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syndicom magazine No.33

Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!

Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!

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<strong>syndicom</strong><br />

N o 33 janvier-février 2023<br />

<strong>magazine</strong><br />

Pour un autre<br />

regard sur la<br />

migration


Annonce<br />

Des banques<br />

respectueuses<br />

du climat?<br />

Oui, c’est possible.<br />

Nous avons des rêves.<br />

Et nous les réalisons.<br />

Agir maintenant.<br />

#dreampeace


Sommaire<br />

4 Brèves<br />

5 L’invitée<br />

6 Focus sur la migration<br />

13 Infographie<br />

14 Au cœur de nos métiers<br />

18 Politique<br />

20 Du côté des employeurs<br />

21 Droit au but<br />

22 Suggestions<br />

24 Evènements<br />

26 Tranches de vie<br />

27 Mots croisés<br />

Et toi, que fais-tu dans la vie ?<br />

Voilà souvent l’une des premières questions<br />

posées lorsque l’on se présente à une fête,<br />

à un dîner ou dans un bar. En Suisse, le travail<br />

nous caractérise et nous étiquette.<br />

Notre travail définit aussi notre cercle de relations<br />

et d’amis. Le travail est un remarquable<br />

moyen d’intégration. Au travail, nous apprenons<br />

les bonnes pratiques à respecter et de quelle<br />

manière coexister en société. Dans l’idéal, on<br />

se réalise, on se sent comme faisant partie de<br />

la communauté, avec des collègues qui s’intéressent<br />

aussi à une autre culture.<br />

Le lieu de travail est aussi le seul endroit où<br />

les personnes étrangères ont une voix. Exclues<br />

sinon du droit de vote, elles peuvent s’impliquer<br />

et lutter pour leurs droits et ceux de leurs<br />

collègues au sein des commissions du personnel<br />

et des syndicats. Bref : elles peuvent faire<br />

de la politique. L’inclusion et la participation<br />

commencent ici même, au travail.<br />

C’est pourquoi <strong>syndicom</strong> soutient les travailleuses<br />

et travailleurs étrangers-ères au travers<br />

de groupes d’intérêt. Les histoires des<br />

membres du GI Migration, Augustin Mukamba,<br />

un employé de La Poste Suisse (page 9), et le<br />

journaliste kurde Rüstü Demirkaya (page 12)<br />

sont racontées dans ce numéro consacré à la<br />

migration, au travail et aux syndicats.<br />

6<br />

18<br />

20<br />

Bonne lecture !<br />

Patrizia Mordini, membre du comité directeur et<br />

responsable du groupe d’intérêt migration


4 Brèves<br />

Pour la défense des travailleurs-euses de Payot \ AVS 21 \ 8400 signatures<br />

pour des augmentations de salaire \ Lettre ouverte chez CarPostal \<br />

Postes menacés chez Presto \ Carnet noir \ CCT Poste et PostFinance<br />

Protéger le personnel de Payot<br />

Payot, la chaîne de librairies de Suisse<br />

romande, est en difficulté financière et<br />

se retrouve sous la menace de réductions<br />

massives. Le compromis négocié<br />

a permis d’éviter les licenciements et<br />

d’empêcher ou de limiter dans le temps<br />

d’autres dégradations. Les collaborateurs-trices<br />

l’ont approuvé à 80,9 %.<br />

<strong>syndicom</strong> et Unia ont signé l’accord,<br />

mais ont toutefois critiqué le fait que la<br />

commission du personnel et les syndicats<br />

n’étaient pas impliqués dans la<br />

procédure de vote.<br />

AVS 21, nouvel affront<br />

La réforme AVS 21 promettait que les<br />

femmes concernées par le relèvement<br />

de l’âge ordinaire de la retraite recevraient<br />

un subside de rente. Mais le<br />

Conseil fédéral a trouvé une faille ; si<br />

l’inflation se maintient, d’ici 20 ans, les<br />

subsides promis atteindront la moitié de<br />

ce qu’ils sont aujourd’hui au détriment<br />

de la génération transitoire. L’USS avait<br />

déjà souligné pendant la campagne pour<br />

le référendum que les mesures compensatoires<br />

étaient insuffisantes. Avec la<br />

mise en œuvre proposée aujourd’hui par<br />

le CF, elles sonnent comme un affront.<br />

8400 signatures pour des<br />

augmentations de salaire<br />

Dans le cadre des négociations salariales<br />

de cette année, <strong>syndicom</strong> demande<br />

à La Poste de réserver 4,4 % de<br />

la masse salariale aux augmentations<br />

de salaire. Ainsi, l’ensemble des collaborateurs-trices<br />

recevraient au moins<br />

200 francs supplémentaires par mois<br />

(y compris le 13 e salaire). 8400 employé-e-s<br />

postaux (près d’un tiers des<br />

employé-e-s couvert-e-s par la CCT)<br />

ont signé une pétition en ce sens, remise<br />

le 14 décembre à Valérie Schelker,<br />

membre de la direction de La Poste, au<br />

siège de l’entreprise à Berne.<br />

Salaires plus élevés exigés<br />

chez CarPostal<br />

Lors de plusieurs actions menées fin<br />

janvier dans toute la Suisse, le personnel<br />

de CarPostal a signé symboliquement<br />

une lettre ouverte adressée à la<br />

direction. Il y exige une augmentation<br />

de la masse salariale de 4,4% et donc<br />

la pleine compensation du renchérissement,<br />

des augmentations des<br />

primes maladie et une augmentation<br />

des salaires réels.<br />

Licenciements chez Presto<br />

Presto, la filiale de la Poste Suisse qui<br />

fournit des journaux quotidiens et dominicaux,<br />

envisage de licencier les<br />

employé-e-s qui distribuent le <strong>magazine</strong><br />

publicitaire Consumo jugé « non<br />

rentable » dans la région de Bienne. En<br />

conséquence, 48 membres du personnel<br />

courent le risque de perdre leur<br />

emploi. <strong>syndicom</strong> les soutient et défend<br />

leurs intérêts dans le processus<br />

de consultation actuel.<br />

Au revoir, camarade Tirefort<br />

Ouvrier et intellectuel atypique : c’est<br />

ainsi que l’on pourrait décrire Christian<br />

Tirefort, ancien président de comedia.<br />

Il est décédé le 14 décembre dernier à<br />

l’âge de 79 ans. Il a été compositeur<br />

typographe, puis président du syndicat<br />

du livre et du papier et un protagoniste<br />

de la grève de 1977, qui a conduit à la<br />

semaine de 40 heures pour l’industrie<br />

graphique. En tant que figure syndicale<br />

importante, il a accompagné son activité<br />

militante d’une réflexion théorique<br />

approfondie.<br />

Prolongation de la CCT Poste<br />

et PostFinance<br />

La convention « CCT faîtière Poste CH<br />

et PostFinance SA » ainsi que les deux<br />

CCT d’entreprise Poste CH et PostFinance<br />

SA sont prolongées jusqu’à fin<br />

2024 : ainsi en ont décidé d’un commun<br />

accord les partenaires sociaux, à savoir<br />

La Poste et les syndicats <strong>syndicom</strong><br />

et transfair. Ce faisant, ils envoient un<br />

signal fort de continuité et de stabilité.<br />

Si nécessaire, les partenaires sociaux<br />

pourront modifier d’un commun accord<br />

certaines dispositions de la convention<br />

collective de travail durant l’année de<br />

prolongation.<br />

Agenda<br />

Février<br />

Jusqu’au 26<br />

Swiss Press Photo 22<br />

Prangins, Musée national suisse.<br />

Les meilleures photos suisses de 2021<br />

sont exposées. Informations sur<br />

chateaudeprangins.ch<br />

Mars<br />

10-19<br />

FIFDH 2023<br />

De l’Ukraine à l’Iran en passant par la<br />

Somalie, les conflits sociaux, politiques<br />

et militaires qui bouleversent le<br />

monde seront abordés lors du prochain<br />

Festival du film et forum international<br />

sur les droits humains à Genève.<br />

8<br />

Journée internationale des<br />

femmes<br />

Faire progresser l’égalité entre les<br />

sexes dans le contexte de la crise climatique<br />

et de la réduction des risques<br />

de catastrophes est un des grands<br />

défis du XXI e siècle. Contenus multimédias<br />

disponibles sur un.org/fr/<br />

observances/womens-day<br />

21<br />

Journée internationale<br />

pour l’élimination de la discrimination<br />

raciale<br />

Plusieurs événements, en ligne et en<br />

présentiel, seront proposés sur le site<br />

des Nations Unies : un.org/fr/observances/end-racism-day<br />

Avril<br />

21-30<br />

Visions du réel<br />

Reconnu comme l’un des festivals<br />

majeurs dédiés au cinéma du réel dans<br />

le monde, « Visions du réel » fait de<br />

Nyon un point de convergence où<br />

plusieurs générations de cinéastes et<br />

artistes du monde entier se retrouvent<br />

pendant dix jours.<br />

<strong>syndicom</strong>.ch/agenda


L’invitée<br />

Au Parlement fédéral, on entend<br />

régulièrement que les travailleuses et travailleurs<br />

immigré-e-s doivent répondre aux nécessités<br />

du marché du travail et donc jouer un rôle<br />

de « tampon conjoncturel ». Il incombe ainsi aux<br />

autorités de contrôler l’immigration et de la refouler<br />

lorsqu’elle cesse d’être utile au patronat.<br />

Des lois toujours plus restrictives répondent à<br />

cette injonction. Il en va ainsi de la loi sur les<br />

étrangers et l’intégration (LEI) qui prévoit, en<br />

ses articles 62 al. 1 lettre e et 63 al. 1 lettre c,<br />

que toute personne titulaire de permis L, B et<br />

même C, qui recourrait à l’aide sociale, pourrait<br />

se voir retirer son permis.<br />

Ce système nourrit les inégalités et les discriminations.<br />

Ainsi, pour l’obtention d’un permis C,<br />

le délai d’attente légal peut varier du simple au<br />

double selon le pays d’origine. La Suisse est<br />

aussi l’un des derniers pays démocratiques dont<br />

la citoyenneté est régie uniquement par le droit<br />

du sang, privant des dizaines de milliers d’individus<br />

de la nationalité helvétique jusqu’à la troisième<br />

génération et au-delà.<br />

Les personnes issues de l’immigration sont<br />

soumises à des conditions de travail plus pénibles<br />

et plus précaires. Dans les secteurs de la<br />

santé, du bâtiment, des transports, de la restauration,<br />

de la vente, du travail domestique,<br />

etc., ce sont elles, plus que les autres, qui font<br />

les frais de la pandémie, du réchauffement climatique<br />

et de la crise sociale.<br />

Elles subissent aussi un discours stigmatisant,<br />

porté par la droite et par les autorités,<br />

qui divise le monde du travail. Derrière ce<br />

racisme d’Etat, ce sont nos salaires, nos conditions<br />

de travail et l’ensemble de nos droits<br />

qui sont visés. Le travail produit toutes les<br />

richesses, indépendamment de ses origines,<br />

même si le capital en accapare une part toujours<br />

plus grande. Nous sommes le nombre<br />

immense qui ne connaît pas sa force.<br />

Unissons-nous !<br />

Stoppons la machine à<br />

discriminer<br />

Stéfanie Prezioso (53 ans) a grandi à La<br />

Chaux-de-Fonds et à Yverdon. Elle est<br />

fille d’immigrés italiens, tous les deux<br />

militants. Elle a fait des études d’histoire<br />

