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28-155-C-10
Épidémiologie de la carie
P. Tramini, D. Bourgeois
La carie dentaire et ses conséquences sont encore les causes principales de la perte des dents dans
les pays industrialisés. L’abord épidémiologique de la carie est indispensable pour progresser dans la
compréhension de cette pathologie. De nombreux indices sont disponibles pour mesurer l’atteinte carieuse
dans les populations, mais le plus ancien et le plus souvent utilisé est l’indice CAOD, recommandé aussi
par l’Organisation mondiale de la santé. Le pourcentage de sujets indemnes de carie, quoique corrélé
au CAOD, est également utilisé de manière universelle pour décrire l’état de santé orale. La grande
disparité entre les pays au niveau de la collecte des données épidémiologiques sur la carie rend difficiles
les comparaisons au niveau international. Après des niveaux très bas aux temps préhistoriques, on a
constaté une augmentation nette de la prévalence carieuse dès que la consommation du sucre s’est
répandue dans les populations. Elle a ensuite sensiblement diminué au cours des trente dernières années,
à la suite de diverses mesures préventives mises en place dans les pays respectifs. Actuellement, l’expérience
carieuse observée chez les enfants de 12 ans dans les pays d’Europe semble converger en moyenne vers
une valeur de CAOD = 1, et ce quelle que soit l’organisation du système de santé du pays concerné, son
financement ou sa politique de prévention. La carie atteint une minorité de sujets, appartenant souvent
à des populations désavantagées et socialement marginalisées, qui concentrent un grand nombre de
lésions en échappant encore aux mesures préventives. La mise en place d’antennes épidémiologiques
destinées à fournir des statistiques régulièrement à jour, comme cela se rencontre dans certains pays,
pourrait contribuer à une estimation précise de la santé buccodentaire en France. Ceci afin d’améliorer
la production d’informations de qualité qui doit avoir un impact réel sur l’aide à la décision.
© 2017 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Mots-clés : Carie ; Indice CAOD ; Épidémiologie ; Lois de distribution ; Populations ; Prévalence
Plan
■ Introduction 1
■ Outils épidémiologiques : rappels et définitions 2
Indices de mesures de la carie 2
Rappels de notions épidémiologiques élémentaires 2
■ Discussion sur l’indice de sévérité carieuse (CAOD) 3
Variation du nombre de dents cariées en fonction de l’âge 3
Confusion avec les dents obturées 3
Seuil de détection de la carie 3
Imprécision de l’indice de sévérité carieuse (CAOD)
dans sa globalité 4
Guérison apparente des lésions carieuses 4
■ Facteurs à prendre en compte avec la carie dentaire 4
Âge 4
Sexe 4
Biofilm, régime alimentaire et sucres 5
Obésité 5
Niveau socioéconomique 5
Densité de praticiens 5
Autres relations avec la carie 5
■ Prévalence et lois de distribution de la maladie carieuse 5
Relation entre expérience carieuse et autres indices
épidémiologiques mesurant la carie 5
Lois de distribution des lésions carieuses et modélisation
de la carie chez les enfants de 12 ans 7
■ Résultats des enquêtes épidémiologiques sur l’expérience
carieuse 7
La carie dentaire au cours de l’histoire 7
Répartition géographique de la carie dentaire 7
■ Conclusion 13
Introduction
Dans tous les pays, la carie et ses complications sont la source
principale de l’activité des cabinets dentaires [1, 2] . Ainsi, pour
la France, les deux tiers du chiffre d’affaires de la profession
proviennent des actes prothétiques. Maladie chronique non transmissible,
la carie met rarement en jeu le pronostic vital, son impact
se traduisant essentiellement en termes de qualité de vie [3] . La
douleur dentaire est plus fréquente dans les populations où le
taux de carie est élevé. On estime que la probabilité pour qu’une
douleur dentaire survienne chez un enfant est majorée de 5 % à
chaque nouvelle dent temporaire cariée. La carie dentaire et ses
conséquences sont encore les causes principales de la perte des
dents dans les pays industrialisés [4] . Cette maladie entraîne donc
souffrance, mal-être, et engendre des coûts individuels et collectifs
importants. Elle soulève la problématique de l’accès aux soins,
de la réduction des inégalités devant la maladie, de l’organisation
même du système de santé dentaire et des options de politiques de
santé en matière de prévention, de promotion et d’éducation. De
EMC - Médecine buccale
1
Volume 12 > n ◦ 6 > décembre 2017
http://dx.doi.org/10.1016/S1877-7864(17)78982-3
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28-155-C-10 Épidémiologie de la carie
par son impact sociétal, elle est considérée comme un problème
de santé publique.
Pourquoi faire de l’épidémiologie ? La pratique de
l’épidémiologie se justifie pour plusieurs raisons. Tout d’abord,
connaître de manière précise le phénomène étudié dans la population
(le plus souvent une maladie), en établissant des rapports
sur sa fréquence, ses variations au cours du temps, en fonction
des situations géographiques, de critères sociodémographiques
ou environnementaux. L’épidémiologie descriptive établit donc
un état des lieux préalable, et l’épidémiologie analytique tente
d’expliquer le phénomène étudié à travers des protocoles bien
précis et des outils adaptés appartenant à la biostatistique.
L’épidémiologie d’intervention vise ensuite à améliorer la situation
délétère présente au début de l’investigation, en général par
le choix d’une stratégie de prévention. Étant donné la complexité
des processus étudiés, il est recommandé de faire régulièrement
des enquêtes et des interventions pour surveiller l’efficacité
de ces mesures préventives sur la population et pouvoir ainsi
ajuster en fonction des résultats obtenus. C’est pourquoi, afin
de mieux lutter contre les principales maladies, des antennes de
surveillance épidémiologique ont été constituées (réseaux Sentinelles),
et des enquêtes sont régulièrement menées, coordonnées
par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
On peut considérer que l’épidémiologie va traiter une population
entière comme un seul individu, c’est son patient à elle. Mais
il faut admettre que la meilleure approche possible pour des individus
sélectionnés peut aussi être la pire pour la communauté,
et inversement [5] . C’est pourquoi la vision de l’épidémiologiste
ne rejoint pas toujours celle du clinicien, médecin ou chirurgiendentiste.
Connaître et analyser le présent permet de programmer
l’avenir en réduisant les marges d’erreur. Il est dit que celui qui possède
les métadonnées, possède le pouvoir de décision et politique
au détriment des institutions formelles. En santé, l’épidémiologie
est le cœur du système d’information. Elle s’intègre dans un
ensemble de disciplines telles la sociologie, l’économie de la santé,
la démographie, les sciences humaines, qui va permettre de réunir
tous les éléments du puzzle nécessaires aux fondements des politiques
de santé publique.
Outils épidémiologiques : rappels
et définitions
Il est indispensable de rappeler en préambule certaines notions
épidémiologiques qui vont être utilisées par la suite.
Indices de mesures de la carie
Indice CAOD
L’indice CAOD (DMFT pour decayed, missing, filled teeth en
anglais) mesure la sévérité d’atteinte carieuse (ou expérience
carieuse) des dents permanentes. Son équivalent est le caod pour
les dents temporaires (dmft en langue anglaise). Il varie entre 0
et 28 et dénombre les dents cariées (CD), absentes (AD), ou obturées
(OD). Décrit pour la première fois par Palmer et Klein en
1938 [6] , il est une référence incontournable en épidémiologie buccodentaire,
même si certaines indications concernant son emploi
et son interprétation, nouvelles connaissances obligent, ont été
redéfinies périodiquement par l’OMS [7] .
