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Livre des Actes SUN 2010 - VB Congrès-Evènement

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UNIVERSITÉ PARIS VI FACULTÉ DE MÉDECINE PITIÉ-SALPÊTRIÈRE<br />

FACULTÉ DE MÉDECINE PIERRE ET MARIE CURIE, PARIS VI<br />

Séminaires<br />

d’Uro-Néphrologie<br />

XXXVI e Série - <strong>2010</strong><br />

Publiés sous la<br />

direction de<br />

Gilbert Deray &<br />

Marc-Olivier Bitker


36 e Série<br />

<strong>2010</strong><br />

Séminaires<br />

d’Uro-Néphrologie<br />

PITIÉ-SALPÊTRIÈRE<br />

Publiés sous la direction<br />

de Gilbert Deray & Marc-Olivier Bitker


“Les Séminaires d’Uro-Néphrologie ont été fondés<br />

par René Küss et Marcel Legrain<br />

et ont été publiés sous la direction<br />

de Christian Chatelain et Claude Jacobs jusqu’en 1998,<br />

puis sous la direction de François Richard et Gilbert Deray jusqu’en 2009”<br />

Tous droits de traduction, d’adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays.<br />

Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle par quelque procédé que ce soit, <strong>des</strong> pages publiées dans le<br />

présent ouvrage, faite sans autorisation de l’éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon.<br />

Seules sont autorisées, d’une part les reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non <strong>des</strong>tinées à<br />

une utilisation collective, et d’autre part, les courtes citations justifiées par les caractère scientifique ou d’information de<br />

l’œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4, L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle).<br />

Editeur : Association Uro-Néphrologie de la Pitié-Salpêtrière - 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 PARIS<br />

Réalisation : Accent Aigu, Paris - Janvier <strong>2010</strong><br />

Dépôt légal : Janvier <strong>2010</strong> - ISBN 2-9526026-4-6


Sommaire<br />

Chapitre 1 Pharmaciens en néphrologie<br />

Cancer et dialyse, une prise en charge complexe<br />

J. Thariat, N. Janus, V. Launay-Vacher . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8<br />

Cancer et dialyse : la place du pharmacien. À propos d’un cas clinique<br />

D. Parent, J.B. Rey . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9<br />

Chapitre 2 Quoi de neuf en uro-néphrologie pour<br />

les généralistes ?<br />

Évaluation de la fonction rénale et de la protéinurie pour le diagnostic de la<br />

maladie rénale chronique chez l’adulte.<br />

Recommandations pour la pratique clinique<br />

Groupe de travail de la Société de Néphrologie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14<br />

Comment ralentir la dégradation de la fonction rénale chez le patient insuffisant<br />

rénal ?<br />

I. Tostivint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18<br />

Pyélonéphrite aiguë non compliquée de l’adulte : diagnostic et traitement<br />

M. Rouprêt, R. Renard-Penna . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24<br />

Le développement de l’urétéroscopie souple a-t-il modifié l’heure du recours<br />

à l’urologue ?<br />

P. Conort, I. Tostivint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 32<br />

Diagnostic et antibiothérapie <strong>des</strong> infections urinaires bactériennes<br />

communautaires chez l’adulte : recommandations<br />

Recommandations de l’AFSSAPS (juin 2008) (version courte) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34<br />

Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et urétéraux de l’adulte :<br />

recommandations<br />

P. Conort, B. Dore, C. Saussine et les membres du CLAFU . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 37<br />

Chapitre 3 Le fer dans tous ses états<br />

Hepcidine, fer et rein : aspects physio-pathologiques et cliniques<br />

P. Brissot, M.B. Troadec, E. Bardou-Jacquet, O. Loreal . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48<br />

Traitement de la carence martiale en dialyse péritonéale<br />

M. Ficheux, T. Lobbedez, P. Cuny, R. Azar, C. Verger, J.P. Ryckelynck . . . . . . . . . . . . . . . . . 54<br />

Maniement du fer en prédialyse<br />

P. Zaoui, T. Romanet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58<br />

3


Sommaire<br />

Chapitre 4 L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

Épidémiologie <strong>des</strong> patients ayant présenté un arrêt cardiaque en hémodialyse<br />

P. Brunet . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64<br />

Conduite à tenir devant un arrêt cardiaque en hémodialyse chronique<br />

Y. Luque, C. Ridel, E. Rondeau . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 69<br />

Influence de la fréquence et de la durée <strong>des</strong> séances de dialyse sur le risque<br />

de survenue d’un arrêt cardiaque<br />

G. Jean . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 77<br />

Arrêt cardiaque et bain de dialyse<br />

L. Mercadal, M. Venditto, D. Szumilak, S. Hacini, E. Bourry, H. Boulechfar, G. Deray . . . . . . 82<br />

Traitement pharmacologique préventif de la mort subite chez le patient dialysé<br />

T. Krummel, A.L. Faller, D. Bazin, A. Benaicha, T. Hannedouche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 85<br />

Chapitre 5 Atelier anatomopathologique<br />

Récidive <strong>des</strong> hyalinoses segmentaires et focales après transplantation rénale<br />

G. Canaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 92<br />

Chapitre 6 Transplantation<br />

Tourisme de transplantation : conséquence de la pénurie ?<br />

M. Le Quintrec . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 100<br />

Chapitre 7 Insuffisance rénale et sexualité masculine<br />

Dysfonction érectile chez l’insuffisant rénal chronique<br />

A. Baumelou, F. Giuliano, X. Girerd . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 106<br />

Chapitre 8 Atelier - SFD et SNF : hygiène, infections<br />

en dialyse : quels indicateurs ?<br />

Adaptation à la dialyse du bilan standardisé du CLIN<br />

A. Savey et le groupe d’experts "Indicateurs en dialyse" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 112<br />

Suivi <strong>des</strong> infections en hémodialyse selon le réseau DIALIN. Surveillance<br />

<strong>des</strong> infections acquises en hémodialyse : objectifs, métho<strong>des</strong> et résultats<br />

L. Ayzac, I. Russell, C. Albert, A. Sandrine, C. Bauer, M. Beruard, C. Bonniol, D. Bouguern,<br />

E. Caniot, R. Diab, P. Donnadieu, R. Girard, P. Hallonet, V. Joyeux, Y. Knefati, F. Kuentz,<br />

F. Leroy, J.M. Marc, M. Marraoui, I. Martin, C. Merel, X. Moreau-Gaudry, P. Pinceaux,<br />

M. Saint-Georges, N. Salem, C. Taddei, N. Tetault, P. Trolliet, M. Unal, M. Uzan . . . . . . . . . . 116<br />

4


Sommaire<br />

Chapitre 9 Nouvelles de l’American Society of Nephrology<br />

Actualités du congrès de la société américaine de néphrologie<br />

C. Isnard Bagnis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124<br />

Chapitre 10 Rein et grossesse<br />

Grossesse au cours <strong>des</strong> maladies rénales chroniques<br />

R. Azar, M. Boulogne, P. Delporte . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 130<br />

La grossesse est une épreuve d’effort glomérulaire<br />

A. Hertig . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 137<br />

Prise en charge thérapeutique d’une HTA gravidique<br />

M. Beaufils . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 143<br />

Chapitre 11 Actualités<br />

Atteintes rénales du syndrome <strong>des</strong> anticorps antiphospholipi<strong>des</strong><br />

E. Daugas, D. Nochy . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 152<br />

Polykystose rénale autosomique dominante : de la physiopathologie<br />

aux applications thérapeutiques<br />

C. Melander, B. Knebelmann, D. Joly . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 157<br />

Vascularites cryoglobulinémiques et hépatite C : avancées physiopathologiques,<br />

implications thérapeutiques et pronostiques<br />

P. Cacoub, D. Saadoun, D. Sene . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 161<br />

Chapitre 12 Atelier - Dialyse péritonéale :<br />

statut nutritionnel et DP<br />

Soutien nutritionnel en dialyse péritonéale<br />

R. Azar . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 170<br />

Chapitre 13 Atelier - Comment optimiser la prise en charge<br />

de l’anémie ?<br />

Objectifs et enjeux de la prise en charge de l’anémie en <strong>2010</strong><br />

A. Testa . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 174<br />

5


Chapitre 14 Vignettes<br />

Sommaire<br />

Cœur et dialyse péritonéale : facteurs de risque cardiovasculaire<br />

B. Issad, G. Deray . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 178<br />

Epidémiologie <strong>des</strong> complications métaboliques dans la maladie rénale chronique<br />

B. Stengel, M. Froissart . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 184<br />

Comparaisons <strong>des</strong> données <strong>des</strong> registres : exemple de la durée et fréquence<br />

de dialyse<br />

C. Couchoud, au nom du projet QUEST . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 188<br />

Nouvelles recommandations dans le traitement <strong>des</strong> bactériémies à germes<br />

Gram positif en hémodialyse<br />

L. Labriola . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 191<br />

Perte d’albumine en hemodiafiltration en ligne<br />

C. Créput, T. Petitclerc . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 194<br />

Apports <strong>des</strong> tests de quantification de libération de l’interféron gamma dans<br />

le diagnostic de la tuberculose chez les patients insuffisants rénaux chroniques<br />

J. Tourret . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 198<br />

Chapitre 15 Séance AFUF <strong>SUN</strong>-J - Points de controverse<br />

en urologie<br />

Quel traitement en cas d’échec d’une BSU pour IUE ?<br />

2 e BSU versus sphincter/ballons ACT ?<br />

J.F. Hermieu, F. Haab . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 204<br />

Place de la prostatectomie totale dans le cancer de la prostate au stade<br />

localement avancé<br />

M. Soulié, P. Richaud . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 206<br />

Chapitre 16 Questions ouvertes à l’urologue<br />

Prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate en <strong>2010</strong><br />

J. Parra, S.J. Drouin, M. Rouprêt . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 216<br />

Le développement de l’urétéroscopie souple a-t-il modifié l’heure du recours<br />

à l’urologue ?<br />

P. Conort, I. Tostivint . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 222<br />

Index . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 225<br />

6


7<br />

Chapitre 1<br />

Pharmaciens<br />

en<br />

néphrologie


Les pays occidentaux comme la France se caractérisent<br />

par un vieillissement de la population, une<br />

augmentation du nombre de dialysés et un rallongement<br />

de la durée de vie <strong>des</strong> dialysés grâce à<br />

l’amélioration <strong>des</strong> moyens de suppléance (hémodialyse,<br />

dialyse péritonéale). Les patients dialysés<br />

sont plus à risque de développer un cancer (stress<br />

oxydant chronique ± antécédent d’exposition aux<br />

immunosuppresseurs). Les cancers dans cette population<br />

représentent un problème croissant de<br />

Santé Publique.<br />

La méconnaissance <strong>des</strong> spécificités de prise en<br />

charge du cancer chez ces patients aboutit souvent<br />

à <strong>des</strong> sous-traitements ou <strong>des</strong> sur-toxicités <strong>des</strong> traitements<br />

anti-cancéreux. L’insuffisance rénale terminale<br />

dialysée est en effet parfois mal prise en<br />

compte. Les données actuellement disponibles<br />

sont rares, ne permettant pas toujours de documenter<br />

correctement les spécificités de pharmacocinétique,<br />

pharmacodynamique et dialysance <strong>des</strong><br />

anti-cancéreux dans la population <strong>des</strong> dialysés. Or,<br />

une prescription inadéquate chez ces dialysés peut<br />

Chapitre 1 - Pharmaciens en néphrologie<br />

Cancer et dialyse, une prise en charge<br />

complexe<br />

J. Thariat (Nice), N. Janus (Paris), V. Launay-Vacher (Paris)<br />

Références<br />

1. Thariat J, Azzopardi N, Peyrade F, Launay-Vacher V,<br />

Santini J, Lecomte T, et al. Cetuximab pharmacokinetics<br />

in end-stage kidney disease under hemodialysis.<br />

J Clin Oncol 2008;26(25):4223-5.<br />

2. Thariat J, Launay-Vacher V, Italiano A, Santini J,<br />

Peyrade F. Impact of cetuximab conventional dosing<br />

on cetuximab-induced magnesium concentration<br />

under haemodialysis in head and neck cancer. NDT<br />

Plus 2008;1:196-7; doi:10.1093/ndtplus/sfn039.<br />

8<br />

péjorer le pronostic soit par sous-traitement et<br />

donc sur-mortalité liée au cancer, soit par posologie<br />

non adaptée et risques iatrogènes accrus. En<br />

l’absence de données épidémiologiques soli<strong>des</strong> et<br />

d’essai thérapeutique sur cette pathologie chez les<br />

personnes dialysées, il n’existe pas de traitement<br />

standard ni de recommandation officielle pour la<br />

prise en charge de ces patients. Les Gui<strong>des</strong> de Prescription<br />

et Rein et l’étude IRMA sont très utiles aux<br />

oncologues. Il reste beaucoup à faire pour les dialysés.<br />

Une étude CANcer et DialYse (CANDY) vient<br />

d’être initiée et a pour but de faire un état <strong>des</strong> lieux<br />

du maniement <strong>des</strong> traitements anti-cancéreux en<br />

termes de chronochimiothérapie et de dose en<br />

fonction de la dialyse chez les dialysés particulièrement<br />

exposés à un risque de toxicité iatrogène et<br />

d’observer l’impact de la dialyse sur la survie.<br />

Pour référence : deux articles [1-2] sur l’évaluation<br />

du cetuximab chez un dialysé et une revue de la littérature<br />

[3] sur les chimiothérapies chez les dialysés,<br />

récemment publiés par les auteurs.<br />

3. Janus N, Thariat J, Boulanger H, Deray G, Launay-<br />

Vacher V. Proposal For Dosage Adjustment And<br />

Timing Of Chemotherapy In Hemodialyzed Patients.<br />

Ann Oncol <strong>2010</strong>;in press.


Cancer et dialyse : la place du pharmacien. À propos d’un cas clinique<br />

Cancer et dialyse : la place du pharmacien.<br />

À propos d’un cas clinique<br />

Damien Parent, Jean-Baptiste Rey<br />

Département de Pharmacie<br />

Institut Jean-Godinot, Reims<br />

Introduction<br />

En 2005, le nombre de nouveaux cas de cancers est<br />

estimé à près de 320 000 (280 000 en 2000) dont<br />

180 000 (56 %) chez les hommes et 140 000 (44 %)<br />

chez les femmes. Ce nombre a augmenté de 89 %<br />

entre 1980 (170 000) et 2005 alors que le nombre<br />

de décès n’a augmenté que de 13 % (130 000 en<br />

1980 et 146 000 en 2005) [1].<br />

En 2005, l’incidence de l’insuffisance rénale<br />

terminale traitée par dialyse est estimée à 133 cas<br />

par million d’habitants (pmh)/an, sa prévalence à<br />

539 cas pmh. En 2008, plus de 9 000 nouveaux<br />

patients ont débuté un traitement par dialyse en<br />

France et plus de 33 000 insuffisants rénaux ont été<br />

traités par dialyse. La population <strong>des</strong> patients<br />

dialysés vieillit. Elle présente plus de comorbidités<br />

associées [2].<br />

L’insuffisance rénale et l’hémodialyse exposent les<br />

patients à un risque de surdosage ou de sousdosage<br />

médicamenteux. Il est d’autant plus<br />

important que le médicament est à index thérapeutique<br />

étroit. Ce sont la plupart du temps <strong>des</strong><br />

sujets polymédiqués puisque l’apparition de<br />

l’insuffisance rénale chronique est bien souvent la<br />

conséquence de comorbidités associées telles que<br />

le diabète, l’hypertension artérielle, <strong>des</strong> pathologies<br />

auto-immunes…<br />

Les étu<strong>des</strong> cliniques, notamment en matière de<br />

molécules anticancéreuses, excluent la plupart du<br />

temps les patients insuffisants rénaux. Lorsque <strong>des</strong><br />

données d’adaptations posologiques sont dispo-<br />

9<br />

nibles, elles ne concernent pas les patients avec<br />

une clairance à la créatinine inférieure à 30 mL/mn.<br />

Les données en matières de patients hémodialysés<br />

sont encore plus rares ou ne concernent qu’un<br />

nombre réduit de patients [3, 4]. Toutefois, <strong>des</strong><br />

recommandations émanant de sociétés savantes<br />

sont disponibles concernant <strong>des</strong> médicaments<br />

largement prescrits comme les antibiotiques. En<br />

revanche, les données sont plus pauvres en<br />

matières de molécules cytotoxiques.<br />

La discussion entre le médecin prescripteur et le<br />

pharmacien apparaît essentielle concernant les<br />

médicaments à éviter, les adaptations posologiques<br />

à effectuer, les différents schémas d’administration<br />

<strong>des</strong> traitements à réaliser tenant compte<br />

notamment du jour <strong>des</strong> séances d’hémodialyse.<br />

Nous présentons ici le cas d’un patient insuffisant<br />

rénal hémodialysé, devant recevoir plusieurs cycles<br />

de chimiothérapie anticancéreuse.<br />

Patient et méthode<br />

Il s’agit d’un patient âgé de 55 ans porteur d’une<br />

double localisation tumorale oropharyngée et<br />

œsophagienne.<br />

En 2004, il est pris en charge pour un carcinome<br />

épidermoïde de l’angle droit de la mandibule classé<br />

pT4 pN1 M0 traité par buccopharyngectomie<br />

transmandibulaire avec curage jugulocarotidien<br />

droit et radiothérapie postopératoire. Par ailleurs, il<br />

est porteur d’une insuffisance rénale chronique<br />

dialysée depuis 2004, d’une coarctation aortique


traitée en 1972 et d’une intoxication éthylotabagique.<br />

En novembre 2008, on découvre une néoplasie du<br />

tiers moyen de l’œsophage associée à <strong>des</strong> adénopathies<br />

médiastinales. Le TEP-scanner montre<br />

une hyperfixation oropharyngée, œsophagienne<br />

moyenne, une adénopathie hilaire gauche, <strong>des</strong><br />

adénopathies mésentériques, ainsi qu’une suspicion<br />

de métastase iliaque droite.<br />

Le patient est porteur d’une sonde de gastrostomie.<br />

Les séances de dialyse sont effectuées 3<br />

jours par semaine. Son traitement habituel<br />

comprend : compléments alimentaires, carbonate<br />

de calcium, acétylsalicate de lysine, anthane,<br />

prazosine, aténolol, zopiclone, polystyrène sulfonate<br />

de sodium, amlodipine, acide folique,<br />

vitamines B1, B6, oméprazole et tramadol.<br />

3 cures de chimiothérapie comprenant 5-Fluorouracile<br />

(5FU) et carboplatine (CBDCA) sont envisagées<br />

selon le schéma posologique suivant :<br />

• 5-FU = 1000 mg/m 2 de J1 à J5 en continu<br />

• CBDCA AUC 5 adapté à la fonction rénale du<br />

patient.<br />

L’état général de ce patient (statut OMS 3 en juin<br />

2009), en particulier l’impossibilité à conserver un<br />

décubitus, contre-indique formellement une irradiation<br />

symptomatique. Il est posé la question de la<br />

possibilité de réaliser ce protocole de chimiothérapie<br />

chez un patient qui devra également subir<br />

<strong>des</strong> séances d’hémodialyse.<br />

Méthode<br />

Une recherche bibliographique est réalisée ainsi<br />

qu’une demande de renseignements auprès du<br />

service ICAR-Néphrologie (Hôpital de la Pitié<br />

Salpêtrière, Paris).<br />

Résultats<br />

Aucun cas similaire d’un patient devant recevoir<br />

une chimiothérapie en cours de séance d’hémodialyse<br />

n’a été retrouvé dans la littérature. Nous<br />

nous sommes basés sur les données de pharmacocinétiques<br />

<strong>des</strong> molécules prescrites.<br />

Le CBDCA est majoritairement éliminé par le rein :<br />

95 % de la dose administrée sont retrouvés dans<br />

Chapitre 1 - Pharmaciens en néphrologie<br />

10<br />

les urines sous forme de platine inchangé et de<br />

dérivés. Le CBDCA est épuré de façon significative<br />

lors de la séance d’hémodialyse lorsqu’elle est<br />

réalisée avec une membrane à haute perméabilité<br />

[5, 6]. Les effets indésirables liés au surdosage en<br />

CBDCA sont identiques à ceux du cisplatine et se<br />

manifestent par une toxicité médullaire, auditive et<br />

neurologique.<br />

Le fluoro-uracile est majoritairement métabolisé<br />

par le foie en 3 métabolites : le dihydrofluoro-uracile<br />

(DHFU), l’acide alpha-fluoro-uréidopropionique<br />

(FUPA), et l’alpha-fluoro-béta-alanine (FBAL) [7].<br />

L’excrétion urinaire est majoritaire : 10 % de la dose<br />

administrée est excrétée dans les urines sous forme<br />

inchangée, 60 à 90 % sous forme de métabolites,<br />

principalement le FBAL présentant une activité<br />

pharmacologique chez l’animal [8] et in vitro [9].<br />

Le fluoro-uracile est dialysable en hémodialyse [10].<br />

Les effets indésirables liés à un surdosage en fluorouracile<br />

se manifestent essentiellement par une<br />

toxicité digestive (diarrhées) et hématologique.<br />

Discussion<br />

Il est donc nécessaire d’adapter la posologie du<br />

CBDCA chez le patient insuffisant rénal. Chez le<br />

patient insuffisant rénal et/ou dialysé, la dose de<br />

CBDCA à administrer doit être calculée à l’aide de<br />

la formule de Calvert [11] qui tient compte du débit<br />

de filtration glomérulaire et de l’aire sous la courbe<br />

de carboPt souhaitée : dose = AUC x (DFG +25) [10,<br />

12]. Chez le patient insuffisant rénal terminal<br />

(hémodialysé ou en dialyse péritonéale), la valeur<br />

du débit de filtration glomérulaire doit être fixée à<br />

0 mL/mn dans le cadre de l’utilisation de cette<br />

formule [6, 13]. L’AUC du CBDCA désirée (AUC cible)<br />

sera déterminée comme chez le patient à fonction<br />

rénale normale par l’oncologue en charge du<br />

patient [10].<br />

Motzer et al. ont étudié 3 patients hémodialysés<br />

traités par CBDCA. Les séances d’hémodialyses<br />

étant programmées 24 heures après l’administration<br />

de CBDCA. 2 patients ont pu être évalués. Le<br />

troisième patient n’a toutefois pas progressé.<br />

L’étude <strong>des</strong> demi-vies d’élimination du CBDCA chez<br />

ces patients a montré qu’il était dialysable. De<br />

même Suzuki et al. ont étudié la cinétique<br />

d’élimination du CBDCA chez un patient atteint<br />

d’une tumeur de Merkel. Chez ce patient l’AUC du<br />

CBDCA augmente entre 2 séances d’hémodialyse


Cancer et dialyse : la place du pharmacien. À propos d’un cas clinique<br />

et il est démontré que cette molécule présente une<br />

bonne perméabilité à la membrane d’hémodialyse.<br />

Il est par conséquent préférable d’administrer le<br />

produit après la séance, les jours d’hémodialyse ou<br />

bien un jour sans dialyse [5, 6].<br />

Concernant le 5-FU, les doses usuelles chez le sujet<br />

ayant une fonction rénale normale en polychimiothérapie<br />

varient de 300 à 1000 mg/m 2 /jour IV, 2 à<br />

5 jours par cycle, espacés de 3 à 4 semaines.<br />

Dans une étude pharmacocinétique réalisée chez<br />

un patient hémodialysé chronique, les auteurs rapportent<br />

que les paramètres pharmacocinétiques du<br />

5-FU et du DHFU ne sont pas modifiés par rapport<br />

aux sujets sains après une dose de 750 mg/jour<br />

(425 mg/m 2 ) administrée pendant 5 jours [14]. Dans<br />

une seconde étude réalisée également chez un<br />

patient hémodialysé, les auteurs concluent que les<br />

paramètres pharmacocinétiques étaient comparables<br />

à ceux <strong>des</strong> sujets ayant une fonction rénale<br />

normaleaprèsunedoseuniquede600mg(325mg/m 2 )<br />

[15] puisque l’élimination rénale du 5FU sous forme<br />

inchangée n’est d’environ que de 10 % et qu’il est<br />

en grande partie métabolisé par la dihydropyrimidine<br />

déshydrogénase (DPD).<br />

Cependant, <strong>des</strong> concentrations élevées de FBAL<br />

ont été mises en évidence chez un patient hémodialysé<br />

[14], mais sans apparition <strong>des</strong> effets indésirables<br />

liés au FBAL (neurotoxicité et cardiotoxicité)<br />

[9, 16].<br />

Il n’est donc pas nécessaire d’adapter la posologie<br />

du fluoro-uracile chez le patient insuffisant rénal et<br />

le patient hémodialysé [10, 14]. Par conséquent, le<br />

fluoro-uracile peut être utilisé à la posologie usuelle<br />

quel que soit le schéma d’administration. Il sera<br />

11<br />

donc administré soit un jour sans hémodialyse, soit<br />

après la séance, un jour d’hémodialyse [10]. Chez<br />

notre patient, l’administration de la chimiothérapie<br />

a débuté par le CBDCA après une séance de<br />

dialyse.<br />

Habituellement pour ce protocole, le 5-FU est dilué<br />

dans une poche de 1L de NaCl 0,9 % et perfusé en<br />

24 heures. Pour ce patient, le 5-FU a été préparé<br />

dans une cassette pour pompe. Il est administré pur<br />

afin de limiter les apports hydriques entre les<br />

séances de dialyse. La pompe permet d’arrêter son<br />

administration durant les séances de dialyse puis<br />

de la reprendre en augmentant le débit de<br />

perfusion afin d’obtenir une administration de<br />

1000 mg/m 2 de 5-FU en 24 heures. Enfin, la cassette<br />

possède une coque rigide sécurisant le conditionnement<br />

durant le transport du patient dans le<br />

service de néphrologie.<br />

3 cycles de ce protocole administrés selon ce<br />

schéma ont été réalisés chez ce patient entre<br />

février et avril 2009.<br />

Conclusion<br />

L’état général du patient qui présentait une rechute<br />

d’un premier cancer associée à la découverte d’un<br />

second cancer s’est dégradé conduisant à son<br />

décès. Ce cas illustre une nouvelle fois les difficultés<br />

rencontrées dans la prise en charge médicamenteuse<br />

<strong>des</strong> patients insuffisants rénaux par manque<br />

d’information disponible. Le dialogue médecinpharmacien<br />

est alors essentiel. Ce genre de<br />

situation clinique qui est appelée à se répéter<br />

démontre l’importance d’étudier d’avantage la<br />

relation médicaments-insuffisance rénale sur <strong>des</strong><br />

cohortes de patients significatives.


