausthal et Rammelsberg. Faute de mines

et de Le Play, Clemson 2 pose avec le cerf

naturalisé et empaillé dans le hall de l’office du

tourisme. Fin de la journée, épuisé nous

rentrons à Goslar. En nous arrêtant sur le

barrage de l’Oker où Clemson 1 prend une

photo.

41


42


Hahnenklee

Le 31 août

Les « mohicans » (terme qu’utilise Le Play pour

désigner leur petite bande et que nous

reprenons à notre propre compte) se

préparent pour une longue journée, nous

devons rencontrer deux autres « Autorités

sociales » réputées pour leur connaissance

locale, l’un dénommé Ließmann, universitaire

et géologue, le chef du département des

mines de la région de Clausthal Zellersfeld et

de Clausthal (deux divisions administratives

différentes, résultant du découpage ancien

entre la Prusse et le Hanovre), l’autre Barsch,

responsable du musée et des mines de Samson

à St. Andreasberg

Sur la route de Goslar à Clausthal-Zellersfeld

nous faisons un bref arrêt à Hahnenklee pour

admirer son église magnifique toute de bois

faite.

43


44


Zellerfeld

Prof. Ließmann

Le 31 août

Quelques minutes plus tard, nous sommes à Zellerfeld

et reçus par Ließmann, fin connaisseur des mines et des

mineurs qui nous fait visiter le musée consacré à

l’histoire régionale de la métallurgie, un des plus vieux

musées technologiques de l’Allemagne datant de 1892.

45


Clemson 2 se trouve vite submergé d’informations. Les

unes ont trait au Wasserwirtschaft (les réseaux,

l’alimentation des moulins, le fonctionnement des

gigantesques roues) pour l’extraction des minerais de

Clausthal. Plus de 120 lacs alimentaient les mines et

notamment celles Dorothea et Carolina qui ont

impressionné Le Play. Les autres indications et données

orales et graphiques concernent les modèles et

méthodes technologiques innovantes d’extraction et de

séparation des minerais. Clemson 1 bombarde le musée

de photographie des schémas, portraits, outils, plans,

du travail des mineurs, des modèles innovants

d’extraction. L’un de ces modèles est donné un exemple,

celui de Thiele réalisé en 1820, puis modifié par

Degenhardt en 1850. Clemson 2 se demande si cette

invention n’est pas le résultat de la coopération entre

Degenhardt et Le Play. Il se réjouit d’avoir trouvé enfin

une piste sur les pas de Le Play, celle du collaborateur

de la monographie de 1845 le fameux Degenhardt

Bergrevisor à la Société des Mines de Clausthal lorsque

Le Play s’y rend en 1829. Géologue renommé pour son

exploration des Andes aux côtés d’Alexandre de

Humboldt, il prend la direction des célèbres mines de

Marmato (Colombie), étudiées par Boussingault. Il est de

retour à Clausthal en 1848 (information transmise au

cours de notre séjour par Antoine).

46


Clemson 1 et 2 interrogent l’expert Ließmann sur

Degenhardt, mais celui-ci ne sait rien du personnage

bien que le nom ne lui soit pas totalement pas inconnu. Il

ignore la collaboration en 1845 entre Degenhardt et Le

Play. Le second voyage tout comme le premier n’a pas

marqué les esprits des plus connaisseurs de l’histoire

métallurgique régionale. Clemson 2 est attiré par un

parchemin et un vase très ancien représentant tous les

gestes attachés au processus d’exploitation de la mine,

les femmes et les hommes ayant chacun des rôles et

fonctions différentes, pour les femmes le travail de

combustion du charbon de bois et son transport, pour

les hommes celui de l’extraction dans la roche des

minerais. Ces représentations vivantes lui rappellent le

contenu de la monographie du tâcheron propriétaire de

Le Play en collaboration avec Degenhardt et Mme

Alberts. Mme Alberts, de même, ne dit rien à nos

informateurs.