Une dent obturée avec en plus une lésion carieuse est considérée
comme cariée, que la lésion soit sur la même face ou sur une
autre face de la dent. Une dent présentant une obturation provisoire
est considérée comme cariée, même en l’absence de lésion.
Une dent avec un scellement préventif des sillons est considérée
comme dent saine et n’est donc pas comptée comme dent obturée,
tout comme une dent avec une hypoplasie de l’émail ou avec une
lésion radiculaire. Une dent pilier de bridge est considérée comme
saine, ce qui n’est pas le cas d’une couronne prothétique unitaire.
Une règle fondamentale : en cas de doute, toujours minimiser
l’interprétation clinique. Pour les dents absentes, la règle suivante
est appliquée : la composante AD correspond aux dents absentes
pour cause de carie chez les sujets de moins de 30 ans ; à partir de
“ Mise au point
Afin d’améliorer la précision dans l’enregistrement des
lésions carieuses, l’indice CAOD peut être scindé en quatre
niveaux :
• C 1 AOD (équivalent anglais : D 1 MFT) : qui va mesurer
les lésions amélaires non cavitaires ;
• C 2 AOD (D 2 MFT) : pour les lésions amélaires cavitaires ;
• C 3 AOD (D 3 MFT) : pour les lésions dentinaires cavitaires,
qui est le stade recommandé par l’OMS pour enregistrer
les données épidémiologiques de la carie, ceci dans un
souci d’harmonisation entre toutes les enquêtes internationales
;
• C 4 AOD (D 4 MFT) : pour les lésions atteignant la pulpe.
30 ans, AD englobe toutes les dents absentes, pour cause de carie
ou non. Une racine est considérée comme une dent absente, une
dent extraite pour causes orthodontiques n’impacte pas l’indice
CAOD, ce qui par ailleurs a faussé sensiblement les résultats des
études nationales françaises de 1987, 1998 et 2006 [8] .
Les dents de sagesse ne sont pas évaluées, car leur absence fréquente
peut être indépendante de la carie et introduire un biais
important. Le CAOD peut donc prendre 29 valeurs pour un adulte
(de 0 à 28). Pour les enfants en denture temporaire, l’indice caod
(ou cod dans le cas où on n’évalue pas les dents absentes) varie de 0
à 20. Lorsqu’ils sont en denture mixte, les indices sont un mélange
des deux précédents puisqu’ils dépendent du stade d’évolution
dentaire de l’enfant au moment de l’examen épidémiologique :
on peut distinguer séparément denture définitive (CAOD) et denture
temporaire (caod) ou faire la somme des deux indices pour
obtenir un indice mixte (caoCAOD).
Indice CAOF
L’indice CAOF (DMFS pour decayed, missing, filled surfaces
en anglais) relève du même principe que le CAOD, l’unité de
comptage n’étant plus la dent mais la face dentaire. Comme
on dénombre 128 faces au total, cet indice peut donc prendre
129 valeurs (0 à 128) chez l’adulte, et 89 valeurs pour le caof (dmfs
en langue anglaise), qui est l’équivalent en denture temporaire (0
à 88).
Sur le plan statistique, l’OMS a défini 34 tableaux résumant les
principaux indices épidémiologiques et caractéristiques pour les
populations examinées, dont huit rapportent l’épidémiologie de
la carie (tableaux 9, 10, 12, 13, 16, 17, 18, 19 dans les annexes
de l’OMS 5 e édition [7] ). Parmi ces indicateurs, on retrouve le
pourcentage de sujets indemnes de carie, le CAOD moyen, le
nombre moyen de dents cariées (CD moyen), le pourcentage de
dents cariées (% CD), le nombre moyen de dents absentes (AD
moyen), le pourcentage de dents absentes (% AD), le nombre
moyen de dents obturées (OD moyen), le pourcentage de dents
obturées (% OD), la part du CAOD attribuée aux lésions carieuses
(CD/CAOD), la part du CAOD attribuée aux dents obturées
(OD/CAOD), le pourcentage de sujets totalement édentés.
Rappels de notions épidémiologiques
élémentaires
Prévalence
La prévalence d’une maladie est le pourcentage d’individus
atteints de cette maladie à un moment déterminé. Elle est assimilée
parfois au taux de prévalence, bien qu’aucune variation dans
le temps ne soit prise en compte [9] . La prévalence de l’expérience
carieuse est donc le pourcentage d’individus ayant au moins
une lésion carieuse, une dent absente ou une dent obturée en
bouche, c’est-à-dire la proportion qui a un indice CAOD supérieur
à 0. L’ensemble des individus avec un indice CAOD égal à 0 est
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Épidémiologie de la carie 28-155-C-10
80
70
60
Obturées Absentes Cariées
Figure 1. La réduction apparente du nombre de dents cariées
ou obturées après la cinquantaine est due en réalité à une augmentation
du nombre de dents absentes (données locales non
publiées).
50
40
30
20
10
0
15 à 24
ans
25 à 34
ans
35 à 44
ans
45 à 54
ans
55 à 64
ans
65 à 74
ans
75
et plus
considéré indemne de carie. De même, la prévalence des lésions
non traitées est le pourcentage d’individus présentant au moins
une lésion carieuse, donc avec une composante CD supérieure à 0.
Cette dernière prévalence fait référence en principe à un passé plus
récent, puisque les lésions n’ont pas encore été traitées.
“ Mise au point
Il faut distinguer la prévalence au niveau du sujet, qui vient
d’être définie et qui est la plus utilisée, de la prévalence au
niveau dentaire. Cette dernière est égale au nombre de
dents atteintes divisé par le nombre de dents examinées.
On peut en tirer la proportion de dents cariées restant en
bouche (CD/n), n correspondant au nombre de dents.
Incidence
Elle diffère de la prévalence car elle ne prend en compte que
les nouveaux cas de la maladie diagnostiqués depuis le début de
l’étude. L’incidence ne peut être évaluée qu’à partir d’études longitudinales,
et en général dans le domaine dentaire, on mesure
l’incrément de la carie. Par exemple, on testera l’effet d’un programme
de prévention sur l’incrément du CAOD ou du CAOF.
Comme pour la prévalence, l’incidence peut être calculée au
niveau individuel, comme au niveau dentaire. La susceptibilité
à la carie aussi peut être évaluée au niveau dentaire (pour une
dent en particulier) mais également au niveau individuel (pour la
bouche dans son ensemble).
Facteur de risque
C’est un déterminant, en général une exposition à une situation
défavorable, qui est capable de modifier l’incidence d’une maladie.
Le facteur de risque peut parfois être un facteur causal, ou
simplement un facteur indicateur pour la maladie [10] . Il peut être
modifiable ou non, et le même pour plusieurs maladies (facteur
de risque commun). On peut le mettre en évidence à travers des
enquêtes longitudinales de type exposés/non-exposés.