à l’Université de Lausanne et à<br />

l’Université de Florence et a soutenu<br />

une thèse sur la trajectoire biographique<br />

d’un antifasciste italien, exilé en<br />

Suisse. Elle est aujourd’hui professeure<br />

d’histoire contemporaine à l’Université<br />

de Lausanne et conseillère nationale<br />

d’Ensemble à Gauche à Berne. Elle se<br />

présente sur la Liste d’Union populaire<br />

aux prochaines élections cantonales<br />

genevoises.<br />

5


Dossier<br />

8 Focus sur la relation des syndicats aux travailleurs-euses étrangers-ères<br />

10 Nous sommes toutes et tous des migrant-e-s<br />

12 La migration, un nouveau départ forcé : un journaliste kurde raconte<br />

Pour un autre<br />

regard des<br />

autres


7


8<br />

Dossier<br />

Travail, liberté et participation<br />

Brève histoire du rapport de la main-d’œuvre<br />

migrante avec les syndicats suisses de 1970 à<br />

nos jours.<br />

Texte : Mattia Lento<br />

Photo : Patrick Gutenberg<br />

quant à lui cherché à transformer la politique à l’égard des<br />

étrangers. » Il a voulu des secrétaires syndicaux issus de la<br />

migration et a traité les associations de migrant-e-s<br />

comme des interlocuteurs privilégiés pour définir une<br />

orientation syndicale plus ouverte et solidaire. C’est aussi<br />

grâce à lui que James Schwarzenbach a été battu dans les<br />

urnes, quand bien même de justesse.<br />

En 1970, en pleine campagne contre l’initiative dite<br />

Schwarzenbach, l’une des personnalités les plus en vue du<br />

mouvement migrant écrivait dans les colonnes de la<br />

presse italienne en Suisse : « Le scandale pour les immigrants,<br />

ce n’est pas Schwarzenbach, mais le statut d’ouvrier<br />

saisonnier. C’est la condition qui nous est réservée,<br />

en Suisse comme en France. La facilité avec laquelle on<br />

peut nous renvoyer dans notre pays. Le fait qu’il soit possible<br />

d’organiser une économie avec nous et une vie civique<br />

sans nous. » Ces paroles émanent de Leonardo Zanier<br />

(1935-2017), grand leader politique et syndical et<br />

ancien président de la Fédération des Colonies Libres Italiennes<br />

de Suisse – l’association de lutte contre le fascisme,<br />

qui a assumé un rôle politique et social fondamental<br />

dans la défense des intérêts de la population migrante<br />

en Suisse durant la seconde moitié du XX e siècle. Leonardo<br />

Zanier, qui fut à la fois poète et chantre de l’émigration,<br />

a combattu avec force l’initiative du politicien xénophobe<br />

James Schwarzenbach qui prévoyait l’expulsion de masse<br />

de centaines de milliers de personnes sans passeport<br />

suisse. Mais M. Zanier s’est aussi engagé pour que les travailleuses<br />

et travailleurs étrangères-ers aient voix au chapitre<br />

et bénéficient de l’égalité de traitement au sein de la<br />

société suisse.<br />

Le rôle des syndicats<br />

Pour lui, et les associations de migrant-e-s, il était important<br />

que les travailleuses-eurs rejoignent les syndicats<br />

suisses et deviennent, bien que sans droit de vote, des acteurs-rices<br />

de la vie politique suisse. Comme le souligne<br />

Kijan Espahangizi, historien et théoricien de la migration<br />

à l’Université de Zurich, « cette exigence est apparue surtout<br />

entre la fin des années 1960 et le début des années<br />

1970, lorsque les responsables des associations de migrant-e-s<br />

ont compris que la main-d’œuvre italienne ou<br />

espagnole n’avait pas dans son ensemble l’intention de<br />

rentrer dans son pays d’origine après avoir travaillé<br />

quelques années en Suisse. Au départ, même les travailleurs-euses<br />

migrant-e-s ont globalement accepté le principe<br />

de rotation qui régissait la politique migratoire en<br />

Suisse. » Avant cela, peut-être aussi parce que les syndicats<br />

suisses étaient peu sollicités par des figures comme celle<br />

de Leonardo Zanier, ils se sont fermés aux forces de travail<br />

étrangères et ont souvent adopté des positions protectionnistes<br />

envers la main-d’œuvre indigène. Selon Vasco Pedrina,<br />

ancien président de longue date de l’Union syndicale<br />

suisse (USS), « certaines positions syndicales<br />

antérieures à la première initiative contre l’emprise étrangère<br />

contribuèrent à susciter les peurs de l’étranger parmi<br />

les classes ouvrières suisses. Ces peurs ont ensuite été exploitées,<br />

manipulées et amplifiées par le populiste<br />

Schwarzenbach. » Les premiers signes d’ouverture envers<br />

la population étrangère, toujours selon Espahangizi, « ont<br />

été observés au sein des syndicats socio-chrétiens dans les<br />

années 1960. Dans les rangs de l’USS, Ezio Canonica a<br />

Etre solidaires<br />

Le mouvement « Etre solidaires », né en réaction au mouvement<br />

populiste conduit par James Schwarzenbach, visait<br />

à modifier la politique migratoire au niveau constitutionnel<br />

– une nouveauté dans le contexte politique<br />

helvétique. Ici aussi, les organisations de travailleurs-ses<br />

socio-chrétiennes ont joué un rôle précurseur. De concert<br />

avec les associations de migrant-e-s, elles réussirent en<br />

peu de temps à fédérer autour d’elles les forces les plus<br />

disparates, dont les syndicats de l’USS. Selon Kijan Espahangizi,<br />

il s’agissait d’un mouvement « inspiré par des<br />

expériences similaires dans le contexte international ;<br />

être solidaires partait du principe que la société entière<br />

devait changer et que sa démocratisation était fondamentale<br />

pour parvenir à une véritable intégration de la population<br />

migrante ». Le mouvement parvint à réunir les signatures<br />

pour lancer une initiative visant à provoquer un<br />

changement profond vers une politique migratoire suisse<br />

solidaire. L’initiative, soumise au vote populaire en 1981,<br />

s’est soldée par un vrai désastre : elle a été rejetée par 84 %<br />

de l’électorat. Kijan Espahangizi, en revanche, considère<br />

que « le mouvement a été très important, indépendamment<br />

du résultat de l’initiative, car il a ouvert la voie à de<br />

nombreux changements positifs au sein de la société et du<br />

mouvement syndical ». Dans les années 1990 et au début<br />

du nouveau millénaire, les syndicats se sont ensuite ouverts<br />

aux populations étrangères sans plus aucune contradiction.<br />

Peu à peu, des groupes d’intérêt (GI) de migrant-e-s<br />

se sont formés au sein des différentes fédérations<br />

de l’USS, qui ont encore leur mot à dire sur diverses questions<br />

politiques, mais aussi syndicales. Rappelons également<br />

que l’introduction en 2002 de l’Accord sur la libre<br />

Les syndicats<br />

favorisent la<br />

participation à<br />

la vie politique<br />

et sociale du<br />

pays.


circulation des personnes (ALCP) entre la Suisse et l’Union<br />

européenne – lequel conduisit à l’abolition définitive du<br />

statut de saisonnier – a ouvert de nouvelles perspectives<br />

pour les travailleuses et travailleurs migrant-e-s des pays<br />

de l’UE en termes de sécurité de séjour et de possibilités<br />

d’emploi en Suisse.<br />

Ici, personne n’est étranger<br />

La main-d’œuvre de ce que l’on appelle les pays tiers – à<br />

savoir les pays situés en dehors de la zone UE/AELE – est<br />

strictement contingentée et exclue des droits garantis par<br />

l’ALCP. Elle est soumise aux règles rigoureuses du droit<br />

suisse sur les étrangers et étrangères. Non seulement elle<br />

est privée de droits politiques, sauf exceptions de quelques<br />

réalités locales concentrées principalement en Suisse romande,<br />

mais rencontre aussi davantage de difficultés, par<br />

exemple pour obtenir un permis de séjour C ou le regroupement<br />

familial. Pour ces personnes, les syndicats offrent<br />

souvent une possibilité pour défendre leurs propres intérêts,<br />

mais aussi pour participer à la vie politique et sociale<br />

du pays. C’est le cas d’Augustin Mukamba, employé d’origine<br />

congolaise à La Poste. Il copréside aujourd’hui avec<br />

Fatima Lee le GI national Migration de <strong>syndicom</strong>. A l’occasion<br />

d’une longue et agréable conversation, il nous a raconté<br />

son parcours d’immigrant et son engagement :<br />

« Même au Congo, j’étais très engagé politiquement, puis<br />

j’ai émigré en Europe, mais je ne me suis pas renfermé sur<br />

moi-même. J’ai contacté les partis politiques locaux, je me<br />

suis impliqué dans le travail volontaire pour les jeunes et<br />

j’ai commencé mon aventure de syndicaliste au sein de<br />

<strong>syndicom</strong>. Peu après mon arrivée en Suisse, j’ai été engagé<br />

à La Poste Suisse. En tant que militant issu de l’immigration,<br />

j’ai lutté et je lutte encore pour faire reconnaître les<br />

diplômes obtenus à l’étranger par les personnes issues de<br />

l’immigration, pour renforcer la formation de base et<br />

continue et pour offrir de réelles possibilités d’épanouissement<br />

personnel également aux personnes originaires<br />

de pays tiers. Un autre sujet me tient sinon très à cœur : le<br />

climat. Je suis convaincu qu’un enjeu crucial se joue dans<br />

« Nous, migrantes et<br />

migrants, devons oser<br />

davantage et défendre<br />

nos droits. » Augustin Mukamba<br />

les pays en développement, par exemple pour préserver<br />

les forêts vierges. Sur ces questions, j’ai également fait entendre<br />

ma voix à l’USS. »<br />

Le modèle de Renens<br />

Augustin Mukamba est fier de tout ce qu’il a obtenu<br />

jusqu’à présent : il est non seulement devenu un membre<br />

important de <strong>syndicom</strong>, mais il a aussi été vice-président<br />

local et cantonal du Parti suisse du Travail, ainsi que président<br />

du Forum des associations de Renens en périphérie<br />

de Lausanne. Il est aussi fier de vivre dans cette commune<br />

vaudoise qui compte un très grand nombre de<br />

personnes sans passeport suisse : « 120 à 130 pays sont représentés<br />

ici à Renens. Cette commune fait de l’ouverture<br />

et de l’inclusion sociale son étendard. Ici se côtoient différentes<br />

cultures, religions et ethnies. Tout cela constitue<br />

une richesse, pas un problème. Je pense que ma commune<br />

est un modèle à suivre en Suisse, mais aussi en Europe.<br />

Toutes les villes n’ont pas cette capacité d’intégration.<br />

» Renens compte parmi ses citoyen-ne-s aussi<br />

Pierre-Yves Maillard, président de l’USS, que Augustin<br />

Mukamba connaît bien : « Pierre-Yves Maillard m’encourage<br />

et me dit souvent qu’il rêve d’un pays où ce qui compte<br />

n’est pas la couleur de la peau ou l’origine, mais les compétences.<br />

Je suis d’accord avec lui, mais pour y arriver,<br />

nous, les migrantes et migrants, devons oser davantage et<br />

défendre nos droits. »