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Quittant le musée, Clemson 1 photographie

la maison de l’administration des mines de

Zellerfeld en travaux pour restauration ainsi

que d’autres monuments de la ville, la

pharmacie avec ses 64 figurines en bois.

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Clausthal

Prof. Ließmann

Le 31 août

Nous poursuivons notre route et arrivons à la capitale

de la Silicon Valley, Clausthal, l’apogée de notre voyage.

Nous sommes frappés par l’immensité de l’église en bois

(1646) avec son toit de plomb sur la grande place dont

Le Play ne dit mot dans son journal de voyage, une église

protestante. Alors que la religion était si importante à

ses yeux, nous nous interrogeons sur ce silence et de

manière générale sur le peu d’intérêt qu’il porte aux

monuments religieux dans son journal. Pourquoi ne faitil

pas mention des deux églises en bois dont nous avons

admiré à la fois la beauté et la prouesse architecturale ?

Le Play ne semble pas sensible à la majesté et

l’originalité de certains édifices Sur cette même place

se trouve l’Oberbergamt, la maison de l’administration

des Mines de Clausthal, où celui qui en était le directeur,

Julius Albert (1787-1846), a reçu en 1829 le jeune élève

ingénieur Le Play. Julius Albert est réputé pour avoir

inventé le câble torsadé remplaçant les chaînes et

facilitant le travail de la mine.

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Nous arrivons aux mines de Dorothea et Carolina, elles

sont signalées par un graphisme explicatif, permettant

exactement de situer et repérer les lieux (photos). Nos

« mohicans » découvrent sur l’espace même des anciens

sites d’extraction la présence d’une usine high-tech,

PULVERHAUS, spécialisée dans la mesure des

nanoparticules. Le panneau à l’entrée de l’usine est

explicite : Partikelmesstechnik. Auprès de

l’établissement ultramoderne se trouve un bloc de métal

symbolisant l’entrée de la mine Carolina. Sur le toit de la

fabrique et en son centre une tour imposante de verre a

été édifiée sur laquelle ont été posés des fanions

évoquant par des symboles la fierté d’appartenir à une

tradition industrielle de métallurgie. Le mariage entre

l’ancien et le moderne confère au lieu une majesté où les

échelles de temps et d’espace se recouvrent. L’histoire

d’un passé glorieux n’est pas dissociée de l’histoire

présente. Les deux Clemson sont admiratifs. Ils

imaginent le Play découvrant « Die Gruben Carolina et

Dorothea », ils se le figurent éprouvant les mêmes

sentiments qu’eux face à la découverte de l’endroit.

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Le Play occupe sans arrêt l’esprit de nos deux

voyageurs, il n’est cependant jamais réellement présent,

introuvable. Rien ne le mentionne, pas d’indices ni

signalements. Seul Goethe et rien que Goethe, sa trace

est visible au Brocken bien sûr, mais ici à Carolina et

Dorothea où un chemin pittoresque porte son nom : le

joli, sentier arboré qu’empruntaient les mineurs pour

aller à leur travail. Les mineurs devaient le voir sous un

autre jour, certainement moins romantique et poétique

que Goethe, eux qui l’empruntaient à l’aurore pour aller

à la mine et dans l’autre sens au retour, épuisés par une

longue journée de travail. Une gravure, La Carolina, la

plus sale que jamais je n’ai vue sur une des haies

matérialisant le site rappelle aussi le passage de Heine

qui semblait plus réaliste que Goethe et dont le ton est

empreint d’ironie à l’égard des romantiques et rêveurs

comme Goethe. Ces deux poètes occupent le terrain

(Goethe, plus que Heine) et ne laissent guère de place à

leurs successeurs moins illustres, il faut le reconnaître.

Clemson 1 et 2 doivent se rendre à l’évidence Le Play

dans le Harz n’est pas l’étoile qu’ils imaginaient, pas un

filon d’or, mais une veine invisible qui reste à découvrir.