Références<br />

1. La situation du cancer en France en 2009. INCA 2009<br />

oct 16.<br />

2. Masse V, Richard JB, Landais P. Épidémiologie de<br />

l’insuffisance rénale terminale traitée par dialyse.<br />

Néphrologie 18:025-B10.<br />

3. Rey JB, Launay-Vacher V, Paci A, Bourget P, Deray G.<br />

Prévalence de l’insuffisance rénale chez les patients<br />

atteints de cancer et évaluation de la disponibilité<br />

<strong>des</strong> informations sur l’utilisation <strong>des</strong> médicaments<br />

anticancéreux chez les patients insuffisants rénaux.<br />

J Pharm Clin 2003;22:149-53.<br />

4. Launay-Vacher V, Izzedine H, Rey J-B, Rixe O,<br />

Chapalain S, Nourdine S, Paci A, Bourget P, Deray G.<br />

Incidence of renal insufficiency in cancer patients and<br />

evaluation of information available on the use of<br />

anticancer drugs in renally impaired patients. Med<br />

Sci Moonit 2004;10(5):CR209-212.<br />

5. Motzer R et al. Carboplatin-based chemotherapy<br />

with pharmacokinetic analysis for patients with<br />

hemodialysis-dependent renal insufficiency. Center<br />

Chemother Pharmacol 1990;27:234-8.<br />

6. Suzuki S et al. Pharmacokinetics of carboplatin and<br />

etoposide in a haemodialysis patient with Merkel-cell<br />

carcinoma. Nephrol Dial Transplant 1997;137-40.<br />

7. Heggie GD, Sommadossi JP, Cross DS, Huster WJ,<br />

Diasio RB. Clinical pharmacokinetics of 5-fluorouracil<br />

and its metabolits in plasma, urine, and bile. Cancer<br />

Res 1987;47(8):2203-6.<br />

8. Cao S, Baccanari DP, Rustum YM et al. Alpha-fluorobeta-alanine:<br />

effects on the antitumor activity and<br />

toxicity of 5-fluorouracile. Biochem Pharmacol<br />

2005;59(8):953-60.<br />

Chapitre 1 - Pharmaciens en néphrologie<br />

12<br />

9. Akiba T, Okeda R, Tajima T. Metabolites of 5fluorouracil,<br />

alpha-fluoro-beta-alanine and fluoroacetic<br />

acid, directly injure myelinated fibers in tissue<br />

culture. Acta Neuropathol 1996;92(1):8-13.<br />

10. Launay-vacher V, Karie S, Deray G. GPR<br />

11.<br />

Anticancéreux. 4e Edition. Guide de prescription <strong>des</strong><br />

medicaments chez le patient insuffisant rénal.<br />

Méditions International, Paris, 2009.<br />

Calvert AH, Newell DR, Grumbell LA et al. Carboplatin<br />

dosage: prospective evaluation of a simple formula<br />

based on renal function. J Clin Oncol 1989;7(11):1748-56.<br />

12. Chatelut E, Rostaing L, Gualano V et al. Pharmacokinetics<br />

of carboplatin in a patient suffering from<br />

advanced ovarian carcinoma with hemodialysisdependent<br />

renal insufficiency. Nephron 1994;66:157-<br />

61.<br />

13. Li YF, Fu S, Hu W et al. Systemic anticancer therapy in<br />

gynaecological cancer patients with renal<br />

dysfunction. Int J Gynecol Cancer 2007;17(4):739-63.<br />

Epub 2007 Feb 16.<br />

14. Rengelshausen J, Hull WE, Scwenger V, Goggelmann<br />

C, Walter-Sack I, Bommer J. Pharmacokinetics of 5fluorouracile<br />

and its catabolits determined by 19F<br />

nuclear magnetic resonance spectroscopy for a<br />

patient on chronic hemodialysis. Am J Kidney Dis<br />

2002;39(2):E10.<br />

15. Gusella M, Rebeschini M, Cartei G, Ferrazzi E, Ferrari<br />

M, Padrini R. Effect of hemodialysis on the metabolic<br />

clearance of 5-Fluorouracile in a patient with endstage<br />

renal failure. Ther Drug Monit 2005;27(6):816-8.<br />

16. Arellano M, Malet-Martino M, Martino R, Gires P. The<br />

anti-cancer drug 5-fluorouracil is metabolized by the<br />

isolated perfused rat liver and in rats into highly toxic<br />

fluoroacetate. Br J Cancer 1998;77(1):79-86.


13<br />

Chapitre 2<br />

Quoi de neuf<br />

en uronéphrologie<br />

pour les<br />

généralistes ?


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Évaluation de la fonction rénale et de la<br />

protéinurie pour le diagnostic de la maladie<br />

rénale chronique chez l’adulte.<br />

Recommandations pour la pratique clinique*<br />

Groupe de travail de la Société de Néphrologie 1<br />

Résumé<br />

Des avancées significatives dans le domaine de<br />

l’estimation du débit de filtration glomérulaire et<br />

de la mesure de l’albuminurie et de la protéinurie<br />

justifient une mise à jour <strong>des</strong> recommandations<br />

antérieures. Le texte mis au point selon la méthodologie<br />

d’un groupe d’experts prend en compte<br />

ces avancées. Mais il a également pour objectifs :<br />

de ménager les repères actuels, en matière d’évaluation<br />

de la fonction rénale, en particulier pour la<br />

prescription <strong>des</strong> thérapeutiques ; de permettre<br />

d’incorporer facilement les nouveautés dans le domaine,<br />

qui vont apparaître dans les années à venir<br />

(précision de la mesure de la créatininémie dans<br />

les valeurs basses, nouvelle formule, dénommée<br />

CKD-EPI). Les avantages de la formule MDRD sont<br />

soulignés par rapport à la formule de Cockcroft. La<br />

formule MDRD proposée est celle qui a été redéfinie<br />

avec la formule IDMS. Un usage courant de la<br />

formule avec les trois facteurs : âge, sexe et créatininémie<br />

sans le facteur k est possible. La classification<br />

de la maladie rénale chronique en cinq sta<strong>des</strong><br />

est proposée. Il faut souligner l’importance cruciale<br />

de la protéinurie.<br />

Mots Clés<br />

Maladie rénale chronique ; Débit de filtration glomérulaire<br />

; MDRD ; Albuminurie ; Classification<br />

14<br />

Le débit de filtration glomérulaire (DFG) est le meilleur<br />

indicateur du fonctionnement rénal. Du fait de<br />

la complexité et du coût de la mesure du DFG, <strong>des</strong><br />

techniques d’estimation ont été développées. En<br />

pratique médicale courante, il est préconisé d’utiliser<br />

une formule de DFG estimé. Cependant, dans<br />

toutes les circonstances cliniques nécessitant une<br />

évaluation précise, une mesure par une technique<br />

de référence est justifiée (cf. Recommandations<br />

Anaes 2002).<br />

Estimation du DFG<br />

Afin d’améliorer la précision et la reproductibilité<br />

du dosage de la créatininémie, une standardisation<br />

<strong>des</strong> analyses en référence à la spectrométrie<br />

de masse par dilution isotopique (IDMS) est indispensable.<br />

En 2009, la préférence est donnée à <strong>des</strong><br />

techniques raccordées directement à l’IDMS,<br />

comme le sont certaines techniques enzymatiques.<br />

Dans l’attente d’un standard de référence pour le<br />

dosage de la cystatine C, l’estimation du DFG par<br />

les formules utilisant la cystatine C ne peut pas être<br />

préconisée.<br />

La formule de Cockcroft et Gault estime la clairance<br />

de la créatinine et non le DFG. Elle a été établie à<br />

partir de dosages de créatininémie non standardisée<br />

IDMS. Par ailleurs, elle sous-estime la fonction<br />

rénale du sujet âgé ; elle surestime la fonction<br />

rénale du sujet obèse ; elle surestime la fonction<br />

*Cette mise au point a été validée par le conseil d’administration de la Société de Néphrologie le 24 janvier 2009. Une demande<br />

de labellisation par la HAS a été effectuée.<br />

1 La composition du groupe figure à la fin du texte.


Évaluation de la fonction rénale et de la protéinurie pour le diagnostic de la maladie rénale chronique chez l’adulte.<br />

rénale du sujet jeune ayant une diminution du<br />

DFG. Elle donne une valeur qui n’est pas indexée<br />

sur la surface corporelle.<br />

Comparée à la formule de Cockcroft et Gault, la<br />

formule MDRD simplifiée a été redéfinie avec la<br />

créatininémie IDMS et estime directement le DFG<br />

indexé sur la surface corporelle. Elle a une performance<br />

prédictive supérieure, en particulier chez le<br />

sujet âgé ou obèse.<br />

Formule MDRD simplifiée :<br />

DFG = 175 x (créatininémie en mg/dl) -1,154 x<br />

(âge) -0,203 x (0,742 si femme) x k<br />

Si créatininémie en µmol/l, diviser la créatininémie<br />

par 88,4.<br />

Si créatininémie en mg/l, diviser la créatininémie<br />

par 10.<br />

k : une multiplication par un facteur dépendant<br />

de l’origine du patient doit, s’il y a lieu, être effectuée<br />

par le médecin qui reçoit les résultats. Le<br />

facteur k vaut 1 pour tous les sujets, sauf ceux<br />

originaires d’Afrique subsaharienne ou <strong>des</strong> Antilles<br />

pour lesquels il est en cours de validation<br />

en France.<br />

Le résultat de l’estimation du DFG est exprimé par<br />

la valeur numérique de l’estimation (unité :<br />

ml/min/1,73m 2 ). Au-delà de 90 ml/min/1,73m 2 , il<br />

existe une certaine imprécision.<br />

Classification de la maladie rénale<br />

chronique<br />

En vue d’une harmonisation avec les recommandations<br />

internationales, la classification de la maladie<br />

rénale chronique est définie en cinq sta<strong>des</strong> :<br />

Stade DFG<br />

(ml/min/1,73m<br />

Définition<br />

2 )<br />

1 ≥ 90 Maladie rénale chroniquea<br />

avec DFG normal<br />

ou augmenté<br />

2 entre 60 et 89 Maladie rénale chroniquea<br />

avec DFG légèrement<br />

diminué<br />

3 entre 30 et 59 Insuffisance rénale<br />

chronique modérée<br />

4 entre 15 et 29 Insuffisance rénale<br />

chronique sévère<br />

5 30 mg/mmol (> 300 mg/g)<br />

• ratio protéinurie/créatininurie<br />

> 50 mg/mmol (> 500 mg/g)<br />

• protéinurie <strong>des</strong> 24 heures > 0,5 g<br />

Le ratio albuminurie/créatininurie est mesuré sur<br />

un échantillon d’urine, prélevé préférentiellement<br />

le matin.<br />

Dans le cadre du dépistage d’une maladie rénale<br />

chronique, la bandelette urinaire peut être utilisée.<br />

Actuellement, une albuminurie de faible débit<br />

(ratio albuminurie/créatininurie de 3 à 30 mg/<br />

mmol) est considérée comme un marqueur de<br />

risque de maladie rénale chronique chez le diabétique<br />

de type 1 ou de type 2 et comme un marqueur<br />

indépendant de risque cardiovasculaire chez<br />

l’hypertendu. En présence d’une albuminurie de<br />

faible débit, il existe <strong>des</strong> recommandations spécifiques<br />

sur le choix <strong>des</strong> traitements à visée de<br />

néphroprotection et/ou de contrôle d’une hypertension<br />

artérielle.


Prise en charge diagnostique et<br />

thérapeutique<br />

Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

La prise en charge diagnostique et thérapeutique<br />

du patient se fait en accord avec :<br />

• les recommandations Anaes 2002 « Diagnostic<br />

de l’insuffisance rénale chronique» ;<br />

• les recommandations Anaes 2004 « Moyens thérapeutiques<br />

pour ralentir la progression de l’insuffisance<br />

rénale chronique chez l’adulte » ;<br />

• les recommandations HAS 2007 « Guide - Affection<br />

de longue durée. Néphropathie chronique<br />

grave » ;<br />

• les recommandations HAS 2008 « Liste <strong>des</strong> actes<br />

et <strong>des</strong> prestations - Affection de longue durée.<br />

Néphropathie chronique grave » :<br />

Stade 1 et stade 2<br />

- Diagnostic étiologique et traitement<br />

- Ralentissement de la progression de l’insuffisance<br />

rénale<br />

- Prise en charge <strong>des</strong> facteurs de risque cardiovasculaire<br />

et <strong>des</strong> maladies associées<br />

- Éviction <strong>des</strong> produits néphrotoxiques<br />

Stade 3<br />

- Idem stade 1 et 2<br />

+ Diagnostic, prévention et traitement <strong>des</strong> complications<br />

de la maladie rénale chronique et<br />

<strong>des</strong> maladies associées<br />

+ Préservation du capital veineux pour les futurs<br />

abords vasculaires<br />

+ Vaccination contre le virus de l’hépatite B<br />

Stade 4<br />

- Idem Stade1, 2 et 3<br />

+ Information et préparation au traitement de<br />

suppléance<br />

Stade 5<br />

- Traitement de suppléance par transplantation<br />

rénale et/ou dialyse - l’indication du traitement<br />

de suppléance dépend du DFG et du<br />

contexte clinique<br />

ou<br />

- Prise en charge palliative<br />

Lors de la découverte d’une diminution du DFG,<br />

un contrôle doit être effectué dans les deux semaines<br />

pour éliminer une altération aiguë de la<br />

fonction rénale.<br />

Chez le sujet âgé de 75 ans et plus, lorsque le DFG<br />

est entre 45 et 59 ml/min/1,73m 2 , en l’absence de<br />

marqueurs d’atteinte rénale, le recours au néphrologue<br />

n’est pas d’emblée nécessaire. La stabilité de<br />

16<br />

la fonction rénale et l’absence d’anomalies urinaires<br />

doivent être vérifiées trois à six mois plus<br />

tard, avant le recours éventuel au néphrologue.<br />

Au stade 3 de la classification, le risque d’événement<br />

cardiovasculaire, de progression de l’IRC ou<br />

de survenue de complications métaboliques est<br />

augmenté par l’existence d’une protéinurie et/ou<br />

lorsque le DFG est compris entre 30 et 44 ml/<br />

min/1,73m 2 .<br />

En France, les recommandations de la HAS sur la<br />

prise en charge <strong>des</strong> facteurs de risque cardiovasculaire<br />

intègrent la fonction rénale évaluée par la<br />

formule de Cockcroft et Gault. De même, les<br />

étu<strong>des</strong> d’adaptation de dose de thérapeutique<br />

ont été établies, pour la plupart, à partir de la formule<br />

de Cockcroft et Gault. Toutefois, y compris<br />

dans ces circonstances, la formule MDRD apparaît<br />

plus performante dans l’estimation de la fonction<br />

rénale chez le sujet âgé, le sujet obèse et le sujet<br />

jeune ayant une diminution du DFG.<br />

Membres du groupe de travail<br />

• Frédéric Collart, service de néphrologie, CHU<br />

Brugmann, Bruxelles ;<br />

• Christian Combe, service de néphrologie, CHU de<br />

Bordeaux ;<br />

• Cécile Couchoud, agence de la biomédecine, St-<br />

Denis-La-Plaine :<br />

- coordination nationale du registre Rein,<br />

- chargée de projet « Recommandations<br />

Anaes 2004 - Moyens thérapeutiques pour<br />

ralentir la progression de l’insuffisance rénale<br />

chronique chez l’adulte » ;<br />

• Bertrand Dussol, service de néphrologie, CHU de<br />

Marseille ;<br />

• Luc Frimat, service de néphrologie, CHU de<br />

Nancy :<br />

- président de la Commission d’épidémiologie<br />

de la Société de néphrologie ;<br />

• Marc Froissart, service de physiologie rénale,<br />

HEGP :<br />

- membre du groupe de travail « Biologie <strong>des</strong><br />

fonctions rénales et de l’insuffisance rénale »<br />

de la Société française de biologie clinique<br />

(SFBC),<br />

- membre du groupe de travail « Recommandations<br />

Anaes 2002 - Diagnostic de l’insuffisance<br />

rénale chronique chez l’adulte »,<br />

- membre du groupe « Dispositifs médicaux<br />

de diagnostic in vitro : dosage de la créatinine<br />

» de l’Afssaps ;


Évaluation de la fonction rénale et de la protéinurie pour le diagnostic de la maladie rénale chronique chez l’adulte.<br />

• Pascal Houillier, service de physiologie rénale,<br />

HEGP :<br />

- président de la Commission scientifique de<br />

la Société de néphrologie,<br />

- membre du groupe « Dispositifs médicaux<br />

de diagnostic in vitro : dosage de la créatinine<br />

» de l’Afssaps ;<br />

• Christophe Mariat, service de néphrologie, CHU<br />

de Saint-étienne ;<br />

• Olivier Moranne, service de néphrologie, CHU de-<br />

Nice ;<br />

• Bruno Moulin, service de néphrologie, CHU de<br />

Strasbourg :<br />

- Responsable du CUEN néphrologie ;<br />

• Laurence Piéroni, service de biochimie, La Pitié<br />

Salpêtrière, AP-HP :<br />

- représentante de la Société française de biologie<br />

clinique (SFBC) ;<br />

17<br />

• Claire Pouteil-Noble, service de néphrologie,<br />

CHU Lyon Sud<br />

- présidente du groupe de travail « Recommandations<br />

Anaes 2002 - Diagnostic de l’insuffisance<br />

rénale chronique chez l’adulte » ;<br />

• Bénédicte Stengel, Inserm, Villejuif ;<br />

• Emmanuel Villar, service de néphrologie, CHU<br />

Lyon Sud.<br />

Conflits d’intérêts<br />

L’ensemble <strong>des</strong> membres du groupe de travail n’a<br />

aucun conflit d’intérêt avec les firmes commercialisant<br />

le matériel nécessaire au diagnostic de la<br />

créatininémie, <strong>des</strong> bandelettes urinaires, de l’albuminurie<br />

ou de la protéinurie.


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Comment ralentir la dégradation de la<br />

fonction rénale chez le patient insuffisant<br />

rénal ?<br />

Isabelle Tostivint<br />

Service de Néphrologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière<br />

Compte tenu de l’augmentation importante <strong>des</strong><br />

maladies rénales chroniques contrastant avec le<br />

nombre restreint <strong>des</strong> néphrologues, les médecins<br />

se doivent de connaître les grands principes de lanéphroprotection<br />

pour prévenir la mise en dialyse<br />

de ces personnes mais également pour améliorer<br />

leur pronostic cardiovasculaire.<br />

On appelle néphroprotection [1] les mesures visant<br />

à préserver la fonction rénale c’est-à-dire à ralentir<br />

sa dégradation. Ces mesures sont capitales à<br />

connaître pour les praticiens qui prennent en<br />

charge une population ayant un « risque rénal »<br />

augmenté [2]. Ces mesures de néphroprotection<br />

sont importantes non seulement pour améliorer le<br />

pronostic fonctionnel <strong>des</strong> patients mais également<br />

pour améliorer leur pronostic vital en contrôlant au<br />

mieux ce nouveau facteur de risque cardiovasculaire<br />

majeur que représente l’insuffisance rénale<br />

même modérée [1, 3].<br />

Dépistage<br />

Tout d’abord, il est important de connaître la notion<br />

de « risque rénal », c’est-à-dire le risque de développer<br />

une maladie rénale. De même que nous<br />

sommes familiarisés avec la notion de facteur de<br />

risque cardiovasculaire, il est important de connaître<br />

la notion de risque rénal.<br />

Quelles sont les personnes à risque rénal augmenté<br />

?<br />

Il s’agit de toutes les personnes ayant <strong>des</strong> facteurs<br />

de risque cardiovasculaire, tels que l’hypertension<br />

artérielle, le diabète, l’obésité, le tabac, les per-<br />

18<br />

sonnes exposées aux médicaments néphrotoxiques<br />

au long cours (chimiothérapies, <strong>des</strong><br />

thérapies antirétrovirales, lithium, …), celles qui<br />

consomment une grande quantité d’antalgiques<br />

depuis plusieurs années…<br />

Une estimation du débit de filtration glomérulaire<br />

est recommandée :<br />

1) Dans <strong>des</strong> groupes à risque de maladie rénale ou<br />

d’insuffisance rénale : antécédents familiaux de néphropathie,<br />

diabète, HTA, VIH, maladie athéromateuse,<br />

maladie systémique avec atteinte rénale<br />

potentielle (lupus, sclérodermie,…), dysglobulinémie<br />

monoclonale, prise prolongée ou consommation<br />

régulière de médicaments néphrotoxiques<br />

(lithium, AINS, ciclosporine, tacrolimus, antalgiques,…),<br />

insuffisance cardiaque, insuffisance hépatique…<br />

2) Chez <strong>des</strong> patients présentant <strong>des</strong> anomalies rénales<br />

: protéinurie, hématurie, lithiase, uropathie.<br />

3) Dans certaines circonstances : avant et pendant<br />

la prescription d’aminosi<strong>des</strong>, avant et après chimiothérapie<br />

néphrotoxique, avant et après injection de<br />

produits de contraste iodés.<br />

4) Devant <strong>des</strong> anomalies biologiques ou cliniques<br />

extrarénales : anémie normochrome, normocytaire,<br />

arégénérative, troubles digestifs, anomalies<br />

du métabolisme phosphocalcique.<br />

Le dépistage <strong>des</strong> anomalies rénales toujours<br />

asymptomatiques <strong>des</strong> patients à « risque rénal »<br />

augmenté est la première étape de la néphroprotection.


Comment ralentir la dégradation de la fonction rénale chez le patient insuffisant rénal ?<br />

Comment dépister les personnes à risque rénal<br />

augmenté ?<br />

Approche diagnostic de la maladie rénale<br />

chronique<br />

Les examens simples de routine sont déjà très informatifs<br />

sur l’atteinte rénale. Il s’agit de doser la<br />

créatinine qui permet le calcul de la clairance de la<br />

créatinine que ce soit grâce à l’équation de Cockcroft<br />

et Gault [4] ou par l’équation MDRD [5] reflet<br />

du débit de filtrat glomérulaire, de faire une bandelette<br />

urinaire à la recherche d’une protéinurie,<br />

voire faire une recherche de microalbuminurie<br />

quand celle ci est négative et enfin l’examen cytobactériologique<br />

<strong>des</strong> urines pour analyse du sédiment<br />

urinaire (hématurie et/ou leucocyturie) pour<br />

préciser au mieux l’atteinte rénale. Qualifier précisément<br />

la maladie rénale (quel profil ? quel niveau de<br />

clairance ? depuis quand ?) (glomérulaire ou non),<br />

en l’absence d’obstruction sur les voies urinaires<br />

(échographie rénale), aide au diagnostic. Le classement<br />

de la maladie rénale en 5 sta<strong>des</strong> permet<br />

d’homogénéiser la prise en charge [6]. Dès que le<br />

praticien a un doute il adresse le patient au néphrologue.<br />

Les examens simples de dépistage que sont la<br />

bandelette urinaire et les dosages biologiques <strong>des</strong><br />

urines sont déjà riches d’information. La bandelette<br />

urinaire peut préciser s’il existe une protéinurie<br />

(albuminurie), une hématurie et/ou une<br />

leucocyturie associée. La protéinurie <strong>des</strong> 24 heures<br />

bien faite (avec le dosage concomitant de la créatininurie<br />

témoignant de la qualité du recueil urinaire)<br />

indiquera si le profil de l’atteinte rénale est<br />

compatible avec une glomérulopathie (albuminurie<br />

de fort débit) ou non. La leucocyturie isolée<br />

oriente vers l’atteinte tubulo-interstitielle. L’absence<br />

d’anomalie et de la protéinurie <strong>des</strong> 24 h et<br />

de l’ECBU orientera plus vers un profil vasculaire.<br />

L’hématurie oriente en cas de protéinurie associée<br />

vers une pathologie proliférative intraglomérulaire<br />

qui doit faire pratiquer la biopsie rénale exploratrice<br />

rapidement. L’estimation de la clairance de la créatininémie<br />

à partir du dosage sanguin de la créatininémie<br />

permet de classer l’atteinte rénale selon la<br />

classification en 5 sta<strong>des</strong> de la NKF. L’important<br />

dans la caractérisation de la maladie rénale est de<br />

reconstituer au mieux l’évolution de celle-ci à partir<br />

de l’historique <strong>des</strong> antériorités de créatininémie.<br />

Ceci permet d’établir la pente de décroissance de la<br />

fonction rénale (qui est une fonction inverse de la<br />

créatinine) [2].<br />

19<br />

Ce schéma aide à comprendre combien les premières<br />

augmentation de créatininémie reflètent<br />

une importante perte de débit de filtration glomérulaire.<br />

Les autres marqueurs rénaux sont :<br />

• la protéinurie >300 mg/24 heures ou rapport protéinurie/créa-tininurie<br />

>200 mg/g ;<br />

• albuminurie normale 10/mm 3 ou<br />

10 000/ml ;