Discussion sur l’indice de sévérité
carieuse (CAOD)
Dans tout système d’évaluation de la santé, il est important
d’avoir à sa disposition des critères de diagnostic bien définis, à
la fois valides, fiables, reproductibles, clairs, objectifs, robustes,
quantifiables, sensibles et facilement utilisables par le praticien
qui réalise l’examen. Le CAOD ne remplit qu’en partie son rôle,
mais on continue à l’utiliser malgré tout. Depuis près de 80 ans,
il fait l’unanimité de par sa simplicité d’emploi et son caractère
synthétique. Il existe actuellement environ 9000 articles correspondant
à ce terme dans le moteur de recherche de PubMed, et 985
pour le CAOF. Cependant, les chercheurs en épidémiologie l’ont
souvent décrié car il peut donner une vue déformée par rapport à
la situation réelle vis-à-vis de la maladie carieuse [4, 11–13] .
Variation du nombre de dents cariées en
fonction de l’âge
Si on s’intéresse uniquement à la composante CD (nombre de
dents cariées) du CAOD, elle s’avère peu informative surtout chez
les personnes âgées, car elle dépend étroitement du nombre de
dents présentes en bouche. En effet, l’indice CD augmente au
cours de la vie tant que le sujet a toutes ses dents, mais il peut
diminuer ensuite, au fur et à mesure que ce sujet perd ses dents
cariées (Fig. 1) [14] . Le nombre de lésions carieuses est limité au
maximum au nombre de dents présentes en bouche. En additionnant
toutes les manifestations de l’expérience carieuse, à savoir
les dents cariées, les dents absentes à cause de la carie, et les dents
soignées à la suite de la carie, l’indice CAOD compense en partie
cette diminution artificielle du nombre des lésions au cours de la
vie.
Chez les sujets âgés de plus de 60 ans, des études épidémiologiques
ont montré que, entre 1 et 9 dents restantes, plus il y avait
de dents en bouche, plus il y avait de caries radiculaires. Mais pour
ceux qui avaient plus de neuf dents restantes, plus ils avaient de
dents, moins ils avaient de lésions carieuses [15, 16] .
Confusion avec les dents obturées
L’indice OD ne distingue pas les dents qui sont à la fois obturées
et cariées des dents simplement cariées (sans être obturées).
Ainsi, l’OMS considère qu’une dent est « non traitée » quand elle
présente une obturation avec en plus une lésion carieuse, sur la
même face ou non. De plus, une dent peut avoir été obturée pour
une autre raison que la carie [11] . Cette approximation se justifie
par l’impossibilité d’avoir accès au dossier individuel du patient,
qui serait en fait le seul moyen de connaître le véritable statut de
la dent au moment de l’enquête.
Seuil de détection de la carie
Il faut remarquer que peu de maladies sont binaires, et la dichotomie
n’est pas naturelle. On passe progressivement de l’état de
santé à l’état de la maladie [5] . La carie n’échappe pas à cette
EMC - Médecine buccale
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28-155-C-10 Épidémiologie de la carie
règle. Avec les moyens diagnostiques sophistiqués à disposition,
on peut détecter de plus en plus tôt une lésion carieuse débutante,
lorsqu’elle est encore invisible à l’œil nu (phase subclinique).
Mais le diagnostic n’est pas automatiquement posé à partir de
la détection [17] . Les indices vont donc dépendre étroitement du
seuil choisi par les cliniciens chargés de fournir les données épidémiologiques.
Par exemple, on peut détecter la carie au stade
cavitaire ou précavitaire [18] , ce qui va modifier sa prévalence.
Plus la lésion carieuse est détectée à un niveau précoce, plus
la prévalence qui en découle est élevée [12] . Cette propriété est
fondamentale car elle peut perturber les comparaisons de prévalence
entre des populations examinées dans des conditions
même légèrement différentes, voire remettre en cause les statistiques
obtenues. Cependant, il n’existe pas de consensus sur les
critères de détection des caries. Les données provenant de l’OMS
ne concernent pas les stades précavitaires de la carie, c’est pourquoi
elles minimisent l’ampleur de l’atteinte dans de nombreux
pays. L’OMS consacre un chapitre sur la manière de réduire ce
biais, par une calibration préalable des évaluateurs, puis un calcul
des coefficients de concordance « kappa » sur un échantillon
correspondant à 10 % de l’effectif total.
“ Mise au point
Lorsqu’on parle de sujets « indemnes de carie », il est
nécessaire de vérifier à quel seuil a été diagnostiquée la
lésion. Si les lésions précavitaires ont été exclues, il faut
remplacer ce terme par « indemnes de cavité », car il serait
erroné de considérer que les sujets « indemnes de cavité »
sont des sujets sains et ne nécessitant donc aucun traitement.
En effet, ils pourraient être pris en charge selon
l’activité de leur lésion, même au stade précavitaire.
Le temps est aussi un facteur à prendre en compte. En effet, les
études épidémiologiques prospectives nécessitent d’être menées
sur une période relativement longue pour pouvoir noter des variations
sur l’indice CAOD (ou le CAOF). Il faut reconnaître que cet
indice épidémiologique a quand même été suffisamment sensible
pour démontrer l’efficacité de beaucoup de mesures thérapeutiques
et préventives au moyen de nombreux essais cliniques [19] .
Imprécision de l’indice de sévérité carieuse
(CAOD) dans sa globalité
Lorsqu’on ne dispose que des valeurs du CAOD, comme c’est
souvent le cas des enquêtes de l’OMS, cet indice reste peu informatif,
puisqu’il traite sur le même plan des dents avulsées suite à
la carie (stade de gravité extrême) et des lésions cavitaires débutantes,
qu’elles soient traitées ou non. Par exemple, un indice
CAOD égal à 8 peut correspondre à quatre lésions atteignant la
pulpe plus quatre dents avulsées à cause de la carie, ou bien à
quatre dents vitales obturées sur deux faces, plus quatre dents
vitales obturées sur une face.
Guérison apparente des lésions carieuses
Au cours d’enquêtes épidémiologiques longitudinales, on peut
parfois rencontrer un phénomène inattendu au niveau du dénombrement
des lésions carieuses : certaines dents sont diagnostiquées
saines, alors qu’elles avaient été notées cariées au cours d’un
examen précédent (« reversal » en langue anglaise). Ceci peut provenir
tout d’abord d’une erreur d’évaluation, correspondant à une
discordance intraexaminateur si c’est le même examinateur qui
évalue au cours du temps, ou interexaminateur pour deux examinateurs
différents ; ou bien plus rarement d’un retour réel à l’état
sain, envisageable pour les lésions débutantes (limitées à l’émail
et sans cavité).
Pour pallier les inconvénients et les limitations inhérentes
à ces méthodes d’évaluation, il est naturel que de nouveaux
indices carieux aient été mis au point, tel l’indicateur International
Caries Detection and Assessment System (ICDAS) [20, 21] . Il
pourrait constituer un moyen de compenser certains des inconvénients
de l’indice CAOD, apportant plus de précision au niveau
des lésions précoces de l’émail et, par voie de conséquence, des
chiffres et statistiques en découlant moins optimistes mais plus
proches de la réalité qu’avec l’indice CAOD. Toutefois, le prix à
payer est une plus grande lourdeur et une moins bonne faisabilité
dans les enquêtes épidémiologiques.
Le Significant Caries Index (SCI) essaie de compenser une autre
insuffisance de l’indice CAOD, à savoir mieux déceler la fraction
la plus atteinte de la population (Nishi M et al., 2002). Il est égal
au CAOD moyen calculé dans le tiers de la population ayant les
scores les plus élevés d’indice CAOD [22, 23] .