57


Clemson 1 prend des photos de la maison des mineurs

Dorothea (Dorothea Zechenhaus) où Le Play a

certainement séjourné lors de son passage.

58


Repus d’explications et de visions sur les mines les plus

riches du Haut-Harz, nous poursuivons notre périple,

découvrant les mines de l’empereur Wilhelm. Sur une

petite place, un « Wasserrad» permet au public de se

représenter le dispositif technique d’extraction par

l’utilisation de l’eau : une immense roue avec ses treuils

stimule l’imaginaire associé aux mines. Face à la lourde

machinerie se trouve la maison d’administration des

mines de l’empereur devenu aujourd’hui un centre

digital. Passé et präsent font ici aussi bon ménage.

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Sankt Andreasberg

Prof. Ließmann

Le 31 août

Clemson 1 et 2 sont sur les rotules, toujours en

présence de l’inépuisable Ließmann, ils se rendent à la

dernière étape de leur séjour, St. Andreasberg (distant

de 20kms de Clausthal) où se trouvent les mines

Samson, mines de plomb, d’argent et de cuivre où Le

Play et ses acolytes étaient venus. Sur la route ils

s’arrêtent à Oderteich en plein cœur du Parc National

pour y voir le vieux barrage de 1722 sur l’Oder, le plus

grand d’Allemagne jusqu'à 1891. Ses eaux ont alimenté

les mines de Samson pour l’extraction des minerais.

Goethe y a son chemin (toujours lui), celui qu’il a

emprunté de l’Oderteich à St. Andreasberg.

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Continuant leur randonnée, ils arrivent aux mines de

Samson réputées pour être les plus profondes (800m).

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Christian Barsch, un collègue de Ließmann, les introduit

dans un petit musée sur l’histoire de la mine ainsi que

dans une vieille maison de bois mitoyenne à ce dernier

dans laquelle se trouve l’accès principal pour descendre

dans l’enfer de la mine. Dans l’une de salles l’on peut

voir le matériel permettant l’acheminement des

hommes et des minerais ainsi qu’une immense roue

circulaire d’origine dont le mouvement est actionné par

l’eau.

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Une autre salle au premier étage montre l’élevage des

canaris à des fins de concours de chants. Les canaris

sont les mascottes des mineurs, utilisés dans des

rituels, expositions et concours, mais aussi comme

indicateurs des poches de gaz sous terre. Les oiseaux y

suffoquent avant les hommes par manque d’air et

étouffement ou empoisonnement, ils sont un bon

indicateur de la toxicité et permettent aux humains de

se préserver des risques associés à l’exploitation de la

mine.

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Le clou de notre visite se clôt par une excursion dans les

entrailles de la Terre. Les Clemson ne sont pas très

fiers à trente mètres sous terre (voir photos), ils n’ont

pas avec eux les canaris protecteurs et espèrent ne pas

se noyer dans les couloirs étroits et spongieux de la

mine ou suffoquer par manque d’oxygène. Ils se

consolent à la pensée que Goethe a emprunté les

mêmes voies souterraines. Même dans l’enfer une

inscription indique sa venue. Toujours et encore Goethe

dont la fonction semble bien de poétiser la mine et de

nous rassurer sur sa dangerosité. La mine fait partie du

sublime, mais malgré le rappel de Goethe, les Clemson

font grise mine dans la mine.

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Nous remontons à la surface, nous humons avec joie l’air

pur et frais, nous sommes sains et saufs.

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Goslar

Le 31 août

Nous sommes allés sur les traces de Le Play, avons

emprunté les mêmes routes, l’avons traqué envers et

contre tout, mais aucun de nos interlocuteurs pourtant

les plus experts de la région ne l’ont rencontré dans leur

parcours professionnel. Nous avons suscité la curiosité,

nos interlocuteurs suite à notre venue vont faire des

prospections et des repérages pour élucider l’énigme Le

Play dans le Harz. Nous avons ouvert un nouveau filon.