10 Dossier<br />

La migration est la solution,<br />

non pas le problème<br />

Le capital circule librement, mais les gens<br />

restent confinés à l’intérieur des frontières.<br />

Le capitalisme autoritaire s’empêtre ainsi dans<br />

ses contradictions.<br />

Texte : Oliver Farhni<br />

Photos : Patrick Gutenberg<br />

« Oli ! Que fais-tu ici ? » L’homme qui m’interpelle est assis<br />

dans un café aux Cinq-Avenues de Marseille, où je vais parfois<br />

chercher mes cigarettes. Silvio est une vieille connaissance<br />

de Berne. Nous avions joué ensemble au handball et<br />

organisé un comité de soldats. Je ne l’avais plus vu depuis<br />

une éternité. « Je vis ici », dis-je.<br />

Lui aussi, explique le joueur de handball, « du moins<br />

aussi longtemps que les Français me le permettent. Mon<br />

business est à Marseille. Je refuse de revenir en Suisse. »<br />

Qui pourrait l’y forcer ? « L’UDC », dit-il. Parmi les Suissesses<br />

et les Suisses de France, c’est la panique, parce que<br />

les électeurs-trices vont devoir voter pour la millième fois<br />

sur une initiative xénophobe d’isolement de l’UDC. Si l’accord<br />

de libre circulation des personnes avec l’UE était résilié,<br />

nous pourrions être expulsés, déclare Silvio. Comme<br />

c’est arrivé à beaucoup de Britanniques après le Brexit.<br />

Ou comme ça se passe chaque jour avec les personnes<br />

d’Afrique, du Proche-Orient et d’Asie.<br />

Le passeport suisse, un fardeau<br />

Un sommelier nous a entendus et se mêle à la conversation.<br />

Il vient du canton de Vaud. Sans la libre circulation<br />

des personnes, il aurait besoin d’un permis de travail et<br />

d’une carte de séjour. Peine perdue dans son métier. Il devrait<br />

retourner à Yverdon. Ou travailler au noir, à l’affût<br />

des contrôles. Nous buvons notre café tout en discutant de<br />

ce qu’il faudrait faire. Acheter un passeport européen sur<br />

le marché noir, dit l’un. Demander l’asile politique en<br />

France à cause de l’UDC, dit l’autre. Rires. A Paris, les fascistes<br />

du « Rassemblement National » se déchaînent. Il n’y<br />

a donc qu’une solution, déclare le troisième : le mariage<br />

blanc avec une citoyenne européenne.<br />

C’était en août 2020. Quelques semaines plus tard, la<br />

résiliation de la libre circulation des personnes échouait<br />

aux urnes. Quoi qu’il en soit, la Suisse n’a fait que reporter<br />

son problème avec l’UE depuis lors. La discorde atteint actuellement<br />

un nouveau paroxysme – et peu de politiciens<br />

et politiciennes veulent s’atteler au problème avant les<br />

élections fédérales à l’automne 2023. Par crainte des campagnes<br />

de l’extrême droite autour du clan Blocher. Une<br />

curieuse lâcheté : les sondages et votations montrent que<br />

la majorité de la population entretient une relation plutôt<br />

détendue avec nos voisins de l’UE.<br />

Demain, je pars<br />

Pendant plus d’un demi-siècle, la Suisse a été un pays<br />

d’émigration typique. Du XVI e siècle à la Seconde Guerre<br />

mondiale, des centaines de milliers de personnes ont fui<br />

la Suisse vers l’Europe et l’Outre-Mer pour échapper à la<br />

faim, au chômage et à la misère, à la répression politique<br />

et à l’exiguïté. De 1880 à 1890 seulement, on en comptait<br />

90 000, ensuite environ 50 000 par décennie. Des bureaux<br />

d’émigration privés ont fait leurs choux gras avec les personnes<br />

émigrées et les colonies suisses. Ainsi, en 1883,<br />

une agence d’émigration à Bâle, l’« Agentur Zwilchenbart<br />

», proposait par annonces dans la Feuille d’avis de<br />

Neuchâtel des transports vers New York (1 er septembre), le<br />

Canada (8 septembre), le Labrador (15 septembre) et la


Dossier<br />

11<br />

Normandie (22 septembre). Un « Office fédéral de l’émigration<br />

» contrôlait ces mouvements migratoires. Aujourd’hui,<br />

près de 800 000 Suisses et Suissesses vivent à<br />

l’étranger.<br />

Ces personnes ont fait et continuent à faire ce que les<br />

migrant-e-s font toujours : avec zèle, elles ont construit<br />

une nouvelle existence et ont donc stimulé l’économie de<br />

leur nouveau lieu de vie. L’immigration et l’innovation ont<br />

toujours été étroitement liées. Ainsi, sans les Huguenots<br />

ayant fui la France, l’industrie horlogère n’aurait jamais<br />

existé en Suisse.<br />

L’histoire de l’humanité est celle des mouvements migratoires.<br />

La migration est un moteur puissant, elle est la<br />

normalité historique depuis que l’Homo sapiens, l’homme<br />

moderne, a quitté l’Afrique pour gagner le reste du monde.<br />

Une nouvelle science, l’archéogénétique, apporte aujourd’hui<br />

des enseignements passionnants comme la<br />

preuve que nous, Européen-ne-s, avons été autrefois très<br />

foncé-e-s de peau ou que les vagues d’immigration en provenance<br />

d’Anatolie nous ont profondément marqué-e-s.<br />

Nous comprenons au passage la supercherie dévastatrice<br />

de toutes les théories raciales, car du p0int de vue scientifique,<br />

les races n’existent pas. Et parce que pratiquement<br />

tous les êtres humains sont le produit d’un brassage génétique.<br />

Dans le cas de l’auteur : ¼ huguenot, ¼ silésien, ¼<br />

rom (tsigane), ¼ emmentalien. Un « Suisse » tout à fait ordinaire<br />

donc. Mais cela n’a aucune importance, l’origine<br />

et les identités sont de pures hallucinations.<br />

L’enjeu n’est pas la race, mais la classe<br />

« L’histoire de l’humanité<br />

est celle des mouvements<br />

migratoires. »<br />

La migration est souvent forcée, par des guerres, des régimes<br />

meurtriers et aujourd’hui de plus en plus par des<br />

catastrophes climatiques. Mais la migration a aussi régulé<br />

des conflits et atténué les famines. Les récits ancestraux<br />

et les mythes fondateurs nous montrent l’émigration<br />

comme une opportunité, comme un droit fondamental<br />

humain de partir à la découverte du monde et de s’établir<br />

librement où la vie semble plus douce ou plus intéressante.<br />

Les frontières et les passeports sont des inventions<br />

récentes.<br />

A partir des années 1950, les grandes entreprises ont<br />

fait venir de la main-d’œuvre bon marché en masse pour<br />

l’industrie et la construction. La Suisse s’est transformée<br />

en un pays d’immigration. Des bureaux de recrutement en<br />

Italie, en ex-Yougoslavie et en Espagne ont veillé à l’approvisionnement<br />

constant en travailleurs-euses, qui ont<br />

construit une nouvelle Suisse. Des lois discriminantes<br />

comme le statut de saisonnier-ères et les contingents ont<br />

alors comprimé les salaires et maintenu sous le joug les<br />

migrant-e-s de la « Suisse des baraquements de fortune ».<br />

Dans le même temps ont émergé les partis d’extrême<br />

droite, qui ont diabolisé le cliché d’une prétendue « surpopulation<br />

étrangère ». Le nationalisme et l’obsession raciale<br />

sont des fléaux qui prospèrent à merveille dans le capitalisme<br />

mondialisé. Le capital circule librement, mais<br />

les humains se noient dans la Méditerranée ou restent bloqués<br />

aux frontières de l’Europe de l’Est. L’ex-conseiller fédéral<br />

et milliardaire Christoph Blocher incarne cette schizophrénie<br />

: lors de chaque initiative de l’UDC contre la<br />

migration et la libre circulation des personnes, il a assuré<br />

en cercle restreint à ses amis capitalistes que toute la maind’œuvre<br />

étrangère dont ils auraient besoin leur serait bien<br />

sûr mise à disposition. L’économie fait la migration.<br />

Le plus grand mérite historique des syndicats a été de<br />

voir rapidement clair dans ce jeu et de combattre la xénophobie<br />

– jusque dans leurs propres rangs. Ils n’ont pas<br />

seulement aboli le statut de saisonnier, ils ont clairement<br />

montré que la politique des partis de droite contre les migrant-e-s<br />

visait en réalité à maintenir sous pression l’ensemble<br />

de la main-d’œuvre – quelle que soit sa nationalité<br />

– et à préserver le bas niveau des salaires. L’unique<br />

remède : la libre circulation des personnes et la solidarité<br />

transfrontalière de tous les travailleurs et travailleuses – la<br />

classe au lieu de l’origine.<br />

Un incident survenu au cours de l’été 2022 a révélé<br />

l’âpreté de cette bataille. Le Contrôle fédéral des finances,<br />

qui adhère entièrement aux intérêts du capital, a alors lancé<br />

une attaque virulente contre les contrôles salariaux<br />

dans le cadre des mesures d’accompagnement. Ces mesures<br />

doivent empêcher la sous-enchère salariale et le<br />

dumping social des entreprises (« égalité des salaires pour<br />

un même travail, au même endroi t»). Cela garantit l’adhésion<br />

de la population à la libre circulation des personnes.<br />

Les entreprises internationales, mais aussi les lobbies<br />

Economiesuisse et Avenir Suisse, veulent supprimer les<br />

contrôles de salaires.<br />

Le retour des bureaux de recrutement<br />

Peu avant la fin de l’année, un manager de l’Hôpital cantonal<br />

d’Aarau s’est rendu à Rome pour y recruter par casting<br />

du personnel soignant et médical. Ce n’est pas seulement<br />

depuis la pandémie que notre système de santé est<br />

au bord de l’effondrement. Des milliers de spécialistes<br />

étrangers ont permis de l’éviter jusqu’à présent. Dans certains<br />

hôpitaux cantonaux et universitaires, les médecins<br />

d’origine étrangère sont en surnombre. La faute à la politique<br />

néolibérale d’austérité – la Suisse forme trop peu de<br />

spécialistes. Actuellement, il manque également près de<br />

4000 médecins généralistes. Et chaque mois, 300 soignant-e-s<br />

rendent leur tablier, en raison des conditions de<br />

travail abominables.<br />

Faire miroiter des salaires élevés ne permet plus de résoudre<br />

le problème. Certains pays européens en ont assez<br />

de former à grands frais des gens qui travaillent ensuite à<br />

Bâle, Genève ou Zurich. Par des incitations, l’Allemagne a<br />

déjà récupéré tant de spécialistes que cela se traduit dans<br />

les statistiques des étrangers par un solde migratoire négatif<br />

des ressortissant-e-s allemand-e-s.<br />

La situation est similaire pour les professions de l’informatique<br />

et les métiers mathématiques et techniques.<br />

En 2019, les économistes de la grande banque UBS estimaient<br />

le besoin supplémentaire en spécialistes à « plusieurs<br />

centaines de milliers ». La situation est grave et tendue.<br />

Elle nécessite avant tout des investissements<br />

importants dans la formation. Mais surtout, un conflit politique<br />

aigu s’amorce – entre l’explosion de la migration et<br />

le repli. A Marseille, nous avons résolu le problème : ici,<br />

toutes et tous sont étrangers-ères, donc personne ne l’est.


12<br />

Dossier<br />

Ma vie de journaliste réfugié<br />

en Suisse<br />

Reconnaissance des diplômes, discrimination<br />

à l’embauche, participation à la vie politique :<br />

le témoignage d’un journaliste membre de<br />

<strong>syndicom</strong>.<br />

Texte : Rüstü Demirkaya<br />

Photo : Patrick Gutenberg<br />

Quand j’ai commencé à travailler comme journaliste en<br />

Turquie, j’étais conscient de tous les risques que je prenais.<br />

Après tout, être un journaliste kurde demande beaucoup<br />

de courage. Mais je n’aurais jamais imaginé qu’un<br />

jour je me retrouverai en Suisse en tant que réfugié.<br />

En Turquie, j’écrivais souvent l’histoire des réfugié-e-s<br />

et les difficultés auxquelles ils-elles font face. Maintenant,<br />

j’écris ma propre histoire. Franchement, c’est excitant de<br />

découvrir une nouvelle langue et culture. Mais la plupart<br />

du temps, la vie des réfugié-e-s ne consiste pas en une histoire<br />

qui se déroule dans un pays des merveilles. Souvent,<br />

ils-elles sont considérées comme des main-d’œuvre à exploiter<br />

ou des victimes ayant besoin de compassion. On<br />

les traite comme des parasites, des criminel-le-s, des<br />

idiot-e-s et des ignorant-e-s.<br />

J’ai travaillé comme reporter et rédacteur en chef pour<br />

plusieurs médias kurdes et turcs, pendant de nombreuses<br />

années, en Turquie. En raison de mon activité de journaliste,<br />

j’ai dû quitter la Turquie et me réfugier en Suisse, où<br />

je vais probablement passer le reste de ma vie. J’ai donc<br />

décidé de continuer à effectuer mon travail ici. J’ai donné<br />

ma candidature à de nombreux médias suisses. Mais, au<br />

bout d’un moment, je me suis rendu compte que mes expériences<br />

professionnelles et la formation que j’avais<br />

n’avaient aucune valeur ici. J’étais donc forcé de tout recommencer.<br />

Tout reprendre à zéro<br />

« Nous avons beaucoup<br />

à apprendre les uns des<br />

autres. » R. Demirkaya<br />

Dans un café, en pensant à tous ces problèmes, j’ai commandé<br />

un thé noir. En l’apportant, la serveuse a commencé<br />

à m’expliquer comment je devais le préparer et boire :<br />

« Il faut, d’abord, mettre le sachet dans l’eau chaude, ensuite,<br />

mélange-le bien avec cette cuillère ! Ça sera prêt une<br />

fois que la couleur aura changé. » Elle ne plaisantait pas.<br />

Elle pensait vraiment que je ne savais pas le boire. En souriant,<br />

je l’ai remerciée et j’ai mis le sachet sur lequel était<br />

écrit « Made in Turkey » dans l’eau chaude. Plus tard, j’allais<br />

« apprendre » également à utiliser des toilettes. J’étais<br />

quand même plus chanceux qu’un ami qui devait apprendre<br />

à mettre le papier dans un dossier.<br />

Ainsi, j’ai recommencé depuis le début : utiliser des<br />

toilettes, boire du thé. Ensuite, j’ai appris l’allemand et le<br />

français. J’ai fait mon bachelor en relations internationales<br />

et mon master en géographie politique et culturelle<br />

à l’Université de Genève. Je commence bientôt mon doctorat.<br />

Je suis le fondateur d’une fondation internationale<br />

et je travaille pour une agence de presse kurde. Toutes ces<br />

expériences m’ont obligé à m’impliquer activement dans<br />

les droits des réfugié-e-s et le droit du travail. C’est pourquoi<br />

je suis membre du Groupe d’intérêt Migration de<br />

<strong>syndicom</strong> depuis 2011, où les gens pensent que l’intégration<br />

ne devrait pas être comme formater un ordinateur,<br />

ignorer toutes les connaissances et l’expérience des réfugié-e-s<br />

et les forcer à recommencer, mais plutôt d’établir<br />

des mécanismes et, ou, de forcer ceux existants d’agir afin<br />

que les réfugié-e-s puissent utiliser leurs connaissances et<br />

expériences plus efficacement. Nous nous battons pour<br />

rappeler que les réfugié-e-s ne sont pas des main-d’œuvre<br />

à exploiter ou de pitoyables victimes, ni des criminel-le-s.<br />

Ce sont des individus dotés de connaissances et d’expériences<br />

énormes, méritant un traitement plus humain en<br />

tant qu’individu. Notre objectif est de mettre fin à l’inégalité<br />

et à l’exploitation qui sont légitimées par les arguments<br />

racistes et discriminants. Parce que nous croyons<br />

que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres.<br />

Et vous, qu’en pensez-vous ?<br />

Photos<br />

Pour en savoir plus<br />

sur le GI Migration<br />

Pour dépeindre les mille facettes des travailleurs-euses<br />

étrangers-ères et migrant-e-s en Suisse, le photographe<br />

Patrick Gutenberg a suivi l’action du Groupe d’intérêt<br />

Migration de <strong>syndicom</strong> à Zurich à l’occasion de la Journée<br />

internationale des migrant-e-s le 18 décembre.<br />

Patrick Gutenberg vit et travaille à Zurich, à la fois pour<br />

Tamedia et en tant que photographe indépendant. Ses sujets<br />

préférés tournent autour des humains et leurs histoires.<br />

Il travaille également en tant qu’éducateur pour adultes et<br />

donne des cours de photographie. Patrick travaille également<br />

avec Welcome to School, le centre de formation zurichois qui<br />

accompagne les jeunes issus de l’immigration ou de l’asile<br />

afin qu’ils puissent s’intégrer et trouver un emploi en Suisse.<br />

Retrouvez tout son travail sur kontrast.ch/gutenberg


La migration en Suisse<br />

L’économie suisse sans notre main-d’œuvre étrangère? Impensable. Pourtant, l’immense<br />

contribution des migrant-e-s à notre prospérité est souvent méconnue ou<br />

mal rétribuée. Et les travailleurs-euses étrangers-ères sont régulièrement victimes<br />