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

• leucocyturie pathologique : GB>10/mm 3 ou<br />

10 000/ml ;<br />

• la microalbuminurie est un signe d’alerte chez le<br />

diabétique, surtout de type 1.<br />

Quel que soit le DFG, la persistance pendant plus<br />

de 3 mois de marqueurs d’atteinte rénale témoigne<br />

d’une maladie rénale qui impose un diagnostic<br />

étiologique et/ou une surveillance néphrologique.<br />

Une recherche de marqueurs d’atteinte rénale<br />

est recommandée<br />

Protéinurie, hématurie (bandelette urinaire) :<br />

• 1 fois/an chez les diabétiques (ANAES 1999, suivi<br />

du patient diabétique de type 2) ;<br />

• 1 fois tous les 5 ans chez les hypertendus (ANAES<br />

2000, prise en charge <strong>des</strong> patients atteints d’HTA<br />

essentielle) ;<br />

• en présence d’œdèmes, lors de la suspicion<br />

d’une gammapathie, dans le suivi <strong>des</strong> maladies<br />

inflammatoires ;<br />

• et lors de la découverte d’un DFG < 90 ml/min/<br />

1,73 m ² .<br />

20<br />

Microalbuminurie :<br />

• 1 fois/an chez les diabétiques de type 1 et de<br />

type 2 si la bandelette est négative.<br />

Une IRC est une maladie grave qui nécessite une annonce<br />

spécifique ou à défaut, une information lors<br />

de la consultation suivante. Il faut donc prévoir une<br />

consultation plus longue. Il est nécessaire de rassurer<br />

le patient, de lui proposer un plan de soins adapté et<br />

de l’adresser à un néphrologue dans l’année qui suit<br />

si son stade est ≥ 2. Il est souhaitable de proposer<br />

aux patients les services d’un réseau de néphrologie<br />

ou d’une association de patients, pour l’aider à gérer<br />

sa maladie. En tant que médecin traitant, vous avez<br />

la capacité de suivre vos patients insuffisants rénaux,<br />

du dépistage jusqu’au stade terminal de sa maladie.<br />

L’expertise d’un néphrologue est utile :<br />

• en première intention, si vous n’êtes pas à l’aise<br />

pour :<br />

- diagnostiquer la cause de la maladie rénale ;<br />

- établir un plan de soins adapté aux besoins<br />

du patient ;<br />

• si votre patient présente un stade d’IRC ≥ 2<br />

(


Comment ralentir la dégradation de la fonction rénale chez le patient insuffisant rénal ?<br />

mesures de néphroprotection dont le but est la prévention<br />

et la correction <strong>des</strong> facteurs qui ont été mis<br />

en évidence comme <strong>des</strong> facteurs délétères sur la<br />

fonction rénale (cf. schéma).<br />

L’hypertension artérielle : c’est le facteur délétère le<br />

mieux connu [7, 15]. Elle peut résulter de l’insuffisance<br />

rénale qu’elle contribue à accélérer. Il est capital de la<br />

contrôler au mieux selon les objectifs définis par les<br />

instances (ANAES 2004, HAS 2005) en privilégiant les<br />

inhibiteurs du système rénine-angiotensine<br />

(IEC/ARAII). La limitation de l’apport sodé est très importante<br />

chez le patient hypertendu d’autant plus<br />

qu’il a une insuffisance rénale. L’attention a été portée<br />

récemment sur la dangerosité <strong>des</strong> associations<br />

IEC/ARA2 qui seraient non utiles voire délétères en<br />

cas de maladie cardiaque associée. Elles sont à réserver<br />

aux spécialistes après avis en hospitalisation.<br />

De même, le triple blocage doit être réservé à <strong>des</strong><br />

exceptions [15]. L’objectif est très «serré » en cas de<br />

protéinurie en théorie le plus bas possible, c’est-àdire<br />

inférieur à 0,5g/24 h, en sachant qu’en cas de<br />

diabète, même la micro albuminurie est un marqueur<br />

indépendant du pronostic cardiovasculaire et<br />

doit ainsi être au mieux corrigé.<br />

La protéinurie : second facteur délétère démontré<br />

quel que soit son débit avec un « effet dose » [16,<br />

19]. La protéinurie entraîne une inflammation locale<br />

qui aboutit à terme à une fibrose interstitielle.<br />

Sa correction passe par un bon contrôle de la pression<br />

artérielle, en baissant la pression de filtration<br />

glomérulaire en utilisant <strong>des</strong> IEC et/ou les ARAII<br />

voire une association. On vérifiera l’efficacité de ces<br />

mesures en mesurant la protéinurie <strong>des</strong> 24 h. L’objectif<br />

étant le contrôle optimal de la protéinurie. Là<br />

encore, le triple blocage [19] serait peut-être efficace<br />

dans la réduction de la protéinurie selon une<br />

étude récente mais nous manquons de recul pour<br />

le conseiller surtout en l’absence de surveillance<br />

biologique très rapprochée en ville. L’objectif de réduction<br />

drastique de la protéinurie est souvent très<br />

difficile à atteindre. Cependant, la diminution de<br />

celle-ci doit encourager le praticien et le patient à<br />

poursuivre leurs efforts. On pourra également expliquer<br />

l’importance de la réduction <strong>des</strong> apports de<br />

sodium pour lutter contre la protéinurie ainsi que la<br />

réduction pondérale qui a un effet de limitation<br />

<strong>des</strong> lésions d’hyperfiltration induites par l’obésité.<br />

De même, certaines étu<strong>des</strong> ont montré que les<br />

statines avaient probablement un effet propre de<br />

réduction <strong>des</strong> paramètres inflammatoires et de<br />

21<br />

façon indirecte de réduction de la protéinurie [20].<br />

Les dyslipidémies : elles ont été démontrées comme<br />

étant de véritables facteurs de détérioration de la<br />

fonction rénale en cas d’insuffisance rénale chronique<br />

chez l’animal et de plus en plus chez l’homme<br />

[1]. Très souvent, on recommande la correction <strong>des</strong><br />

dyslipidémies en privilégiant les statines réputées<br />

ayant <strong>des</strong> effets pléïotropes, voire néphroprotecteurs<br />

selon certains auteurs. En effet, une étude [20] a<br />

montré qu’il existait sous fluvastatine non seulement<br />

une nette amélioration du profil lipidique mais également<br />

<strong>des</strong> paramètres inflammatoires et une augmentation<br />

du débit de filtration glomérulaire après 8<br />

mois de traitement. Malheureusement il s’agissait<br />

d’une étude sur un petit nombre de patients et en<br />

ouvert. L’objectif de LDL est actuellement de moins<br />

de 1g/L voire de plus en plus inférieur à 0,7 g/L. Les<br />

statines ne se ressemblent pas toutes et outre le<br />

risque de nombreuses interactions médicamenteuses,<br />

le praticien doit vérifier la dose reçue de statines<br />

: en effet, certaines sont à élimination rénale et<br />

leur dose quotidienne doit être diminuée en cohérence<br />

avec le niveau de fonction rénale.<br />

Le tabagisme : ce facteur est très délétère pour la<br />

fonction rénale, il a été mis en évidence non seulement<br />

chez l’animal mais également chez l’homme,<br />

quelle que soit l’atteinte rénale, qu’il s’agisse d’une<br />

glomérulopathie diabétique ou de tout autre type<br />

de néphropathie. Les mécanismes de néphrotoxicité<br />

sont complexes et intriqués faisant appel aux paramètres<br />

hémodynamiques avec activation de la vasoconstriction<br />

mais également de facteurs plus<br />

inflammatoires voire directement toxiques pour le<br />

néphron [21]. Les patients tabagiques doivent être<br />

accompagnés dans leur sevrage du tabac. Il est<br />

étonnant de voir qu’en pratique, ils trouvent dans de<br />

nombreux cas l’énergie pour arrêter une fois les enjeux<br />

de néphroprotection bien compris.<br />

L’anémie : elle constitue également un facteur délétère<br />

indépendant pour la fonction rénale [22, 23].<br />

Mais surtout, il s’agit d’un facteur très délétère pour<br />

l’aspect cardiovasculaire : plus les patients sont anémiques<br />

et moins l’apport en oxygène est assuré<br />

pour le myocarde très souvent hypertrophié de ces<br />

patients hypertendus IRC. En cas d’anémie à partir<br />

du stade 3 (clairance de la créatinine < 60ml/L) il est<br />

souhaitable d’avoir un avis néphrologique pour débuter<br />

l’érythropoïétine. En revanche, le renouvellement<br />

peut être assuré par le praticien.


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

L’hyperuricémie est fréquente chez ces patients et<br />

serait un facteur de progression de l’insuffisance rénale.<br />

Récemment plusieurs étu<strong>des</strong> ont montré un<br />

effet néphroprotecteur dose-dépendant <strong>des</strong> médicaments<br />

bloqueurs de la synthèse de l’acide urique.<br />

Là encore, le recul manque mais de nombreux néphrologues<br />

préfèrent donner de l’allopurinol à doses<br />

adaptées à la fonction rénale pour lutter contre ce<br />

facteur potentiellement délétère [24].<br />

Les mesures hygiéno-diététiques sont également<br />

très importantes dans la néphroprotection. La limitation<br />

<strong>des</strong> apports protidiques à 0,8-1g/kg/j limite le<br />

travail rénal tout en couvrant les besoins de l’IRC. Il<br />

est préférable de ne pas <strong>des</strong>cendre en deçà sous<br />

peine d’entraîner une dénutrition elle-même non<br />

souhaitable car délétère d’un point de vue général.<br />

Les apports de sel doivent être diminués. Le sel dit<br />

de « régime » est contre-indiqué car il s’agit de chlorure<br />

de potassium. L’activité physique est importante<br />

pour maintenir l’état de santé et lutter contre le surpoids<br />

délétère. Enfin, la répartition <strong>des</strong> apports alimentaires<br />

de manière régulière avec les 3 repas<br />

équilibrés évite le « surcroît de travail » rénal néfaste<br />

de la nuit.<br />

Le maniement <strong>des</strong> médicaments : il est souhaitable<br />

d’éviter les médicaments néphrotoxiques (en particulier<br />

les AINS quelle que soit la voie d’administration<br />

de ceux-ci ! Même en pommade si<br />

souvent utilisée !) et d’adapter les doses <strong>des</strong> médicaments<br />

selon le niveau de la fonction rénale (certaines<br />

statines, certains antibiotiques). La consultation<br />

du VIDAL se révèle importante pour tout insuffisant<br />

rénal. On insistera auprès <strong>des</strong> patients sur<br />

la nécessité de limiter l’automédication (suppléments,<br />

oligo-éléments, vitamines, tisanes…). Enfin,<br />

un guide de prescription rénale a été mis en place<br />

pour aider les praticiens à manier les 100 médicaments<br />

les plus prescrits en ville [25].<br />

Les produits de contraste iodés : la prévention de<br />

leur néphrotoxicité repose sur une hydratation correcte<br />

à base d’apports de solutés salés (sérum physiologique<br />

ou bicarbonaté) la veille et le jour même<br />

et selon certains auteurs sur l’administration de<br />

N-acétyl-cystéine et l’éviction <strong>des</strong> solutés de produits<br />

de contraste hyperosmolaires. Enfin, si une alternative<br />

à l’injection de produits de contraste iodées<br />

existe, il faut discuter la pertinence d’un examen potentiellement<br />

néphrotoxique. En ce qui concerne la<br />

coronarographie, s’il existe une indication formelle,<br />

22<br />

elle ne doit pas être reportée sous prétexte de l’atteinte<br />

rénale comme ceci est trop souvent fait en<br />

pratique clinique : les mêmes mesures de prévention<br />

doivent être mises en route en avertissant le cardiologue<br />

de ne pas faire de ventriculographie dans la<br />

mesure du possible et d’espacer les injections en attendant<br />

au moins 48 h pour apprécier l’évolution de<br />

la fonction rénale entre les 2 gestes et surtout lui laisser<br />

le temps de « récupérer » avant de subir une 2 e<br />

agression (ex : entre une coronarographie diagnostique<br />

et thérapeutique).<br />

Les mesures associées : la prévention <strong>des</strong> troubles<br />

du métabolisme phosphocalcique, la vaccination<br />

contre l’hépatite B, la préservation du capital veineux<br />

périphérique, l’éducation du patient, la déclaration à<br />

100 %, tout ceci est important dans une optique de<br />

prise en charge globale du patient idéalement au<br />

sein d’un parcours de soin collaboratif.<br />

En conclusion, la néphroprotection, essentielle pour<br />

ralentir la dégradation de la fonction rénale mais<br />

aussi pour corriger ce nouveau facteur de risque cardiovasculaire<br />

que représente l’insuffisance rénale<br />

même modérée, consiste, chez les patients à «risque<br />

rénal » augmenté, à corriger l’HTA, la protéinurie (en<br />

utilisant les IEC/ARAII), les dyslipidémies, le tabagisme,<br />

l’anémie, l’apport protidique supérieur à<br />

1g/kg/j, et à éviter les produits néphrotoxiques.<br />

IRC : Organisation du suivi<br />

Stade de la MRC - Traitement (en plus du traitement<br />

de la maladie rénale)<br />

Stade 1 : dépistage <strong>des</strong> anomalies rénales pour<br />

établir un diagnostic précis de l’atteinte.<br />

Stade 2 : traitement spécifique de la néphropathie<br />

et mesures de néphroprotection.<br />

Stade 3 : traitement spécifique de la néphropathie<br />

et mesures de néphroprotection + prévention <strong>des</strong><br />

complications de l’IRC (anémie, troubles phosphocalciques,<br />

acidose, hyperkaliémie) + préservation<br />

du capital veineux, vaccination contre l’hépatite B.<br />

Stade 4 : traitement spécifique de la néphropathie<br />

et mesures de néphroprotection + traitement <strong>des</strong><br />

complications de l’IRC + préservation du capital<br />

veineux, vaccination contre l’hépatite B + informationet<br />

préparation au traitement de suppléance rénale.<br />

Stade 5 : id. stade 4 + traitement de suppléance rénale<br />

(dialyse, transplantation) ou prise en charge<br />

palliative (cancers évolués, démences).


Références<br />

Comment ralentir la dégradation de la fonction rénale chez le patient insuffisant rénal ?<br />

1. Hannedouche T, Krummel T, Parvez-Braun L. Nephroprotection:<br />

how to slow the progression of chronic<br />

renal insufficiency? Nephrol Ther. 2005;1:135-44.<br />

2. Le risque rénal par Ribstein.<br />

3. Stengel B, Couchoud C, Loos-Ayav, Kessler M. Epidémiologie<br />

de l’insuffisance rénale chronique en France.<br />

Presse médicale 2007<br />

4. Site www.K/DOQI.org.<br />

5. Cockcroft DW, Gault MH. Prediction of creatinine clearance<br />

from serum creatinine. Nephron 1976; 16:31-41<br />

6. Levey AS, Bosch JP, Lewis JB, Greene T, Rogers N, Roth<br />

D: A more accuratemethod to estimate glomerular<br />

filtration rate from serum creatinine: A newprediction<br />

equation. Modification of Diet in Renal Disease Study<br />

Group. AnnIntern Med. 1999; 130: 461-470.<br />

7. Recommandations de Septembre 2004 de l’ANAES.<br />

8. Recommandation de la Haute Autorité de Santé<br />

concernant la prise encharge de l’hypertension artérielle<br />

de septembre 2005.<br />

9. Recommandations ESH 2007 sur http://www.sfhta.org/<br />

pdf/ESHReco2007-cor.pdf<br />

10. www.afssaps.sante.fr/pdf/5/rbp/reco_diabete_<br />

2006.pdf<br />

11. www.sfhta.org/pdf/2RecoHTA2005.pdf<br />

12. Messerli FH. The sudden demise of dual renin-angiotensin<br />

system blockadeor the soft science of the surrogate<br />

end point. J Am Coll Cardiol. 2009 Feb10;53:<br />

468-70.<br />

13. Bonne JF, Shahapuni I, Mailliez S, Oprisiu R, Temmar<br />

M, Choukroun G,Massy ZA, Fournier A. Which optimal<br />

antihypertensive bitherapy for kidneypatients?<br />

Nephrol Ther. 2007;3:79-88.<br />

14. Treatment of hypertension in chronic kidney disease.<br />

Semin Nephrol. 2005;25:435-9.<br />

23<br />

15. Remuzzi G, Perico N, Macia M, Ruggenenti P. The role<br />

of renin-angiotensin-aldosterone system in the progression<br />

of chronic kidney disease. Kidney Int Suppl.<br />

2005;(99):S57-65.<br />

16. Rugginenti et al. Retarding progression of chronic<br />

renal disease: the neglected issue of residual proteinuria.<br />

Kidney Int. 2003;63:2254-61.<br />

17. Praga M. Therapeutic measures in proteinuric nephropathy.<br />

Kidney Int Suppl. 2005;(99):S137-4117.<br />

18. Thilly N, Boini S, Kessler M, Briançon S, Frimat L. Management<br />

and control of hypertension and proteinuria<br />

in patients with advanced chronic kidney disease<br />

under nephrologist care or not: data from the AVE-<br />

NIR study (AVan-tagE de la Nephroprotection dans<br />

l’Insuffisance Renale). Nephrol Dial Transplant.<br />

2009;24:934-9.<br />

19. Tylicki L, Rutkowski P, Renke M, Larczyski W, Aleksandrowicz<br />

E, Lysiak-Szydlowska W, Rutkowski B. Triple<br />

pharmacological blockade of the renin-angiotensin-aldosterone<br />

system in nondiabetic CKD: an<br />

open-label crossover randomized controlled trial. Am<br />

J Kidney Dis. 2008;52:486-93.<br />

20. Di Lullo L, Ad<strong>des</strong>se R, Comegna C, Firmi G, Galderisi<br />

C, Iannacci GR, Polito P. Effects of fluvastatin treatment<br />

on lipid profile, C-reactive protein trend, and<br />

renal function in dyslipidemic patients with chronic<br />

renal failure. AdvTher. 2005;22:601-12.<br />

21. Orth SR et al. Clin J Am Soc Nephrol. 2008;3:226-236<br />

22. http://www.kidney.org/professionals/kdoqi/guidelines_ckd/toc.htm<br />

23. Nangaku M, Fliser D. Erythropoiesis-stimulating<br />

agents: past and future. Kidney Int Suppl.<br />

2007;(107):S1-3.<br />

24. Siu et al, AJKD, 2006<br />

25. GPR Guide de prescription rénale, Tome « Médecine<br />

générale ».


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Pyélonéphrite aiguë non compliquée de<br />

l’adulte : diagnostic et traitement<br />

Morgan Rouprêt* (1) et Raphaële Renard-Penna (2)<br />

Services d’urologie (1) et de radiologie (2), Hôpital Pitié-Salpétrière, Assistance Publique-Hôpitaux<br />

de Paris, Faculté de médecine Pierre et Marie Curie, Université Paris VI, Paris, France<br />

Introduction<br />

Les infections urinaires regroupent <strong>des</strong> situations<br />

cliniques très différentes pouvant affecter tout l’arbre<br />

urinaire, de la loge rénale jusqu’au méat urétral.<br />

Par convention, l’infection urinaire est définie<br />

soit comme une atteinte du bas appareil urinaire<br />

(cystite aiguë) ou du haut appareil urinaire (pyélonéphrite).<br />

La pyélonéphrite aiguë est typiquement<br />

définie par une infection urinaire bactérienne du<br />

parenchyme rénal (tissu interstitiel) et du système<br />

collecteur du rein (bassinet), survenant dans un<br />

contexte clinique caractéristique. La pyélonéphrite<br />

aiguë primitive est une affection typiquement féminine.<br />

Malgré l’atteinte du haut appareil urinaire,<br />

la plupart <strong>des</strong> épiso<strong>des</strong> de pyélonéphrite aiguë<br />

sont considérés comme primitives ou non compliquées.<br />

Une infection de l’arbre urinaire compliquée,<br />

qu’elle soit localisée au bas ou au haut<br />

appareil, est associée à <strong>des</strong> conditions sous-jacentes<br />

qui augmentent le risque d’échec du traitement,<br />

comme une obstruction, un terrain<br />

physiologique particulier (sujet âgé, grossesse, reflux<br />

vésico-rénal,…), une dysfonction urologique<br />

ou un germe uropathogène multirésistant. Les<br />

formes compliquées de pyélonéphrite (pyélonéphrite<br />

secondaires) ne seront pas traités dans cet<br />

article. De façon pragmatique, une infection urinaire<br />

est considérée comme non compliquée<br />

lorsqu’elle survient chez une femme jeune non enceinte<br />

et sans antécédents particuliers. La pyélonéphrite<br />

aiguë peut être dangereuse et l’atteinte<br />

24<br />

du parenchyme rénal fait toute la gravité de l’infection.<br />

Le pronostic ultérieur est dominé, d’une part,<br />

par la possibilité de cicatrice scléreuse rénale et,<br />

d’autre part, par le risque de passage à la chronicité<br />

et de <strong>des</strong>truction à bas bruit du parenchyme<br />

rénal. De surcroît, la pyélonéphrite aiguë doit être<br />

distinguée de la pyélonéphrite chronique, une<br />

forme de maladie tubulo-interstitielle lentement<br />

progressive liée à une obstruction prolongée ou à<br />

un reflux vésico-urétéral, avec ou sans infection récidivante.<br />

Epidémiologie<br />

Les infections urinaires sont très fréquentes, dans<br />

tous les pays, représentant le second site d’infection<br />

bactérienne communautaire après l’arbre respiratoire.<br />

On dénombre environ 2 millions d’infections<br />

urinaires par an en France. Elles constituent<br />

actuellement l’un <strong>des</strong> motifs fréquents de consultation<br />

dans les services d’urgences médicales. La<br />

prévalence de ces infections est de l’ordre de 5 %<br />

chez la femme et inférieure à 0,1 % chez l’homme.<br />

Après 65 ans, la prévalence devient supérieure à<br />

20 % et 10 % respectivement, et augmente progressivement<br />

avec l’âge. Le ratio femme/homme<br />

est de 30/1 chez l’adulte jeune et de 3/1 chez les<br />

sujets âgés. Chez l’homme, la fréquence augmente<br />

après 50 ans en relation avec la pathologie prostatique.<br />

Chez la femme, la fréquence augmente avec<br />

l’âge et l’on distingue 2 pics, l’un au début de l’activité<br />

sexuelle et l’autre à la période post-méno-<br />

*Auteur correspondant : Docteur Morgan Rouprêt, Hôpital Pitié Salpétrière, Service d’urologie, 47-83 boulevard de l’Hôpital,<br />

75651 Paris Cedex 13, France - Tel: 01 42 17 71 11 - Fax: 01 42 17 71 12 - e-mail : morgan.roupret@psl.aphp.fr


Pyélonéphrite aiguë non compliquée de l’adulte : diagnostic et traitement<br />

pausique. La grossesse est également un facteur<br />

favorisant. On considère par ailleurs qu’au moins<br />

50 % <strong>des</strong> femmes seront affectées par une infection<br />

urinaire au cours de leur vie. Entre 25 et 35 %<br />

<strong>des</strong> femmes présenteront au moins une infection<br />

urinaire entre 20 et 40 ans. Chez l’enfant, la pyélonéphrite<br />

aiguë est souvent le témoin d’une malformation<br />

de l’appareil excréteur, en particulier chez le<br />

garçon. Alors que la prévalence <strong>des</strong> infections urinaires<br />

est relativement bien connue dans les différents<br />

groupes d’âge, la plupart <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> ne<br />

distinguent pas la pyélonéphrite aiguë du cadre<br />

général <strong>des</strong> infections urinaires. Les infections urinaires<br />

hautes restent toutefois beaucoup plus rares<br />

que les infections urinaires basses<br />

Facteurs de risque<br />

Les facteurs de risque présumés de pyélonéphrite<br />

aiguë non compliquée sont les mêmes que ceux<br />

<strong>des</strong> infections urinaires basses (Tableau I).<br />

• Sexe féminin<br />

• Age avancé >55 ans<br />

• Antécédent personnel d’infection urinaire<br />

• Rapport sexuel sans miction post-coïtale<br />

• Contraceptifs locaux (spermici<strong>des</strong>, diaphragme<br />

utérin…)<br />

• Immunodépression/ anomalie métabolique:<br />

diabète, infection par le VIH, transplantation<br />

d'organe, corticothérapie au long cours,…<br />

• Grossesse<br />

• Prolapsus pelvien génito-urinaire<br />

• Lithiases rénales<br />

• Reflux vésico-urétéral<br />

• Anomalie anatomique ou fonctionnelle de<br />

l’arbre urinaire : obstruction, corps étranger,<br />

sonde vésicale, rein unique, vessie neurologique,<br />

polykystose rénale,…<br />

Tableau I. Facteurs de risque de pyélonéphrite aiguë<br />

primitive<br />

Parmi les facteurs validés, on citera notamment :<br />

les antécédents personnels d’infection urinaire, les<br />

rapports sexuels récents, l’absence de miction<br />

post-coïtale, le recours à <strong>des</strong> spermici<strong>des</strong> ou à un<br />

diaphragme utérin et l’âge avancé. Les spermici<strong>des</strong><br />

et les mo<strong>des</strong> de contraceptions locaux<br />

contiennent <strong>des</strong> éléments qui altèrent la flore vaginale<br />

normale et favorisent la colonisation et la<br />

croissance bactérienne. En revanche, il n’a jamais<br />

été clairement démontré que la contraception<br />

25<br />

orale augmentait le risque relatif d’infection urinaire.<br />

Tous ces facteurs n’exposent pas les patientes<br />

à une forme compliquée de pyélonéphrite<br />

aiguë, mais seraient <strong>des</strong> éléments facilitateurs pour<br />

la survenue d’une crise primitive. De surcroît, certaines<br />

anomalies urologiques ou métaboliques favorisent<br />

l’infection urinaire. La stase urinaire<br />

suscitée par l’obstruction, quel que soit son niveau<br />

dans l’arbre urinaire, est un facteur particulièrement<br />

important. L’obstruction urinaire entraîne une<br />

stase qui malmène les mécanismes de défense<br />

non spécifiques du haut comme du bas appareil.<br />

Le rôle du flux urinaire n’est pas assuré et les bactéries<br />

peuvent se multiplier d’autant plus facilement<br />

dans ce contexte. Au niveau rénal, la<br />

dilatation <strong>des</strong> cavités pyélo-calicielles puis <strong>des</strong><br />

tubes collecteurs favorisent le passage <strong>des</strong> agents<br />

microbiens dans la zone médullaire et le tissu interstitiel.<br />

Les lithiases rénales sont également un<br />

facteur facilitateur car elles facilitent l’adhérence<br />

<strong>des</strong> bactéries à l’urothélium par lésion itérative du<br />

film de mucopolysaccharide naturel protecteur. Le<br />

reflux vésico-urétéral est associé à une fréquence<br />

élevée d’épiso<strong>des</strong> de pyélonéphrite aiguë comme<br />

en témoignent en général les atteintes répétées<br />

du côté du reflux. Le diabète insulino-dépendant<br />

est à l’origine d’infections urinaires car les bactéries<br />

ont un certain tropisme pour le glucose présent<br />

dans les urines.<br />

Agents causals<br />

Les infections urinaires communautaires sont marquées<br />

par une grande stabilité <strong>des</strong> espèces en<br />

cause dans le temps et dans l’espace. Il s’agit de<br />

bactéries à métabolisme primitif aérobie qui possède<br />

<strong>des</strong> facteurs de virulence spécifiques (P-fimbriae,<br />

endotoxine). Escherichia Coli est de loin le<br />

germe le plus souvent impliqué, responsable de<br />

60 à 80 % <strong>des</strong> infections urinaires, de 70 à 95 % <strong>des</strong><br />

cystites aiguës simples et de 85 à 90 % <strong>des</strong> pyélonéphrites<br />

aiguës simples. Staphylococcus saprophyticus<br />

est parfois en cause mais plus fréquemment<br />

pour la cystite que pour la pyélonéphrite. De<br />

façon occasionnelle, d’autres entérobactéries,<br />

comme Protéus Mirabilis, Klebsielles ou Entérocoques<br />

sont responsables de pyélonéphrite aiguë.<br />

Ureaplasma urealyticum peut être plus rarement<br />

responsable d’épiso<strong>des</strong> de pyélonéphrite (Tableau<br />

II). Il existe par ailleurs une antibiorésistance croissante<br />

de l’ensemble de ces bactéries communautaires<br />

qui s’avère préoccupante, atteignant, dans le


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

cas d’E.Coli, 40-50 % pour l’amoxicilline, 15-30 %<br />

pour l’association amoxicilline-acide clavulanique,<br />

15-40 % pour le cotrimoxazole, 5-10 % pour les quinolones<br />

de 1 ère génération, 3-5 % pour les fluoroquinolones<br />

systémiques, et moins de 2-3 % pour<br />

les céphalosporines de 3 ème génération, les aminoglycosi<strong>des</strong>,<br />