FIN du voyage, retour au point de départ Mannheim.

Les Clemson quittent le Romantisches Hôtel, la petite

serveuse et la belle hôtesse de l’accueil parlant un

parfait français. Ils reviendront, ils se jurent, avec un

chien renifleur au flair plus affûté que le leur et qui les

aidera à les mettre sur la bonne voie pour retrouver les

traces de Le Play dans le Harz.

71


Hypothèses sur la

méconnaissance de

Le Play dans le Harz

Question qui se pose à notre retour, pourquoi des

spécialistes allemands de l’histoire métallurgique du

Harz ignorent-ils les travaux de Le Play ? Répondre à

cette question supposerait un travail d’histoire sur

les relations entre la France et l’Allemagne dans la

période concernée… Un autre travail.

- Allemagne peu concernée à cette époque par la

métallurgie française, peu d’échanges entre ces deux

pays, l’Allemagne est beaucoup plus avancée.

- 1845, Le Play ne semble toujours pas reconnu…. Par

les métallurgistes, question reste ouverte. Brouillage

des identités, Le Play, métallurgiste puis proto

sociologue, ce passage d’une posture à une autre a eu

peut-être pour effet le brouillage en termes

d’appartenance disciplinaire. Il faudrait voir si du côté

des historiens des sciences sociales en Allemagne il est

reconnu.

Hans-Georg Dettmer dans son ouvrage magistral sur

Antoine Marie Héron de Villefosse « Der Französische

Bergingenieur Héron de Villefose und sein Wirken in

der europäischen Montanregion » (Deutsches

Bergbau-Museum-Bochum, 2014) cite Le Play page

196 à propos des Annales des Mines où le Play est

alors secrétaire de rédaction. Dettmer lorsque nous

lui avons fait remarquer qu il y avait dans son

volumineux travail une note sur Le Play ne s’en était

plus souvenu lors de notre entretien. Ce qui témoigne

du peu d’influence de l’ingénieur des mines français

auprès des historiens allemands de la métallurgie.

- en 1829, un jeune homme sans notoriété, un voyage

qui n’a pas marqué le milieu métallurgiste et des

historiens des mines.

72

Frédéric Le Play 1837, gravure par Raffet

Source: https://www.annales.org/edit/archives/x/leplay.html


- Archives importantes fermées pendant la visite :

Stadtarchiv Goslar (raison invoquée, un

déménagement), Bergarchiv Zellerfeld (extension de la

collection)

Rentrés au bercail, ils apprennent avec stupeur que le

Brocken est en feu, le spectre du Brocken a frappé,

après la mort des sapins, la malédiction s’abat à

nouveau sur ce site emblématique et insolite.

Waldbrand im Harz: Am Brocken brennt es erneut.

https://www.rnd.de/reise/bilder-vom-brocken-

waldbrand-weiter-nicht-unter-kontrolle-

MA2KKEUZ3BGBZFJKFLQHT7CTCI.html

Sie suchten nach Le Play

Und wähnten sich ihm nah

Doch meist gab’s nur ein Schild

"Goethe war schon da"

Bernard Kalaora

Carlo Michael Sommer

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Sur les traces de Le Play

en Allemagne du Nord :

après le Haut-Hartz, cap sur le

Lunebourg !