Le Root Caries Index (RCI) [24] a été mis au point pour mesurer les
lésions carieuses radiculaires chez les personnes âgées. Il présente
quatre niveaux : pas de récession gingivale, récession gingivale
sans lésion carieuse radiculaire, récession gingivale avec lésion
carieuse radiculaire, récession gingivale dont la lésion carieuse
radiculaire a été obturée. Cet indice est égal au pourcentage de
faces radiculaires cariées ou obturées rapporté à la totalité des faces
radiculaires.
Le programme European Global Oral Health Indicators Development
(EGOHID) a développé 40 indicateurs buccodentaires
permettant de synthétiser l’information relative à l’état de santé
orale et aux mesures préventives présentes dans chaque pays
d’Europe [25] . Quatre types d’indicateurs ont été réunis dans cette
initiative : des indicateurs pour la surveillance de la santé buccodentaire
chez les enfants et les adolescents, un deuxième type
d’indicateurs pour la population générale, des indicateurs pour la
surveillance des systèmes de soins buccodentaires et, enfin, des
indicateurs pour la surveillance de la qualité de vie en rapport
avec la santé buccodentaire.
Facteurs à prendre en compte
avec la carie dentaire
Âge
L’enfance peut être considérée comme une période plus propice
à la carie des sillons de par l’accumulation de plaque sur
la face occlusale des molaires pendant leur éruption [26] . Cependant,
une étude de cohorte de dix ans en Afrique de l’Est et en
Chine a montré que globalement l’incidence carieuse ne changeait
pas de l’enfance à l’âge adulte. De nouvelles lésions carieuses
continuent à se développer avec l’âge, qu’elles soient localisées
sur la surface amélaire ou sur la partie cémentaire exposée avec
l’âge. Au cours de l’âge, les variations suivantes sont constatées :
diminution du taux de lésions amélaires, augmentation du taux
de lésions cavitaires coronaires et radiculaires, augmentation du
nombre de dents absentes et obturées. Par un phénomène cumulatif
des lésions carieuses au cours de la vie, l’expérience carieuse
ne peut qu’augmenter avec l’âge.
Sexe
En général, on constate une expérience carieuse plus élevée chez
les femmes, aussi bien dans les populations préhistoriques que
plus récentes ou contemporaines [27] . Ces différences sont difficiles
à expliquer sur le plan génétique ou hormonal mais, chez l’adulte,
le CAOD supérieur des femmes pourrait provenir d’un plus grand
nombre de dents obturées et absentes, traduisant le fait que les
femmes consultent le dentiste plus facilement que les hommes,
que cela soit pour la prévention, le traitement ou l’esthétique. En
revanche, les hommes présentent plus de lésions cariées non traitées.
Même chez les enfants, une étude sur un échantillon très
large a montré que la prévalence carieuse était plus élevée chez les
filles, et ce pour chaque tranche d’âge de 7 ans à 10 ans [28] . On
pourrait évoquer également une éruption plus précoce chez les
filles, d’où un temps d’exposition supérieur vis-à-vis des facteurs
de risque carieux pour les dents des filles. Une autre hypothèse
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EMC - Médecine buccale
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Épidémiologie de la carie 28-155-C-10
Consommation de sucre (kg/personne)
80
Suisse
70
Fidji
Brésil
60
Barbade
50
Chypre
40
France
30
Arabie
R 2 = 0,0115
saoudite
20
Lesotho
Philippines
10
Madagascar
Ghana
Congo
Cameroun
0
10 20 30 40 50 60 70 80 90 100
Prévalence carieuse
Figure 2. Corrélation non significative (test de
Spearman, p = 0,11) entre la prévalence carieuse
et la consommation de sucres. Calculs effectués
par les auteurs d’après les données de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS) [3] .
concernant la différence de prévalence carieuse entre les genres a
été une plus grande taille des glandes salivaires et une composition
salivaire différente chez les hommes [29] . Cependant, certaines
études, certes moins nombreuses, n’ont trouvé aucune différence
entre la prévalence carieuse des hommes et des femmes [30, 31] .
Chez la femme enceinte, la susceptibilité à la carie n’a pu être
démontrée, à cause notamment d’un trop grand nombre de facteurs
de confusion [32, 33] .
Biofilm, régime alimentaire et sucres
Les bactéries buccales cariogènes et les hydrates de carbone
sont les deux facteurs causaux [34, 35] . Les bactéries ne peuvent
pas survivre sans le sucre, mais ce dernier n’a aucun effet délétère
sur l’émail et la dentine sans la présence de bactérie. Il est
conseillé d’associer les deux mesures préventives en luttant contre
le sucre de l’alimentation ainsi que les bactéries du biofilm [36, 37] .
De nombreuses études ont prouvé une association significative
entre le régime alimentaire et l’expérience carieuse [38, 39] . Cependant,
lorsqu’on considère les chiffres de consommation à l’échelle
des pays, la corrélation n’est pas significative (Fig. 2). En effet, la
manière de consommer ces sucres, la fréquence et les conditions
de leur consommation (grignotage) jouent un rôle déterminant
dans l’apparition de la carie. On constate qu’un pays comme
le Ghana est un très faible consommateur de sucre et présente
logiquement une prévalence carieuse très basse, alors que le Cameroun
ou Madagascar ont une prévalence carieuse élevée alors qu’ils
consomment peu de sucre à l’échelle du pays. Cependant, on ne
trouve pas de pays consommant beaucoup de sucre et ayant une
faible prévalence carieuse (secteur en haut à gauche du diagramme
de la Figure 2).
Obésité
Des études ont trouvé une association significative entre la carie
et l’obésité [40, 41] , mais elle ne semble pas systématique [42, 43] . Une
méta-analyse sur le sujet indique qu’il existe de nombreux facteurs
de confusion, et qu’il sera très difficile de les éliminer au cours de
futures études épidémiologiques [44] .
Niveau socioéconomique
La relation entre l’état de pauvreté, le niveau d’étude atteint et
l’expérience carieuse a souvent été démontrée [45, 46] . Cette même
relation existe pour la santé en général : moins on a de revenus,
moins on a suivi d’études et moins bonne sera la santé.
Cependant, sur le plan international, on a constaté que dans
les pays moins riches, l’expérience carieuse augmentait avec le
niveau de revenu des individus [21, 47] . Parfois, le surtraitement
peut aussi expliquer les indices supérieurs (CAOD, OD, OD/CAOD
et CD/CAOD) observés dans les populations socialement plus élevées
[48] .
Densité de praticiens
On peut aussi remarquer qu’il n’y a pas de corrélation significative
entre la densité de praticiens et l’expérience carieuse. On
peut s’attendre à ce que la densité de praticiens soit expliquée
par la demande de soins, et donc une expérience carieuse élevée
serait corrélée à une densité élevée de praticiens ; et qu’après
une certaine période, la présence des praticiens fasse régresser la
maladie. Mais en pratique, ce schéma n’est pas observé, et la prédiction
est complexe. On sait aussi qu’une dent déjà soignée a
une plus grande probabilité d’être retraitée à la suite de la carie
qu’une dent saine. C’est pourquoi la part des interventions curatives
par les praticiens dentistes et l’accès aux soins est difficile à
établir dans l’amélioration des indicateurs de santé buccodentaire.
Petersen (2005), expert à l’OMS [49] , et Sheiham (1997), expert
en épidémiologie buccodentaire [50] , semblent douter du poids
de l’intervention des professionnels dans cette amélioration. De
plus, ces améliorations ne sont constatées pour l’instant que chez
l’enfant, alors que les niveaux de carie chez l’adulte demeurent
préoccupants [50, 51] .