les furanes et la fosfomycine.<br />

Bactéries Fréquence<br />

• Escherichia coli 70-95 %<br />

• Staphylococcus<br />

saprophyticus 5-20 % (surtout chez<br />

les femmes jeunes<br />

pendant l’été)<br />

Autres entérobactéries < 5 %<br />

• Proteus Mirabilis<br />

• Klebsiella pneumonia<br />

• Enterobacter sp.<br />

• Enterococci sp. suggère une infection<br />

d’origine mixte ou une<br />

anomalie très rare,<br />

• Staphylococcus suggère l’existence<br />

aureus d’une source bactérienne<br />

Atypique Parfois difficile à diagnostiquer<br />

en milieu<br />

de culture<br />

• Ureaplasma<br />

urealyticum<br />

Tableau II. Bactéries mises en cause dans les infections<br />

urinaires<br />

Physiopathologie<br />

Mode de contamination<br />

L’arbre urinaire est physiologiquement stérile, à<br />

l’exception de la flore de l’urètre distal colonisé par<br />

<strong>des</strong> germes digestifs, cutanés et génitaux, l’hôte<br />

étant doté de nombreux facteurs capables pour<br />

éviter le développement d’une infection ascendante.<br />

Parmi eux, on distingue notamment la longueur<br />

de l’urètre, la fréquence <strong>des</strong> mictions,<br />

l’intégrité de la muqueuse vésicale, le flux permanent<br />

de l’urine urétérale et les caractéristiques biochimiques<br />

propres <strong>des</strong> urines. L’infection communautaire<br />

est quasi-constamment de mécanisme<br />

« ascendant » avec invasion de la vessie par la flore<br />

urétrale, puis éventuellement du rein (ou de la<br />

prostate chez l’homme), soit par carence <strong>des</strong> défenses<br />

de l’hôte (stase urinaire, modifications uro-<br />

26<br />

dynamiques de la grossesse, glycosurie du diabète,…),<br />

soit par implantation dans la flore urétrale<br />

d’une bactérie particulièrement virulente dite uropathogène<br />

(source d’E.Coli productrices d’une ou<br />

plusieurs adhésines ou fimbriae ou pili). La pyélonéphrite<br />

aiguë survient chez la femme lorsque les<br />

agents uropathogènes de la flore fécale colonisent<br />

le vagin proximal, remontent vers la vessie puis<br />

vers les reins via les uretères. Il n’est pas parfaitement<br />

établi si une infection vésicale précède toujours<br />

le développement d’une pyélonéphrite aiguë<br />

non compliquée car, chez certaines femmes, la<br />

pyélonéphrite précède les symptômes de cystite.<br />

Cependant une pollakiurie est retrouvée chez pratiquement<br />

toutes les femmes ayant une pyélonéphrite<br />

aiguë suggérant qu’une infection vésicale<br />

concomitante est la règle. Chez les patientes avec<br />

un tractus urogénital normal, la pyélonéphrite<br />

aiguë est presque exclusivement causée par <strong>des</strong><br />

uropathogènes ayant <strong>des</strong> déterminants de virulence<br />

bien reconnus. Les souches d’Escherichia Coli<br />

uropathogènes en cause ont acquis les éléments<br />

génétiques augmentant leur capacité à coloniser,<br />

envahir et à survivre dans l’appareil urinaire. La voie<br />

de contamination hématogène ne s’observe qu’au<br />

cours d’états pathologiques particuliers (septicémie,<br />

bactériémie,…) et les germes isolés associent<br />

à la flore habituellement observée d’autres espèces<br />

bactériennes (Staphylococcus Aureus, Salmonella,<br />

levures,…). En ce qui concerne la voie<br />

lymphatique, elle a été exceptionnellement mise<br />

en cause. La plupart du temps, c’est donc un<br />

germe de la flore digestive qui est à l’origine de l’infection<br />

de la voie urinaire par voie ascendante.<br />

Virulence bactérienne<br />

Le phénomène d’adhérence bactérienne est essentiel<br />

pour comprendre le rôle pathogène <strong>des</strong> colibacilles<br />

dans la genèse et la diffusion de l’infection<br />

urinaire. L’adhérence <strong>des</strong> bactéries à la muqueuse<br />

urothéliale est un préalable presque indispensable<br />

au développement d’une infection urinaire. La<br />

paroi bactérienne est composée d’une membrane<br />

externe sur laquelle s’implantent les flagelles (antigène<br />

H) ainsi que de fines fibrilles protéiques décrites<br />

sous le nom de pili (ou « fimbriae »). Les pilis<br />

sont déterminés génétiquement par le patrimoine<br />

chromosomique de la bactérie et sont de 2 types :<br />

I (pili mannose-sensible) et II (pili mannose-résistant).<br />

Il semble que la présence de pili de type II<br />

soit nécessaire pour la colonisation du haut appareil<br />

urinaire. De surcroît, les bactéries arborent <strong>des</strong>


Pyélonéphrite aiguë non compliquée de l’adulte : diagnostic et traitement<br />

lipopolysacchari<strong>des</strong> qui ont <strong>des</strong> propriétés immunogènes<br />

et jouent un rôle d’endotoxine. Ces endotoxines<br />

agissent sur les fibres musculaires lisses et<br />

sont responsables de l’atonie de la voie excrétrice<br />

contribuant à l’aggravation de l’infection. Sur le<br />

plan systémique, elles sont à l’origine <strong>des</strong> manifestations<br />

générales qui accompagnent l’infection<br />

comme la fièvre, l’hyperleucocytose ou le risque de<br />

choc septique. Ce sont ces lipopolysacchari<strong>des</strong>,<br />

porteurs de l’antigène O ou K, qui permettent de<br />

définir les différents sérotypes de colibacilles (>150<br />

existants).<br />

Mode de défense naturelle<br />

Les principaux moyens physiologiques de défense<br />

contre l’infection urinaire sont <strong>des</strong> moyens aspécifiques<br />

: flux urinaire, fréquence <strong>des</strong> mictions complètes,<br />

intégrité et imperméabilité de l’urothélium<br />

(glycosaminoglycanes de surface et cellules urothéliales),<br />

protéine de Tamm-Horsfall sécrétée par<br />

le rein (chélatrice à Escherichia Coli pili de type I).<br />

Une couche de mucopolysacchari<strong>des</strong> (glycosaminoglycanes)<br />

recouvre la muqueuse urothéliale et<br />

prévient l’adhérence <strong>des</strong> bactéries aux cellules du<br />

tractus urinaire. Cette fonction serait dépendante<br />

de la sécrétion d’œstrogènes et expliquerait en<br />

partie l’incidence accrue <strong>des</strong> infections urinaires<br />

chez la femme ménopausée. L’infection urinaire<br />

est rare lorsque le débit urinaire est élevé et la vidange<br />

vésicale normale. En revanche, lorsque la vidange<br />

vésicale est perturbée, comme dans le<br />

reflux vésico-urétéral ou les neuropathies végétatives,<br />

les infection sont fréquentes. La protéine de<br />

Thamm-Horsfall, riche en résidu mannose, est produite<br />

par le segment ascendant de l’anse de Henle<br />

et exerce un « effet de leurre » sur les E.Coli possédant<br />

<strong>des</strong> pili de type I. L’urine n’a aucune propriété<br />

bactériostatique ou bactéricide, mais peut-être un<br />

excellent milieu de culture. Un certain nombre de<br />

facteurs présents dans les urines (concentration<br />

élevée en urée, aci<strong>des</strong> organiques urinaires, pH<br />

acide) empêchent la multiplication <strong>des</strong> bactéries<br />

ou leur adhérence à l’urothélium. Les sécrétions<br />

prostatiques possèdent un effet inhibiteur sur la<br />

croissance bactérienne expliquant là encore la rareté<br />

<strong>des</strong> infections urinaires chez l’homme. Chez la<br />

femme, l’infection urinaire est favorisée par la brièveté<br />

urétrale. La modification de la flore, la modification<br />

du pH vaginal (augmentation du pH>4,4)<br />

par la diminution physiologique <strong>des</strong> œstrogènes<br />

après la ménopause ou certaines habitu<strong>des</strong> d’hygiène<br />

(douches vaginales) facilitent la colonisation<br />

27<br />

vaginale puis urétrale par les bactéries digestives.<br />

Manifestations cliniques<br />

Forme typique<br />

C’est la forme la plus fréquente de pyélonéphrite<br />

aiguë idiopathique. Elle ne concerne que la femme<br />

jeune (15-65 ans) sans uropathie ni contexte particulier.<br />

Le diagnostic de pyélonéphrite aiguë peut<br />

être fait dans la majorité <strong>des</strong> cas à partir de l’anamnèse<br />

et de l’examen clinique. Le tableau clinique<br />

typique est brutal et associe :<br />

• <strong>des</strong> signes de cystite souvent inauguraux (prodrome)<br />

et discrets, parfois absents ;<br />

• <strong>des</strong> signes témoignant de l’atteinte parenchymateuse<br />

rénale : fièvre et souvent frissons, douleurs<br />

de la fosse lombaire et de l’angle<br />

costo-lombaire, en règle unilatérales, à irradiation<br />

<strong>des</strong>cendante vers le pubis et les organes génitaux<br />

externes, spontanées ou provoquées par<br />

la palpation ou la percussion de la fosse lombaire,<br />

avec empâtement à la palpation ;<br />

• <strong>des</strong> troubles digestifs à type de vomissements,<br />

ballonnement abdominal ou diarrhées qui sont<br />

parfois au premier plan et sont, de ce fait, très<br />

trompeurs.<br />

À l’examen clinique, on retrouve fréquemment une<br />

altération de l’état général et une asthénie.<br />

Formes atypiques<br />

À côté <strong>des</strong> cas sévères dont le diagnostic est évident,<br />

il existe <strong>des</strong> formes tronquées avec simple fébricule<br />

et lombalgies uniquement provoquées, ce<br />

qui souligne l’importance de systématiquement<br />

rechercher <strong>des</strong> symptômes chez une patiente<br />

consultant pour un banal tableau de cystite aiguë.<br />

Parfois la douleur rénale peut être absente, au détriment<br />

<strong>des</strong> signes digestifs, simulant alors soit une<br />

appendicite aiguë, soit une cholécystite. En cas de<br />

doute avec une infection gynécologique et notamment<br />

un épisode de salpingite aiguë, un examen<br />

pelvien approprié doit être systématiquement accompli.<br />

Chez l’homme, la pyélonéphrite aiguë idiopathique<br />

est peu commune. Lorsqu’elle survient, elle est le<br />

plus souvent consécutive à une infection première<br />

de la prostate. Dans ce cas, il faudra de toute façon<br />

faire un toucher rectal et suspecter une prostatite<br />

première passée inaperçue jusque-là. Toute autre<br />

cause d’obstacle cervico-prostatique peut également<br />

favoriser de telles infections.


Examens complementaires<br />

Bactériologiques<br />

Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Bandelette urinaire<br />

Elle doit être réalisée sur <strong>des</strong> urines fraîchement<br />

émises avec une bandelette non périmée. Elle ne<br />

possède qu’une valeur d’orientation en détectant<br />

<strong>des</strong> leucocytes, témoins de la réaction de l’hôte à<br />

l’infection, et <strong>des</strong> nitrites, signant la présence <strong>des</strong><br />

bactéries pourvues de nitrate réductase comme<br />

les entérobactéries. En revanche, la réaction est négative<br />

pour les cocci à Gram positif et certains bacilles<br />

à Gram négatif (BGN) comme Pseudomonas<br />

Aeruginosa. La sensibilité <strong>des</strong> métho<strong>des</strong> rapi<strong>des</strong><br />

de détection de bactériurie est insuffisante pour<br />

détecter <strong>des</strong> infections urinaires avec bactériurie<br />

faible. Le principal intérêt de la bandelette urinaire<br />

reste sa valeur prédictive négative très élevée,<br />

proche de 97 %, chez les patients non sondés.<br />

Examen cyto-bactériologique <strong>des</strong> urines<br />

L’examen bactériologique urinaire et l’antibiogramme<br />

doivent être réalisés systématiquement<br />

avant toute antibiothérapie chez les femmes ayant<br />

une pyélonéphrite aiguë car il existe un risque potentiel<br />

de séquelles si le traitement antibiotique est<br />

inapproprié. La méthodologie a une importance<br />

capitale. Idéalement, le recueil <strong>des</strong> urines est réalisé<br />

avant toute antibiothérapie préalable. Le prélèvement<br />

se fait après réalisation d’une toilette<br />

périméatique soigneuse, à partir <strong>des</strong> urines de milieu<br />

de jet, les urines du premier jet étant censées<br />

laver la flore de l’urètre antérieur. L’acheminement<br />

de l’échantillon prélevé doit éviter à tout prix de favoriser<br />

une pullulation microbienne ex vivo qui serait<br />

de nature à fausser les résultats. Le transport<br />

vers le laboratoire doit donc être immédiat ou, à<br />

défaut, il faut conserver l’échantillon à une température<br />

proche de +4°C. L’ECBU apporte une orientation<br />

par l’examen direct, puis une certitude<br />

devant l’association d’une bactériurie et d’une leucocyturie<br />

significatives. L’hématurie est un signe inconstant.<br />

Le seuil de leucocyturie en faveur d’une<br />

infection urinaire est consensuel puisqu’il a été défini<br />

à > 104 éléments/ml (ou >10 éléments/mm 3 ).<br />

Le seuil de bactériurie a récemment été abaissé en<br />

tenant compte de la forme clinique et de l’espèce<br />

microbienne. Il est défini à ≥ 10 4 UFC/ml pour les<br />

prostatites et les pyélonéphrites aiguës.<br />

28<br />

Hémocultures<br />

L’indication <strong>des</strong> hémocultures semble pouvoir se<br />

limiter aux patientes qui nécessitent une hospitalisation.<br />

En cas de suspicion d’une forme compliquée,<br />

comme un sepsis sévère, elles deviennent<br />

indispensables.<br />

Imagerie<br />

L’objectif du bilan radiologique initial est double :<br />

confirmer la nature rénale du tableau infectieux et<br />

rechercher une cause obstructive sur la voie excrétrice<br />

justifiant un geste urgent de dérivation <strong>des</strong><br />

urines. L’imagerie intervient également dans le<br />

suivi évolutif de la patiente en cas d’évolution clinique<br />

défavorable sous traitement médical adapté<br />

mais aussi à la phase de consolidation pour faire le<br />

bilan d’éventuelles séquelles sur le plan rénal. L’ensemble<br />

de ce bilan radiologique repose sur le scanner<br />

rénal qui est plus performant que l’échographie<br />

pour la mise en évidence <strong>des</strong> lésions parenchymateuses<br />

rénales liées à l’infection et pour éliminer<br />

une obstruction de la voie excrétrice associée. En<br />

terme de stratégie diagnostique de la PNA, le scanner<br />

n’est pas indiqué systématiquement pour faire<br />

le diagnostic. Le "couple" Abdomen sans préparation<br />

et échographie rénale a encore toute sa<br />

place en première intention (au plus tard dans les<br />

18 heures qui suivent la consultation initiale). Il faut<br />

donc seulement proposer un scanner à titre systématique<br />

dans certaines conditions : persistance de<br />

la fièvre au-delà de 48-72 heures malgré une antibiothérapie<br />

adaptée, douleur lombaire prédominante<br />

évoquant un obstacle, suspicion d’infection<br />

par un germe atypique, antécédent personnel de<br />

lithiase urinaire, insuffisance rénale, diabète insulino-dépendant.<br />

Dans les pyélonéphrites aiguës<br />

primitives, l’imagerie a également un rôle potentiel<br />

à distance de l’épisode aigu, pour préciser<br />

l’étiologie ou pour prévenir la récidive en éliminant<br />

notamment un reflux vésico-urétéral.<br />

Uro-scanner<br />

Il s’agit de l’examen de référence dans cette pathologie.<br />

Dans le cadre de la pyélonéphrite, il faut exiger<br />

un scanner injecté car les coupes réalisées sans<br />

injection sont la plupart du temps normales. Les<br />

clichés au temps néphrographique sont supérieurs<br />

aux clichés précoces du temps artériel pour le diagnostic<br />

(Figure I). Le scanner détermine avec précision<br />

les anomalies parenchymateuses secondaires<br />

à l’infection et permet d’effectuer le diagnostic de


Pyélonéphrite aiguë non compliquée de l’adulte : diagnostic et traitement<br />

l’infection rénale avec l’analyse de 4 critères radiologiques<br />

validés dans la littérature :<br />

• lésions unilatérales ou bilatérales,<br />

• lésions focales ou diffuses,<br />

• œdème local ou absence d’œdème,<br />

• hypertrophie rénale ou absence d’hypertrophie.<br />

Figure I. Pyélonéphrite aiguë droite. TDM avec injection<br />

de produit de contraste : foyer hypodense triangulaire<br />

au temps néphrographique associé à une pyélite.<br />

Les coupes sans injection du scanner spiralé sont<br />

essentielles pour identifier un calcul, <strong>des</strong> calcifications,<br />

<strong>des</strong> images gazeuses, <strong>des</strong> foyers hémorragiques<br />

ou inflammatoires et une éventuelle<br />

dilatation <strong>des</strong> cavités rénales, mais ce premier<br />

temps radiologique peut être normal au stade initial<br />

de l’infection. Les clichés néphrographiques,<br />

après injection de produit de contraste peuvent<br />

mettre en évidence <strong>des</strong> images caractéristiques de<br />

PNA : images de striations hypo- et hyperdenses<br />

parallèles à l’axe <strong>des</strong> tubules et <strong>des</strong> tubes collecteurs<br />

avec une distribution radiaire de la papille au<br />

cortex rénal, créant une image hypodense parenchymateuse<br />

de forme triangulaire à base périphérique,<br />

(80-90 unités Hounsfield contre 140-150 pour<br />

le parenchyme rénal normal adjacent) (Figures II &<br />

III). La diminution de la prise de contraste dans un<br />

foyer de PNA est attribuée à l’obstruction tubulaire<br />

secondaire à l’inflammation, à l’œdème et à l’élimination<br />

de débris cellulaires.<br />

Le scanner élimine de surcroît le diagnostic d’abcès<br />

rénal et de phlegmon péri-néphrétique. Les<br />

anomalies parenchymateuses d’une PNA sont normalement<br />

réversibles sous traitement antibiotique.<br />

Concernant la voie excrétrice, le scanner permet<br />

par ailleurs de vérifier l’absence systématique<br />

d’obstacle de la voie excrétrice supérieure qui peut<br />

justifier un drainage en urgence.<br />

29<br />

Figure II. Pyélonéphrite aiguë gauche. TDM après injection<br />

de produit de contraste. Temps néphrographique<br />

: multiples défects hypodenses triangulaires<br />

à base périphérique donnant un aspect strié du rein.<br />

A<br />

B<br />

Figure III. Pyélonéphrite aiguë droite . TDM après injection<br />

de produit de contraste.<br />

A) Foyer rond hypodense de la lèvre antérieure du<br />

rein droit.<br />

B) Foyer rond hypodense du pôle inférieur du rein<br />

droit.<br />

Echographie<br />

La sensibilité de l’échographie dans la détection<br />

<strong>des</strong> anomalies du parenchyme rénal est nettement<br />

inférieure à celle du scanner. Les lésions


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

d’œdème apparaissent sous la forme de foyers<br />

hypo- ou hyperéchogènes en rapport avec <strong>des</strong><br />

foyers hémorragiques. Le Doppler peut identifier<br />

<strong>des</strong> foyers hypovascularisé et peut représenter<br />

dans certains cas une alternative au scanner,<br />

lorsque l’irradiation est absolument proscrite.<br />

L’échographie est surtout utile en tant qu’examen<br />

de débrouillage, pour éliminer la présence d’une<br />

dilatation <strong>des</strong> cavités pyélocalicielles associée aux<br />

symptômes de pyélonéphrite.<br />

Imagerie par résonance magnétique<br />

La place de l’IRM dans la PNA paraît limitée car certaines<br />

étu<strong>des</strong> ont montré que les lésions de PNA<br />

étaient difficiles à voir sur les clichés d’IRM et qu’elles<br />

s’exprimaient sous la forme de zones en hyposignal<br />

réhaussées par l’injection de Gadolinium.<br />

Scintigraphie rénale<br />

La scintigraphie rénale peut être utile à la fois dans<br />

le cadre d’un diagnostic <strong>des</strong> pyélonéphrites aiguës<br />

mais surtout dans le suivi et l’évaluation <strong>des</strong> séquelles<br />

parenchymateuses. Son utilisation est nettement<br />

moins fréquente en urgence que l’examen<br />

tomodensitométrique.<br />

Traitement<br />

La plupart <strong>des</strong> pyélonéphrites aiguës non compliquées<br />

relèvent d’une prise en charge ambulatoire,<br />

soit d’emblée, soit après une mise en observation<br />

en milieu hospitalier de quelques heures. Le traitement<br />

à domicile est donc largement préconisé<br />

chez les patientes sélectionnées et disposées à se<br />

conformer à une surveillance stricte.<br />

La décision d’hospitaliser repose sur une stratification<br />

du risque encouru par la patiente. Parmi les critères<br />

d’hospitalisation, on retiendra notamment :<br />

• l’impossibilité de maintenir un apport hydrique<br />

oral ou de prendre les médicaments ;<br />

• les craintes concernant l’observance ou la compliance<br />

au traitement ;<br />

• les doutes sur le diagnostic ;<br />

• les mauvaises conditions socio-économiques ;<br />

• l’atteinte générale avec fièvre importante et douleurs<br />

;<br />

• l’hypotension artérielle et la crainte de l’évolution<br />

vers un choc septique.<br />

Antibiothérapie<br />

La guérison de la pyélonéphrite aiguë est plus étroitement<br />

corrélée avec une concentration élevée de<br />

30<br />

l’antibiotique dans la médullaire rénale qu’avec les<br />

concentrations sanguines ou urinaires du médicament.<br />

Cela implique qu’il faut nécessairement recourir<br />

à <strong>des</strong> antibiotiques assurant une haute concentration<br />

tissulaire rénale : les aminoglycosi<strong>des</strong> et les<br />

fluoroquinolones et, dans une moindre mesure, les<br />

b-lactamines. La nitrofurantoïne ne doit pas être utilisée<br />

pour le traitement <strong>des</strong> pyélonéphrites aiguës car<br />

ce produit ne permet pas d’obtenir <strong>des</strong> concentrations<br />

tissulaires suffisantes. La connaissance du profil<br />

de susceptibilité aux antibiotiques <strong>des</strong> uropathogènes<br />

communautaires permet, lorsqu’elle est disponible,<br />

de guider également la décision thérapeutique<br />

pour le choix du traitement empirique. De<br />

nombreux traitements, soit par voie orale, soit par<br />

voie parentérale, peuvent être utilisés chez les patientes<br />

avec une pyélonéphrite aiguë non compliquée.<br />

Une monothérapie est suffisante, l’association<br />

à un aminoside n’étant justifiée qu’en cas de pyélonéphrite<br />

compliquée. Un traitement oral est indiqué<br />

lorsque le patient n’est pas en trop mauvais état général<br />

et peut tolérer les antibiotiques et l’hydratation<br />

per os. Le traitement parentéral est habituellement<br />

nécessaire chez les patientes en mauvais état général,<br />

très fébrile ou avec <strong>des</strong> vomissements importants.<br />

L’antibiothérapie repose sur <strong>des</strong> molécules<br />

bactérici<strong>des</strong> ayant de fortes concentrations rénales<br />

et urinaires. Un schéma probabiliste est instauré dès<br />

que les prélèvements bactériologiques ont été effectués<br />

(Tableau III). Les patientes avec une pyélonéphrite<br />

aiguë simple peuvent de toute façon généralement<br />

être passés à la voie orale à 24 ou 48 heures. Pour les<br />

formes simples, la durée de traitement actuellement<br />

recommandée est de 10 à 21 jours.<br />

PNA non compliquée :<br />

mono-antibiothérapie pour 10 à 21 jours<br />

C3G injectable :<br />

• céfotaxime (Claforan®) : 1g x 3/ jour<br />

• ceftriaxone (Rocéphine®) : 1-2 g/ jour<br />

OU<br />

Fluoroquinolone :<br />

Voie orale prioritaire, sauf impossibilité<br />

• ciprofloxacine (Ciflox®) : 500-700 mg x 2/ jour<br />

(voie orale) – 200 mg x 2-3/ jour (voie IV)<br />

• lévofloxacine (Tavanic®) : 500 mg x 1/ jour<br />

(voie orale ou IV)<br />

• ofloxacine (Oflocet®) : 200 mg x 2-3/ jour (voie<br />

orale ou IV)<br />

Tableau III. Antibiothérapie probabiliste <strong>des</strong> pyélonéphrites<br />

aiguës simples


Pyélonéphrite aiguë non compliquée de l’adulte : diagnostic et traitement<br />

Surveillance<br />

Outre l’examen clinique, la réalisation d’un examen<br />

bactériologique (ECBU) doit être réalisé à 48-72<br />

heures en l’absence d’amélioration patente. Dans<br />

les autres cas, l’ECBU est préconisé 1 semaine<br />

après l’interruption du traitement. Concernant les<br />

pyélonéphrites aiguës prises en charge en ambulatoire,<br />

la surveillance bactériologique peut se limiter<br />

au seul ECBU tardif après la fin du traitement<br />

antibiotique.<br />

Evaluation urologique<br />

Une investigation urologique systématique n’est<br />

généralement pas nécessaire chez les femmes<br />

jeunes en bonne santé avec une pyélonéphrite<br />

aiguë non compliquée. La prévalence d’anomalies<br />

anatomiques prédisposantes dans ce contexte est<br />

inférieure à 5 %. Il est rare de retrouver <strong>des</strong> anomalies<br />

urologiques lorsque les patientes répondent<br />

bien au traitement antibiotique, y compris chez les<br />

patientes avec <strong>des</strong> épiso<strong>des</strong> itératifs. Le scanner<br />

rénal au cours de la pyélonéphrite aiguë non compliqué<br />

peut révéler <strong>des</strong> lésions localisées hypodenses<br />

qui, lorsqu’elles sont biopsiées, retrouvent<br />

une néphrite interstitielle aiguë avec une infiltration<br />

de polynucléaire neutrophile marquée et un<br />

œdème interstitiel. Ces lésions disparaissent généralement<br />

dans les 2 à 3 mois avec un traitement<br />

antibiotique approprié. Toutefois, <strong>des</strong> cicatrices séquellaires<br />

rénales peuvent survenir dans quelques<br />

cas. Un uro-scanner doit être réalisé lorsque la patiente<br />

reste fébrile et ne montre pas d’amélioration<br />

Références<br />

1. Miller O, 2nd and Hemphill RR: Urinary tract infection<br />

and pyelonephritis. Emerg Med Clin North Am<br />

2001;19:655-74.<br />

2. Ramakrishnan K and Scheid DC: Diagnosis and management<br />

of acute pyelonephritis in adults. Am Fam<br />

Physician 2005;71:933-42.<br />

3. Hooton TM: The current management strategies for<br />

community-acquired urinary tract infection. Infect<br />

Dis Clin North Am 2003;17:303-32.<br />

4. Foxman B: Epidemiology of urinary tract infections:<br />

incidence, morbidity, and economic costs. Am J Med<br />

2002;113Suppl1A:5S-13S.<br />

5. Haab F, Costa P, Colau JC, Gerard A, Liard F, Bohbot JM<br />

et al.: Les infections urinaires de la femme en médecine<br />

generale. Résultats d’un observatoire réalisé auprès<br />

de 7916 patientes. Presse Med 2006;35:1235-40.<br />

31<br />

après 72 heures de traitement bien conduit afin<br />

d’éliminer une obstruction, un abcès rénal ou périnéphritique<br />

ou d’autres complications de la pyélonéphrite.<br />

Dans ce cas, une anomalie urologique est<br />

retrouvée chez environ un tiers <strong>des</strong> patientes. En<br />

cas de crise récidivante, il est souhaitable de réaliser<br />

un uro-scanner à titre systématique pour éliminer<br />

un calcul, une uropathie obstructive ou tout<br />

autre facteur de complication. En cas de pyélonéphrite,<br />

un reflux vésico-urétéral est l’anomalie anatomique<br />

la plus souvent mise en cause. Une fois<br />

diagnostiqué, notamment à l’aide d’une uréthrocystographie<br />

rétrograde et mictionnelle, le reflux<br />

peut-être traité par voie endoscopique ou chirurgical<br />

en fonction de sa sévérité.<br />

Conclusion<br />

La pyélonéphrite aiguë non compliquée est une infection<br />

fréquente du bassinet et du tissu interstitiel<br />

rénal qui se produit le plus souvent par voie ascendante<br />

chez la femme jeune. La bactérie la plus souvent<br />

mise en cause est Escherichia Coli. Le diagnostic<br />

repose sur l’examen clinique, l’examen cytobactériologique<br />

<strong>des</strong> urines complétés par une<br />

échographie ou, parfois, un uro-scanner. En l’absence<br />

de signes de complications, le traitement repose<br />

sur l’antibiothérapie en monothérapie et la<br />

plupart du temps en ambulatoire. Lorsqu’elle est<br />

traitée correctement, la pyélonéphrite aiguë non<br />

compliquée se résout habituellement sans laisser<br />

de séquelles ou de cicatrice rénale.<br />

6. Desgrandchamps F: Infections urinaires de la femme.<br />

Presse Med 2006;35:1207-8.<br />

7. Berger RE: Economic evaluation of an updated guideline<br />

for the empiric treatment of uncomplicated<br />

urinary tract infection in women. J Urol 2005;174:1841.<br />

8. Berger RE: Risk factors associated with acute pyelonephritis<br />

in healthy women. J Urol 2005;174:1841.<br />

9. Browne RF, Zwirewich C and Torreggiani WC: Imaging<br />

of urinary tract infection in the adult. Eur Radiol<br />

2004;14Suppl3:E168-83.