Antoine Savoye

Au début était le Hartz

Dans l’histoire de la science sociale de Le Play, son enquête dans le

Hartz occupe une place quasi-mythique. C’est Le Play lui-même qui

lui a conféré ce statut dans les éléments autobiographiques qu’il a

livrés au fil de son œuvre (1). Il insiste tout d’abord sur le fait qu’il

s’agit de sa première enquête de science sociale entreprise alors

qu’il est élève à l’Ecole des mines. Profitant du voyage d’étude

qu’impose la scolarité, Le Play et son camarade, Jean Reynaud,

élève-ingénieur en deuxième année, élaborent un vaste

programme d’étude validé par le conseil de l’Ecole. Ce programme

doit les amener jusque dans le Hartz où est prévue une enquête de

terrain de 45 jours. Bien évidemment, ce sont les mines et les

exploitations métallurgiques de la France de l’est, d’Allemagne du

Nord et aussi de Belgique que vise ce voyage d’instruction. Mais Le

Play et Reynaud, rejoints par un gai luron, l’Américain Clemson,

ont aussi l’intention, en « off », d’observer les organisations

sociales et les relations entre patrons et ouvriers des régions

qu’ils traversent. Parmi tous les districts visités lors de ce voyage

fondateur de 1829, c’est manifestement le Hartz où existe depuis

des temps immémoriaux une intense industrie minière et

métallurgique présentant une organisation spécifique, la

corporation des mineurs, qui frappe le plus Le Play. Au point qu’il

éprouve le besoin d’y retourner une quinzaine d’années plus tard,

en compagnie cette fois d’Albert de Saint-Léger, muni d’un

instrument d’observation nouveau de son invention : la

monographie de famille ouvrière. En 1829, il ne possédait pas cet

instrument mis progressivement au point une dizaine d’années

plus tard. En 1845, il est donc en mesure d’objectiver

méthodiquement les faits qu’il observe et de compléter l’approche

qu’il avait eue jeune élève-ingénieur. Il est en effet devenu un

observateur aguerri, désormais professeur de métallurgie à

l’Ecole des mines, auteur de nombreux voyages d’études : en

Espagne, dans les pays nordiques (Suède et Norvège), en Russie à

deux reprises, en Europe occidentale (Grande-Bretagne et

occidentale (Grande-Bretagne et Belgique) et, bien sûr, en France,

au cours desquels il couple de plus en plus systématiquement

étude des districts miniers et métallurgiques et étude des

sociétés.

74


La seconde raison qui donne à ´enquête dans le Hartz un statut

particulier au sein du corpus leplaysien, tient à la publicité que lui a

donnée Le Play. Celui-ci, en effet, dans l’effervescence des

premières semaines de la révolution de 1848, est appelé à

contribuer aux débats sur l’organisation du travail qui se tiennent

devant la Commission du travail, installée au Palais du Luxembourg,

ancien siège de la Chambre des pairs, présidée par Louis Blanc,

membre du Gouvernement provisoire. Lors de la séance publique

où il intervient, le 20 mars 1848, Le Play choisit de donner pour

exemple d’une organisation du travail quasi-étatisée les mines du

Hartz. Cette intervention attestée dans les journaux qui rendent

compte de cette séance aurait pu être, ultérieurement, oubliée et

discrètement passée sous silence par son auteur d’autant que Le

Play n’est pas satisfait de l’usage qu’en fit Louis Blanc. Ce n’est

pourtant pas le cas. Le Play revient sur sa prestation de 1848 à

diverses reprises comme s’il voulait lever toute ambiguïté à son

sujet. Il la constitue comme point de départ du chantier des

Ouvriers européens qui va l’occuper durant sept ans, de 1848 à

1855. Et, sur le tard, comme on va le voir, il entreprend de la

corriger ou, du moins, d’en donner une version conforme à ce qu’il

prétend avoir voulu exprimer en 1848 et, surtout, compatible avec

son ultime version de sa science sociale.