Autres relations avec la carie
Certaines études ont trouvé une relation significative entre
les habitudes nocives (tabac, alcool, drogues) et l’expérience
carieuse [52] . On note chez l’enfant une relation entre le développement
de lésions carieuses et le diabète de type 1 [53] , ainsi qu’un
indice carieux plus élevé chez les enfants atteints d’asthme [54] .
Outre des facteurs de risque communs, qui peuvent influencer la
santé en général, on trouve des facteurs de risque spécifiques à la
carie dentaire, notamment la présence de lésions carieuses en denture
temporaire, qui est le meilleur prédicteur pour la présence de
lésions en denture permanente [1, 44, 55] . De même, chez l’adulte, le
meilleur prédicteur de l’expérience carieuse à un âge avancé est le
CAOD à un âge antérieur [56] . La peur du dentiste chez l’enfant et
l’adulte est souvent associée de manière significative au mauvais
état buccodentaire, et la prévalence carieuse en particulier [57] .
Prévalence et lois de distribution
de la maladie carieuse
Relation entre expérience carieuse et autres
indices épidémiologiques mesurant la carie
Toutes les études épidémiologiques antérieures ont montré que
lorsque l’expérience carieuse diminuait dans une population, la
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5
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28-155-C-10 Épidémiologie de la carie
100 Figure 3. Prévalence en fonction de
l’expérience carieuse (en Europe). Calculs
effectués d’après les données de l’Organisation
90
mondiale de la santé (OMS).
Prévalence carieuse
80
70
60
50
y = 54,416x 0,3151
R 2 = 0,6709
40
30
0
1
2
3
CAOD
4
5
6
110
100
90
Figure 4. Prévalence en fonction
de l’expérience carieuse (au
niveau mondial). Calculs effectués
d’après les données de
l’Organisation mondiale de la
santé (OMS).
Prévalence carieuse
80
70
60
50
y = 55,615x 0,3443
R 2 = 0,5106
40
30
20
0 1
2
3
4
5
6
7
CAOD
prévalence de la carie diminuait aussi. Et on s’est aperçu qu’au
cours des générations, la distribution de la carie devenait de plus
en plus asymétrique, comme si le développement des caries et leur
répartition obéissaient à certaines lois statistiques. Un corollaire
de ce phénomène est qu’à des niveaux bas de la carie, la majorité
des lésions survient chez une minorité d’individus. On observe
donc un phénomène de focalisation de la carie [58] .
On constate également qu’il existe une relation mathématique
entre le CAOD (ou le caod) moyen et le CAOF (ou le caof)
moyen, à tel point que certains indices peuvent même être prédits
à condition de connaître les caractéristiques de base de la
population [59, 60] . Il ne serait plus indispensable en épidémiologie
de relever toutes les lésions carieuses au niveau de chaque
face (CAOF), car l’information contenue au niveau de l’expérience
carieuse (CAOD) pourrait s’avérer suffisante.
Il existe une autre loi qui établit que lorsque le taux de progression
du CAOF (ou caof) a tendance à diminuer dans une
population, il est accompagné d’une diminution des lésions amélaires.
Lorsqu’une dent est cariée, sa controlatérale a une forte
probabilité d’être aussi cariée [61] .
La distribution de la carie peut donc être modélisée pour une
population donnée. En résumé, connaissant le CAOD moyen, on
peut prédire :
• le pourcentage d’enfants indemnes de carie (ou inversement la
prévalence carieuse) et la distribution du CAOD (Fig. 3, 4). Par
exemple, à l’âge de 12 ans, pour un CAOD moyen de 1, on peut
prédire le pourcentage d’enfants indemnes de carie : il est voisin
de 60 %. Pour un CAOD moyen de 1,25, ce pourcentage
passe à 50 %, et pour un CAOD moyen de 2, il chute à 30 %.
À 15 ans, ces chiffres peuvent aussi être prédits, ils sont légèrement
différents. Les courbes de tendance peuvent être utilisées
pour évaluer l’efficacité d’un programme de prévention [62, 63] ;
• le nombre moyen de lésions à un âge plus avancé ;
• la relation entre le CAOD moyen et le CAOF moyen ;
• le CAOF moyen par type de dent ;
• le temps nécessaire pour qu’une lésion débute après l’éruption
de la dent et le taux de progression des lésions à travers l’émail.
Les taux de progression les plus lents concernent la majorité
des lésions proximales des dents définitives. Une lésion proximale
met en moyenne trois ans pour progresser de l’émail à la
6
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Épidémiologie de la carie 28-155-C-10
dentine [64] . Cependant, il peut être raccourci, car d’autres facteurs
peuvent intervenir, comme des défenses immunitaires
altérées ou déficientes.
Lois de distribution des lésions carieuses
et modélisation de la carie chez les enfants
de 12 ans
Lorsqu’on veut mesurer l’état de santé d’une population, la prévalence
n’est pas suffisante pour explorer toutes les dimensions
de la maladie. Cette constatation a motivé la mise au point d’un
indice comme le SCI. Pour comparer les pays entre eux, il vaut
mieux comparer la distribution des scores de la maladie (CAOD
par exemple) plutôt que sa prévalence [5] . Les histogrammes correspondant
aux valeurs du CAOD ont été étudiés et comparés à
travers les époques (Fig. 5A à C). Chez les enfants de 12 ans, qui
servent de « baromètre » pour la population entière, on constate
qu’il y a eu un glissement progressif d’une répartition quasi gaussienne
(à gauche) à une distribution très asymétrique (à droite),
dont la modélisation devient complexe et peut être approchée
par les modèles mathématiques qui doivent prendre en compte
une grande proportion de valeurs du CAOD égales à zéro. Sur le
graphique de la Figure 5A, la répartition de l’expérience carieuse
quasi gaussienne peut encore se rencontrer chez l’adulte [65] . Le
graphique correspond aux données habituellement rencontrées
chez les enfants de 12 ans (Fig. 5C).
À l’heure actuelle, la distribution du nombre de lésions carieuses
a donc plutôt l’allure de l’histogramme représenté sur la Figure 6.
Cette distribution peut être modélisée par une loi de Poisson [66, 67] ,
une loi binomiale négative [68] , une loi de Poisson avec inflation
de zéros [69] , une loi binomiale négative avec inflation de zéros [70] ,
ou bien encore par un modèle de Hurdle [71] . Ces modèles se
justifient par une plus grande précision dans l’estimation des paramètres
de régression, avec pour conséquence une modification de
la significativité réelle des paramètres testés, comme par exemple
les facteurs de risque de la carie. On pourrait donc avoir un autre
regard sur l’épidémiologie analytique de la carie, puisque les tests
statistiques classiques appliqués jusqu’à présent ne seraient plus
pertinents.
En ce qui concerne les études longitudinales, qui vont plus fournir
des estimations de l’incidence carieuse que de la prévalence
carieuse, des modèles plus complexes tels que les modèles de survie
multiniveaux, intégrant d’autres lois de distribution peuvent
être envisagés [72] .