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Le développement de l’urétéroscopie souple<br />

a-t-il modifié l’heure du recours à l’urologue ?<br />

Pierre Conort (1) et Isabelle Tostivint (2)<br />

Services d’urologie (1) et de Néphrologie (2), Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris, France<br />

Et les spécialistes <strong>des</strong> différentes disciplines de la CLIPS (Clinique de la Lithiase- Pitié-Salpêtrière) :<br />

urologie, néphrologie, radiologie, biochimie, diététique.<br />

Les recommandations pour le traitement <strong>des</strong> calculs<br />

urinaires ont été établies par le Comité Lithiase<br />

de l’Association Française d’Urologie (CLAFU) en<br />

2004. Le CLAFU est composé d’experts provenant<br />

de toutes les spécialités concernées par la lithiase<br />

urinaire : urologie, néphrologie, radiologie, biochimie,<br />

diététique.<br />

Il est évident que la prise en charge doit être pluridisciplinaire<br />

et bien synchronisée afin de limiter les<br />

délais parfois assez longs entre les rendez-vous auprès<br />

<strong>des</strong> différents médecins. Par exemple il n’était<br />

pas rare, après un succès chirurgical urologique, de<br />

constater une récidive précoce lors de la consultation<br />

en néphrologie sous forme d’un calcul qui<br />

peut encore augmenter de taille avant le nouveau<br />

geste urologique. Ceci est particulièrement vrai<br />

pour les patients porteurs de maladie lithiasique à<br />

fort risque de récidive, comme la cystinurie, le diabète<br />

phosphaté, certaines hypercalciuries.<br />

Les traitements urologiques décrits dans les recommandations<br />

du CLAFU comprennent la Lithotripsie<br />

Extra-Corporelle (LEC), l’UrétéroRénoScopie rigide<br />

ou souple, la NéphroLithotomie PerCutanée (NLPC).<br />

La chirurgie classique (à ciel ouvert) ou la cœliochirurgie<br />

ont <strong>des</strong> indications très rares.<br />

L’UrétéroRénoScopie Souple (URSS) est une technique<br />

endoscopique rétrograde permettant d’explorer<br />

tout l’appareil urinaire jusqu’au fond de tous<br />

les calices du rein. L’URSS est apparue il y a plus de<br />

25 ans, mais la miniaturisation <strong>des</strong> outils (paniers,<br />

laser de fragmentation) et l’amélioration <strong>des</strong><br />

vidéo-caméras et de la flexibilité de l’appareil expliquent<br />

que l’essor de cette technique a débuté<br />

32<br />

en 2000. L’URSS, réalisée sous anesthésie générale,<br />

au cours d’une hospitalisation de 48 heures, permet<br />

de fragmenter (par laser) et d’extraire les calculs<br />

de l’uretère et du rein dont la taille n’excède<br />

pas, en général 15 à 20 mm. Il faut en effet 1 heure<br />

de travail dans le rein pour retirer un calcul de<br />

10 mm. Ceci explique pourquoi, actuellement, ce<br />

traitement est réservé à <strong>des</strong> calculs inférieurs à<br />

15-20 mm.<br />

Les fragments résiduels sont la source de récidives<br />

dans environ 20 % <strong>des</strong> cas après LEC. L’objectif thérapeutique<br />

est donc de ne laisser aucun calcul résiduel<br />

et si possible après un geste unique. Les<br />

indications tiennent compte de cette exigence.<br />

Ainsi, l’URSS peut être choisie comme alternative<br />

à la LEC ou à la NLPC selon la taille, la nature et la<br />

topographie du calcul. Comparée à la LEC, l’URSS a<br />

l’avantage de pouvoir retirer tous les fragments résiduels<br />

après fragmentation, à condition que leur<br />

nombre ne soit pas trop important. Les paniers<br />

permettent d’extraire <strong>des</strong> fragments de moins de<br />

1 mm.<br />

Le développement de l’URSS permet de modifier<br />

les stratégies thérapeutiques <strong>des</strong> calculs urinaires<br />

et donc l’heure du recours à l’Urologue. Plusieurs<br />

arguments sont à retenir.<br />

Premièrement, le geste de l’Urologue doit avoir<br />

comme objectif l’absence de fragment résiduel afin<br />

de donner toutes les chances de succès à la prise<br />

en charge néphro-diététique. Le bilan métabolique<br />

urinaire, 1 mois environ après l’intervention urologique,<br />

est plus pertinent si le rein est débarrassé<br />

de tout calcul et de toute source d’inflammation.


Le développement de l’urétéroscopie souple a-t-il modifié l’heure du recours à l’urologue ?<br />

L’absence de récidive sera plus logiquement à mettre<br />

au bénéfice <strong>des</strong> efforts faits par le patient, garant<br />

d’un succès à très long terme. Par contre, le<br />

fragment résiduel peut toujours être attribué soit<br />

à un geste urologique incomplet ou à une mauvaise<br />

observance du patient, sans que l’on puisse<br />

facilement progresser dans la compréhension de<br />

la maladie lithiasique. L’URSS a donc sa place pour<br />

traiter sans fragment résiduel. La tomodensitométrie<br />

à faible dose, centrée sur les reins, donc peu irradiante,<br />

permet d’affirmer la guérison.<br />

Deuxièmement, alors qu’autrefois il était assez fréquent<br />

de réaliser plusieurs LEC, parfois sur <strong>des</strong> pério<strong>des</strong><br />

de 1 an ou plus, avant de conclure à la<br />

persistance de quelques fragments, il parait logique<br />

actuellement de fixer le suivi à 3 mois après<br />

la 2 ème LEC pour proposer, en cas d’échec, une<br />

URSS pour les patients symptomatiques ou ceux à<br />

fort risque de récidive.<br />

Troisièmement, il est logique de réaliser une URSS<br />

en première intention, et assez rapidement, pour<br />

les patients multirécidivistes porteurs de calculs<br />

connus pour leur dureté. Ainsi les patients cystinuriques<br />

sont mieux traités par URSS pour extraire un<br />

calcul de 5 à 7 mm nécessitant une demi-heure<br />

opératoire que par LEC itératives, souvent peu effi-<br />

33<br />

caces sur ces calculs durs. Attendre que le calcul<br />

grossisse pour proposer alors une NLPC plus invasive<br />

n’est pas logique. La présence persistante d’un<br />

calcul rénal est facteur de récidive d’autres calculs<br />

dans le même rein et peut également contribuer à<br />

une inflammation chronique et une altération de<br />

la fonction rénale. Ainsi l’URSS a bouleversé la prise<br />

en charge de la cystinurie.<br />

L’URSS est un traitement plus invasif que la LEC<br />

mais réellement plus efficace en particulier pour les<br />

calculs aux alentours de 10-15 mm. Lorsque le calcul<br />

est potentiellement dur ou que le patient est à<br />

fort risque de récidive, l’URSS en première intention<br />

doit être proposée après concertation pluridisciplinaire<br />

afin de choisir le moment idéal dans la prise<br />

en charge globale uro-néphrologique et diététique,<br />

correspondant à un meilleur contrôle du<br />

risque lithogène (processus identifié et contrôlé).<br />

Chez les cystinuriques elle est au mieux réalisée<br />

dès l’apparition d’un calcul de 5 mm ou plus, afin<br />

de réaliser un geste très simple.<br />

L’Urologue dispose donc de toutes les techniques<br />

extracorporelles et endoscopiques. L’URSS a modifié<br />

la stratégie de la prise en charge <strong>des</strong> calculs urinaires.<br />

Les indications sont au mieux proposées en<br />

collaboration avec les différents spécialistes.


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Diagnostic et antibiothérapie <strong>des</strong> infections<br />

urinaires bactériennes communautaires chez<br />

l’adulte : recommandations<br />

Recommandations de l’AFSSAPS (juin 2008) (version courte)<br />

La place de chaque antibiotique repose non seulement<br />

sur les critères d’efficacité et de toxicité mais<br />

aussi sur l’analyse du risque écologique, afin de limiter<br />

l’émergence de résistances bactériennes.<br />

Dans le cadre de ces recommandations, le coût<br />

n’intervient pas dans le choix du traitement.<br />

La terminologie prend en compte les facteurs de<br />

risque de complication et distingue :<br />

• les infections urinaires (IU) dites simples = IU<br />

sans facteur de risque de complication : cystites<br />

simples et pyélonéphrites simples, qui ne<br />

concernent que la femme jeune sans facteur de<br />

risque et la femme de plus de 65 ans sans comorbidité<br />

;<br />

• les infections urinaires (IU) dites compliquées<br />

= IU avec un ou plusieurs facteur(s) de risque<br />

de complication : cystites compliquées, pyélonéphrites<br />

compliquées et prostatites. La cystite<br />

de l’homme est à considérer et à traiter (sauf exception)<br />

comme une prostatite aiguë.<br />

Infections urinaires de l’adulte en dehors<br />

de la grossesse<br />

Colonisation urinaire<br />

Pas de traitement antibiotique.<br />

Cystite aiguë simple<br />

Examen recommandé : bandelette urinaire (BU).<br />

• Traitement probabiliste :<br />

- en 1 ère intention : fosfomycine trométamol,<br />

en dose unique ;<br />

- en 2 ème intention :<br />

- nitrofurantoïne, pendant 5 jours,<br />

34<br />

- ou fluoroquinolone (ciprofloxacine, loméfloxacine,<br />

norfloxacine, ofloxacine)<br />

en dose unique ou pendant 3 jours.<br />

Cystite compliquée<br />

Examens recommandés : ECBU après BU d’orientation.<br />

• Traitement probabiliste s’il ne peut être différé<br />

dans l’attente de l’antibiogramme :<br />

- en 1 ère intention : nitrofurantoïne ;<br />

- en 2 ème intention :<br />

- céfixime,<br />

- ou fluoroquinolone (ciprofloxacine, ofloxacine,<br />

voire énoxacine, loméfloxacine,<br />

norfloxacine).<br />

• Traitement après obtention de l’antibiogramme,<br />

s’il peut être différé de 48h :<br />

- amoxicilline,<br />

- ou amoxicilline-acide clavulanique,<br />

- ou céfixime,<br />

- ou fluoroquinolone (ciprofloxacine, ofloxacine,<br />

voire énoxacine, loméfloxacine, norfloxacine),<br />

- ou nitrofurantoïne,<br />

- ou pivmecillinam,<br />

- ou sulfaméthoxazole-triméthoprime.<br />

Durée totale de traitement : ≥ 5 jours, sauf pour la<br />

nitrofurantoïne (≥ 7 jours). Selon les situations, le<br />

traitement peut être prolongé.<br />

Cystite recidivante<br />

Définition : au moins 4 épiso<strong>des</strong> sur 12 mois.<br />

Examen recommandé : au moins un ECBU.<br />

• Traitement curatif : idem cystite simple ; possibilité<br />

d’auto-déclenchement par la patiente, après<br />

éducation, en fonction du résultat d’une BU.


Diagnostic et antibiothérapie <strong>des</strong> infections urinaires bactériennes communautaires chez l’adulte : recommandations<br />

• Traitement prophylactique : à évaluer au cas<br />

par cas.<br />

Pyélonéphrite aiguë (PNA) simple<br />

Examens recommandés : BU, ECBU et, dans les<br />

24h, échographie systématique <strong>des</strong> voies urinaires.<br />

• Traitement probabiliste :<br />

- céphalosporine de 3 ème génération (C3G) :<br />

ceftriaxone (IV/IM/sous-cutanée) ou céfotaxime<br />

(IV/IM) ;<br />

- ou fluoroquinolone per os (ciprofloxacine,<br />

lévofloxacine, ofloxacine) ou IV si la voie<br />

orale est impossible.<br />

Si sepsis grave : hospitalisation et ajout initial d'un<br />

aminoside (gentamicine, nétilmicine, tobramycine)<br />

pendant 1 à 3 jours.<br />

• Traitement de relais par voie orale après obtention<br />

de l’antibiogramme :<br />

- amoxicilline,<br />

- ou amoxicilline-acide clavulanique,<br />

- ou céfixime,<br />

- ou fluoroquinolone (ciprofloxacine, lévofloxacine,<br />

ofloxacine),<br />

- ou sulfaméthoxazole-triméthoprime.<br />

Durée totale de traitement en cas d’évolution favorable<br />

: 10-14 jours, sauf pour les fluoroquinolones<br />

(7 jours).<br />

Pyélonéphrite aiguë compliquée<br />

Examens recommandés : BU, ECBU et uro-TDM ou<br />

échographie <strong>des</strong> voies urinaires si contre-indication<br />

à l’uro-TDM, en urgence.<br />

• Traitement probabiliste : idem PNA simple.<br />

Si forme grave (pyélonéphrite sur obstacle, sepsis<br />

grave, choc septique, ...) : hospitalisation indispensable<br />

et ajout initial d’un aminoside (gentamicine<br />

ou nétilmicine ou tobramycine) pendant 1 à 3 jours<br />

(Accord professionnel).<br />

• Traitement de relais par voie orale après obtention<br />

de l’antibiogramme : idem PNA simple<br />

Durée totale de traitement : 10-14 jours, voire 21<br />

jours ou plus selon la situation clinique.<br />

Prostatite aiguë<br />

Examens recommandés : BU, ECBU et une échographie<br />

<strong>des</strong> voies urinaires par voie sus-pubienne,<br />

en urgence.<br />

• Traitement probabiliste : idem PNA simple<br />

• Traitement de relais par voie orale après obtention<br />

de l’antibiogramme :<br />

- fluoroquinolone (ciprofloxacine, lévofloxacine,<br />

ofloxacine),<br />

35<br />

- ou sulfaméthoxazole-triméthoprime.<br />

Durée totale de traitement : de 14 jours (forme paucisymptomatique<br />

à bactérie très sensible) à au<br />

moins 3 semaines, selon le contexte.<br />

Infections urinaires de la femme enceinte<br />

Bactériurie asymptomatique<br />

Le traitement de la bactériurie asymptomatique<br />

par antibiothérapie est recommandé chez toutes<br />

les femmes enceintes.<br />

• Traitement après obtention de l’antibiogramme<br />

:<br />

- amoxicilline (utilisable pendant toute la<br />

durée de la grossesse),<br />

- ou amoxicilline-acide clavulanique (sauf si<br />

risque d’accouchement imminent),<br />

- ou céfixime (utilisable pendant toute la<br />

durée de la grossesse),<br />

- ou nitrofurantoïne (utilisable pendant toute<br />

la durée de la grossesse),<br />

- ou pivmecillinam (utilisable pendant toute<br />

la durée de la grossesse),<br />

- ou sulfaméthoxazole-triméthoprime (à éviter<br />

par prudence au 1 er trimestre de la grossesse).<br />

Durée totale de traitement : 5 jours, sauf pour la nitrofurantoïne<br />

(7 jours). Les traitements courts de<br />

3 jours ou en dose unique ne sont pas recommandés.<br />

Cystite aiguë gravidique<br />

Examen recommandé : ECBU systématique.<br />

• Traitement probabiliste, à débuter sans attendre<br />

les résultats de l’antibiogramme :<br />

- céfixime,<br />

- ou nitrofurantoïne.<br />

• Traitement de relais possible après obtention<br />

de l’antibiogramme :<br />

- amoxicilline,<br />

- ou amoxicilline-acide clavulanique (sauf si<br />

risque d’accouchement imminent),<br />

- ou céfixime,<br />

- ou nitrofurantoïne,<br />

- ou pivmecillinam,<br />

- ou sulfaméthoxazole-triméthoprime (à éviter<br />

par prudence au 1 er trimestre de la grossesse).<br />

Durée totale de traitement : ≥ 5 jours, sauf pour la<br />

nitrofurantoïne (≥ 7 jours).


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Pyélonéphrite aiguë gravidique<br />

L’hospitalisation initiale est recommandée.<br />

Examens recommandés : ECBU, échographie <strong>des</strong><br />

voies urinaires et bilan du retentissement fœtal, en<br />

urgence.<br />

• Traitement probabiliste :<br />

- C3G par voie parentérale : ceftriaxone<br />

(IV/IM/sous-cutanée) ou céfotaxime (IV/IM).<br />

Si forme sévère (pyélonéphrite sur obstacle, sepsis<br />

grave, choc septique, ...) : ajout initial d’un aminoside<br />

(gentamicine, nétilmicine, tobramycine) pendant<br />

1 à 3 jours.<br />

36<br />

• Traitement de relais par voie orale après obtention<br />

de l’antibiogramme :<br />

- amoxicilline,<br />

- ou amoxicilline-acide clavulanique (sauf si<br />

risque d’accouchement imminent),<br />

- ou céfixime,<br />

- ou sulfaméthoxazole-triméthoprime (à éviter<br />

par prudence au 1 er trimestre de la grossesse).<br />

Durée totale de traitement : au moins 14 jours.


Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et urétéraux de l’adulte : recommandations<br />

Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs<br />

rénaux et urétéraux de l’adulte :<br />

recommandations<br />

Pierre Conort*, Bertrand Dore, Christian Saussine<br />

et les membres du Comité de Lithiase de l’Association Française d’Urologie (CLAFU)<br />

Résumé<br />

L’évolution <strong>des</strong> techniques de traitement de la lithiase<br />

urinaire depuis plus de 20 ans, justifie de<br />

préciser les indications de chacune d’elles pour la<br />

prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et<br />

urétéraux de l’adulte.<br />

Le Comité de Lithiase de l’Association Française<br />

d’Urologie, s’est appuyé sur les recommandations<br />

européennes et américaines, sur la littérature publiée<br />

dans les cinq dernières années, et sur l’expérience<br />

<strong>des</strong> ses membres pour établir une synthèse<br />

pratique du traitement <strong>des</strong> calculs urinaires.<br />

La topographie (rein ou uretère) et la taille (mesure)<br />

du calcul sont les critères <strong>des</strong>criptifs initiaux pour<br />

le choix <strong>des</strong> traitements. Les indications ont été<br />

stratifiées en « standard » pour les traitements proposés<br />

en première intention, ou en « optionnel »<br />

pour les alternatives.<br />

Le succès du traitement est défini par l’absence de<br />

fragment résiduel.<br />

Pour les calculs du rein la LEC est le traitement de<br />

référence <strong>des</strong> calculs de moins de 20 mm. Au-delà<br />

de 20 mm la NLPC est le traitement le plus efficace.<br />

L’urétéroscopie souple est en évaluation. La chirurgie<br />

à ciel ouvert et la laparoscopie ont <strong>des</strong> indications<br />

limitées à moins de 1 % <strong>des</strong> cas.<br />

37<br />

Pour les calculs urétéraux proximaux, la LEC est<br />

choisie en première intention. Au niveau pelvien la<br />

LEC et l’urétéroscopie sont les deux traitements de<br />

choix pour les calculs de moins de 10 mm ; au-delà<br />

de 10 mm, l’urétéroscopie est recommandée.<br />

Le traitement chirurgical effectué, il faut absolument<br />

faire une analyse morpho-constitutionnelle<br />

<strong>des</strong> calculs, une enquête étiologique et donner <strong>des</strong><br />

conseils diététiques afin de prévenir la récidive.<br />

Mots Clés<br />

calcul rénal, calcul urétéral, lithotripsie extracorporelle,<br />

urétéroscopie, néphrolithotomie percutanée,<br />

recommandations<br />

Introduction<br />

La lithiase affecte 13 % de la population masculine<br />

et 6 % <strong>des</strong> femmes. Dans cette population, 50 %<br />

sont exposés à la récidive lithiasique [6].<br />

La nature <strong>des</strong> calculs a changé depuis près de cinquante<br />

ans du fait <strong>des</strong> modifications de nos régimes<br />

alimentaires. La lithiase oxalo-calcique<br />

augmente chez le patient âgé aux dépends de la lithiase<br />

urique par exemple [12]. Les indications thérapeutiques<br />

évoluent avec les variations épidémiologiques.<br />

L’évolution <strong>des</strong> techniques de traitement de la lithiase<br />

urinaire depuis plus de 20 ans, justifie de<br />

* Courrier à adresser à : Pierre CONORT, Service d’Urologie, Hôpital Pitié-Salpêtrière, 83 Boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

préciser les indications de chacune d’elles pour la<br />

prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et<br />

urétéraux de l’adulte.<br />

La lithotritie extra corporelle (LEC) par onde de choc<br />

est devenu le traitement de référence pour la majorité<br />

<strong>des</strong> calculs rénaux ou urétéraux de l’adulte.<br />

Dans les autres cas, les techniques d’endo-urologie<br />

comme l’urétéroscopie (URS) ou la néphrolithotomie<br />

percutanée (NLPC) sont pratiquées. La<br />

chirurgie à ciel ouvert et la chirurgie laparoscopique<br />

ne présentent que 1 % <strong>des</strong> indications.<br />

Nous n’aborderons pas le traitement de la lithiase<br />

de l’enfant pour lequel la LEC est de loin le traitement<br />

le plus efficace en raison d’une grande compliance<br />

de la voie excrétrice, surtout chez le tout<br />

petit [30].<br />

Le Comité de Lithiase de l’Association Française<br />

d’Urologie (CLAFU) a pour objectif d’établir <strong>des</strong> recommandations<br />

pour les urologues français, en<br />

s’appuyant sur les « guidelines » européens et américains<br />

et sur la littérature publiée dans les cinq dernières<br />

années. De 1999 à 2004, vingt six publications<br />

ont été retenues. L’expérience <strong>des</strong> membres<br />

du CLAFU a complété le manque de publications<br />

de niveau de preuve élevé, afin de rédiger un document<br />

aussi complet que possible.<br />

Pour effectuer <strong>des</strong> traitements de qualité, conformes<br />

aux bonnes pratiques cliniques, il faut au préalable<br />

établir une <strong>des</strong>cription rigoureuse <strong>des</strong> calculs<br />

et préciser comment préparer les patients.<br />

Description <strong>des</strong> calculs<br />

Une <strong>des</strong>cription a été proposée en France par le<br />

CLAFU en 1999 [9]. Cette classification a été faite<br />

en tenant compte <strong>des</strong> critères proposés par l’European<br />

Association of Urology (EAU) basés sur la topographie,<br />

la nature et les mesures <strong>des</strong> calculs à<br />

traiter [40].<br />

La figure 1 représente ces critères <strong>des</strong>criptifs ainsi<br />

que les éléments bactériologiques et morphologiques<br />

devant être pris en considération dans la<br />

décision thérapeutique.<br />

Trois critères doivent être pris en compte : la topographie<br />

(T), la nature (N) et les mesures (M) ou dimensions<br />

du calcul.<br />

La Topographie ou localisation <strong>des</strong> calculs est le<br />

premier critère pour le choix <strong>des</strong> techniques. Pour<br />

le rein, trois sièges sont distingués : le calice (C), la<br />

tige calicielle (T), le pyélon (P). Les niveaux supérieur,<br />

moyen et inférieur (s, m ou i) associés aux<br />

38<br />

sièges pré-cités permettent de décrire toutes les situations<br />

comme celle du petit calcul caliciel inférieur<br />

(ci) ou à l’extrême du calcul coralliforme<br />

complet (P2, Tsmi, Csmi). La taille <strong>des</strong> calculs pyéliques<br />

peut être importante ; les calculs de moins<br />

de 20 mm sont P1 et au <strong>des</strong>sus sont P2.<br />

La Nature chimique <strong>des</strong> calculs est celle de la classification<br />

décrite par M. Daudon admise également<br />

dans la communauté internationale ; elle est obtenue<br />

après analyse morpho-constitutionnelle avec<br />

spectrophotométrie par infrarouge (SPIR) du calcul<br />

expulsé, <strong>des</strong> fragments recueillis par filtration <strong>des</strong><br />

urines ou <strong>des</strong> liqui<strong>des</strong> de lavages aspiratifs après<br />

traitement [13].<br />

Quelques critères radiologiques peuvent aider à<br />

prédire la nature <strong>des</strong> calculs. Par exemple un calcul<br />

dense, rond avec une surface lisse sur un cliché<br />

d’appareil urinaire sans préparation (ASP) est souvent<br />

composé d’oxalate de calcium monohydraté<br />

caractérisé par sa dureté et sa résistance aux on<strong>des</strong><br />

de choc [7], ainsi que le calcul de brushite qui est<br />

souvent très dense par rapport à l’os mais spiculé<br />

en périphérie. Pour ces calculs, la LEC produit souvent<br />

<strong>des</strong> fragments de taille importante qui s’évacuent<br />

mal. Il en est de même pour les calculs de<br />

cystine, peu opaques. Dans ces cas, la NLPC ou<br />

l’urétéroscopie souple peuvent être indiquées en<br />

première intention.<br />

A l’opposé, un calcul d’acide urique doit être évoqué<br />

devant <strong>des</strong> urines aci<strong>des</strong> (< 5,5) : il est radiotransparent<br />

sur un ASP, échogène, et de densité<br />

faible (300 UH +/- 100) en unités Hounsfield (UH)<br />

sur une tomodensitométrie (TDM).<br />

La mesure de la densité <strong>des</strong> calculs en TDM (de<br />

200 à 2000 UH environ) paraît avoir un intérêt prédictif<br />

de la nature <strong>des</strong> calculs mais ne peut l’affirmer<br />

que pour l’acide urique ; pour les autres<br />

calculs, il n’y a pas de niveau de densité spécifique.<br />

Les étu<strong>des</strong> in vivo sont rares et ne permettent pas<br />

de conclure en pratique clinique [16, 17, 48]. Cependant,<br />

il semble exister un certain parallélisme entre<br />

une densité élevée (> 1500 UH) et la résistance <strong>des</strong><br />

calculs aux on<strong>des</strong> de choc [5]. En 2004 cet outil<br />

reste en évaluation.<br />

Les Mesures <strong>des</strong> calculs rénaux opaques sont au<br />

mieux définies par les deux plus grands axes <strong>des</strong><br />

calculs (L x l exprimés en millimètres) à partir de la<br />

radiographie standard de l’abdomen sans préparation<br />

(ASP) prenant les aires rénales, urétérales et<br />

vésicale de face en décubitus : cela correspond au


Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et urétéraux de l’adulte : recommandations<br />