de discrimination.<br />

260 CHF par mois pour une vie digne<br />

Depuis 2008, les personnes qui se sont vu refuser l’asile en<br />

Suisse ne peuvent plus, selon la loi, accéder à l’aide sociale et<br />

vivent de l’aide d’urgence. Si le montant varie selon les cantons<br />

et l’état civil des personnes concernées, l’aide ne permet pas de<br />

prétendre à une existence « conforme à la dignité humaine »<br />

comme le prévoit pourtant l’article 12 de la Constitution<br />

fédérale. Dans un récent article de la Revue suisse de l’intégration<br />

et de la migration, deux requérants rencontrés doivent s’en<br />

sortir, par exemple, avec une aide de 260 chf par mois.<br />

+280%<br />

Le taux de chômage de la<br />

population issue de la<br />

migration hors de la zone<br />

UE27 est trois fois plus<br />

élevé que pour les Suisses<br />

et Suissesses (14,6 %<br />

contre 5,1 % en 2021).<br />

6988 CHF<br />

6029 CHF<br />

Disparités salariales<br />

6988 CHF par mois contre<br />

6029 CHF par mois. En<br />

2020, le salaire médian<br />

des employé-e-s titulaires<br />

d’un passeport suisse<br />

était de près de 1000<br />

francs supérieur à celui<br />

des employé-e-s sans<br />

passeport suisse.<br />

Discrimination raciale à l’embauche<br />

Selon une étude de l’EPFZ,<br />

dont les résultats reposent sur<br />

un algorithme développé pour<br />

suivre le comportement de<br />

recherche des recruteurs sur<br />

les sites d’emploi, le taux de<br />

contact lors d’une postulation<br />

est jusqu’à 19 % inférieurs<br />

pour les personnes issues<br />

de l’immigration et des<br />

minorités ethniques.<br />

–19 %<br />

Source: OFS<br />

Source: EPFZ<br />

Immigration sur le marché du travail suisse<br />

par nationalité<br />

En 2021, l’immigration de personnes exerçant une<br />

activité lucrative en provenance des États de l’UE/<br />

AELE (61 656 personnes) et des États non membres<br />

de l’UE (10 299 personnes) dans la population<br />

résidante permanente étrangère s’est élevée à 71<br />

955 personnes. 79 % des immigré-e-s sur le marché<br />

du travail suisse en 2021 sont employés dans le<br />

secteur tertiaire, 18 % dans l’industrie, la construction<br />

et l’artisanat et 3 % dans l’agriculture.<br />

UE/AELE<br />

Source: OFS<br />

1 % Érythrée<br />

1 % Syrie<br />

1 % USA<br />

1 % Chine<br />

2 % Inde<br />

2 % Royaume-Uni<br />

2 % Afghanistan<br />

Etats tiers<br />

6 % Etats tiers restants<br />

19 % Reste de l’UE/AELE<br />

5 % Pologne<br />

71955<br />

19 % Allemagne<br />

13 % Italie<br />

12 % France<br />

7 % Portugal<br />

5 % Espagne<br />

5 % Roumanie<br />

La main d’oeuvre étrangère au sein de l’économie suisse<br />

La part de personnes actives occupées de nationalité étrangère parmi la population active<br />

supprimer est passée de 25,6 % en 1991 à 32,2 % en 2021. Si l’évolution a été légèrement en baisse<br />

jusqu’au début des années 2000, la proportion de travailleurs-euses étrangers-ères est en progression<br />

annuelle constante depuis 2004 et contribue très largement au marché du travail en Suisse.<br />

40 %<br />

35 %<br />

32,2 %<br />

La discrimination raciale sur<br />

le lieu de travail<br />

50 % des personnes de nationalité étrangère<br />

ayant subi une discrimination raciale l’ont<br />

eue dans l’environnement professionnel.<br />

50 %<br />

30 %<br />

25 %<br />

25,6 %<br />

20 %<br />

15 %<br />

10 %<br />

5 %<br />

0<br />

1991<br />

1993<br />

1995<br />

1997<br />

1999<br />

2001<br />

2003<br />

2005<br />

2007<br />

2009<br />

2011<br />

2013<br />

2015<br />

2017<br />

2019<br />

2021<br />

Source: OFS<br />

Source: Service de lutte contre le racisme


14<br />

Au cœur de<br />

nos métiers<br />

Plus de protection pour les<br />

professionnel-le-s des médias<br />

L’OFCOM élabore un plan d’action national pour la protection des<br />

professionnel-le-s des médias. Les attentes sont élevées.<br />

La Suisse est un pays sûr pour les professionnel-le-s<br />

des médias. Elle figure<br />

toujours parmi les 20 premiers pays<br />

au classement mondial de la liberté<br />

de la presse. En Suisse, les professionnel-le-s<br />

des médias ne sont pas<br />

confronté-e-s quotidiennement à des<br />

assassinats de journalistes, à des persécutions<br />

de l’Etat ou à des campagnes<br />

de désinformation à large échelle.<br />

Pourtant, les attaques à leur égard<br />

ont augmenté parfois drastiquement<br />

pendant la pandémie, notamment<br />

lors de manifestations. Même les<br />

agressions commises par des policiers-ères<br />

préoccupent un nombre<br />

croissant de professionnel-le-s des<br />

médias en Suisse. A cela s’ajoutent les<br />

menaces dans l’espace numérique, le<br />

harcèlement et les plaintes émanant<br />

d’entreprises ou de personnes privées<br />

pour empêcher les reportages critiques.<br />

Ces évolutions expliquent pourquoi<br />

l’Office fédéral de la communication<br />

(OFCOM) a élaboré début 2022 un<br />

plan d’action national avec la participation<br />

des professionnel-le-s des<br />

médias, des syndicats, des écoles, des<br />

maisons d’édition et des associations,<br />

pour protéger les professionnel-le-s<br />

des médias. Les représentations de la<br />

branche Médias de <strong>syndicom</strong> ont également<br />

été associées au processus dès<br />

son lancement au printemps dernier.<br />

« Nos membres nous relatent souvent<br />

les problèmes de sécurité auxquels<br />

sont confrontés les professionnel-le-s<br />

des médias dans leur travail »,<br />

déclare Stephanie Vonarburg, responsable<br />

du secteur Médias de <strong>syndicom</strong>.<br />

Notre syndicat soutient donc le plan<br />

de l’OFCOM : « Depuis que le terme de<br />

‹ fake news › est entré dans le langage,<br />

le travail et la réputation des journalistes<br />

en pâtissent. Il est inacceptable<br />

qu’on leur mette des bâtons dans les<br />

roues lorsqu’ils effectuent des recherches<br />

et reportages et qu’ils deviennent<br />

la cible de violence physique<br />

ou psychique. La Suisse s’engage pour<br />

un journalisme fort avec un plan d’action<br />

national visant à protéger les professionnel-le-s<br />

des médias », renchérit<br />

Barbara Roelli, journaliste et coprésidente<br />

du comité de la branche Presse.<br />

Le PAN comportera trois champs<br />

d’action. Le premier inclut la sensibilisation<br />

et la prévention. Le journalisme<br />

doit être valorisé en Suisse par<br />

des campagnes d’information, un dialogue<br />

avec les organisations d’intervention<br />

en cas d’urgence, un monitoring<br />

uniforme sur la sécurité des<br />

professionnel-le-s des médias et un<br />

débat au sein de la branche sur<br />

l’harmonisation des cartes de presse.<br />

Le deuxième champ d’action concerne<br />

la protection contre la violence et les<br />

menaces dans l’espace numérique et<br />

analogique. Une antenne pour les<br />

journalistes suisses menacés à l’étranger<br />

ainsi qu’un point de contact centralisé<br />

en Suisse sont notamment envisagés.<br />

Le troisième champ d’action<br />

englobe la sphère juridique et le traitement<br />

des plaintes abusives. Le PAN<br />

sera rendu public au printemps 2023.<br />

Natalia Widla<br />

Cet article est paru dans une<br />

version plus longue dans le<br />

<strong>magazine</strong> des médias Edito 4/22.<br />

Dans les salles de rédaction ou sur le terrain, en ligne ou physiquement, les attaques contre les professionnel-le-s des médias se multiplient. (© Keystone-ATS)


« Les négociations résultent d’un mouvement déterminé de<br />

la base, qui n’a pas reculé devant le conflit. » Urs Zbinden<br />

15<br />

Négociations sur une nouvelle<br />

CCT en vue chez Planzer<br />

La forte mobilisation des travailleurs et travailleuses autour du<br />

groupe « Progress @Planzer » a porté ses fruits .<br />

Les travailleurs-euses du dépôt de Planzer ont demandé la collaboration de <strong>syndicom</strong>. (© Keystone-ATS)<br />

En juin 2022, des conducteurs-trices<br />

de Planzer KEP à Zurich Altstetten<br />

nous ont contactés. Ils nous ont décrit<br />

la précarité de leurs conditions de<br />

travail au dépôt : journées de travail à<br />

rallonge, planification à la dernière<br />

minute et véhicules surchargés. Un<br />

groupe au sein de l’entreprise aurait<br />

déjà tenté en vain de dénoncer les dysfonctionnements.<br />

Cette nouvelle nous<br />

a surpris. Dans la branche, nous nous<br />

étions concentrés jusqu’à présent sur<br />

DHL ou DPD. Planzer KEP est actif depuis<br />

environ quatre ans sur le marché<br />

des colis, ne recourt pratiquement à<br />

aucun sous-traitant et se présente vers<br />

l’extérieur comme une entreprise familiale.<br />

Par courrier, nous avons cherché<br />

en juillet le dialogue avec Planzer.<br />

Pour conférer du poids aux points<br />

susmentionnés, près de 75 % du personnel<br />

a signé jusqu’à fin septembre<br />

un mandat. Le groupe constitué au<br />

sein de l’entreprise s’est officialisé<br />

entre-temps sous le nom « Progress @<br />

Planzer ». Les tentatives de dialogue<br />

avec Planzer sont toutefois restées<br />

lettre morte. Il a fallu exercer une pression<br />

supplémentaire pour aboutir enfin,<br />

le 28 novembre, à une discussion.<br />

Malheureusement, cette discussion<br />

n’a pas pu débloquer la situation. Il<br />

s’en est suivi une escalade médiatique<br />

dans l’émission « Kassensturz » de la<br />

télévision alémanique le 13 décembre.<br />

Puis tout a été très vite : après l’annonce<br />

d’un programme d’urgence,<br />

Planzer KEP s’est déclaré disposé à<br />

entamer des négociations sur une<br />

convention collective de travail.<br />

Les négociations à venir chez<br />

Planzer KEP sont le résultat d’un mouvement<br />

déterminé de la base, qui n’a<br />

pas reculé devant le conflit. Il est important<br />

de le souligner en toute clarté.<br />

Car la mémoire historique est parfois<br />

courte, même chez les syndicats. Qui<br />

se rappelle encore qu’un reportage de<br />

« Kassensturz » avait précédé la CCT<br />

pour la branche des centres de contact<br />

et d’appel et qu’une pause de protestation<br />

avait été évitée de justesse chez<br />

Avocis (aujourd’hui Capita) ? Ou que<br />

la commission du personnel chez<br />

Google Zurich s’est imposée par un<br />

mouvement de la base contre la volonté<br />

du management de la société américaine<br />

?<br />

En février débuteront les négociations<br />

CCT chez Planzer. D’ici là, <strong>syndicom</strong><br />

sera présent dans tous les dépôts<br />

et s’enquerra des besoins du personnel<br />

via un sondage. Lors des négociations,<br />

« Progress @Planzer » et <strong>syndicom</strong><br />

exploiteront un vieux filon : dans<br />

les années 2000 et 2010 déjà, une CCT<br />

d’entreprise progressiste avait été<br />

conclue avec DPD. Ce sont des signes<br />

encourageants pour tous les travailleurs<br />

et travailleuses de la branche –<br />

au-delà de Planzer KEP.<br />

Urs Zbinden<br />

Solutions alibis pour<br />

des faux problèmes<br />

Daniel Hügli, responsable du secteur TIC et<br />

membre du comité directeur<br />

Le partenariat social, qui pourra bientôt<br />

se targuer de fêter un siècle d’existence,<br />

est vanté de toutes parts. Le département<br />

de l’économie le considère<br />

comme la marque de fabrique et un pilier<br />

important du modèle à succès<br />

suisse – aussi pour les défis à venir.<br />

Néanmoins, le partenariat social ne<br />

cesse d’être attaqué. Comme par<br />

exemple à la dernière session d’hiver<br />

des Chambres fédérales, lors du traitement<br />

des interventions du conseiller<br />

aux Etats Erich Ettlin et de la conseillère<br />

aux Etats Andrea Gmür-Schönenberger,<br />

tous deux du Centre.<br />

La première exige que les salaires<br />

minimaux cantonaux ne s’appliquent<br />

pas aux branches où des CCT déclarées<br />

de force obligatoire sont en vigueur.<br />

Or, en réalité, seuls deux cantons sont<br />

concernés : Genève et Neuchâtel, qui<br />

ont une règlementation différente à<br />

l’heure actuelle. Par ailleurs, les salaires<br />

horaires de 23,27 francs (GE) et<br />

20,08 francs (NE) sont justement censés<br />

protéger la main-d’œuvre des<br />

branches à bas salaires.<br />

La seconde intervention exige une<br />

flexibilisation des dispositions sur la<br />

durée du travail en cas de pénurie<br />

d’énergie – et donc de faciliter le travail<br />

de nuit et du dimanche. Elle fait<br />

toutefois abstraction du fait que la loi<br />

sur le travail laisse déjà une grande<br />

marge de manœuvre aux entreprises<br />

et permet des autorisations pour des<br />

raisons d’intérêt public.<br />

Au lieu de proposer aux employeurs<br />

des solutions alibis à de faux problèmes,<br />

les député-e-s du Centre feraient<br />

mieux de s’engager en faveur de<br />

mesures d’allègement pour la population,<br />

comme ils le lui avaient promis<br />

pour faire face au renchérissement.