Résultats des enquêtes
épidémiologiques sur l’expérience
carieuse
La carie dentaire au cours de l’histoire
Époque préhistorique et historique
La maladie carieuse est très ancienne et elle n’est pas exclusive
de l’espèce humaine. Des lésions s’apparentant à la carie
ont pu être observées chez les dinosaures herbivores de l’époque
mésozoïque (plus de 65 millions d’années), les préhominiens
de l’époque éocène (plus de 25 millions d’années), ainsi que
chez divers animaux des époques miocène (plus de 5 millions
d’années), pliocène (plus de 1,6 million d’années), et pléistocène
(plus de 10 000 ans) [73–75] . La carie dentaire est aussi rencontrée
chez les animaux sauvages [76] , et elle est relativement fréquente
chez les animaux domestiques [77, 78] .
Il est difficile de connaître la prévalence exacte aux temps préhistoriques
car les restes dentaires sont souvent partiels et mal
conservés. De plus, l’âge des individus correspondant au matériel
osseux et dentaire retrouvé est souvent approximatif, parfois
inconnu, rendant impossibles les comparaisons avec les populations
actuelles. Et enfin, certaines lésions de l’émail et de la
dentine ont pu se produire post-mortem à partir de dents saines, et
faussement s’apparenter à des lésions carieuses [79] . Il semblerait
que la carie dentaire ait toujours existé au cours de l’évolution
de l’humanité. Mais elle semblait surtout être influencée par le
régime alimentaire habituellement rencontré à ces époques [80] .
Les populations ayant eu des régimes alimentaires à base de viande
avaient des taux de caries moins élevés que celles ayant adopté des
régimes alimentaires à base de fruits et de légumes (Tableau 1).
On estime en général que le début de la carie dentaire est associé
à l’époque néolithique (autour de 10 000 ans avant notre
ère) [81] . L’homme du Néandertal (de −230 000 à −30 000) aurait
très peu connu la carie, avec une prévalence voisine de 0,5 % [78] ,
très inférieure à celle observée à l’heure actuelle [82, 83] . Plus tard,
sur une population médiévale (XII e siècle) située dans le Var, il a
été observé une prévalence carieuse chez l’adulte d’environ 20 %
pour les molaires mandibulaires et de 15 % pour les molaires
maxillaires [84] . Pour les dents antérieures, la prévalence était très
faible (entre 0 et 3 %), avec cependant un pic observé pour les
incisives latérales maxillaires (6 % environ). On peut considérer
que la maladie carieuse a significativement augmenté avec
l’accroissement de la consommation du sucre (en Europe, vers la
fin du XVII e – début du XVIII e siècle), et elle n’a fait qu’augmenter
depuis (Tableau 1).
En paléontologie, l’indice CAOD n’étant pas satisfaisant
pour apprécier l’expérience carieuse des populations anciennes,
d’autres indices ont été mis au point par les chercheurs. L’indice
I-CE, mesurant l’intensité de la carie dans les populations historiques
ou préhistoriques, est exprimé comme la proportion de
dents ayant eu une expérience carieuse [85] :
ICE = 100 × (CD + AD)/(N + APM)
Avec CD correspondant au nombre de dents cariées, AD au
nombre de dents absentes ante-mortem, N au nombre de dents
présentes, APM au nombre de dents absentes post-mortem.
D’autres indices, comme la proportion de dents cariées avec le
facteur correcteur de Lukacs [86] ou la correction de Hardwick, ont
également été utilisés en anthropologie.
Époque contemporaine
Dans la plupart des pays d’Europe et dans certains pays du reste
du monde, la prévalence carieuse a eu tendance à baisser sensiblement
au cours des trente dernières années [87] . Cette diminution
s’est effectuée par paliers, comme si certains groupes de dents pouvaient
avoir une résistance similaire à la carie. On a constaté une
augmentation des lésions carieuses concernant les puits et sillons
et, en contrepartie, une diminution sur les faces lisses et proximales
[88] . En effet, les faces dentaires les moins à risque sont moins
souvent atteintes lorsque la prévalence de la maladie a tendance
à régresser dans la population. Cette règle ne dépend pas de la
présence de fluor [89] . En ce qui concerne le risque carieux, on
note également un certain degré de symétrie, à la fois entre les
deux maxillaires et entre les côtés droit et gauche. C’est pourquoi
certains systèmes d’enquêtes obtiennent suffisamment de précision
en n’examinant qu’un côté de la bouche, par effet « miroir ».
La susceptibilité à la carie a été calculée pour chaque dent chez
l’enfant. En denture permanente, les faces occlusales des deux
premières molaires et les sillons vestibulaires des deux premières
molaires inférieures sont les plus susceptibles de se carier, suivies
des faces occlusales des prémolaires. Viennent ensuite les faces
palatines des incisives latérales supérieures et les faces proximales
des premières molaires. Les faces lisses et proximales des incisives
centrales inférieures sont les moins susceptibles à la carie [90] .
Répartition géographique de la carie dentaire
Au niveau international
Généralités
Il existe autant de disparités entre les différents pays qu’entre
les différentes villes à l’intérieur d’un même pays. Au niveau des
continents, les scores de carie les plus élevés chez l’adulte sont
retrouvés en Amérique, et les plus bas en Afrique [3] (Fig. 7). Mais
on s’attend à une augmentation dans les pays d’Afrique, notamment
à la suite du changement d’alimentation, désormais plus
riche en hydrates de carbone.
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7
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28-155-C-10 Épidémiologie de la carie
Nombre de sujets
Figure 5. Données simulées sur Excel correspondant
aux distributions de l’expérience
carieuse (CAOD) à travers les dernières décennies
chez les enfants de 12 ans.
A. Distribution du CAOD rencontrée il y a environ
50 ans, que l’on pouvait assimiler à un modèle
gaussien.
B. Distribution du CAOD rencontrée il y a environ
25 ans, déjà fortement asymétrique.
C. Distribution du CAOD rencontrée actuellement,
avec une forte proportion de valeurs égales
à zéro.
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
CAOD
A
Nombre de sujets
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
CAOD
B
Nombre de sujets
0 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13
CAOD
C
8
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Épidémiologie de la carie 28-155-C-10
“ Mise au point
La cause principale avancée par les auteurs pour expliquer
ce déclin de la prévalence carieuse est l’usage généralisé
des dentifrices fluorés. Mais la réduction de consommation
des sucres, l’usage très répandu des antibiotiques, une
meilleure hygiène buccale sont les autres raisons possibles
pour expliquer la réduction de cet indice. On a vu que la
part des interventions par les praticiens et l’accès aux soins
ne semblent pas déterminants.
La comparaison entre les pays est difficile à réaliser car les données
provenant de l’OMS sont assez disparates : elles peuvent
provenir de périodes très décalées entre elles ou de données locales
non représentatives parfois du pays entier. Cependant, outre ces
Fréquence
200 250 300
0 50 100 150
0
2 4 6 8
Nombre de dents cariées
11 17
Figure 6. Données simulées par l’auteur. La ligne verte représente la
modélisation par une loi de Poisson et la ligne noire par une loi binomiale
négative avec inflation de zéros.
restrictions, la Figure 8 compare à la fois la prévalence carieuse et le
CAOD au niveau mondial. Il faut noter que ces données datent de
2003 et n’ont pas été actualisées depuis. En effet, toutes les informations
concernant l’état de santé buccodentaire dépendent de
la Banque mondiale de santé buccodentaire de l’OMS développée
en 1969 par Barmes, du programme de « Profil-secteur de la
santé orale » développé aussi par l’OMS en 1992, des ministères
de Santé, et enfin des rapports ou publications scientifiques effectués
dans les divers pays. Depuis les années 2000, ces informations
provenant de l’OMS ont été grandement ralenties, voire inexistantes
[91] . Il faut reconnaître que seul le Royaume-Uni reste fidèle
à sa tradition séculaire et continue d’alimenter les bases de données
sur la prévalence carieuse dans différents groupes d’âge. En
Scandinavie, ces informations font partie intégrante du système
de Sécurité sociale, avec notamment une surveillance de la santé
orale des enfants et des adultes au Danemark.