Figure I.<br />

39


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

cadre urinaire ou K.U.B. <strong>des</strong> anglosaxons [41] ; les<br />

mesures <strong>des</strong> calculs radio-transparents peuvent<br />

être obtenues par l’échographie ou sur la tomodensitométrie<br />

hélicoïdale sans injection. Cependant,<br />

l’échographie amplifie les mesures de 20 à<br />

30 % et peut également décrire <strong>des</strong> faux positifs.<br />

La diffusion rapide de la tomodensitométrie sans<br />

injection, du fait d’une sensibilité et d’une spécificité<br />

proche de 100 % pour la détection <strong>des</strong> calculs<br />

urinaires, impose une prise en compte de ses performances<br />

dans la stratégie thérapeutique <strong>des</strong> calculs<br />

urinaires, en gardant à l’esprit les conclusions<br />

de la conférence de consensus sur la prise en<br />

charge de la colique néphrétique [44].<br />

Comme dans les recommandations de l’EAU [40],<br />

nous définirons les calculs uniquement en fonction<br />

de la topographie et <strong>des</strong> mesures <strong>des</strong> calculs faites<br />

à partir de l’ASP. La prise en charge <strong>des</strong> calculs<br />

d’acide urique étant le plus souvent médicale, les<br />

recommandations porteront essentiellement sur<br />

les calculs opaques.<br />

Préparation et suivi du patient<br />

La prise en charge chirurgicale d’un patient porteur<br />

d’un calcul urinaire impose, en préalable à tout traitement,<br />

d’avoir prescrit et contrôlé certains examens<br />

afin de mieux argumenter l’indication thérapeutique,<br />

de minimiser les risques et de pouvoir<br />

donner au patient une information aussi complète<br />

et objective que possible. Des documents spécifiques<br />

ont été établis par l’AFU pour la LEC, l’URS<br />

et la NLPC.<br />

Certaines précautions doivent être prises, concernant<br />

:<br />

L’infection urinaire<br />

• Pour la LEC, la bandelette urinaire (BU) négative<br />

peut être suffisante dans les cas simples ; il n’y a<br />

pas lieu de proposer une antibioprophylaxie<br />

dans cette situation normale. En cas de positivité<br />

<strong>des</strong> nitrites ou <strong>des</strong> leucocytes, un ECBU doit être<br />

fait : s’il y a une infection ou en cas de forte suspicion<br />

d’infection (moule caliciel) même avec <strong>des</strong><br />

urines stériles une antibiothérapie doit être instituée<br />

avant le traitement par LEC [25, 33]. Une<br />

CRP préopératoire élevée serait le meilleur marqueur<br />

prédictif du risque infectieux post LEC [47].<br />

• Pour les techniques d’endo-urologie ou pour la<br />

chirurgie, l’ECBU est obligatoire. Une antibiopro-<br />

40<br />

• phylaxie est nécessaire [10, 18, 27]. Il faut insister<br />

sur la nécessité d’une antibiothérapie, probabiliste<br />

ou documentée, environ 5 jours avant une<br />

NLPC, si le calcul est coralliforme complet ou non<br />

(moule caliciel) ou si l’anamnèse découvre une<br />

infection urinaire.<br />

Les troubles de la coagulation<br />

Les anticoagulants type antivitamine K doivent<br />

être interrompus avant le traitement et remplacés<br />

par une héparine de bas poids moléculaire dont<br />

l’injection du matin ne sera pas faite. Les anti-agrégants<br />

plaquettaires doivent être interrompus 8 à<br />

10 jours avant le traitement et remplacés par un<br />

anti-inflammatoire à demi-vie courte type flurbiprofène<br />

(CébutidR) dont le comprimé du matin ne<br />

sera pas donné [37]. Il est recommandé de corriger<br />

les troubles de la coagulation <strong>des</strong> mala<strong>des</strong> atteints<br />

de déficit en facteur VIII et de poursuivre cette correction<br />

pendant 24 à 48 heures [29].<br />

Les troubles du rythme cardiaque traités par<br />

pacemaker : pour la LEC, une consultation de rythmologie<br />

est prévue avant la sortie du malade pour<br />

un contrôle simple de la programmation du pacemaker<br />

[28].<br />

La grossesse est la seule contre-indication de la<br />

LEC, même si <strong>des</strong> expériences isolées ont pu être<br />

rapportées sans dommages décrits pour l’enfant [3,<br />

21]. L’interrogatoire suffit en général à éliminer une<br />

grossesse en cours. En cas de doute il est prudent<br />

de proposer un test de grossesse. L’urétéroscopie<br />

souple avec laser est insuffisamment évaluée [46] ;<br />

pour l’instant, le traitement en première intention<br />

de la lithiase de la femme enceinte relève du drainage<br />

seul (néphrostomie ou plus souvent double J),<br />

le calcul n’étant traité qu’après la fin de la grossesse.<br />

Une évaluation métabolique simple est recommandée,<br />

dès le premier épisode lithiasique, sur les<br />

urines de 24 heures et un prélèvement sanguin [24].<br />

Elle peut être effectuée avant le traitement, par<br />

exemple avant une LEC. Après le geste urologique il<br />

faut attendre 8 à 12 semaines pour que ce bilan urinaire<br />

soit interprétable. Dans l’intervalle, l’information<br />

doit être donnée au malade sur la nécessité de filtrer<br />

les urines au moins pendant 48 h (après LEC). Les<br />

fragments obtenus (même infra-millimétriques), les<br />

calculs retirés par urétéroscopie, NLPC ou chirurgie<br />

doivent idéalement subir une analyse morphoconstitutionnelle<br />

comportant une spectrophotomé-


Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et urétéraux de l’adulte : recommandations<br />

trie par infrarouge, excluant tout analyse chimique<br />

simple car celle-ci est inutilisable [13].<br />

L’évaluation <strong>des</strong> résultats est bien codifiée : la notion<br />

de fragment résiduel cliniquement insignifiant<br />

qui prévalait jusque dans les années 90 doit être<br />

abandonnée [42]. Le succès est défini par la<br />

constatation d’un patient sans fragment résiduel<br />

(SF) sur l’ASP ou l’échographie à 3 mois [38]. La<br />

TDM est trop irradiante pour être prescrite en routine.<br />

Sa réalisation n’est justifiée que dans le cadre<br />

de protocoles d’évaluation clinique ou pour <strong>des</strong> cas<br />

particuliers (maladie métabolique, infection persistante).<br />

L’existence de fragments résiduels majore<br />

le risque de récidive [9], au-delà <strong>des</strong> 50 % attendus<br />

chez <strong>des</strong> lithiasiques SF [6].<br />

Une surveillance annuelle par ASP ou échographie<br />

est conseillée.<br />

Indications en fonction de la topographie<br />

et <strong>des</strong> mesures <strong>des</strong> calculs<br />

Les indications <strong>des</strong> traitements <strong>des</strong> calculs rénaux<br />

ou urétéraux dans <strong>des</strong> reins normaux sont résumées<br />

dans les tableaux 1 et 2. Ces propositions<br />

sont inspirées de celles de l’EAU. Les membres du<br />

CLAFU, en fonction <strong>des</strong> données récentes de la littérature<br />

et de leur expérience, ont établi une hiérarchisation<br />

<strong>des</strong> différentes indications thérapeutiques.<br />

Cependant, la majorité <strong>des</strong> séries publiées<br />

ne donne qu’un niveau de preuve faible, niveau 3.<br />

Les calculs développés dans les anomalies de la<br />

voie excrétrice sont <strong>des</strong> cas particuliers que nous<br />

détaillerons ensuite.<br />

Les indications, pour chaque topographie de calcul,<br />

rénale ou urétérale, ont été classées en Standard<br />

ou Optionnel. Les traitements de type standard devraient<br />

être proposés en première intention ; dans<br />

ce type, il n’y a pas de hiérarchie dans le choix car il<br />

n’existe pas de preuve suffisante pour l’établir. Pour<br />

les traitements de type optionnel, plus nombreux,<br />

ils tiennent compte d’autres facteurs que la topographie<br />

et la taille (mesure) du calcul, comme par<br />

exemple la nature du calcul, supposée ou très probable,<br />

l’état d’infection de l’appareil urinaire, la morphologie<br />

<strong>des</strong> cavités urétéro-pyélocalicielles, la<br />

morphologie du patient, la disponibilité du matériel.<br />

Les alternatives sont classées de 1 à 3 selon la<br />

littérature et l’expérience <strong>des</strong> membres du CLAFU.<br />

Des remarques sur la pratique de certains traitements<br />

sont soulignées afin de respecter les bonnes<br />

pratiques cliniques.<br />

41<br />

Pour les calculs rénaux<br />

La LEC, technique non invasive, est le traitement<br />

de première intention à tous les âges. Cependant<br />

les échecs (fragments résiduels) et les complications<br />

dépendent <strong>des</strong> dimensions du calcul : par<br />

exemple pour <strong>des</strong> calculs de plus de 30 mm, seulement<br />

30 % de succès, associés à plus de 30 % de<br />

complications (obstruction, fièvre). La NLPC de première<br />

intention garde toujours <strong>des</strong> indications pour<br />

les gros calculs. L’urétéroscopie, notamment souple<br />

(URSS), a récemment ouvert de nouvelles possibilités<br />

pour le traitement <strong>des</strong> petits calculs (moins<br />

de 10 mm) résistants à la LEC [4].<br />

Cependant, presque toutes les étu<strong>des</strong> ont été rétrospectives<br />

et non comparatives.<br />

Pour les indications en fonction de la topographie<br />

intrarénale, seul le cas <strong>des</strong> calculs du calice inférieur<br />

peut être isolé. Une seule étude américaine, randomisée<br />

(niveau 1) a permis de conclure à <strong>des</strong> résultats<br />

moins bons pour la LEC par rapport à la<br />

NLPC, sans différence de morbidité : aucun critère<br />

anatomique n’a pu être retenu pour le choix entre<br />

l’une ou l’autre technique. Seule une taille de calcul<br />

inférieure à 10 mm serait en faveur de la LEC [1].<br />

Pour les calculs de 10 à 20 mm il n’y a pas de différence<br />

d’efficacité prouvée entre la LEC, la NLPC et<br />

l’URSS. Au-delà de 20 mm la mise en place préalable<br />

d’une sonde JJ semble logique. Cependant, il<br />

n’y a pas d’étu<strong>des</strong> comparatives permettant d’évaluer<br />

l’efficacité d’une sonde double J systématiquement<br />

mise en place avant une LEC en fonction de<br />

la topographie ou <strong>des</strong> mesures <strong>des</strong> calculs.<br />

Rappelons que la NLPC est possible chez l’enfant,<br />

même si les indications sont rares car la compliance<br />

urétérale permet d’éliminer sans douleur<br />

<strong>des</strong> fragments importants [14].<br />

Retenons que le seuil de 20 mm est utile pour proposer<br />

ou non une LEC en première intention devant<br />

un calcul rénal. Cependant d’autres critères<br />

peuvent indiquer <strong>des</strong> options thérapeutiques différentes.<br />

Au-delà de 20 mm et encore plus au-delà<br />

de 30 mm, la NLPC est l’intervention de choix. Le<br />

tableau 1 résume ces indications. Soulignons que<br />

la surveillance est à retenir pour <strong>des</strong> calculs asymptomatiques<br />

de moins de 5 mm.<br />

Pour les calculs urétéraux<br />

Une méta-analyse a été réalisée par le comité de lithiase<br />

de l’Association Américaine d’Urologie en re-


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

Tableau 1. Résumé <strong>des</strong> indications thérapeutiques pour les calculs rénaux<br />

Tableau 2. Résumé <strong>des</strong> indications thérapeutiques pour les calculs urétéraux<br />

42


Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et urétéraux de l’adulte : recommandations<br />

prenant l’ensemble <strong>des</strong> résultats publiés de 1966<br />

à 1996. Les membres de ce comité ont édité <strong>des</strong><br />

recommandations en août 1997 [36].<br />

En stratifiant les résultats selon le caractère proximal<br />

ou distal <strong>des</strong> calculs dans l’uretère, les résultats<br />

globaux montrent respectivement 56 % et<br />

89 % de patients sans fragment. Pour les calculs<br />

d’un diamètre inférieur ou égal à 10 mm, le taux<br />

de succès est respectivement de 72 % et 90 % pour<br />

les calculs proximaux et distaux.<br />

Quelques étu<strong>des</strong> récentes, prospectives avec randomisation,<br />

permettent de préciser les indications,<br />

mais leurs conclusions ne sont pas toujours concordantes<br />

pour <strong>des</strong> calculs de même topographie, en<br />

particulier au niveau de l’uretère pelvien [34, 43].<br />

Les variations entre les systèmes de santé européens<br />

et américains peuvent en partie expliquer<br />

les différences en terme de coût-efficacité. Les résultats<br />

se sont améliorés avec les progrès <strong>des</strong> urétéroscopes<br />

semi-rigi<strong>des</strong> et flexibles : 90 % à 100 %<br />

de succès pour les calculs de l’uretère distal mais<br />

encore seulement 74 % pour l’uretère proximal. A<br />

ce niveau, l’urétéroscopie souple et la fragmentation<br />

par le laser Ho:YAG a permis d’améliorer les résultats<br />

[11, 39], comparés à ceux publiés en 1997 et<br />

1998 [20, 26, 32]. Cette dernière technique pourrait<br />

être une bonne alternative à la LEC, au niveau urétéral<br />

proximal ou rénal, en particulier chez <strong>des</strong> patients<br />

obèses ou lorsque les calculs sont difficiles à<br />

repérer [31, 35]. Les résultats semblent indépendants<br />

de l’indice de masse corporelle [2, 31].<br />

La mise en place d’une sonde double J, quelques<br />

jours avant une urétéroscopie, peut simplifier le<br />

geste d’extraction secondaire d’un calcul, par exemple<br />

enclavé ou siégeant dans un uretère étroit.<br />

Retenons que la LEC reste encore le traitement de<br />

première intention pour les calculs urétéraux proximaux.<br />

Au-delà de 10 mm, l’urétéroscopie est plus<br />

efficace que la LEC pour les calculs distaux. Le tableau<br />

2 résume ces indications. Soulignons que<br />

<strong>des</strong> calculs de moins de 6 mm peuvent s’éliminer<br />

spontanément.<br />

Cas particuliers<br />

Fragments résiduels<br />

Pour <strong>des</strong> fragments résiduels toujours présents<br />

3 mois après le traitement, mesurant de 2 à 6 mm<br />

et asymptomatiques, la surveillance impose un<br />

contrôle à 6 mois et à 12 mois, puis tous les ans.<br />

La nécessité d’un nouveau traitement par LEC n’est<br />

43<br />

pas démontrée, pas plus que l’intérêt de la prise<br />

de citrate de potassium. Si ces fragments sont<br />

symptomatiques, une LEC ou une urétéroscopie<br />

souple peuvent être proposées, exceptionnellement<br />

une NLPC.<br />

Il faut retenir que ces patients ne sont pas guéris.<br />

Ensablement ou empierrement (« Steinstrasse »)<br />

urétéral<br />

Observé après LEC, l’ensablement se définit par<br />

l’accumulation dans l’uretère de petits débris qui<br />

peuvent être obstructifs. Il est devenu rare car les<br />

indications de la LEC se sont restreintes aux calculs<br />

rénaux de petite taille (< 20 mm).<br />

Si l’ensablement est asymptomatique, il doit être<br />

surveillé toutes les 2 à 4 semaines (ASP, échographie<br />

et ECBU). Après 3 mois de surveillance et en<br />

l’absence d’évolution, une LEC de la tête de l’ensablement<br />

ou une urétéroscopie sont indiquées.<br />

L’ensablement peut être symptomatique. En cas<br />

d’infection, le drainage s’impose ; en cas de douleur,<br />

la LEC ou l’urétéroscopie sont indiquées.<br />

Kyste rénal<br />

Le kyste ne contre-indique pas les traitements urologiques.<br />

Dans certains cas, une ponction évacuatrice<br />

première est réalisée.<br />

Dérivation urinaire<br />

Elle impose <strong>des</strong> artifices techniques, mais tous les<br />

traitements peuvent être réalisés.<br />

Rein transplanté<br />

Il peut subir les traitements habituels au prix de<br />

quelques précautions, en particulier <strong>des</strong> énergies<br />

modérées doivent être utilisées pour la LEC. L’installation<br />

du patient dépend de l’orientation de la<br />

source <strong>des</strong> on<strong>des</strong> de choc, en décubitus dorsal ou<br />

en procubitus.<br />

Rein unique<br />

En fonction <strong>des</strong> mesures du calcul, une sonde<br />

double J pourra être mise en place avant la LEC<br />

pour éviter une anurie ou une insuffisance rénale<br />

obstructive. Une NLPC peut être réalisée avec <strong>des</strong><br />

complications comparables à la NLPC chez <strong>des</strong> patients<br />

porteurs de 2 reins.<br />

Calculs et syndrome de la jonction pyélo-urétérale<br />

En cas de calcul associé à une stase certaine, la présence<br />

d’une anomalie jonctionnelle doit remettre<br />

en question l’indication de la LEC car les fragments


Chapitre 2 - Quoi de neuf en uro-néphrologie pour les généralistes ?<br />

ne s’élimineraient pas ; le degré d’obstruction à<br />

l’écoulement <strong>des</strong> urines doit être évalué par <strong>des</strong><br />

explorations dynamiques avec la recherche d’un<br />

pédicule polaire obstructif intermittent ; une évaluation<br />

métabolique complète de ces mala<strong>des</strong> est<br />

cependant recommandée car l’anomalie anatomique<br />

n’explique pas toujours à elle seule la présence<br />

de calculs [23].<br />

Par ailleurs il faut être prudent concernant l’implication<br />

réelle d’une anomalie jonctionnelle lorsque le<br />

calcul est pyélique avec un bassinet inflammatoire,<br />

rétracté, pouvant simuler un rétrécissement jonctionnel<br />

qui régresse en général après ablation du<br />

calcul. La NLPC est alors une bonne indication.<br />

Calculs et Rein en Fer à Cheval (RFC)<br />

Un calcul unique ou <strong>des</strong> calculs multiples seront<br />

traités moins efficacement par la LEC que par la<br />

NLPC dont le tunnel d’accès est caliciel moyen [45].<br />

L’extraction du calcul par cœlioscopie (en même<br />

temps que la cure d’un éventuel syndrome de<br />

jonction associé) n’est pas validée. Une évaluation<br />

métabolique complète de ces mala<strong>des</strong> est recommandée,<br />

sans se contenter de la présence de l’anomalie<br />

pour expliquer la présence du calcul [22].<br />

Diverticule caliciel<br />

La LEC peut être le premier traitement de douleurs<br />

rapportées à <strong>des</strong> calculs intradiverticulaires ; elle<br />

permet, dans 60 % <strong>des</strong> cas, la disparition <strong>des</strong><br />

symptômes même s’il persiste <strong>des</strong> fragments ; une<br />

surveillance régulière sera ensuite nécessaire. En<br />

cas d’échec, il ne sera pas recommandé de répéter<br />

<strong>des</strong> séances de LEC ; une autre technique sera<br />

proposée : NLPC pour <strong>des</strong> calculs postérieurs ou<br />

cœliochirurgie en cas de calcul dans la valve rénale<br />

antérieure [8] ; une évaluation métabolique complète<br />

de ces mala<strong>des</strong> est recommandée, sans se<br />

contenter de la présence de l’anomalie pour expliquer<br />

la présence du calcul [22].<br />

Reins de la maladie de Cacchi et Ricci (voire néphrocalcinose)<br />

L’ectasie canaliculaire précalicielle ou rein en<br />

éponge (medullary sponge kidney) est au mieux<br />

décrite sur <strong>des</strong> clichés d’urographie intraveineuse<br />

de haute définition. La diffusion de l’imagerie numérique<br />

altère actuellement la qualité de l’image<br />

<strong>des</strong> papilles. Seuls les calculs intracavitaires symptomatiques,<br />

de moins de 20 mm, seront traités par<br />

LEC de première intention ; une NLPC ou une URSS<br />

peuvent être indiquées dans <strong>des</strong> formes évoluées<br />

44<br />

(néphrocalcinose) afin de désobstruer le maximum<br />

de papilles ; les calculs restant intra-parenchymateux<br />

sont surveillés ; une évaluation métabolique<br />

complète de ces mala<strong>des</strong> est recommandée [15].<br />

Calculs bilatéraux<br />

Il faut traiter en premier :<br />

• le côté le plus symptomatique,<br />

• le côté où le succès thérapeutique sera le plus rapidement<br />

obtenu.<br />

La LEC bilatérale en un temps a <strong>des</strong> indications exceptionnelles.<br />

Le deuxième côté n’est traité que si le premier est<br />

guéri sans risque de complication.<br />

Le drainage controlatéral ne doit pas être effectué<br />

de principe mais peut être discuté.<br />

Conclusions<br />

La LEC reste le traitement de première intention de<br />

la majorité <strong>des</strong> calculs rénaux ou urétéraux de<br />

l’adulte comme de l’enfant. Elle doit être réservée<br />

aux calculs mesurant moins de 20 mm dans le rein<br />

et 10 mm dans l’uretère.<br />

La NLPC est réservée en priorité aux calculs pyélocaliciels<br />

de plus de 30 mm. Pour les calculs du rein compris<br />

entre 20 et 30 mm les indications sont<br />

discutables, mais la NLPC est plus efficace que la LEC.<br />

Les calculs coralliformes sont traités par NLPC s’il n’est<br />

pas prévu plus de 3 trajets de ponction ; au-delà, la<br />

chirurgie ouverte garde quelques rares indications.<br />

La laparoscopie a très peu d’indications.<br />

L’urétéroscopie peut être proposée en première intention<br />

pour <strong>des</strong> calculs de l’uretère pelvien de<br />

moins de 10 mm en alternative à la LEC. Au-delà<br />

de 10 mm, l’urétéroscopie est le traitement de première<br />

intention <strong>des</strong> calculs pelviens. L’urétéroscopie<br />

souple, encore en évaluation, semble être une<br />

alternative prometteuse pour certains calculs du<br />

rein ou de l’uretère proximal.<br />

Les tableaux 1 et 2 ne présentent qu’une synthèse<br />

schématique <strong>des</strong> principales indications qui pourra<br />

guider l’urologue dans ses choix, en tenant compte<br />

de nombreux autres paramètres, dont le choix du<br />

patient informé sur les avantages et inconvénients<br />

de chacune <strong>des</strong> éventuelles options thérapeutiques.<br />

Le traitement chirurgical effectué, il faut recueillir les<br />

calculs et réaliser une analyse morpho-constitutionnelle,<br />

faire une enquête étiologique et donner <strong>des</strong><br />

conseils diététiques afin de prévenir la récidive.


Références<br />

Prise en charge urologique <strong>des</strong> calculs rénaux et urétéraux de l’adulte : recommandations<br />

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Ce travail n’aurait pu être élaboré sans la participation<br />

régulière et active, depuis plusieurs années, de l’ensemble<br />

<strong>des</strong> membres du Comité de Lithiase de l’Association<br />

Française d’Urologie (CLAFU) :<br />

Jean Amiel (Nice), Marie-France Bellin (Paris), Jean-Pierre<br />

Bringer (Bézier), Pierre Conort (Paris), Michel Daudon<br />

(Paris), Bertrand Doré (Poitiers), Jean-Marie Ferrière (Bordeaux),<br />

Jean-Romain Gautier (Toulouse), Pascal Glémain<br />

(Nantes), Haider Hadjadj (Meaux), Jacques Hubert<br />

(Nancy), Philippe Jaeger (Nice), Paul Jungers (Paris), Eric<br />

Lechevallier (Marseille), Paul Méria (Paris), Michel Normand<br />

(Bordeaux), Christian Saussine (Strasbourg), Jean<br />

Thomas (Vittel), Olivier Traxer (Paris).