16<br />

Le monde<br />

du travail<br />

« Il est important de protéger les jeunes professionnel-le-s<br />

des médias et de leur offrir des perspectives » Stephanie Vonarburg<br />

CCT inédite au sein des radios<br />

locales et des télévisions privées<br />

Les partenaires sociaux ont signé une convention sur les conditions<br />

minimales de travail. Une première en Suisse alémanique,<br />

au Tessin et pour quelques chaînes privées de Suisse romande.<br />

Enfin, de meilleures conditions salariales pour le personnel de la radio diffusion privée. (© Keystone-ATS)<br />

Dans le cadre de la prochaine mise au<br />

concours des nouvelles concessions<br />

de radio et de télévision, la nouvelle<br />

convention de la branche est destinée<br />

à établir une réglementation minimale<br />

usuelle. A ce jour, il n’existait<br />

que des standards définis unilatéralement<br />

par les employeurs. Or ils stagnaient<br />

à un bas niveau depuis 2007.<br />

Le salaire minimal s’élevait à 4000<br />

francs seulement – et aucune prestation<br />

n’allait au-delà des normes légales<br />

minimales. Il n’est dès lors pas<br />

étonnant que les salaires versés dans<br />

ce secteur soient effectivement restés<br />

bas. Et que les chaînes privées ne<br />

constituaient qu’une porte d’entrée<br />

dans la profession pour beaucoup de<br />

professionnel-le-s des médias.<br />

Augmentation substantielle<br />

Après plusieurs tours de négociation<br />

menés conjointement avec les partenaires<br />

sociaux, <strong>syndicom</strong> est parvenu<br />

à relever d’emblée le salaire minimum<br />

à 4800 francs par mois et à introduire<br />

un treizième salaire. De plus, les créateurs<br />

de programmes ont droit à une<br />

semaine de vacances de plus par rapport<br />

au minimum légal. Mis à part diverses<br />

améliorations des conditions<br />

de travail, notamment dans le domaine<br />

du congé maternité et paternité,<br />

il a été possible pour la première<br />

fois d’introduire des salaires minimaux<br />

pour la période de formation, au<br />

moins auprès des chaînes de télévision<br />

privées : 1500 francs pour les<br />

stages (1 à 6 mois au maximum), 2500<br />

francs pour la première année de volontariat<br />

(ou formation à la pratique<br />

professionnelle) et 3500 francs pour la<br />

seconde année.<br />

Il est particulièrement regrettable<br />

et peu compréhensible que l’association<br />

suisse des radios privées n’ait pas<br />

pu se rallier aux salaires minimaux<br />

s’appliquant à l’entrée dans la vie professionnelle<br />

et qu’elle se contente<br />

d’émettre une recommandation pour<br />

une rémunération correcte. D’autant<br />

qu’il est particulièrement important<br />

de protéger les jeunes professionnel-le-s<br />

des médias et de leur offrir des<br />

perspectives, surtout au moment de<br />

leur entrée dans la vie active. Néanmoins,<br />

<strong>syndicom</strong> soutient ce résultat<br />

de négociation et considère qu’il va<br />

dans la bonne direction.<br />

Le syndicat soutiendra les rédactions<br />

pour négocier des salaires effectifs<br />

plus équitables – collectivement au<br />

niveau de l’entreprise, et individuellement<br />

lors des entretiens salariaux.<br />

Stephanie Vonarburg<br />

Les jeunes revendiquent<br />

un meilleur équilibre.<br />

Avec raison.<br />

Jane Bossard, secrétaire de la jeunesse<br />

« Le problème, c’est que les jeunes ne<br />

veulent plus travailler d’arrache-pied. »<br />

Avant que cette phrase ne tombe, la discussion<br />

se déroulait en tout quiétude à<br />

la table familiale. Mais ce commentaire,<br />

je le prends personnellement. Il me met<br />

en colère. Car le problème, ce n’est pas<br />

nous, les jeunes. Le problème est que<br />

l’on doit travailler dur, se sacrifier sur le<br />

plan physique et moral pour être considéré-e<br />

comme un membre à part entière<br />

de cette société de la performance.<br />

Nous voulons travailler, nous voulons<br />

un emploi qui nous procure du<br />

plaisir, qui enrichisse peut-être même<br />

notre vie. Mais la vie, ce n’est pas que<br />

le travail. Nous ne voulons pas nous<br />

tuer au travail et vivre uniquement<br />

pour le travail, nous voulons vivre –<br />

qu’y a-t-il de mal à cela ? N’est-ce pas<br />

ce pour quoi les syndicats luttent depuis<br />

des décennies ?Nous, les jeunes,<br />

nous avons pu observer toute notre vie<br />

à quel point nos parents et grands-parents<br />

ont trimé pour joindre les deux<br />

bouts à la fin du mois. Nous avons vu<br />

comment des gens peuvent se rendre<br />

malades pour le travail, pour recevoir<br />

des clopinettes. C’est exactement ce<br />

que nous refusons. Car nous avons pu<br />

voir que le monde change et que les<br />

conditions de travail s’améliorent.<br />

Cela n’a rien à voir avec de la paresse<br />

ou un manque de volonté. Mais<br />

avec notre prise de conscience. Nous<br />

ne voulons pas nous sacrifier pour le<br />

travail, car nous n’avons pas uniquement<br />

des obligations, mais aussi des<br />

droits. Grâce au travail des syndicats et<br />

des générations précédentes, nous bénéficions<br />

de droits, comme du droit à<br />

la déconnexion ou à l’enregistrement<br />

du temps de travail. Et nous revendiquons<br />

ces droits.


« L’histoire des syndicats a montré que nos victoires<br />

reposent sur nos forces unies. » Thomas Burger<br />

17<br />

Solidarité intergénérationnelle<br />

Face au démantèlement des retraites, la solidarité entre<br />

les générations sera la clé. Et les retrait-é-s s’activent !<br />

Un public nombreux et attentif pour la conférence des retraité-e-s. (© Rodolphe Aeschlimann)<br />

Continuer à agir après la retraite : les<br />

retraité-e-s de <strong>syndicom</strong> veulent faire<br />

bouger les choses. Ainsi, la conférence<br />

bilingue « En mouvement », lancée à<br />

leur initiative, affichait complet le<br />

10 janvier 2022. Elle marque le coup<br />

d’envoi d’un mouvement de politique<br />

sociale qui œuvre pour de meilleures<br />

rentes et une vie digne. Des rentes<br />

sûres sont une revendication-clé du<br />

syndicat, a souligné Daniel Münger,<br />

président de <strong>syndicom</strong> : « Malgré les<br />

crises qui ont marqué l’année 2022,<br />

nos valeurs fondamentales demeurent<br />

identiques : une vie digne et des<br />

opportunités égales. Nous défendons<br />

ces valeurs au syndicat. »<br />

Trois inter venant-e-s de renom<br />

étaient invité-e-s à parler de la prévoyance<br />

vieillesse. Dans son allocution,<br />

Paul Rechsteiner, ex-conseiller<br />

d’Etat, est revenu sur la votation AVS<br />

21, qui n’est pas allée dans le sens des<br />

syndicats. Néanmoins, le résultat serré<br />

le rend confiant : « L’institut de recherche<br />

gfs.berne avait pronostiqué<br />

un taux d’acceptation de 60 %. En fin<br />

de compte, seules 30 000 voix ont fait<br />

la différence. » Doris Bianchi, directrice<br />

de la caisse de pension Publica, a<br />

souligné les avantages du système du<br />

2 e pilier. Il reste relativement stable<br />

malgré la situation économique tendue.<br />

Malheureusement, d’un point de<br />

vue purement structurel, le renchérissement<br />

ne peut pas être compensé<br />

dans le 2 e pilier. Les améliorations des<br />

rentes ne peuvent se concrétiser que<br />

par le biais de l’AVS. C’est pourquoi il<br />

faut des syndicats forts. Finalement,<br />

Giorgio Pardini, ancien responsable<br />

du secteur TIC de <strong>syndicom</strong>, a soulevé<br />

les faiblesses de la réforme LPP. Sous<br />

couvert d’une amélioration pour les<br />

bas revenus, qui concerne surtout les<br />

femmes peu rémunérées travaillant à<br />

de petits taux d’occupation, il faut<br />

s’attendre à un démantèlement général<br />

pour tout le monde.<br />

Tous s’accordent sur un point :<br />

pour lutter contre les programmes de<br />

démantèlement, la solidarité entre les<br />

générations est la clé. Il s’agit de la<br />

renforcer. En d’autres termes, pour reprendre<br />

les paroles de Thomas Burger,<br />

responsable du GI Retraité-s :<br />

« Les retraité-e-s méritent aussi un avenir<br />

garant d’une politique sociale. » La<br />

prochaine étape passera par la constitution<br />

d’un réseau de personnes actives<br />

et d’un groupe de travail consacré<br />

à la prévoyance vieillesse. Et de<br />

conclure : « L’histoire des syndicats a<br />

montré que nos victoires reposent sur<br />

nos forces unies. »<br />

Catalina Gajardo<br />

Négociations salariales<br />

chez les éditeurs<br />

Pour la première fois depuis bien longtemps,<br />

les éditeurs augmentent les<br />

salaires. Ils rompent ainsi un tabou –<br />

aucune maison d’édition n’avait plus<br />

consenti à une augmentation générale<br />

Stephanie Vonarburg, responsable du<br />

secteur Médias et vice-présidente<br />

des salaires depuis de nombreuses années.<br />

Tout au plus des augmentations<br />

individuelles liées à la performance<br />

avaient-elles été accordées. Ce qui<br />

conduit à du favoritisme injuste,<br />

creuse les écarts salariaux et induit<br />

des discriminations.<br />

De nombreux-ses professionnelle-s<br />

des médias ont ainsi subi une perte<br />

insidieuse de salaire. Les salaires à<br />

l’embauche n’ont cessé de baisser. Il<br />

n’est donc pas étonnant que les salaires<br />

soient en chute libre dans ce secteur.<br />

Le renchérissement annuel de<br />

2,8% en 2022 semble avoir fait changer<br />

les mentalités. Le groupe propriétaire<br />

de K-Tipp accorde une augmentation<br />

générale en pourcent pour compenser<br />

le renchérissement. Chez Keystone-<br />

ATS, la moitié au moins du personnel<br />

(nota bene, celles et ceux ayant des bas<br />

salaires) obtiennent une augmentation.<br />

Chez Tamedia, le leader de la branche<br />

et l’éditeur le plus fortuné, les commissions<br />

du personnel continuent<br />

d’être tenues en haleine. Chez CH<br />

Media aussi, le personnel, qui se voit<br />

offrir des clopinettes, est mécontent.<br />

Finalement, chez Ringier, Ringier Axel<br />

Springer Suisse ainsi qu’à la NZZ, une<br />

somme fixe unique est octroyée, qui<br />

compense le renchérissement pour la<br />

plupart des employé-e-s. Cela implique<br />

toutefois une perte de salaire<br />

réel dès 2024 si l’augmentation n’est<br />

pas pérennisée.<br />

Les médias se heurteront à un problème<br />

s’ils persistent à mépriser les<br />

besoins du personnel en termes d’évolution<br />

des salaires et de conditions de<br />

travail. Il est donc clair que nous resterons<br />

aux côtés des CoPe et de l’ensemble<br />

du personnel. Les augmentations<br />

de salaire négociées ne sont<br />

qu’un premier pas. Elles montrent<br />

qu’une évolution salariale est possible.<br />

La situation chez les éditeurs<br />

privés doit être améliorée durablement.