Quand Clemson & Clemson en sont

pour leurs frais

Pour qui se passionne pour l’élaboration de la science sociale

leplaysienne, le statut de l’enquête du Hartz, auto-promue par Le

Play, était un motif suffisant pour la revisiter en commençant par

se rendre sur place dans l’espoir d’en trouver les traces. Qu’avait

donc vu, au point de s’en faire le chantre, Le Play à Goslar, à

Clausthal et autres lieux, dans les fameuses « montagnes

métallifères » ? Et par quels moyens et avec quelle assistance

locale ? C’est ce qu’ont voulu comprendre nos deux amis, Clemson I

et Clemson II. Ils ont quitté leurs douillettes niches urbaines pour

affronter l’austère Hartz en pleine mutation industrielle, offrant le

spectacle de ses forêts séculaires ravagées par la maladie et le

réchauffement climatique. Leur séjour-éclair a été riche

d’observations et de sensations fixées sur la pellicule et

agrémentées d’un récit. Mais ils ont été aussi déçus ou, à tout le

moins, rendus dubitatifs par l’absence de traces de Le Play. A la

différence de l’Oural, en particulier Ekaterinebourg et Nijni-Taguil,

celui-ci n’a laissé aucun souvenir dans le Hartz dont les

autochtones préfèrent célébrer les visites de Goethe ou de

Humboldt. Comme le capitaine Haddock et Tintin partis à la

recherche du « trésor de Rackham-le-Rouge » dans les profondeurs

de l’Océan, Clemson & Clemson sont revenus bredouilles au point

de se demander si Le Play n’aurait pas monté un canular : inventer

un mineur du Hartz pour mieux valider ses hypothèses sociales.

Dans laconclusion qui ébranlerait notre foi dans la science sociale

et sa véracité, préférons un scénario à la Hergé : le trésor que

Clemson & Clemson ont cherché en vain serait, Clemson ont

75


cherché en vain serait, non pas à des centaines de kilomètres de

Mannheim et de Paris, mais sous leurs yeux, au château de

Moulinsart. J’entends par là aux Archives nationales ou à celles de

l’Ecole des mines de Paris. Ce scénario, plausible tant qu’on n’a pas

fouillé, a cependant un inconvénient majeur : il met fin à

l’exploration au contact de la réalité sensible. Clemson & Clemson,

après avoir été des explorateurs de plein air, avoir vu les lieux et les

gens, se transformeraient en rats de bibliothèques parisiens. Voilà

qui est peu palpitant et contraire à l’idée que c’est in situ que

l’enquête sur l’enquête doit se dérouler. Proposons donc une

solution alternative : les traces de Le Play, à défaut d’être dans la

mémoire des lieux, sont dans les archives, mais vraisemblablement

dans celles de la Compagnie des mines du Hartz qui n’ont pas été

accessibles jusque-là.

Retour sur un terrain élargi

Une deuxième expédition s’impose donc pour mettre au jour les

traces que la première n’a pas réussi à exhumer. Avec un retour à

Clausthal : « Glück Auf » ! Et cette nouvelle plongée pourrait être

enrichie d’objectifs précisés. Son but serait toujours de chercher

les traces de l’Homme de Clausthal, ce fantomatique hominien

ingénieur. Mais, outre les archives des mines, elle pourrait procéder

en cherchant la famille sur laquelle Le Play et Saint-Léger ont

enquêté. A défaut de son identité, sa composition (Karl M. (40 ans

en 1845) et Anna R. (35 ans) et leurs trois enfants) est connue

grâce à la seconde édition de la monographie. La deuxième

expédition devrait également – et ce serait là une vraie nouveauté-

tenir compte de la réélaboration que Le Play a faite, en 1877, de sa

monographie de 1845. En effet, dans la deuxième édition révisée, il

ne vise plus à restituer, à travers la monographie du mineur, le

système social industriel propre au Haut-Hartz, mais à brosser la «

constitution sociale » de l’ancien Royaume de Hanovre dans son

ensemble. Au-delà des péripéties politiques qui font que le Hanovre

de 1845 est devenu une province de l’Empire allemand de 1871, il

distingue deux variétés d’organisation sociale qui se rejoignent

dans les « sentiments qui président aux rapports mutuels entre

patrons et ouvriers ». Une variété est incarnée par le mineur,

l’autre par les familles paysannes du Lunebourg dont Le Play ne

dresse pas une monographie spéciale mais qu’il introduit –presque

subrepticement- dans la monographie du mineur (2è édition, p.