47<br />

Chapitre 3<br />

Le fer dans<br />

tous ses états


Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

Hepcidine, fer et rein : aspects<br />

physio-pathologiques et cliniques<br />

Pierre Brissot, Marie-Bérengère Troadec, Edouard Bardou-Jacquet,<br />

Olivier Loreal<br />

Service <strong>des</strong> maladies du foie, Centre de référence <strong>des</strong> surcharges en fer rares d’origine<br />

génétique et Inserm U-991, CHU Pontchaillou, Rennes, France<br />

L’hepcidine est l’hormone de régulation du métabolisme<br />

du fer et le rein joue un rôle majeur dans la<br />

production d’érythropoïétine, hormone essentielle<br />

pour la production <strong>des</strong> globules rouges. Les<br />

érythrocytes étant le principal compartiment<br />

utilisant du fer, il n’est pas surprenant que <strong>des</strong><br />

interactions étroites existent entre hepcidine, fer et<br />

rein.<br />

1. Hepcidine : généralités<br />

1.1. Sa nature<br />

Le nom hepcidine trouve sa source dans le fait que<br />

cette protéine fut découverte en tant que peptide<br />

antimicrobien : « hep » ayant trait à l’origine hépatique<br />

de ce composé et « cidine » à son activité<br />

antimicrobienne [1]. L’hepcidine est un petit peptide<br />

de 25 aci<strong>des</strong> aminés, dérivé d’un précurseur de<br />

84 aci<strong>des</strong> aminés. L’hepcidine est codée par le gène<br />

Hamp localisé sur le chromosome 19 chez l’homme.<br />

Elle est essentiellement produite par le foie et plus<br />

précisément par les hépatocytes [1-3].<br />

1.2. Son activité<br />

L’hepcidine circulante a comme effet physiologique<br />

d’une part de réduire l‘absorption duodénale du fer,<br />

d’autre part de réduire la libération, à partir de la<br />

rate, du fer qui y est déposé dans le cadre du<br />

mécanisme de l’érythrophagocytose physiologique<br />

(c.à.d. la <strong>des</strong>truction normale <strong>des</strong> globules rouges<br />

au terme de leur vie de 120 jours). Cette hormone<br />

diminue donc la concentration plasmatique du fer<br />

et de ce fait la biodisponibilité du fer au niveau de sa<br />

48<br />

cible principale qu’est la moelle osseuse. En miroir,<br />

lorsque la concentration plasmatique d’hepcidine<br />

diminue, il se produit une hypersidérémie relative<br />

qui accroît la biodisponibilité du fer [4, 5].<br />

1.3. Son mecanisme cellulaire d’action<br />

Lorsqu’elle aborde, par voie sanguine, la membrane<br />

plasmique de l’entérocyte duodénal ou du<br />

macrophage splénique, l’hepcidine entre en<br />

contact avec sa cible qui est la ferroportine, l’exportateur<br />

cellulaire du fer. Le complexe hepcidineferroportine<br />

est dès lors internalisé, conduisant à la<br />

dégradation intracellulaire de la ferroportine [6]. Le<br />

déficit d’exportation cellulaire du fer par la<br />

ferroportine membranaire qui en résulte entraîne<br />

donc une baisse de la sidérémie. L’inverse se<br />

produit, à savoir une augmentation de la sidérémie,<br />

lorsque la concentration d’hepcidine circulante<br />

diminue. Il existe ainsi au niveau cellulaire une<br />

véritable balance entre la concentration plasmatique<br />

d’hepcidine et l’activité d’export du fer par la<br />

ferroportine, plus d’hepcidine dans le sang conduisant<br />

à moins de fer dans le plasma et vice-versa [7].<br />

1.4. Sa régulation<br />

1.4.1. Les grands facteurs régulateurs<br />

1.4.1.1. La charge en fer de l’organisme<br />

L’augmentation relative du stock de fer conduit à<br />

une augmentation de la production d’hepcidine<br />

aboutissant à un effet compensateur de diminution<br />

de la sidérémie [2] et inversement.


Hepcidine, fer et rein : aspects physio-pathologiques et cliniques<br />

1.4.1.2. L’inflammation<br />

Elle augmente la synthèse hépatique de l’hepcidine<br />

expliquant la diminution de la sidérémie observée<br />

dans le syndrome inflammatoire [2, 8-11].<br />

1.4.1.3. L’hypoxie<br />

Elle diminue la production d’hepcidine avec pour<br />

effet l’accroissement de la biodisponibilité du fer<br />

plasmatique [10].<br />

1.4.2. La régulation intracellulaire<br />

1.4.2.1. La voie <strong>des</strong> BMPs<br />

Elle est déclenchée par le statut en fer plasmatique<br />

et comporte une cascade de réactions moléculaires<br />

impliquant en particulier la voie BMP/SMAD [12, 13].<br />

Il s’en suit, selon que la sidérémie s’élève ou<br />

s’abaisse, une activation ou une inhibition de la<br />

transcription de l’hepcidine, c.à.d. la plus ou moins<br />

grande production d’ARN-messager de cette<br />

hormone, aboutissant à une concentration plus ou<br />

moins forte d’hepcidine dans le sang.<br />

1.4.2.2. La voie de l’IL6<br />

L’inflammation, par le biais de l’IL6, active la voie<br />

STAT3/JAK qui aboutit à une hyperexpression de<br />

l’ARNm de l’hepcidine.<br />

1.4.2.3. La voie de HIF<br />

Si le facteur HIF (Hypoxia Inducible Factor) conduit à<br />

une synthèse d’érythropoïétine en cas d’hypoxie, il<br />

favorise également l’érythropoïèse en diminuant la<br />

production d’hepcidine [14].<br />

1.5. L’hepcidine en pathologie<br />

Une dysrégulation de l’expresssion de l’hepcidine<br />

survient en pathologie humaine en 3 grands types<br />

de circonstances.<br />

1.5.1. Surcharges chroniques en fer par hypohepcidinémie<br />

C’est le cas de la plupart <strong>des</strong> formes de surcharges<br />

génétiques en fer [15]. Ainsi, que l’on considère<br />

l’hémochromatose « classique », dite de type 1, en<br />

rapport avec une mutation homozygote du gène<br />

HFE (C282Y/C282Y) [16], l’hémochromatose de type<br />

2 dite hémochromatose juvénile (par mutations du<br />

gène de l’hémojuvéline [17] ou de l’hepcidine [18,<br />

19] ou l’hémochromatose de type 3 (par mutations<br />

du gène du récepteur de la transferrine 2), l’effet de<br />

ces mutations est de diminuer la synthèse<br />

hépatocytaire de l’hepcidine. BMP6 est l’un <strong>des</strong><br />

49<br />

maillons forts de la cascade BMP/SMAD [20, 21].<br />

1.5.2. Anemies chroniques ferriprives par hyperhepcidinemie<br />

Elles sont de 2 types :<br />

1.5.2.1. Anémie acquise<br />

Elle s’observe en cas de pathologie inflammatoire<br />

chronique, correspondant au syndrome d’anémie<br />

inflammatoire chronique ou « anemia of chronic<br />

disease » [22]. L’hyperexpression d’hepcidine d’origine<br />

inflammatoire est le mécanisme qui sous-tend<br />

le trouble du métabolisme du fer dans ce<br />

syndrome.<br />

1.5.2.2. Anémie génétique<br />

Cette forme d’anémie, récemment individualisée,<br />

est appelée IRIDA (Iron Refractory Iron Deficiency<br />

Anemia) [23]. Elle est due à une mutation du gène<br />

de la matriptase 2 (aussi appelée TMPRSS6). Cette<br />

protéine a pour action physiologique de cliver<br />

l’hémojuvéline membranaire (qui joue un rôle<br />

essentiel dans l’activation de la voie BMP/SMAD)<br />

conduisant à une baisse de synthèse de l’hepcidine.<br />

Lorsque la matriptase 2 est mutée, l’hémojuvéline<br />

n’est plus clivée et il s’en suit une hyperproduction<br />

d’hepcidine, à l’origine d’une anémie qui est<br />

réfractaire à la supplémentation orale en fer.<br />

1.5.3. Pathologies non directement liées a une<br />

dysrégulation de l’hepcidine mais comportant<br />

<strong>des</strong> variations de production de l’hepcidine<br />

C’est le cas notamment de l’infection par le virus C<br />

[24], de l’alcoolisme [25], de la porphyrie cutanée<br />

tardive [26] et de l’insuffisance hépatocellulaire [27],<br />

toutes situations au cours <strong>des</strong>quelles une baisse de<br />

synthèse de l’hepcidine a été rapportée et considérée<br />

comme une possible explication de la<br />

sidérose hépatique parfois observée dans ces<br />

affections.<br />

2. Hepcidine, fer et rein<br />

2.1. Aspects physiologiques<br />

2.1.1. L’hepcidine comporte une élimination<br />

urinaire<br />

S’agissant d’une petite molécule, l’hepcidine est<br />

filtrée par le glomérule. C’est d’ailleurs à partir de sa<br />

détection dans les urines que ce composé fut<br />

identifié comme appartenant à la famille <strong>des</strong><br />

pepti<strong>des</strong> anti-microbiens [1, 28].


2.1.2. Le fer peut traverser le glomérule rénal<br />

Le fer filtré correspond essentiellement à du fertransferrine.<br />

En effet, si la vision classique est de<br />

considérer que la taille de la molécule de<br />

transferrine (78kDa) est trop volumineuse pour<br />

franchir le glomérule, la forme allongée de la<br />

molécule lui confère un rayon moléculaire de 14 Å<br />

qui permet de concevoir son passage au travers de<br />

certains pores glomérulaires [29]. De petites<br />

quantités de transferrine sont d’ailleurs dosables<br />

dans l’urine (0,32 à 0,47 mg/24h) [30].<br />

2.1.3. Le fer peut traverser le tubule rénal<br />

L’étude de l’évolution sectorisée de la concentration<br />

en fer par technique de microponction<br />

rénale du rat a démontré que 99 % du fer filtré par<br />

le glomérule étaient réabsorbés, réabsorption<br />

surtout localisée au niveau du secteur proximal du<br />

tube contourné [29, 31]. Cette donnée indique<br />

qu’un métabolisme très actif du fer se produit au<br />

niveau de ce secteur tubulaire.<br />

2.1.4. Le rein est doté de la machinerie protéique<br />

requise pour le transport transmembranaire et<br />

le métabolisme intracellulaire du fer<br />

2.1.4.1. Protéines de transport du fer<br />

Le transporteur de fer le mieux documenté au<br />

niveau rénal est DMT1 (Divalent Metal Transporter<br />

1). Ce transporteur est connu pour jouer un rôle<br />

primordial dans la captation du fer non lié à la<br />

transferrine au niveau du pôle luminal de<br />

l’entérocyte duodénal mais aussi dans la libération<br />

du fer depuis la vésicule d’endocytose dans le<br />

cytosol. Les étu<strong>des</strong> d’immuno-localisation ont situé<br />

ce transporteur essentiellement au niveau du tube<br />

proximal, en secteur membranaire apical [32] ou en<br />

intracellulaire [33].<br />

Deux protéines ont été rapportées comme<br />

intervenant dans la captation, par endocytose avec<br />

récepteur, du fer transferrinique par les cellules<br />

tubulaires proximales : la cubiline [34] et le récepteur<br />

de la transferrine de type 1 [30]. La ferroportine,<br />

seule protéine d’export cellulaire du fer<br />

actuellement connue, a été détectée tant sous<br />

forme d’ARN-m que de protéine au niveau du rein<br />

[35, 36]. Sa localisation exacte demeure toutefois à<br />

préciser. L’héphastine est une ferroxydase qui agit<br />

de pair avec la ferroportine pour assurer l’export<br />

cellulaire du fer sur le versant basolatéral de<br />

l’entérocyte duodénal. Son ARN-m a été détecté<br />

au niveau rénal [37].<br />

Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

50<br />

2.1.4.2. Protéines de régulation du fer<br />

L’hepcidine a été détectée et localisée dans le rein<br />

avec <strong>des</strong> résultats similaires chez l’homme, le rat et<br />

la souris [38]. Sa présence a été démontrée au<br />

niveau de l’ARN-m et de la protéine. Absente dans<br />

le tube proximal ainsi que dans la branche<br />

<strong>des</strong>cendante et dans la partie fine de la branche<br />

ascendante de l’anse de Henlé, elle est en forte<br />

concentration dans la partie large de la branche<br />

ascendante et dans le tube collecteur. Au niveau<br />

cellulaire, elle est localisée au pôle apical <strong>des</strong> cellules<br />

épithéliales rénales. Ces données indiquent que<br />

l’hepcidine n’est pas seulement filtrée par les reins<br />

mais qu’elle est un peptide rénal intrinsèque et<br />

qu’elle pourrait ainsi être libérée dans l’urine, ce qui<br />

confèrerait à la composante rénale de l’hepcidine un<br />

rôle régulateur dans le métabolisme du fer [38].<br />

La matriptase 2 fortement exprimée au niveau<br />

hépatique est également détectée, sous forme de<br />

son ARN-m, au niveau rénal [39, 40]. Cette enzyme,<br />

comme déjà mentionné, exerce une action<br />

inhibitrice de la synthèse d’hepcidine par l’intermédiaire<br />

d’un clivage de l’hémojuvéline (qui est un<br />

co-récepteur de BMP). Les protéines IRP1 et IRP2,<br />

qui jouent un rôle essentiel pour la régulation<br />

intracellulaire du fer, sont fortement exprimées, en<br />

particulier pour IRP1, dans le tube proximal de la<br />

souris [30, 41].<br />

La présence au niveau rénal de ces nombreux<br />

acteurs protéiques « martiaux », même si leurs rôles<br />

respectifs n’ont pas encore été pleinement élucidés,<br />

souligne la réalité de l’implication du rein dans le<br />

métabolisme du fer.<br />

2.2. Aspects pathologiques<br />

2.2.1. Fer et rein<br />

2.2.1.1. Surcharges transfusionnelles<br />

Le développement d’une sidérose rénale a été<br />

montré au cours <strong>des</strong> surcharges en fer d’origine<br />

transfusionnelle [42]. Un impact fonctionnel rénal<br />

de cette surcharge en fer est suggéré par la<br />

corrélation entre l’activité NAG (N-acétyl-bêta-Dglucosaminidase)<br />

[43], enzyme lysosomique marqueur<br />

de dysfonction tubulaire proximal, et la<br />

charge en fer (appréciée par la ferritinémie et l’IRM<br />

hépatique).<br />

2.2.1.2. Glomérulopathies<br />

Au cours du syndrome néphrotique et/ou de


Hepcidine, fer et rein : aspects physio-pathologiques et cliniques<br />

syndromes glomérulo-néphritiques, une sidérose<br />

intralysosomale <strong>des</strong> cellules tubulaires proximales<br />

a été décrite [44]. Elle pourrait être la conséquence<br />

de 2 mécanismes liés à l’accroissement de<br />

perméabilité du filtre glomérulaire : d’une part une<br />

transferrinurie majeure qui conduirait à l’augmentation<br />

de la re-captation tubulaire du fer-transferrinique<br />

(en impliquant les voies de la cubiline<br />

et/ou du récepteur de la transferrine de type 1),<br />

d’autre part une augmentation de la concentration<br />

urinaire du fer non liée à la transferrine (impliquant<br />

la voie DMT1). Ce fer intralysosomal pourrait<br />

contribuer, par son effet de production d’espèces<br />

radicalaires oxygénées, à l’accentuation de la<br />

néphropathie, ainsi que le suggère l’effet bénéfique<br />

de la chélation du fer [45-48] rapporté en cas de<br />

néphropathie chronique. Le rôle du syndrome<br />

néphrotique dans le cadre de la surcharge en fer<br />

observée au cours de l’acéruloplasminémie acquise<br />

reste à préciser [49].<br />

2.2.1.3. Syndrome de Toni-Debré-Fanconi<br />

La sidérurie y est augmentée de 10 à 300 fois par<br />

rapport aux valeurs normales [50], indiquant<br />

indirectement un rôle physiologique du tube<br />

proximal dans la prévention <strong>des</strong> pertes de fer<br />

urinaire liées à la transferrine.<br />

2.2.2. Hepcidine et rein : l’insuffisance rénale<br />

chronique<br />

Le taux d’hepcidine sérique est augmenté en cas<br />

d’insuffisance rénale [51, 52] et croît en fonction de la<br />

baisse de la filtration glomérulaire [53]. Le mécanisme<br />

de l’hyperhepcidinémie au cours de l’insuffisance<br />

rénale est probablement au moins double,<br />

faisant intervenir : i) une baisse de l’excrétion urinaire<br />

de ce peptide ; ii) une augmentation de synthèse de<br />

l’hepcidine du fait de l’inflammation chronique<br />

fréquemment observée au cours <strong>des</strong> pathologies en<br />

cause (inflammation probablement accrue par<br />

l’insuffisance rénale elle-même par le biais d’un<br />

défaut d’excrétion de cytokines pro-inflammatoires<br />

telles que l’IL-6) [54, 55]. On peut aussi s’interroger<br />

sur une possible hyperproduction d’hepcidine<br />

consécutive au défaut même d’érythropoïétine<br />

(EPO). En effet, il a été montré, en situation inverse,<br />

que l’EPO entraîne une chute de l’ARN-m de<br />

51<br />

l’hepcidine in vitro sur <strong>des</strong> cellules d’origine<br />

hépatique, chez la souris inflammatoire [56], ainsi<br />

qu’une baisse de l’hepcidinémie chez le volontaire<br />

sain [57]. Quel qu’en soit son mécanisme, l’hyperhepcidinémie<br />

présente au cours de l’insuffisance<br />

rénale contribuerait ainsi au syndrome anémique de<br />

l’insuffisant rénal chronique, anémie qui peut être à<br />

l’origine d’une détérioration clinique importante chez<br />

les mala<strong>des</strong> qui en sont affectés. Donnée essentielle<br />

en raison de son incidence, l’augmentation de la<br />

concentration sérique d’hepcidine pourrait être<br />

impliquée dans la résistance à l’EPO recombinante<br />

humaine qui se produit parfois en cas d’insuffisance<br />

rénale chronique. En effet, cette hyperhepcidinémie<br />

limite la biodisponibilité du fer circulant et donc son<br />

utilisation par la moelle osseuse pour la production<br />

de nouveaux globules rouges [54]. Il reste à évaluer<br />

la pertinence de la mesure de l’hepcidinémie dans<br />

le traitement de l’anémie par insuffisance rénale<br />

chronique [53]. La prise en compte de ce paramètre<br />

pourrait en effet intervenir dans l’ajustement à la fois<br />

de la voie d’administration du fer (parentérale versus<br />

orale) et de la posologie de l’EPO.<br />

Le rein est donc tout à fait concerné par le<br />

métabolisme du fer ainsi qu’en atteste l’équipement<br />

protéique dont il est doté qui lui permet<br />

d’assurer le transport transmembranaire du fer et<br />

sa métabolisation intracellulaire. Il reste toutefois à<br />

préciser la localisation cellulaire de plusieurs de ces<br />

acteurs protéiques et d’en affiner l’impact fonctionnel,<br />

en particulier sur le versant de l’export cellulaire<br />

du fer dans le plasma. En pathologie, le rein est<br />

susceptible, en cas de glomérulopathie, de se<br />

surcharger en fer, mécanisme qui pourrait contribuer<br />

à aggraver la condition rénale et, en cas<br />

d’insuffisance rénale, d’augmenter le taux d’hepcidinémie<br />

avec, comme conséquence potentielle, le<br />

développement d’une anémie chronique. Les<br />

progrès techniques actuels dans le dosage de<br />

l’hepcidinémie [58, 59] font espérer que la<br />

détermination de ce paramètre puisse dans un<br />

avenir proche faire partie <strong>des</strong> éléments du bilan<br />

martial en cas de maladie rénale chronique,<br />

notamment dans l’optique d’assurer la meilleure<br />

efficacité de la supplémentation en érythropoïétine<br />

recombinante humaine.


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Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

Traitement de la carence martiale en dialyse<br />

péritonéale<br />

M. Ficheux 1 , T. Lobbedez 1 , P. Cuny 1 , R. Azar 2 , C. Verger 3 , J.P. Ryckelynck 1<br />

1. Service de Néphrologie, CHU Caen<br />

2. Service de Néphrologie, CHG Dunkerque<br />

3. Service de Néphrologie, CHG Pontoise<br />

Introduction<br />

L’anémie due à un déficit en érythropoïétine est<br />

une complication fréquente de l’insuffisance rénale<br />

chronique. La carence martiale, fréquemment<br />

associée à l’insuffisance rénale chronique, est impliquée<br />

dans l’anémie du patient traité par dialyse<br />

[1, 2]. En outre le déficit en fer est un facteur de<br />

résistance à l’érythropoïétine. La carence martiale<br />

peut être corrigée par l’administration de fer par<br />

voie orale ou injectable [3]. Il est admis que les<br />

réserves en fer du patient en dialyse doivent être<br />

supérieures à celle de la population non dialysée.<br />

En effet, une carence martiale fonctionnelle est<br />

fréquemment observée chez les patients en<br />

insuffisance rénale chronique terminale. D’autre<br />

part, les besoins en fer sont augmentés après<br />

l’initiation d’un traitement par érythropoïétine en<br />

raison d’une stimulation de l’érythropoïèse.<br />

La carence martiale dite fonctionnelle est définie<br />

par une ferritinémie supérieure à100 ng/ml associée<br />

à un coefficient de saturation de la transferrine<br />

inférieur à 20 %. Selon les recommandations européennes<br />

(EBPG) la ferritinémie du patient en dialyse<br />

doit être comprise entre 200 et 500 µg/l sans qu’il<br />

soit fait de distinction entre les différentes<br />

modalités d’épuration extrarénale [4]. A l’inverse,<br />

selon les recommandations américaines (K-DOQI)<br />

la ferritinémie doit être supérieure à 100 µg/l pour<br />

les patients traités par la dialyse péritonéale et<br />

supérieure à 200 µg/l pour les patients en hémodialyse<br />

[5]. Enfin, le coefficient de saturation doit<br />

être supérieur à 20 % quelle que soit la modalité de<br />

dialyse. L’administration de fer par voie parentérale<br />

54<br />

peut être utilisée en cas d’intolérance et/ou de<br />

résistance au fer oral. Il n’existe pas de recommandations<br />

nationales ou internationales concernant<br />

le traitement de la carence martiale en dialyse<br />

péritonéale.<br />

La carence martiale en dialyse<br />

péritonéale<br />

Du fait de la fréquence <strong>des</strong> épiso<strong>des</strong> de spoliation<br />

sanguine, les besoins en fer sont plus importants<br />

chez le patient en hémodialyse comparativement à<br />

ceux du patient traité par dialyse péritonéale. On<br />

estime que le patient hémodialysé perd chaque<br />

année 1 à 3 grammes de fer alors que la perte<br />

annuelle de fer du patient en dialyse péritonéale est<br />

évaluée à 250 mg [6]. Dans l’étude ESAM, la<br />

prévalence de la carence martiale absolue et de la<br />

carence martiale relative en dialyse péritonéale<br />

était respectivement de 40 % et de 13 % [7]. Dans<br />

une étude nord-américaine portant sur 1219 patients<br />

traités par dialyse péritonéale, 36 % <strong>des</strong> patients<br />

avaient une ferritinémie inférieure à 100 µg/l et<br />

40 % <strong>des</strong> patients un coefficient de saturation de la<br />

transferrine inférieur à 20 % [8]. En France, les<br />

données du module anémie du registre de dialyse<br />

péritonéale de langue française (RDPLF) montrent<br />

que parmi 211 patients prévalents, 99 (47 %) ont une<br />

carence martiale. Paradoxalement, seul 50 % <strong>des</strong><br />

patients carencés sont supplémentés. A notre<br />

connaissance, en dialyse péritonéale, il n’existe pas<br />

de données disponibles concernant le rôle de la<br />

carence martiale, telle que définie par les recommandations<br />

internationales, sur l’anémie.