18 Politique<br />

La politique migratoire<br />

des syndicats<br />

La commission de migration de l’USS assure le flux d’informations<br />

sur le thème de la migration entre les syndicats et développe<br />

des propositions pour améliorer la situation des migrant-e-s<br />

en Suisse. Outre le président Hilmi Gashi (Unia),<br />

Regula Bühlmann, secrétaire centrale de l’USS, est responsable<br />

de ce dossier. Elle décrypte pour nous les tenants et<br />

aboutissants de la politique syndicale en matière de migration.<br />

Texte : Regula Bühlmann (USS)<br />

Photo : Keystone-ATS<br />

La Suisse est un pays d’immigration.<br />

Sans les migrantes et migrants, qui<br />

constituent près de 40 % de la population,<br />

la société et l’économie ne fonctionneraient<br />

pas. Pas plus que les<br />

syndicats. Unia est la plus importante<br />

organisation de migrant-e-s en<br />

Suisse ; plus de la moitié de ses<br />

membres n’ont pas la nationalité<br />

suisse. Bien entendu, même les personnes<br />

sans passeport suisse peuvent<br />

exercer pleinement leur droit de participation<br />

au sein des syndicats. Malheureusement,<br />

la politique suisse ne<br />

fonctionne pas comme les syndicats<br />

de l’USS. Au contraire : ces dernières<br />

années, le Conseil fédéral et le Parlement<br />

n’ont eu de cesse de durcir la<br />

loi sur les étrangers-ères- et ont lié<br />

l’aide sociale et la politique migratoire<br />

de manière inhumaine.<br />

Les personnes sans passeport<br />

suisse ne sont pas autorisées à participer<br />

à la vie politique, mais sont<br />

poussées dans la précarité. Plus leur<br />

situation économique est précaire<br />

et mauvaise, plus leurs chances de<br />

bénéficier de conditions de séjour<br />

stables, d’une sécurité financière et<br />

des mêmes droits que les citoyen-ne-s<br />

suisses s’amenuisent.<br />

C’est un cercle vicieux que les syndicats<br />

de l’USS combattent.<br />

La Constitution violée<br />

Parmi les personnes touchées par la<br />

pauvreté, les migrantes et migrants<br />

sont représentés dans des proportions<br />

supérieures à la moyenne : le<br />

taux de pauvreté des Suissesses et<br />

des Suisses est de 7,5 % ; il est de<br />

10,5 % pour les personnes d’une<br />

autre nationalité. Non seulement les<br />

salaires des travailleuses et travailleurs<br />

migrant-e-s sont plus bas que<br />

les salaires des Suissesses et des<br />

Suisses, mais la politique nationale<br />

met tout en œuvre pour maintenir à<br />

un bas niveau l’aide sociale accordée<br />

aux migrant-e-s.<br />

L’année dernière, le Conseil fédéral<br />

a mis en consultation une modification<br />

de la loi sur les étrangers<br />

et l’intégration (LEI), qui prévoit de<br />

restreindre l’octroi de prestations de<br />

l’aide sociale aux ressortissant-e-s de<br />

pays tiers. Cette modification viole<br />

deux principes de la Constitution :<br />

l’égalité de tous les êtres humains<br />

devant la loi (art. 8 al. 1) et le droit<br />

d’obtenir de l’aide dans des situations<br />

de détresse (art. 12). Cette proposition<br />

du Conseil fédéral marque<br />

un nouveau recul dans une spirale<br />

régressive qui conduit à toujours<br />

plus de discriminations envers les<br />

personnes touchées par la pauvreté.<br />

Depuis le 1 er janvier 2019, la<br />

nouvelle LEI compromet la sécurité<br />

de séjour des personnes sans passeport<br />

suisse : auparavant, une autorisation<br />

d’établissement n’était retirée<br />

que dans des cas exceptionnels<br />

et elle était garantie après 15 ans de<br />

séjour ; mais aujourd’hui, le recours<br />

à l’aide social peut désormais<br />

conduire à la révocation ou à la rétrogradation<br />

du permis de séjour.<br />

La criminalisation de la pauvreté a<br />

pour conséquence que de nombreuses<br />

personnes touchées par la<br />

pauvreté ne recourent pas à l’aide<br />

sociale pour protéger leur droit de<br />

séjour ou d’établissement.<br />

La pauvreté n’est pas un crime<br />

Il existe toutefois aussi un mouvement<br />

à contre-courant : suite à la<br />

pression exercée par les syndicats et<br />

les acteurs de la société civile, le<br />

Conseil national a donné suite en<br />

septembre 2022 à l’initiative parlementaire<br />

20.451 « La pauvreté n’est<br />

pas un crime ». Après plus de dix ans<br />

en Suisse, une révocation du permis<br />

de séjour ou d’établissement ne doit<br />

plus être possible, y compris en cas<br />

de recours à l’aide social. C’est un<br />

signal important envoyé aux milieux<br />

politiques qui veulent continuer à<br />

restreindre les droits fondamentaux<br />

des personnes sans passeport<br />

suisse.<br />

L’objectif des partis de droite<br />

d’inciter à s’intégrer dans le marché<br />

du travail par le biais de réductions<br />

à l’aide sociale est plus que cynique.<br />

L’insertion professionnelle n’est<br />

pas en première ligne une question<br />

de bonne volonté des personnes<br />

concernées. Il faut avant tout un<br />

marché du travail que les personnes<br />

sans passeport suisse puissent aussi<br />

intégrer. Quant aux personnes sans<br />

une formation en Suisse ou peu familières<br />

au marché du travail suisse,<br />

nous devons les soutenir pour<br />

qu’elles puissent prendre pied dans<br />

la vie active.<br />

Accès au marché du travail<br />

L’USS accompagne donc étroitement<br />

les programmes de la Confé-


« L’intégration doit surtout permettre<br />

l’accès au marché du travail des personnes<br />

sans passeport suisse. »<br />

19<br />

Regula Bühlmann<br />

Secrétaire de l’Union syndicale suisse (USS)<br />

dération visant à mieux intégrer les<br />

migrant-e-s dans le marché du travail<br />

: depuis 2018, le programme pilote<br />

de préapprentissage d’intégration<br />

prépare les réfugié-e-s<br />

reconnu-e-s et les personnes admises<br />

à titre provisoire à suivre un<br />

apprentissage ; depuis l’été 2021, ce<br />

programme a été étendu aux adolescent-e-s<br />

et aux jeunes adultes immigrés<br />

tardivement. Les employeurs<br />

qui engagent des réfugié-e-s et des<br />

personnes admises à titre provisoire<br />

qui nécessitent une mise au courant<br />

poussée obtiennent des aides financières.<br />

L’USS s’engage à travers ces<br />

programmes pour que les migrant-e-s<br />

accèdent au marché du travail<br />

sans être exploité-e-s comme de<br />

la main-d’œuvre bon marché.<br />

Faciliter la naturalisation<br />

Un quart de la population suisse n’a<br />

pas de passeport suisse et donc aucun<br />

droit politique. La naturalisation<br />

est réglée différemment en<br />

fonction du canton ou de la commune<br />

– les décisions sont donc arbitraires.<br />

Hormis quelques exceptions,<br />

les autorités politiques<br />

associent la naturalisation à un privilège<br />

qu’il s’agit de mériter, et pas<br />

au droit fondamental de celles et<br />

ceux qui vivent ici. L’offensive pour<br />

la naturalisation lancée par l’USS en<br />

2017 a fait bouger les choses : dans<br />

certaines communes, les obstacles<br />

ont été levés et les habitantes et habitants<br />

qui remplissent les conditions<br />

de naturalisation ont été activement<br />

invités à devenir citoyens et<br />

citoyennes suisses.<br />

Le Conseil des Etats a transmis<br />

à la commission compétente la motion<br />

de Lisa Mazzone « Faciliter la<br />

naturalisation des étrangères et<br />

étrangers de la deuxième génération<br />

» pour examen préalable. Une<br />

motion plus progressiste de l’ancien<br />

président de l’USS Paul Rechsteiner,<br />

qui exigeait l’octroi de la nationalité<br />

à celles et ceux qui sont né-e-s en<br />

Suisse (droit du sol), a malheureusement<br />

été rejetée par le Parlement.<br />

Au sein de l’association « Aktion<br />

Vierviertel », un grand nombre<br />

de syndicalistes luttent également<br />

pour un droit fondamental à la naturalisation,<br />

afin que 50 ans après<br />

l’introduction du droit de vote pour<br />

les femmes, nous ayons une démocratie<br />

complète. Une initiative est<br />

en cours pour atteindre cet objectif.<br />

La Suisse peut être solidaire<br />

La Suisse sait faire preuve de solidarité,<br />

comme elle le montre en accueillant<br />

les Ukrainiens et Ukrainiennes<br />

fuyant la guerre d’agression<br />

de Poutine. Elle doit manifester<br />

cette solidarité à toutes les personnes<br />

qui viennent ici en quête de<br />

protection et de sécurité – quelle<br />

que soit leur origine. Elle doit leur<br />

permettre de sortir de la pauvreté et<br />

leur offrir un foyer stable. La Suisse<br />

doit veiller à ce que l’ensemble de sa<br />

population puisse participer à l’élaboration<br />

politique de ce foyer. Afin<br />

que cette vision devienne réalité,<br />

l’USS continue de s’engager pour la<br />

sécurité du séjour et la participation,<br />

et pour mettre fin à la précarité<br />

et à la criminalisation.<br />

La commission des migrations<br />

de l’USS<br />

Le travail<br />

d’intégration<br />

du syndicat<br />

Mes parents sont venus d’Italie et<br />

d’Autriche en Suisse pour y travailler<br />

lorsque de la main-d’œuvre<br />

étrangère a été appelée. Née ici, j’ai<br />

assisté aux remous de l’initiative<br />

Schwarzenbach, qui a heureusement<br />

été rejetée. A 20 ans, j’ai<br />

bénéficié d’une « naturalisation facilitée<br />

». Comme mes parents étaient<br />

organisés auprès du syndicat, je savais<br />

qu’il apportait un soutien essentiel<br />

aux employées et employés<br />

étrangers-ères. Je suis fière de<br />

l’énorme travail d’intégration que<br />

les syndicats ont effectué et qu’ils<br />

continuent à faire.<br />

Chez <strong>syndicom</strong>, les migrantes<br />

et migrants ont leur mot à dire et<br />

font valoir leurs droits. Ils et elles<br />

sont accueilli-e-s dans tous les organes<br />

du syndicat et invité-e-s à<br />

s’impliquer activement dans les<br />

branches et au sein du GI Migration<br />

intersectoriel. Son objectif principal<br />

consiste à améliorer les conditions<br />

de travail des migrantes et migrants<br />

et à faire entendre leurs besoins<br />

spécifiques. Actuellement, le GI Migration<br />

compte des membres actifs<br />

de pays comme le Congo, le Maroc,<br />

l’Albanie, l’Egypte, l’Iran, le<br />

Kirghizstan et la Turquie (Kurdes).<br />

En ce moment, le GI soutient<br />

l’action Vierviertel (voir texte cicontre)<br />

et combat le racisme au travail<br />

et dans la vie quotidienne. Pour<br />

ce faire, il a récemment diffusé des<br />

déclarations vidéo et développe de<br />

nouvelles idées. Outre l’inscription<br />

dans les conventions collectives de<br />

travail de la protection contre la discrimination<br />

fondée sur la culture et<br />

l’origine, il est important que les<br />

entreprises adoptent – comme pour<br />

le sexisme – une attitude de tolérance<br />

zéro face au racisme. A Zurich,<br />

un groupe régional de migration de<br />

<strong>syndicom</strong> existe depuis plusieurs<br />

années. Il participe à chaque<br />

marche contre le racisme.<br />

Patrizia Mordini


20 Du côté des<br />

employeurs<br />

« Une branche qui ne<br />

forme pas est morte »<br />

Beat Kneubühler est le nouveau<br />

directeur de l’association<br />

patronale viscom p+c<br />

depuis le 1 er octobre 2022.<br />

Il revient sur les enjeux futurs<br />

de la branche graphique.<br />

Questions : Michael Moser<br />

Photos : Thoa van Tran / viscom p+c<br />

Comment se sont passés ces<br />

premiers mois d’activité ?<br />

Je tire un bilan très satisfaisant des<br />

100 premiers jours. Avec mon<br />

équipe, nous avons mis sur les rails<br />

les aspects centraux de la stratégie<br />

22-25 de l’association. Une vaste<br />

étude est en cours concernant les<br />

futurs besoins en main-d’œuvre<br />

qualifiée, pour parer au mieux à une<br />

éventuelle pénurie. Au niveau<br />

politique, nous avons combattu sur<br />

tous les fronts la motion Katja<br />

Christ, qui aurait mis en péril des<br />

entreprises et des emplois dans<br />

notre branche. Les « montagnes de<br />

déchets » évoquées sont une création<br />

de l’imagination, ce problème<br />

n’existe pas dans la pratique. Cette<br />

motion a aussi révélé un champ<br />

d’action important pour l’association.<br />

Notre secteur est durable et<br />

exploite des circuits fermés. D’autre<br />

part, nous atteignons des quotas<br />

exceptionnels dans le recyclage et<br />

sommes affiliés au plus vieux<br />

contrat collectif de travail de Suisse.<br />

Il est donc temps de donner une<br />

nouvelle orientation à la campagne<br />

Printed in Switzerland et mieux<br />

informer sur ces aspects. Au niveau<br />

de la communication, nous avons<br />

besoin d’une solide marque faîtière,<br />

qui véhicule nos messages vers les<br />

milieux politiques et d’autres<br />

acteurs. Lors de la prochaine<br />

assemblée générale en avril 2023,<br />

nous adopterons un nouveau nom<br />

et une nouvelle identité visuelle.<br />

La branche subit une transformation<br />

massive depuis des années.<br />

De quoi sera fait le futur ?<br />

Il faut s’attendre à ce que la branche<br />

se contracte encore : le print est<br />

remplacé par d’autres canaux et l’on<br />

imprime globalement de moins en<br />

moins. Une fuite des commandes<br />

d’impression vers l’étranger se<br />

mesure aussi en partie. Cette<br />

tendance se stabilise toutefois, et<br />

les importations restent supérieures<br />

aux exportations. La régionalisation<br />

souvent évoquée est peu palpable<br />

dans le domaine de l’imprimerie.<br />

En Chine, les exportations de<br />

produits imprimés en direction de<br />

l’UE ont augmenté depuis la<br />

pandémie et atteignent des volumes<br />

jamais vus jusqu’ici.<br />

Comment peut-on renforcer le<br />

partenariat social ?<br />

La volonté de continuer à miser sur<br />

une main-d’œuvre qualifiée est<br />

essentielle. Par conséquent, la<br />

formation professionnelle initiale et<br />

la formation continue jouent un<br />

rôle important. Une fuite des<br />

cerveaux aurait de graves conséquences<br />

pour nos branches. Dans<br />

un secteur où les connaissances ont<br />

une durée de vie très courte, la<br />

volonté de se former en permanence<br />

est aussi importante qu’une bonne<br />

offre de places d’apprentissage.<br />

Que faire pour inciter d’autres<br />

entreprises à s’affilier à la CCT ?<br />

La branche est aujourd’hui très<br />

hétérogène. Les services et les<br />

produits se diversifient, et les<br />

frontières avec d’autres branches<br />

s’estompent. Délimiter clairement<br />

les secteurs de l’industrie graphique<br />

devient complexe. Cela se reflète<br />

dans la formation initiale, où il y a<br />

de nombreux recoupements avec<br />

d’autres professions étrangères à la<br />

branche. Il faut que nous parvenions<br />

à maintenir à l’avenir aussi un<br />

partenariat social interentreprises.<br />

Et que pensez-vous de la formation<br />

professionnelle dans la branche ?<br />

Une branche qui ne forme pas est<br />

une branche morte. Nous devons<br />

faire tout notre possible pour<br />

garantir la formation. Il faut bien<br />

sûr emprunter de nouvelles voies<br />

par rapport aux personnes qui ont<br />

changé de cap professionnel et<br />

proposer par exemple des cours<br />

pour débutant-e-s. Avec Helias, nous<br />

disposons d’un excellent instrument,<br />

mais nous devons conjointement<br />

veiller à mieux faire connaître<br />

les cours. L’important est de<br />

pouvoir toujours décerner un CFC à<br />

la fin de la formation. Le thème de<br />

la formation est central pour le<br />

secteur. Il figure en tête de l’agenda<br />

de notre association.