À l’âge de 12 ans
Il existe des données épidémiologiques beaucoup plus
complètes chez les enfants que chez les adultes ou les personnes
âgées : près de la moitié de toutes les données de l’OMS
concerne les sujets âgés entre 10 et 19 ans. Concernant la santé
buccodentaire, l’OMS recommande de recueillir les données épidémiologiques
des groupes d’âge suivant : 5 ans, 12 ans, 15 ans,
35 à 44 ans, et 65 à 74 ans.
La comparaison de l’expérience carieuse au cours des vingt
dernières années montre qu’elle a plus diminué dans les pays développés,
mais il faut remarquer que les niveaux étaient plus élevés
au départ (Fig. 9).
L’âge de 12 ans est considéré comme un âge clé pour étudier
l’épidémiologie de la carie. Notamment la mesure de l’indice de
sévérité carieuse (CAOD) est plus pertinente à cet âge car on sait
plus facilement si les dents absentes sont une conséquence de la
carie (peu de parodontopathie sévère), et les 28 dents examinées
dans le cadre d’une enquête épidémiologique ont fait leur éruption.
De plus, c’est la dernière année de scolarisation obligatoire
Tableau 1.
Prévalence carieuse au cours de l’histoire montrant une variation suivant
le type de régime alimentaire.
Régime
Carnivore Fruits et légumes Mixte Moderne
Prévalence carieuse ≈ 1 % ≈ 75 % ≈ 10 % ≈ 90 %
CAOD
Très bas : < 5,0
Bas : 5,0–8,9
Modéré : 9,0–13,9
Haut : > 13,9
Données non disponibles
Figure 7. Répartition du CAOD chez l’adulte dans le monde (35 à 44 ans).
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9
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28-155-C-10 Épidémiologie de la carie
8
7
CAOD
Prévalence
6
5
4
3
2
1
0
Tanzanie
Lesotho
Nigeria
Chypre
Danemark
Bénin
Suisse
Bangladesh
Chine
Afrique du Sud
Espagne
Finlande
Namibie
France
Niger
Zimbabwe
Bhoutan
Ouzbékistan
Nicaragua
Émirats arabes unis
Figure 8. Représentation du cumul de l’expérience carieuse (CAOD) et de sa prévalence dans le monde (d’après les données de l’Organisation mondiale
de la santé [OMS]). La prévalence est exprimée en valeur relative, au centième de sa valeur réelle.
Thaïlande
Japon
Papouasie-Nouvelle-Guinée
Kenya
Mongolie
Mexique
Soudan
Grèce
Gambie
Maroc
Rép. tchèque
Cameroun
Philippines
Corée du Sud
Yémen
Jordanie
Liban
Slovaquie
Bosnie
Île Maurice
CAOD
5
Pays développés
Ensemble des pays
Pays en développement
Figure 9. Évolution du CAOD
chez les enfants de 12 ans
dans les pays développés et en
développement.
4
3
2
1
0
1980
1981 1983 1984 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 1996 1996 1998
des enfants dans beaucoup de pays, le milieu scolaire facilitant
l’organisation et le recrutement des sujets pour ces enquêtes.
L’OMS organise la coordination d’une base de données mondiale
ciblée à cet âge. Il est très important de respecter les recommandations
de l’OMS, notamment concernant la calibration, le choix
des critères et la collecte des données pour permettre une comparabilité
entre les études provenant des différents pays. Les CAOD
moyens par pays sont représentés sur la Figure 10 (niveau mondial)
et la Figure 11 (niveau européen) [92] .
L’OMS avait défini des seuils de gravité pour le CAOD moyen,
qui permettait de synthétiser l’information sur un atlas mondial.
Ces seuils auraient besoin d’être revus et éventuellement mis à
jour. Ils sont représentés sur le Tableau 2 (à 12 ans) et le Tableau 3
(de 35 à 44 ans).
10
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Épidémiologie de la carie 28-155-C-10
CAOD
Très bas : < 1,2
Bas : 1,2–2,6
Modéré : 2,7–4,4
Haut : > 4,4
Données non disponibles
Figure 10. Répartition du CAOD à 12 ans au niveau mondial.
8 Figure 11. Répartition du CAOD à 12 ans au niveau européen
(sources : Organisation de coopération et de développement
7
économiques [OCDE] 2007).
6
5
4
3
2
1
0
Royaume-Uni
Suisse
Autriche
Belgique
Danemark
Espagne
Irlande
Pays-Bas
Suède
Allemagne
Finlande
Italie
Islande
Norvège
OCDE
France
Slovénie
Grèce
Portugal
Turquie
Lituanie
Estonie
Luxembourg
Hongrie
Rép. tchèque
Lettonie
Pologne
Slovaquie
Roumanie
Tableau 2.
Scores du CAOD et gravité d’atteinte correspondante chez l’enfant de
12 ans, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
CAOD moyen dans la
population
< 1,2 Très bas
Entre 1,2 et 2,6 Bas
Entre 2,7 et 4,4 Modéré
Entre 4,5 et 6,5 Élevé
> 6,5 Très élevé
Niveau de l’expérience carieuse
dans la population
Tableau 3.
Scores du CAOD et gravité d’atteinte correspondante chez l’adulte de 35
à 44 ans, d’après l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
CAOD moyen dans la
population
< 5,0 Très bas
Entre 5,0 et 8,9 Bas
Entre 9,0 et 13,9 Modéré
> 14,0 Élevé
Niveau de l’expérience carieuse
dans la population
En créant une nouvelle variable qui tient compte à la fois de la
prévalence carieuse chez les enfants de 12 ans, de la prévalence de
l’édentation totale, et de la consommation de sucre, on obtient un
diagramme qui représente ces trois dimensions de la santé buccodentaire
pour chaque pays (Fig. 12). La France, ne présentant pas
de valeur élevée pour chacune de ces trois composantes, obtient
un bon score.
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28-155-C-10 Épidémiologie de la carie
200
180
Prévalence carie Sucre consommé Prévalence édentation
160
140
120
100
80
60
40
20
0
France
Suède
Suisse
Norvège
Slovénie
Autriche
Allemagne
Hongrie
Espagne
Danemark
Grèce
Royaume-Uni
Figure 12. Cumul de la prévalence carieuse à 12 ans, de la prévalence d’édentés totaux entre 65 et 74 ans, et de la consommation de sucre par pays (en
Europe).
Italie
Rép. tchèque
Finlande
Lituanie
Irlande
Portugal
Pays-Bas
Estonie
Pologne
Belgique
Bulgarie
Croatie
Islande
“ Point fort
À 12 ans, les scores de CAOD les plus élevés varient entre
2 et 5, provenant des pays de l’Europe de l’Est. Les pays
d’Amérique latine et d’Amérique du Sud ont également
des niveaux assez élevés (de 1,5 à 5). Les pays de l’Europe
de l’Ouest ont généralement des niveaux en dessous de 1,
alors que l’Indonésie, l’Australie, la Nouvelle-Zélande, le
Japon et la Corée sont entre 1 et 2, les Philippines et
l’Inde ont les scores assez élevés (entre 3 et 4). Enfin,
pour le Moyen-Orient, les scores varient entre 1 et 3, sauf
pour l’Arabie saoudite qui culmine avec un indice CAOD
presqu’égal à 6 à l’âge de 12 ans.