132-144). Or cette petite monographie du paysan du Lunebourg, on

ignore quand et comment elle a été dressée par Le Play, à la suite

de quelles informations, selon quels canaux. Il évoque que le conseil

lui en a été donné par M. Alberts, directeur général des mines, lors

de son séjour de 1829 mais qu’il ne l’a, alors, pas suivi. L’enquête

serait donc postérieure et pourrait dater de 1845 et du second

séjour sur lequel nous ne savons presque rien. Elle pourrait aussi

être démarquée de celle de Frédéric Monnier (1868) qui, le premier,

présente, devant la Société d’économie sociale, les familles-souches

du Lunebourg (2) . En tous cas, en 1877, la monographie du paysan

apparaît aussi importante aux yeux de Le Play que celle du mineur.

Au point que ses continuateurs délaisseront le mineur pour

poursuivre l’enquête sur les « familles-souches » de paysans du

Lunebourg. Par exemple, Auguste Fougerousse en 1884 et, bien

plus tard, Paul Roux équipé du paradigme tourvillien. Voilà d’autres

enquêteurs à épingler dans la collection de Clemson & Clemson,

fameux chasseurs de papillons, à la condition qu’ils élargissent leur

champ d’investigation et descendent du Hartz dans la plaine

76


saxonne jusqu’aux portes de Hambourg ! De quoi, au passage,

surprendre les Hanovriens d’aujourd’hui qui semblent ignorer

combien ils ont intéressé les Français venus les observer.

Ainsi équipés de cartes et de boussoles mises à jour, nos deux

explorateurs vont pouvoir entamer une nouvelle phase de leur

périple, désormais hanovrien dans son entier et encore plus

leplaysien.

Janvier 2023

(1) Par exemple dans La méthode sociale (1879) et dans la seconde

édition des Ouvriers européens (« Les ouvriers du Nord », tome III,

1877).

(2) Frédéric Monnier, « Les paysans à famille-souche du Lunebourg

(Hanovre) », Bulletin de la Société d'économie sociale, tome II, 1868,

p. 518-552.

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Avec nos remerciements pour tous ceux qui ont bien

voulu accueillir, nous informer et nous

accompagner sur le terrain:

- Christian Barsch, Sankt Andreasberg

- Dr. Hans-Georg Dettmer, Goslar

- Rudolf Hage, Lenggries

- Dr. Friedhart Knolle, Goslar

- Dr. Johannes Laufer, Osnabrück

- Prof. Dr. Wilfried Ließmann, Clausthal-Zellerfeld

- Günter Piegsa, Goslar

- Ulrich Reiff, Goslar, Clausthal-Zellerfeld

- Dr. Christina Wötzel, Goslar

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Auteurs:

Bernard Kalaora

Professeur honoraire de sociologie de l’environnement à

l’Université d Amiens

Co auteur - avec Antoine Savoye - de l ouvrage « Les

Inventeurs oubliés. Le Play et ses inventeurs aux origines

des sciences sociales », Champ Vallon, 1989

Carlo Michael Sommer

Professeur émérite de psychologie et communication à

l’University of Applied Sciences Darmstadt

Antoine Savoye

Professeur émérite de sociologie à l’Université paris 8,

directeur de publication de Les Etudes Sociales

Impressum

ISBN 78-3-00-074996-4

Copyright (c) with the authors

/ photographer

All rights reserved

Paris / Mannheim 2023

Carlo Michael Sommer

79

Verantw. i. S. d. Presserechts

Carlo Michael Sommer

Wilhelm-Leuschner-Str. 28

68163 Mannheim

Deutschland

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