Droit au but !<br />

21<br />

Cher service juridique,<br />

Je travaille comme électricien de réseau pour<br />

une entreprise dont le siège se trouve dans le<br />

canton de Berne. Mon chef indiquait en automne<br />

2022 qu’il n’était pas certain que le Conseil fédéral<br />

approuve dans les délais la prolongation de<br />

la déclaration de force obligatoire (DFO) de la<br />

convention collective de travail pour la branche<br />

infrastructure de réseau (ci-après : CCT Infrastructure<br />

de réseau), afin de garantir sa<br />

pérennité. Des rumeurs laissaient entendre que<br />

les conditions de salaire et de travail risquaient<br />

donc de se détériorer. La CCT Infrastructure de<br />

réseau est-elle encore valable ?<br />

Sur le chantier pour lequel je travaille actuellement<br />

dans le canton de Berne, je côtoie également<br />

des électricien-e-s de réseau venus de<br />

Pologne au bénéfice d’un contrat de travail à durée<br />

déterminée, qui ont été engagés par une entreprise<br />

polonaise. Ils et elles travaillent depuis<br />

plusieurs mois sur le chantier et rentrent sporadiquement<br />

en Pologne. Ces collègues arrivent<br />

souvent plus tôt que nous au travail, ne font<br />

guère de pauses et travaillent encore lorsque je<br />

quitte le chantier. Quelles règles valent pour ces<br />

collègues polonais-es en matière de temps de<br />

travail et à quel salaire ont-ils droit ?<br />

Il s’avère que le salaire minimum fixé dans la CCT<br />

DFO n’est pas versé à plusieurs travailleurs-ses<br />

polonais-es. Par ailleurs, les conditions de travail<br />

ressortant de la CCT de branche, de la LTr et des<br />

OTR ne sont pas respectées. A qui s’adresser<br />

pour attirer l’attention sur les manquements<br />

systématiques de leur employeur ?<br />

La réponse du service juridique :<br />

Le 16 décembre 2022, le Conseil fédéral a décidé de<br />

prolonger la DFO de la CCT Infrastructure de réseau<br />

sans interruption jusqu’au 31 décembre 2026.<br />

Du fait de cette prolongation, le champ d’application<br />

de la CCT reste applicable à tous les employé-e-s<br />

et employeurs de la branche infrastructure<br />

de réseau. Tous les employeurs de la branche<br />

Infrastructure de réseau sont donc tenus de continuer<br />

à garantir les conditions de salaire et de travail<br />

fixées dans la CCT Infrastructure de réseau.<br />

Lorsqu’un employeur envoie de la main-d’œuvre<br />

dans un pays différent de celui où siège l’entreprise<br />

et où elle accomplit habituellement son travail<br />

pour une période déterminée, on parle de détachement.<br />

Le rapport de travail entre l’employeur et les<br />

travailleurs-ses détaché-e-s demeure inchangé pendant<br />

la période du détachement. Notamment à des<br />

fins de protection des travailleurs-ses détaché-e-s,<br />

le Parlement a édicté la loi sur les travailleurs-euses<br />

détaché-e-s (LDét). Celle-ci prévoit que<br />

les normes applicables à la main-d’œuvre indigène<br />

en Suisse valent également pour les travailleuses et<br />

travailleurs détaché-e-s. Autrement dit, les conditions<br />

de travail, de repos et de salaire prescrites par<br />

la loi sur le travail (LTr), les ordonnances sur le travail<br />

(OTR) et la CCT Infrastructure de réseau déclarée<br />

de force obligatoire s’appliquent également aux<br />

collègues polonais en vertu de l’art. 2, al. 1, let. a et<br />

b, de la LDét.<br />

Les infractions aux dispositions relatives au temps<br />

de travail et aux salaires de la CCT DFO Infrastructure<br />

de réseau doivent être annoncées à la commission<br />

paritaire de la branche Infrastructure de réseau,<br />

tandis que les manquements relatifs à la LTr<br />

et aux OTR sont du ressort des autorités cantonales<br />

du marché du travail (Contrôle du marché du<br />

travail de Berne CMTBE).<br />

Toutes les rubriques<br />

Droit au but !


22 Loisirs<br />

Suggestions<br />

Movendo, ou « l’école ouvrière<br />

suisse »<br />

En 1946, la fondation Ecole syndicale<br />

suisse a été créée en tant<br />

qu’« école ouvrière ». En raison de la<br />

pandémie, elle n’a pas pu célébrer<br />

comme il se doit son 75 e anniversaire<br />

en 2021 et a conçu un site web<br />

en guise d’ouvrage commémoratif<br />

électronique : Arbeiterschule.ch.<br />

L’historien Adrian Zimmermann<br />

a mené des recherches et rédigé<br />

l’histoire de l’école syndicale. Au<br />

travers de ses textes, nous pouvons<br />

découvrir de nombreux documents<br />

et photographies. Le tout est introduit<br />

par des portraits vidéo (avec<br />

sous-titres en français) de diplômé-e-s<br />

et de responsables de la formation<br />

qui ont vécu et marqué l’histoire<br />

de l’école ouvrière.<br />

La formation syndicale doit être<br />

abordable. C’est ce que permet aujourd’hui<br />

l’association de soutien<br />

de la Fondation Ecole syndicale<br />

suisse. Les membres de l’association<br />

soutiennent la formation continue<br />

des membres des délégations<br />

du personnel et des personnes de<br />

confiance ainsi que le cours de formation<br />

de secrétaire syndical-e.<br />

Leur engagement solidaire contribue<br />

à une bonne formation de la relève<br />

syndicale.<br />

Mais Movendo ne se contente<br />

pas de regarder l’histoire. Au travers<br />

d’un programme de formation<br />

dense et très varié, l’organisation se<br />

penche sur l’avenir de l’Etat social,<br />

les changements sociaux et la transformation<br />

du monde du travail. En<br />

tant que membre <strong>syndicom</strong>, vous<br />

pouvez notamment bénéficier d’une<br />

formation gratuite chaque année.<br />

Alors, scannez le QR Code pour découvrir<br />

le programme complet sans<br />

plus attendre.<br />

Rieke Krüger<br />

« Gezeichnet 2022 », une<br />

rétrospective en dessins<br />

L’exposition « Gezeichnet 2022 » ne<br />

promet ni plus ni moins qu’une rétrospective<br />

de l’année écoulée. On<br />

peut actuellement la voir au Musée<br />

de la communication à Berne. Cinquante<br />

caricaturistes et cartoonistes<br />

suisses présentent ensemble les<br />

200 dessins les plus marquants de<br />

l’année. Les principaux débats et<br />

événements des douze derniers<br />

mois sont exposés de manière à la<br />

fois amusante, ludique et réfléchie.<br />

La guerre en Ukraine, la pénurie imminente<br />

d’énergie et la crise climatique<br />

dominent.<br />

Est-il possible d’aborder ces<br />

thèmes complexes et sérieux de façon<br />

humoristique ? Jusqu’où peut<br />

aller la satire ? Selon le média dans<br />

lequel le dessin de presse a paru, les<br />

artistes apportent différentes réponses<br />

à ces questions. Là où d’aucuns<br />

s’aventurent à la limite du<br />

mauvais goût, d’autres invitent à la<br />

réflexion. Toutes et tous ont toutefois<br />

en commun d’aller droit au but<br />

et de toucher au cœur des débats actuels<br />

avec une image ou une phrase.<br />

L’interaction entre l’image et le<br />

texte, qui produisent ensemble leur<br />

effet, est également intéressante.<br />

Souvent, le rire nous reste en travers<br />

de la gorge. Les images ne laissent<br />

personne indifférent et nous restent<br />

en mémoire longtemps après. L’exposition<br />

offre un regard différent,<br />

qui sort des sentiers battus et nous<br />

permet d’appréhender les événements<br />

quotidiens d’une autre manière.<br />

Catalina Gajardo<br />

© Dessin de Ueli Johner © Chahut Média<br />

Série podcast<br />

« Décoloniser la ville »<br />

Que faire des hommages rendus<br />

dans l’espace public à des personnalités<br />

ayant encouragé le racisme et<br />

le colonialisme ? Pourquoi est-il impératif<br />

de décoloniser nos villes ? Et<br />

la Suisse dans tout ça : 100 % neutre<br />

ou est-ce plus compliqué ?<br />

En six épisodes, la série documentaire<br />

podcast « Décoloniser la<br />

ville » invite des chercheur-ses et militant-e-s<br />

antiracistes à questionner<br />

la mémoire raciste et coloniale dans<br />

l’espace public dans ses dimensions<br />

culturelles, politiques et sociales.<br />

Ensemble, ils contribuent à élever<br />

le débat.<br />

Décoloniser la ville est une création<br />

de Chahut Média, inspirée de<br />

l’étude « Temps, espaces et histoires.<br />

Monuments et héritage raciste<br />

et colonial dans l’espace public<br />

genevois » par Mohammad-Mahmoud<br />

Ould Mohamedou et Davide<br />

Rodogno. Loin des controverses, en<br />

présence de chercheur-es renommé-es<br />

et de militant-e-s antiracistes,<br />

ce podcast offre des clés pour<br />

prendre part à une discussion devenue<br />

mondiale.<br />

La série documentaire est disponible<br />

sur le site du Festival du film<br />

et forum international sur les droits<br />

humains, dont la prochaine édition<br />

se tiendra du 10 au 19 mars. Tout le<br />

programme du festival, et d’autres<br />

contenus passionnants, sont disponibles<br />

via le QR ci-dessous.<br />

Chahut Média<br />

L’offre complète de<br />

cours Movendo<br />

L’exposition « Gezeichnet<br />

2022 » peut être vue encore<br />

jusqu’au 26 février 2023 au<br />

Musée de la communication à<br />

Berne.<br />

La série de six podcasts est<br />

disponible gratuitement.


1000 mots<br />

Ruedi Widmer<br />

23


24 Evènements 57 e Congrès de l’USS \ Remise des signatures pour la pétition Multinationales<br />

responsables \ Mobilisation à Lausanne pour la poste de Saint-François \<br />

Journée internationale des migrant-e-s \ Conférence de politique sociale du<br />

GI <strong>syndicom</strong> des Retraité-e-s<br />

1<br />

2 3<br />

4<br />

5 6


1. Photo de groupe des délégué-e-s au 57 e Congrès de l’Union syndicale suisse les 25 et 26 novembre à Interlaken (© USS)<br />

2. Le discours passionné de Zahra Rahzavi en soutien aux luttes des femmes en Iran (© USS)<br />

3. Le témoignage de la communicatrice visuelle et militante iranienne Shiva Khosravi (© USS)<br />

4. Les délégué-e-s de l’USS applaudissent en soutien aux femmes iraniennes. (© USS)<br />

5. Remise des signatures de la pétition « Multinationales responsables » le 1 er décembre à Berne (© <strong>syndicom</strong>)<br />

6. Plus de 200 000 signatures recueillies en 100 jours : la satisfaction de Lydia Schebesta, campainer <strong>syndicom</strong>, et de Patrizia Mordini,<br />

responsable de l’Egalité (© <strong>syndicom</strong>)<br />

7-8. La bataille pour sauver l’historique bureau de poste de Saint-François à Lausanne, vendu à une société immobilière zurichoise (© <strong>syndicom</strong>)<br />

9-10. Distribution de flyers par le GI Migration de Zurich pour la Journée internationale des migrant-e-s, le 19 décembre (© Patrick Gutenberg)<br />

11-12. Paul Rechsteiner, membre du Conseil des Etats, et Giorgio Pardini, ancien membre du comité directeur de <strong>syndicom</strong>,<br />

lors de la conférence sur la politique sociale du GI des Retrait-é-s (© Rodolphe Aeschlimann)<br />