Chez les personnes âgées (65 ans et plus)
L’espérance de vie étant plus grande, on peut s’attendre à une
augmentation de la prévalence carieuse dans ce groupe d’âge,
à condition que les seniors conservent leurs dents plus longtemps
que par le passé (avec une prise en charge parodontale).
Le problème particulier est la carie radiculaire, qui accompagne
la récession gingivale et semble prendre la suite de la carie coronaire
au cours de la vie d’un individu. En effet, lorsqu’on observe
les chiffres sur les caries radiculaires, on voit que la prévalence
augmente avec l’âge, avec de plus grands scores pour les molaires,
suivies des prémolaires, des incisives et enfin des canines [93] . Les
données provenant de l’OMS soulignent surtout la prévalence de
l’édentation totale qui peut être très élevée dans certains pays
(78 % en Bosnie-Herzégovine et seulement 1 % au Nigeria), et
par voie de conséquence, mettent un peu moins en valeur la
prévalence de la carie.
Situation de la sévérité de l’atteinte carieuse
en France
Les données bibliographiques référencées sont assez rares à
l’échelle nationale, même s’il existe des initiatives locales ou régionales
fournissant des statistiques peu représentatives et inégales
suivant la tranche d’âge.
Chez les enfants de 6 ans
L’évaluation de la prévalence carieuse dans le Val-de-Marne
chez les enfants âgés de 6 ans était égale à 38,9 % en 1991,
30,6 % en 1995, et 22,2 % en 2000. L’indice cod était de 1,74,
1,39 et 1,05 [94] . En 2006, l’enquête nationale réalisée par l’Union
française pour la santé buccodentaire a montré une prévalence de
36,6 %. L’indice coCAO était de 1,37 (2,5) et 29,6 % présentaient
au moins une dent cariée non soignée. Les enfants d’agriculteurs
ou d’ouvriers présentaient un plus grand nombre moyen de dents
cariées que les enfants de cadres supérieurs ou de professions intermédiaires
[95] .
Chez les enfants de 12 ans
Des enquêtes nationales ont été réalisées en 1987, 1993, 1998
et 2006 [7, 96, 97] . Les principales statistiques sont résumées sur le
Tableau 4. On peut retenir de la dernière enquête qu’environ
20 % des enfants cumulent 72 % de l’indice CAOD. Le scellement
préventif des sillons n’était présent que sur 6,9 % des enfants
(Tableau 4).
Chez les adultes
Très peu d’études nationales ont été entreprises, si ce n’est une
étude en 1994 chez les personnes âgées entre 35 et 44 ans [98] ,
et une autre effectuée sur la même tranche d’âge par les centres
d’examen de santé entre 1999 et 2003 [65] . Cette dernière, qui
tenait compte de l’indice de précarité EPICES, annonce un CAOD
de 14,5 chez l’homme et de 16 chez la femme en 1999, et de 13,5
chez l’homme et de 15,5 chez la femme en 2003. Dans l’étude de
1994, les auteurs trouvaient un CAOD moyen de 14,6.
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Épidémiologie de la carie 28-155-C-10
Tableau 4.
Statistiques de 1987 à 2006 chez l’enfant de 12 ans.
CAOD moyen
(écart-type)
1987 1990 1993 1998 2006
4,20 (2,90) 3,02 (2,60) 2,07 (2,20) 1,94 (2,30) 1,23 (1,90)
Prévalence carieuse 88,1 % 76,7 % 65,3 % 60,8 % 44,1 %
CD moyen
(écart-type)
AD moyen
(écart-type)
OD moyen
(écart-type)
2,32 (2,40) 1,29 (1,90) 0,58 (1,20) 0,82 (1,60) 0,47
0,36 (1,00) 0,26 (0,80) 0,20 (0,80) 0,17 (0,70) 0,16
1,52 (1,9) 1,47 (1,90) 1,28 (1,70) 0,95 (1,50) 0,60
Chez les personnes âgées (65 ans et plus)
Certaines études locales ont montré que la santé buccodentaire
des personnes âgées était assez mauvaise, surtout pour les personnes
institutionnalisées [99] . Dans cette étude, la prévalence de
l’édentation totale était supérieure à 25 %, et parmi ces personnes
totalement édentées, 18 % n’avaient pu avoir aucune prothèse.
Le besoin en soins conservateurs, chirurgicaux et prothétiques
était assez élevé. On a très peu de données sur les personnes âgées
vivant à leur domicile.
Conclusion
Il faut déplorer une grande disparité dans l’évaluation de la prévalence
carieuse au niveau mondial. Certains pays, dont la France
fait partie, ont des données disparates, voire insuffisantes, notamment
chez le très jeune enfant et les personnes âgées. Lorsque
ces données sont disponibles à travers le monde, elles peuvent
être sujettes à caution si la réalisation de l’enquête épidémiologique
n’a pas été suffisamment rigoureuse ou l’échantillonnage
approximatif. Cependant, la diminution de l’expérience carieuse
est une constante dans la plupart des pays développés et en développement.
La carie dentaire étant la cause principale de la perte
des dents, il devient indispensable de suivre cette maladie et de la
prévenir, sachant l’impact que peut avoir la perte dentaire sur la
santé générale et sur sa qualité de vie. En effet, avoir moins de neuf
dents en bouche a plus d’impact que le cancer, l’hypertension
ou l’allergie sur la qualité de vie liée à la santé [100] . Depuis les
trente dernières années, l’expérience carieuse observée chez les
enfants de 12 ans dans les pays d’Europe semble converger en
moyenne vers une valeur de CAOD égale à 1, et ce quelle que soit
l’organisation du système de santé du pays concerné, son financement
ou sa politique de prévention. La densité de praticiens
ne semble pas être suffisante pour améliorer la santé buccodentaire
d’une population, il n’y a que les programmes de prévention
efficaces qui pourront y arriver à long terme.
Concernant la surveillance épidémiologique de la carie dentaire
en France, on peut déplorer la pauvreté des bases de
données disponibles, conséquence de l’absence d’un système
d’enregistrement digne des enjeux sociétaux. La mise en place
d’antennes épidémiologiques destinées à fournir des statistiques
régulièrement à jour, comme cela se rencontre dans certains autres
pays, pourrait contribuer à une estimation précise de la santé
buccodentaire en France. Ceci afin d’améliorer la production
d’informations de qualité qui doit avoir un impact réel sur l’aide
à la décision.
Déclaration de liens d’intérêts : les auteurs déclarent ne pas avoir de liens
d’intérêts en relation avec cet article.
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D. Bourgeois, Professeur des Universités, praticien hospitalier.
Service de santé publique, UFR d’odontologie, 11, rue Guillaume-Paradin, 69372 Lyon cedex 8, France.
Toute référence à cet article doit porter la mention : Tramini P, Bourgeois D. Épidémiologie de la carie. EMC - Médecine buccale 2017;12(6):1-15 [Article
28-155-C-10].
Disponibles sur www.em-consulte.com
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