25<br />

7<br />

8<br />

9<br />

10<br />

11<br />

12


26<br />

Tranches<br />

de vie<br />

« La pauvreté et la migration sont<br />

étroitement liées »<br />

Sara Winter Sayilir a étudié la turcologie,<br />

l’islamologie et les sciences<br />

politiques à Berlin et Bakou. Elle vit en<br />

Suisse depuis 14 ans. Membre de <strong>syndicom</strong>,<br />

elle fait partie de l’équipe de direction<br />

du <strong>magazine</strong> distribué dans la<br />

rue Surprise. Depuis près de dix ans,<br />

elle siège à titre bénévole au sein du<br />

comité de deux médias dédiés aux exilé­e­s,<br />

qui luttent en Azerbaïdjan et en<br />

Russie pour des informations indépendantes.<br />

Winter Sayilir est cofondatrice<br />

et coprésidente de Neue Schweizer<br />

Medienmacher :innen.<br />

Elle souhaite une branche suisse des<br />

médias sensibilisée au racisme, plus<br />

ouverte à la diversité et non discriminatoire<br />

dans sa couverture de l’actualité.<br />

Texte : Sara Winter Sayilir<br />

Photo : Miriam Künzli<br />

« Maillon d’un mouvement<br />

mondial »<br />

« Le mot syndicat m’était familier<br />

avant même que je sache ce qu’il signifie<br />

au juste. Mon père dirigeait le<br />

chœur local du syndicat, et peut-être<br />

que je fredonnais déjà des chansons<br />

du mouvement ouvrier international<br />

avant même de savoir construire une<br />

phrase complète. La vie en coloc, les<br />

tâches ménagères et éducatives partagées<br />

par mes parents, les manifestations<br />

du 1 er mai et antinucléaires,<br />

les campagnes pour la semaine de<br />

35 heures – tout cela a marqué mon<br />

enfance. Plus tard, dans mon entourage,<br />

j’ai senti davantage d’affinités<br />

avec les enfants de saisonniers-ères,<br />

comme on les appelait encore,<br />

qu’avec mes camarades de gymnase.<br />

A 15 ans, j’ai suivi mon premier<br />

cours de turc. Après avoir passé mon<br />

bac, à l’époque du film Kanak Attak,<br />

je suis partie étudier à Berlin. Ensuite,<br />

mon destin m’a menée en Azerbaïdjan,<br />

où j’ai commencé à écrire<br />

des articles – pour Zenith, qui s’appelait<br />

alors Magazine pour l’Orient.<br />

Lors de mon année à l’Université<br />

de Bakou, la présidence a connu un<br />

changement de génération : l’argent<br />

du pétrole coulait à flots et les libertés<br />

politiques ont été de plus en plus<br />

restreintes. Quelques années plus<br />

tard, un de mes amis a fui le pays et<br />

rejoint Berlin, où il a créé avec<br />

d’autres personnes de la diaspora<br />

une chaîne de télévision pour les exilé-e-s,<br />

Meydan TV. Je l’ai soutenu du<br />

mieux que je pouvais, et reste attachée<br />

au projet.<br />

Après m’être mariée à Bâle, j’ai<br />

travaillé pour la WOZ et j’ai eu un enfant,<br />

puis j’ai finalement atterri chez<br />

Surprise. Je me suis sentie très à<br />

l’aise dans l’univers des journaux de<br />

rue : avec notre petite rédaction,<br />

nous faisons un journalisme palpitant,<br />

indépendant et engagé, sans pâtir<br />

directement de la pression subie<br />

par le reste des médias suisses. Nous<br />

sommes le maillon d’un mouvement<br />

mondial contre la pauvreté, l’exclusion<br />

et l’absence de logement à travers<br />

le réseau des journaux de rue.<br />

Chez Surprise, on remarque immédiatement<br />

à quel point la pauvreté<br />

et la migration sont étroitement liées.<br />

Le racisme constitue souvent un obstacle<br />

à l’accès au marché du travail.<br />

La branche des médias ne fait pas exception<br />

: la diversité postmigratoire<br />

de notre société – dans laquelle au<br />

moins une personne sur trois a un<br />

passé migratoire – ne se reflète ni<br />

dans les effectifs ni dans les reportages<br />

involontairement peu atypiques.<br />

Ils traitent généralement<br />

uniquement de la majorité blanche<br />

et privilégiée. Pour cette raison, j’ai<br />

fondé à l’été 2020 le média Neue<br />

Schweizer Medienmacher :innen avec<br />

quelques personnes qui partagent<br />

mes idées. Nous souhaitons ouvrir la<br />

branche : davantage de personnes<br />

avec un bagage migratoire doivent<br />

prendre la plume et écrire des textes<br />

antiracistes. <strong>syndicom</strong> nous offre un<br />

soutien très apprécié dans ce projet.<br />

Nous sommes toutes et tous dans le<br />

même bateau, et nous devons à notre<br />

démocratie de nous impliquer chaque<br />

jour pour l’égalité des chances, la justice,<br />

la liberté et la participation. »<br />

Connaisez-vous le <strong>magazine</strong><br />

de rue Surprise ?


Impressum<br />

Rédaction : Robin Moret et Giovanni Valerio<br />

(coresponsables), Rieke Krüger et Catalina Gajardo<br />

Hofmann<br />

Courriel : redaction@<strong>syndicom</strong>.ch<br />

Traductions : Alexandrine Bieri, Laurence Strasser et<br />

Gabriele Alleva<br />

Dessins de portrait : Katja Leudolph<br />

Layout, correction, impression : Stämpfli Communication<br />

Changements d’adresse : <strong>syndicom</strong>, gestion<br />

des adresses, Monbijoustrasse 33, case postale,<br />

3001 Berne. Tél. 058 817 18 18, fax 058 817 18 17<br />

Annonces : priska.zuercher@<strong>syndicom</strong>.ch<br />

Commande d’abonnements : info@<strong>syndicom</strong>.ch<br />

Le prix de l’abonnement est inclus dans la cotisation<br />

de membre. Non-membres : Fr. 35.– (Suisse),<br />

Fr. 50.– (étranger)<br />

Editeur : <strong>syndicom</strong> – syndicat des médias<br />

et de la communication, Monbijoustr. 33,<br />

case postale, 3001 Berne<br />

Le <strong>magazine</strong> <strong>syndicom</strong> paraît six fois par année.<br />

Le numéro 34 paraîtra le 13 avril 2023.<br />

27<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15<br />

I<br />

8<br />

II<br />

2<br />

III<br />

3<br />

IV<br />

4<br />

V<br />

5<br />

VI<br />

9<br />

VII<br />

VIII<br />

1 6 11<br />

IX<br />

X<br />

Mot mystère :<br />

DÉFINITIONS<br />

10<br />

7<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11<br />

Horizontalement : I. Productions du jour. II.<br />

Coulée chaude. Bronzage. Numéro 1 en<br />

France. Une 2 e fois. III. Engrais. Y croire. IV.<br />

Tout neuf. Campagne bâloise. Voie de l'est.<br />

On se met au vert. V. Malicieuse. Pas doué.<br />

VI. Crique. Vieux os. VII. Do. Réclame ses<br />

croquettes. Bougie. VIII. Option. Fin de<br />

mezze. Petite référence. Surveillance. IX.<br />

Rayonnant. Élément. X. Inépuisable.<br />

Verticalement : 1. Piège. 2. Vives, les clôtures.<br />

César du nord. 3. Petit pascal. Poisson. 4.<br />

Énergie de l'arbre. Branché. 5. Ronds ayant<br />

mal tournés. Expo du vivant. 6. Partie<br />

d'invocation. Vieux jumeau. 7. Bout d'orteil.<br />

Lignes de vie. 8. Beaucoup plus que mi.<br />

Funeste. 9. Bon à prendre. Marteau ou<br />

faucille. 10. Bougies. Petite île anglaise. Plus<br />

que mi. 11. Être. 12. Cherchai des fonds.<br />

Parler du nord. 13. Repeuple. 14. Âge. Bande.<br />

15. Feuilletons. Éméché.<br />

Mots croisés<br />

Le-la gagnant-e, dont le nom paraîtra<br />

dans le prochain <strong>magazine</strong>, recevra une<br />

HotelCard. Prière d’envoyer votre<br />

solution (le mot mystère seulement)<br />

jusqu’au 6 mars par e-mail à admin@<br />

<strong>syndicom</strong>.ch ou par courrier à Rédaction<br />

<strong>syndicom</strong>, Monbijoustrasse 33,<br />

case postale, 3001 Berne.<br />

Une seule participation possible par<br />

membre.<br />

Le gagnant du dernier mots croisés<br />

La solution du mots croisés du<br />

dernier numéro était « FULFILLMENT ».<br />

La gagnante est Madame Schneeberger.<br />

Elle recevra un bon d’achat de notre<br />

partenaire Coop. Chaleureuses félicitations<br />

!<br />

Annonce<br />

L’institut de formation des syndicats<br />

La formation continue maintenant et plus que jamais !<br />

Inscris-toi au cours suivant ou à une autre formation<br />

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3 et 4 avril 2023 à Morges, Cours No F2.6.2315 Recruter des membres et renforcer le mouvement<br />

L’utilisation appropriée de techniques d’argumentation est un avantage clé pour gagner en crédibilité<br />

et développer le mouvement syndical. Au travail ou entre amis, une communication maîtrisée<br />

sur le contenu du message comme dans sa forme maximise son effet. Cette formation centrée sur<br />

la relation interpersonnelle ciblée vous procure des outils pour recruter efficacement de nouveaux<br />

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28 Interactifs<br />

<strong>syndicom</strong> social<br />

Tous contre le référendum de l’UDC<br />

18.1.2023<br />

Soutenue par une large majorité au Parlement,<br />

la loi sur la protection du climat,<br />

l’innovation et le renforcement de la sécurité<br />

énergétique garantit la justice climatique et une<br />

bonne situation énergetique, notamment avec des investissements<br />

pour les particuliers, les entreprises et les sociétés<br />

proches de la Confédération (comme La Poste et les<br />

CFF, qui devront réduire à zéro leurs émissions de gaz à<br />

effet de serre d’ici 2040). Un large réseau s’oppose donc<br />

au référendum lancé par l’UDC contre cette loi.<br />

Fais ce que je dis, pas ce que je fais... 13.1.2023<br />

Selon une étude commandée par Greenpeace,<br />

les jets privés qui se sont rendus au Forum social<br />

mondial de Davos en 2022 ont généré un volume<br />

d’émissions quatre fois supérieur à la moyenne<br />

d’une semaine normale. Lorsque les riches de ce<br />

monde se rencontrent pour discuter du climat et<br />

des inégalités, ils utilisent le moyen de transport<br />

le plus polluant. Source : <strong>syndicom</strong>.ch/0aujc<br />

La valeur des syndicats 11.1.2023<br />

Une étude de l’USS a évalué l’impact des syndicats et<br />

des CCT sur le niveau des salaires, les conditions de<br />

travail et la productivité. Elle peut être téléchargée<br />

(en allemand) sur <strong>syndicom</strong>.ch/k8k37<br />

Remise de la pétition sur des<br />

rythmes de rock 15.12.2022<br />

La pétition « Prix en hausse ! Idem pour les<br />

salaires ! », signée par 8436 employé-e-s de<br />

La Poste, exige au moins 200 francs de salaire en plus<br />

par mois. Regarde la vidéo de la remise des signatures<br />

sur <strong>syndicom</strong>.ch/yspij.<br />

L’essor mystérieux du financement suisse 11.1.2023<br />

Entre 2011 et 2020, la contribution annuelle de la Suisse à<br />

la protection du climat dans les pays en développement<br />

et émergents a plus que triplé. Trop beau pour être vrai ?<br />

Le mystère des comptes est révélé par alliancesud.ch.<br />

Les prévisions de Forbes en matière<br />

de technologie 20.12.2022<br />

Taxis autonomes (sans conducteurs humains),<br />

investissements colossaux pour le développement<br />

de robots humanoïdes, agents d’IA qui<br />

répondent aux recherches en ligne au lieu des<br />

listes actuelles de liens de Google : voici<br />

quelques-unes des prévisions pour 2023 du<br />

<strong>magazine</strong> économiste Forbes. Source :<br />

archive.ph/IkRxT<br />

Salaires et CCT = plus de travail 5.1.2023<br />

Un cliché : des salaires plus élevés entraînent<br />

une hausse du chômage. Ceci est<br />

catégoriquement réfuté par un nouveau<br />

rapport de l’USS. Le résultat ? Les CCT et<br />

les salaires plus élevés entraînent une augmentation du<br />

nombre d’employé-e-s.<br />

Paris 2026, congres FIJ 11.1.2023<br />

UNI Global Union, Rising Together 1.1.2023<br />

Le congrès d’UNI Global Union, la fédération syndicale<br />

qui représente plus de 20 millions de travailleuses et<br />

travailleurs, se tiendra à Philadelphie du 27 au 30 août.<br />

Infos sur uniglobalunion.org<br />

La Fédération internationale des<br />

journalistes (FIJ) annonce que son<br />

prochain congrès se tiendra en 2026<br />

à Paris, où elle a été fondée en 1926.<br />

Elle rappelle qu’il est toujours possible<br />

de soutenir le fonds pour les<br />

journalistes menacés de violence ou<br />

ayant besoin d’un traitement médical<br />

: www.ifj.org/safety-fund<br />

Journalistes réduits au silence en Russie 24.1.2023<br />

Onze mois après le début du conflit en Ukraine, les<br />

autorités russes continuent de réprimer les protestations<br />

publiques en empêchant que les journalistes<br />

et les observateurs indépendants en rendent<br />

compte. Un récent rapport d’Amnesty International<br />

dénonce cette situation.<br />

Le temps est notre seul ennemi 6.12.2022<br />

Les nouvelles technologies alimentaires pourraient restituer<br />

80 % des terres agricoles à la nature. Selon une recherche de<br />

l’UE, moins de 20 % des terres agricoles existantes pourraient<br />

satisfaire à la demande alimentaire mondiale. Il faudra néanmoins<br />

au moins un siècle pour développer ces nouvelles technologies.<br />

C’est trop de temps pour sauver la planète.<br />

Suivez-nous sur les<br />

réseaux sociaux !

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