Le traitement de la carence martiale en<br />

dialyse péritonéale<br />

Administration du fer par voie orale<br />

Traitement de la carence martiale en dialyse péritonéale<br />

Le fer oral qui a l’avantage d’être bon marché et<br />

facile à administrer n’est pas toujours bien toléré sur<br />

le plan digestif. En France, les nombreuses présentations<br />

de fer oral disponibles contiennent entre<br />

33 mg et 105 mg de fer élément par comprimé. En<br />

hémodialyse, il a été montré que le fer par voie<br />

orale ne permettait pas de d’obtenir une balance<br />

martiale positive. En conséquence la voie intraveineuse<br />

doit être privilégiée dans cette population.<br />

En dialyse péritonéale, le fer oral est souvent<br />

recommandé en première intention du fait de<br />

besoins moins importants, de l’absence d’abord<br />

vasculaire et pour préserver le réseau veineux du<br />

patient. Comparativement à la population générale,<br />

l’absorption du fer est diminuée chez le patient<br />

en dialyse péritonéale. Il a en effet été montré que<br />

le fumarate ferreux et le sulfate ferreux sont moins<br />

bien absorbés chez le patient traité par dialyse<br />

péritonéale comparativement à <strong>des</strong> volontaires<br />

sains [9]. L’augmentation de la concentration<br />

plasmatique d’hepcidine pourrait expliquer le<br />

déficit d’absorption intestinale du fer observé dans<br />

cette population. L’utilisation de doses suprathérapeutiques<br />

(420 mg de fer élément par jour),<br />

permet d’obtenir un bilan martial positif au prix de<br />

nombreux effets indésirables digestifs ayant un<br />

impact négatif sur l’observance [10]. En outre,<br />

l’absorption intestinale du fer est réduite du fait de<br />

la prise concomitante fréquente de chélateurs du<br />

phosphore et d’inhibiteurs de la pompe à protons.<br />

Afin de réduire les troubles digestifs, le fer est<br />

généralement administré au moment <strong>des</strong> repas ce<br />

qui en réduit encore sa biodisponibilité. Malgré sa<br />

moindre efficacité, le fer oral est de loin le plus<br />

prescrit en dialyse péritonéale. Dans l’étude ESAM,<br />

64 % <strong>des</strong> patients en dialyse péritonéale recevaient<br />

une supplémentation martiale, administrée par<br />

voie orale dans 92 % <strong>des</strong> cas [7]. Dans la base de<br />

données HCFA parmi 1219 patients en dialyse<br />

péritonéale, 83 % étaient traités par fer dont 75 %<br />

par voie orale [8]. Le module anémie du RDPLF<br />

montre que seulement 45 % <strong>des</strong> patients sont<br />

traités par fer (37,5 % par voie orale et 9,5 % par voie<br />

intraveineuse). Malgré une utilisation relativement<br />

peu fréquente du fer, l’hémoglobine moyenne est<br />

de 11,56 g/dl, la ferritinémie moyenne de 277 µg/l et<br />

le coefficient de saturation moyen de 24,6 %.<br />

55<br />

Le fer par voie intraveineuse<br />

Une étude prospective randomisée récente montre<br />

qu’en dialyse péritonéale la voie intraveineuse est<br />

aussi plus efficace que la voie orale pour traiter un<br />

déficit en fer. Une étude randomisée incluant<br />

46 patients anémiques en dialyse péritonéale a<br />

comparé le fer sucrose administré par voie intraveineuse<br />

(200 mg/semaine) au succinate ferreux<br />

per os (200 mg/j) pendant une période de 2 mois.<br />

Cette étude montre que 83,3 % <strong>des</strong> patients traités<br />

par voie intraveineuse ont une augmentation de<br />

l’hémoglobine supérieure à 1,5 g/dl contre 30 % <strong>des</strong><br />

patients recevant un traitement par voie orale [11].<br />

En revanche, le coût du traitement était six fois plus<br />

important dans le groupe recevant le traitement<br />

par voie intraveineuse. Dans une autre étude<br />

portant sur 2297 patients, il a été montré que 200 mg<br />

fer sucrose pouvaient être injectés en 2 minutes<br />

avec un taux de 2,5 % d’effets indésirables mineurs<br />

[12]. Cette modalité d’administration n’est pas<br />

recommandée par l’AFSSAPS puisque le débit<br />

maximum autorisé est de 100 mg/30 minutes avec<br />

une dose maximale de 300 mg par injection. La<br />

dose maximale de fer sucrose par injection impose<br />

un fractionnement <strong>des</strong> injections pour corriger la<br />

carence martiale qui peut être par ailleurs la cause<br />

d’une altération du réseau vasculaire compromettant<br />

la création ultérieure d’un abord vasculaire<br />

pour hémodialyse. Or le transfert en hémodialyse<br />

est une situation souvent rencontrée chez le<br />

patient en dialyse péritonéale. Ainsi, même si une<br />

publication récente souligne l’importance du<br />

traitement optimal de la carence martiale en<br />

dialyse péritonéale, il apparaît comme clairement<br />

nécessaire de réduire la fréquence <strong>des</strong> administrations<br />

dans le but de protéger le réseau vasculaire<br />

<strong>des</strong> patients en dialyse péritonéale [13].<br />

Le fer dextran de bas poids moléculaire, disponible<br />

en France depuis 2008, est utilisé en Europe et aux<br />

Etats-unis depuis 1992. Ce dernier présente l’avantage<br />

de pouvoir être administré en une seule<br />

injection intraveineuse. Après une perfusion intraveineuse,<br />

le complexe fer dextran est rapidement<br />

absorbé par les cellules du système réticuloendothélial<br />

(foie et rate). Le fer est libéré lentement<br />

et lié aux protéines pour former de l’hémosidérine<br />

ou de la ferritine. La demi-vie plasmatique du fer lié<br />

et circulant est de 20 heures. On retrouve dans les<br />

urines et les selles de faibles quantités de fer.<br />

Le dextran est métabolisé ou excrété. Une aug-


mentation de l’hématopoïèse dans les 6 à 8 semaines<br />

suivant l’administration est observée. L’efficacité<br />

du fer dextran en dose unique chez les<br />

patients recevant de l’érythropoïétine en dialyse<br />

péritonéale a été évaluée en 1992 et en 1996<br />

par deux étu<strong>des</strong> portant sur un effectif limité<br />

de patients. Sept patients ont reçu une injection<br />

unique de fer dextran administrée par voie<br />

intraveineuse permettant une augmentation<br />

significative de l’hématocrite, du fer sérique, du<br />

coefficient de saturation de la transferrine et de la<br />

ferritinémie pendant six mois [14]. Les besoins en<br />

érythropoïétine ont diminué de 26 % sur une<br />

période de 6 mois. Le fer dextran administré en<br />

injections régulières à plus faibles doses conduit à<br />

<strong>des</strong> résultats similaires [15]. Une étude rétrospective<br />

a été publiée en 2001 sur l’administration à fortes<br />

doses (500 mg) de fer saccharose et/ou de fer<br />

dextran chez 62 patients traités en dialyse péritonéale<br />

[16]. Dans les trois groupes (33 patients<br />

sous fer dextran, 23 patients sous fer saccharose et<br />

5 patients sous les deux formes) à 3 mois, on notait<br />

une augmentation du taux d’hémoglobine, du<br />

coefficient de saturation de la transferrine, de la<br />

ferritine et une diminution <strong>des</strong> doses d’érythropoïétine.<br />

Nous venons d’effectuer une étude prospective<br />

multicentrique s’intéressant au fer dextran de faible<br />

poids moléculaire (Ferrisat ® ) chez <strong>des</strong> patients en<br />

insuffisance rénale terminale traités par dialyse<br />

péritonéale. Nous avons émis l’hypothèse qu’une<br />

administration unique de fer dextran par voie<br />

intraveineuse chez les patients présentant une<br />

anémie ferriprive en dialyse péritonéale permettait<br />

de corriger la carence martiale pendant une période<br />

de 4 mois. Les patients en dialyse péritonéale<br />

depuis plus de 3 mois ayant une anémie par<br />

carence martiale (définie par une hémoglobine<br />

inférieure à 11 g/dl associée à un coefficient de<br />

saturation de la transferrine < 20 % et/ou une<br />

ferritinémie < 100µg/l) pouvaient participer à l’étude.<br />

A l’inclusion, les patients recevaient une dose totale<br />

de fer dextran calculée à partir du taux d’hémoglobine<br />

et du poids corporel selon la formule<br />

suivante : (poids corporel (kg) x (12 - taux actuel<br />

d’Hb) (g/l) x 0.24) + 500 mg. Treize patients ont<br />

pu être inclus et ont reçu une dose moyenne<br />

de 753 ± 150 mg de Ferrisat ® administrée en<br />

une injection permettant une correction de la<br />

carence martiale sans qu’il ait été observé d’effet<br />

indésirable. Quatre mois après l’injection, 64 % <strong>des</strong><br />

Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

56<br />

patients avaient encore un stock martial dit normal<br />

alors que 6 mois après l’injection, la proportion de<br />

patients sans carence n’était plus que de 44 %.<br />

Entre l’injection et le quatrième mois on observait<br />

une augmentation de l’hémoglobine (10 ± 0,7 vs<br />

11,6 ± 1,3 g/dl, p


Traitement de la carence martiale en dialyse péritonéale<br />

vraisemblablement sous-utilisée. L’administration<br />

en dose unique, efficace dans cette population,<br />

devrait permettre de préserver le capital veineux et<br />

de faciliter l’organisation <strong>des</strong> soins. Les nouvelles<br />

Références<br />

1. Mercadal L, Deray G, Baumelou A. Quelle est la<br />

valeur optimale de l’hémoglobinémie du patient<br />

dialysé ? Néphrologie et Thérapeutique 2006;2 Suppl<br />

4:S239-44.<br />

2. Leray-Moragues H, Canaud B. Quels sont les<br />

principaux paramètres à surveiller pour optimiser le<br />

traitement de l'anémie chez le dialysé ? Quelle est la<br />

fréquence de surveillance et quelles sont les<br />

3.<br />

recommandations ? Néphrologie et Thérapeutique<br />

2006;2 Suppl 4:S245-8.<br />

Kessler M. Conduite et surveillance du traitement<br />

martial chez le patient dialysé. Néphrologie et<br />

Thérapeutique 2006;2 Suppl 4:S266-73.<br />

4. Macdougall IC, Horl WH, Jacobs C, Valderrabano F,<br />

Parrondo I, Thompson K, et al. European Best<br />

Practice Guidelines 6-8: assessing and optimizing<br />

iron stores. Nephrol Dial Transplant 2000;15 (Suppl 4):<br />

20-32.<br />

5. Clinical Practice Guidelines for Anemia of Chronic<br />

Kidney Disease. 2000. III Iron support. Am J Kidney<br />

Dis 2001;37:S182-S238.<br />

6. Müller-Wiefel DE, Scigalla P. Specific problems of<br />

renal anemia in childhood. Contrib Nephrol 1988;<br />

66:71-84.<br />

7. Jacobs C, ESAM study group. Enquête sur le<br />

8.<br />

traitement de l’anémie <strong>des</strong> patients dialysés en<br />

France (1998-1999) (Etude ESAM-France). Néphrologie<br />

2002;23(2):85-91.<br />

Bailie GR, Frankenfield DL, Prowant BF, McClellan W,<br />

Rocco MV. Erythropoietin and iron use in peritoneal<br />

dialysis patients. Report from the 1997 HCFA endstage<br />

renal disease core indicators project. Am J<br />

Kidney Dis 1999;33(6):1187-9.<br />

9. Domoto DT, Martin KJ. Failure of CAPD patients to<br />

respond to an oral iron absorption test. Adv Perit Dial<br />

1992;8:102-4.<br />

57<br />

formes de fer intraveineux devraient permettre<br />

d’améliorer la prise en charge de la carence martiale<br />

<strong>des</strong> patients traités par la dialyse péritonéale.<br />

10. Dittrich E, Puttinger H, Schneider B, Horl WH, Haag-<br />

Weber M, Vychytil A. Is absorption of high-dose oral<br />

iron sufficient in peritoneal dialysis patients? Perit Dial<br />

Int 2000;20(6):667-73.<br />

11. Li H, Wang SX. Intravenous iron sucrose in peritoneal<br />

dialysis patients with renal anemia. Perit Dial Int<br />

2008;28(2):149-54.<br />

12. Macdougall IC, Roche A. Administration of intravenous<br />

iron sucrose as a 2-minute push to CKD<br />

patients: a prospective evaluation of 2,297 injections.<br />

Am J Kidney Dis 2005;46(2):283-9.<br />

13. Wish JB. Intravenous iron: not just for hemodialysis<br />

patients anymore. Perit Dial Int 2008;28(2):126-9.<br />

14. Ahsan N, Groff J.A, Waybill M.A. Efficacy of bolus<br />

intravenous iron dextran treatment in peritoneal<br />

dialysis patients receiving recombinant human<br />

erythropoietin. Adv Perit Dial 1996;12:161-6.<br />

15. Suh H, Wadhwa NK. Iron dextran treatment in<br />

peritoneal dialysis patients on erythropoietin. Adv<br />

Perit Dial 1992;8:464-6.<br />

16. Prakash S, Walele A, Dimkovic N, Bargman J, Vas S,<br />

Oreopoulos D. Experience with a large dose (500 mg)<br />

of intravenous iron dextran and iron saccharate in<br />

peritoneal dialysis patients. Perit Dial Int 2001;21:<br />

290-5.<br />

17. Spinowitz BS, Kausz AT, Baptista J, Noble SD,<br />

Sothinathan R, Bernardo MV, Brenner L, Pereira BJ.<br />

Ferumoxytol for treating iron deficiency anemia in<br />

CKD. J Am Soc Nephrol 2008;19(8):1599-605.<br />

18. Provenzano R, Schiller B, Rao M, Coyne D, Brenner L,<br />

Pereira BJ. Ferumoxytol as an intravenous iron<br />

replacement therapy in hemodialysis patients. Clin J<br />

Am Soc Nephrol 2009;4(2):386-93.<br />

19. Bastani B, Galley S. Intraperitoneal iron-dextran as a<br />

potential route of iron therapy in CAPD patients. Perit<br />

Dial Int 1996;16(6):646-8.


Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

Maniement du fer en prédialyse<br />

Philippe Zaoui*, Thierry Romanet<br />

Clinique de Néphrologie - Pôle Digestif - Urologie - Néphrologie - Endocrinologie - CHU Grenoble<br />

Université J. Fourier – Pôle Santé – AGDUC - Grenoble<br />

1- Introduction<br />

L’anémie normocytaire normochrome arégénérative<br />

est un retentissement fréquent et une <strong>des</strong><br />

principales limitations à la réhabilitation <strong>des</strong><br />

patients porteurs d’une maladie rénale chronique<br />

(MRC). Sa fréquence et son intensité augmentent<br />

avec le stade de la MRC. La plupart <strong>des</strong> patients<br />

bénéficient de l’utilisation isolée, successive, ou<br />

combinée d’agents stimulant l’érythropoïèse (ASE)<br />

et de préparations martiales. En effet, l’utilisation<br />

maintenant routinière <strong>des</strong> ASE, avant même le<br />

stade de la suppléance, a permis d’évaluer et de<br />

traiter le principal facteur limitant leur efficacité que<br />

représente la carence, absolue ou fonctionnelle, en<br />

fer disponible pour l’érythropoïèse.<br />

Les bénéfices de cette prise en charge sont<br />

mesurables en termes de qualité de vie et de<br />

limitation <strong>des</strong> transfusions. Les coûts de l’instauration<br />

et du maintien de ces thérapeutiques sont<br />

cependant lourds et non optimisés. Surtout,<br />

l’évaluation <strong>des</strong> résultats, en termes d’efficience<br />

comme de morbi-mortalité, est plus mitigée au<br />

bout de 20 ans d’utilisation qu’au stade euphorique<br />

<strong>des</strong> débuts, rendant nécessaire une réactualisation<br />

permanente <strong>des</strong> recommandations et un<br />

ciblage <strong>des</strong> propositions thérapeutiques en<br />

fonction de la typologie <strong>des</strong> patients et de leur<br />

risque cardiovasculaire.<br />

*PZaoui@chu-grenoble.fr<br />

58<br />

2- Anémie et MRC<br />

Parmi les complications de la MRC, l’apparition<br />

d’une anémie sans cause intercurrente identifiée,<br />

marque un tournant évolutif significatif dans la<br />

progression de la MRC. Du stade 1 au stade 5 (K-<br />

DIGO), le pourcentage de patients anémiques<br />

augmente de 10 à 90 %. Une étude post-hoc de<br />

RENAAL [7] confirme un risque ajusté de doublement<br />

de la créatinine ou de nécessité de suppléance<br />

multiplié par 4,23 chez les patients présentant<br />

le quartile inférieur d’hémoglobine (Hb < 11,2) par<br />

rapport au quartile supérieur (Hb > 13,8).<br />

Dans la prise en charge de l’anémie de la MRC, on<br />

peut identifier 4 critères d’instauration d’une thérapeutique<br />

substitutive :<br />

• la recherche orientée ou systématique de<br />

complications intercurrentes à risque de spoliation<br />

sanguine digestive, gynécologique ou<br />

urologique, en particulier du fait <strong>des</strong> prélèvements<br />

sanguins itératifs et de l’utilisation large<br />

<strong>des</strong> anti-agrégeants et anticoagulants à visée de<br />

prévention neurovasculaire, coronarienne et<br />

dans l’artériopathie <strong>des</strong> membres inférieurs ;<br />

d’autant que la spoliation sanguine liée à leur<br />

utilisation s’accompagne d’une perte associée<br />

de fer héminique, par définition.<br />

• La tolérance de l’anémie en fonction de l’âge et<br />

de son aggravation par les traitements de fond<br />

nécessite de rechercher, souvent par <strong>des</strong><br />

examens paracliniques, <strong>des</strong> signes d’effort, une<br />

ischémie coronaire ou <strong>des</strong> membres inférieurs et


• d’évaluer l’impact de traitements comme les<br />

bloqueurs du système rénine-angiotensine ou<br />

les glitazones.<br />

• L’évaluation de la baisse de production rénale<br />

de l’Epo ne repose pas sur le dosage d’Epo<br />

endogène, examen coûteux, variable dans le<br />

temps, d’une hormone de courte demi-vie<br />

plasmatique. On retient ce diagnostic, par<br />

défaut, lorsque <strong>des</strong> causes médullaires ou<br />

périphériques ont été raisonnablement écartées.<br />

• L’évaluation <strong>des</strong> stocks et du circuit du fer dans<br />

l’organisme est un préalable absolu à la gestion<br />

de l’anémie de la MRC.<br />

L’anémie de la MRC est une complication sousestimée.<br />

Dans l’étude française ENTRED [11], moins<br />

de 50 % <strong>des</strong> diabétiques identifiés comme porteurs<br />

d’une MRC avaient bénéficié d’une numération<br />

sanguine au cours de l’année 2007. Dans une étude<br />

diabétologique anglaise [14], sur 820 patients dont<br />

80 % de diabétiques de type 2 suivis en diabétologie,<br />

pour un âge moyen de 62,2 ans et une<br />

ancienneté du diabète de 16 ans, les médianes<br />

d’hémoglobines apparaissaient, à première vue,<br />

satisfaisantes (H 139 g/l ; F 129 g/l). Mais, 190 diabétiques<br />

(23 %) étaient anémiques selon les critères<br />

de l’OMS, et non identifiés, dont 7% avec <strong>des</strong><br />

valeurs d’hémoglobine en <strong>des</strong>sous de 110 g/l, seuilcible<br />

théorique de mise en route d’une procédure<br />

d’évaluation de l’anémie et éventuellement de<br />

traitement. Les meilleurs prédicteurs de l’anémie<br />

dans cette population étaient d’abord la saturation<br />

de la sidérophiline (part explicative de 20 % de la<br />

variance de l’hémoglobine) puis le niveau de<br />

filtration glomérulaire estimé (part explicative de<br />

11 % de la variance de l’hémoglobine). En France,<br />

2 patients porteurs de MRC sur 3 ont une anémie<br />

à moins de 11 g d’Hb dont la moitié est traitée par<br />

ASE [3].<br />

3- Carence martiale au cours de la MRC<br />

L’efficacité globale <strong>des</strong> traitements par ASE dans la<br />

reconstitution de la production érythrocytaire, en<br />

dialyse comme en prédialyse, a confirmé a<br />

posteriori le rôle central du déficit en Epo dans<br />

l’anémie de la MRC. Mais la variabilité de la<br />

réponse biologique, de son délai et de son<br />

maintien, les modifications rapi<strong>des</strong> <strong>des</strong> marqueurs<br />

biologiques du fer stocké et transporté, avec ou<br />

sans traitement par ASE, a aussi interrogé sur le<br />

Maniement du fer en prédialyse<br />

59<br />

rythme, les risques, et les modalités d’administration<br />

de fer thérapeutique dans le maintien d’une<br />

érythropoïèse active.<br />

On estime entre 2 et 6 g le contenu en fer de<br />

l’organisme qui est réparti pour 70 % dans les<br />

globules rouges matures circulants et pour 30 %<br />

stocké, principalement sur la ferritine. Moins de<br />

0,1 % du fer est disponible, via la transferrine, entre<br />

le compartiment de stockage et le compartiment<br />

médullaire. L’absorption alimentaire et les pertes<br />

digestives sont en équilibre chez le sujet sain<br />

(1-2 mg par jour), ce qui n’est pas le cas du sujet<br />

porteur d’une MRC.<br />

On mesure indirectement le niveau de fer stocké<br />

par la quantité de ferritine circulante, et le fer<br />

transporté par le fer sérique et le coefficient de<br />

saturation en fer de la transferrine (CST) qui, seul,<br />

traduit le fer disponible pour les progéniteurs<br />

érythroï<strong>des</strong> matures. De nombreuses situations<br />

cliniques peuvent interférer dans l’interprétation de<br />

ces dosages (ménopause, inflammation, dénutrition,<br />

hyperparathyroïdie, injections de fer).<br />

Il existe 3 mécanismes principaux de carence<br />

martiale au cours de la MRC :<br />

• l’augmentation <strong>des</strong> pertes sanguines liée à la<br />

thrombopathie urémique ou pharmacologique<br />

(investigations invasives, anti-agrégeants, prélèvements<br />

veineux, chirurgie, abord vasculaire),<br />

• la captation privilégiée du fer par le système<br />

macrophagique activé (rôle anti-inflammatoire<br />

vis-à-vis <strong>des</strong> radicaux libres et anti-infectieux),<br />

• la diminution de l’absorption intestinale du fer<br />

liée à la MRC, aux modifications diététiques, et<br />

aux protecteurs gastriques et résines utilisés.<br />

On oppose classiquement deux modèles carentiels.<br />

D’une part, la carence absolue en fer (baisse<br />

concomitante de la ferritine en <strong>des</strong>sous de 100 µg<br />

et du CST en <strong>des</strong>sous de 20 %), facilement détectable<br />

et corrigeable. L’intérêt d’une surveillance<br />

régulière de ces marqueurs en prédialyse vise à<br />

corriger la carence avant l’apparition de l’anémie.<br />

Dans notre expérience, il existe un délai de 2 à<br />

9 mois entre la baisse <strong>des</strong> marqueurs martiaux et<br />

la baisse de production erythrocytaire. L’impact<br />

clinique du maintien <strong>des</strong> stocks en fer chez le sujet<br />

non anémique n’est cependant pas déterminé.<br />

D’autre part, de gestion plus difficile, on est<br />

souvent en présence d’une carence fonctionnelle


(CST entre 20 et 30 %, ferritine normale ou élevée).<br />

On peut s’aider alors de marqueurs érythrocytaires<br />

d’érythropoïèse inefficace (VGM, % erythrocytes<br />

hypochromes, concentration en hémoglobine<br />

<strong>des</strong> érythrocytes, % réticulocytes immatures), ou<br />

mesurer les transporteurs compétitifs du fer (Zn<br />

protoporphyrine, récepteurs solubles de la transferrine)<br />

qui traduisent l’impact du statut inflammatoire<br />

sur le circuit du fer et peuvent permettre<br />

de proposer une supplémentation martiale en cas<br />

de carence fonctionnelle, quasiment quel que soit<br />

le niveau de la réserve en fer [10]. Cette stratégie<br />

qui permet d’optimiser les doses d’ASE et de<br />

stabiliser le niveau de réponse érythrocytaire est à<br />

privilégier à la lumière <strong>des</strong> essais multicentriques<br />

récents.<br />

4- Les préparations utilisables<br />

Les préparations pharmaceutiques à base de fer<br />

recensées dans la base Thériaque sont répertoriées<br />

en :<br />

• préparations orales de fer bi/trivalent dont<br />

la plus utilisée dans notre centre est le<br />

Tardyferon® 80 mg associé ou non à la vitamine<br />

B9 sous forme de comprimés thermoformés à<br />

une dose journalière de 160 mg en une prise en<br />

dehors <strong>des</strong> repas pour maximaliser la faible<br />

absorption intestinale. Il existe, répertorié dans<br />

Thériaque, 10 formes orales : 7 de fer bivalent<br />

sous forme d’ascorbate (ferrograd®), chlorure (fer<br />

UCB®), fumarate (fumafer®), succinate (inofer®),<br />

sulfate (tardyferon®) ; 2 en association, et un fer<br />

trivalent (ferrostrane®), la plupart à faibles doses<br />

de fer-élément, dans l’indication de la prévention<br />

de la carence martiale de la femme enceinte et<br />

du nourrisson. Une seule étude a montré une<br />

efficacité identique avec 600 mg de sulfate<br />

ferreux quotidien vs 300 mg fer-sucrose mensuel<br />

dans l’amélioration de l’anémie de la MRC [13], ce<br />

qui a été confirmé récemment par une métaanalyse<br />

montrant une amélioration de 0,31 g d’Hb<br />

en faveur de l’utilisation du fer IV avant la dialyse<br />

contre 0,83 g chez les patients en dialyse [12] ;<br />

• préparations parentérales de fer trivalent sous<br />

forme de complexes :<br />

- Fer - Sorbitol - Acide citrique<br />

- Gluconate ferrique sodique<br />

- Oxyde ferrique – Dextran<br />

- Sorbitol ferrique - Acide gluconique<br />

- Dextriferron<br />

- Oxyde de fer sucre<br />

Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

60<br />

Seuls les complexes oxyde ferrique-Dextran (Ferrisat®)<br />

et oxyde de fer-sucre (Venofer®, Maltofer®, Fer<br />

Mylan®) sont disponibles par voie parentérale,<br />

certains en IM (Maltofer®, Fer Mylan®). Ils apportent<br />

entre 100 et 500 mg (Ferrisat) de fer-élément<br />

avec la nécessité de dose-test, de dilution et de<br />

vitesse d’injection variables, pas toujours compatibles<br />

avec les impératifs <strong>des</strong> hôpitaux de jour et<br />

<strong>des</strong> infirmiers libéraux.<br />

5- Maniement <strong>des</strong> ASE et du fer<br />

L’utilisation <strong>des</strong> ASE et l’augmentation de l’incorporation<br />

du fer dans les progéniteurs médullaires<br />

démasquent fréquemment une baisse <strong>des</strong> réserves<br />

en fer qui, en dehors d’un suivi biologique<br />

régulier, au moins semestriel, limite secondairement<br />

la réponse biologique <strong>des</strong> ASE. L’érythropoïèse<br />

induite par les ASE entraîne en moyenne<br />

une baisse de 50 % de la ferritine et du taux de<br />

saturation de la transferrine [6].<br />

Dans l’anémie de la MRC, les recommandations de<br />

suivi <strong>des</strong> stocks martiaux, pour <strong>des</strong> cibles d’hémoglobine<br />

entre 11 et 12 g/l, ont été définis [4]. Dans<br />

la pratique, l’application de ces recommandations<br />

reste difficile même chez le patient dialysé. Dans<br />

l’étude DiaNE [8], l’observation du taux d’hémoglobine<br />

à un moment donné montre que seule une<br />

faible proportion (34 %) de patients dialysés se<br />

maintient dans les cibles. Une étude <strong>des</strong>criptive<br />

menée au CHU de Grenoble chez <strong>des</strong> patients IRC<br />

en prédialyse a montré <strong>des</strong> résultats déjà similaires<br />

à ceux de l’étude DIaNE : chez 36 patients IRC à un<br />

stade plus précoce (avec un Débit de Filtration<br />

Glomérulaire (DFG) compris entre 15 et 60 mL/<br />

min/1.73 m 2 ), l’analyse de l’hémoglobinémie<br />

mesurée à un moment donné a révélé que seuls<br />

31 % <strong>des</strong> patients avaient une hémoglobinémie<br />

entre 11 et 12 g/dL [1]. De plus, comme dans l’étude<br />

DiaNE, l’analyse du statut martial a montré que<br />

45 % <strong>des</strong> patients avaient une carence martiale<br />

avérée non supplémentée. La carence martiale<br />

précède donc la prise en charge en suppléance, et<br />

son niveau semble peu modifié au cours du suivi,<br />

traduisant le défaut de prise en compte <strong>des</strong><br />

anomalies biologiques et/ou l’inefficacité <strong>des</strong><br />

mesures thérapeutiques.<br />

Pourtant, la variabilité <strong>des</strong> niveaux d’hémoglobine<br />

et l’index d’efficacité <strong>des</strong> ASE (UI ASE/kg /semaine/g<br />

Hb/100 ml) reflètent les coûts, l’efficience et, éven-


tuellement, les risques d’effets indésirables en cas<br />

d’augmentation ou de modification inappropriées<br />

<strong>des</strong> doses d’ASE. Dans ce suivi, une adaptation <strong>des</strong><br />

apports en fer aux besoins en ASE, un algorythme<br />

de prise en charge, et la participation d’autres<br />

soignants (IDE, pharmacien clinicien) sont vivement<br />

recommandés mais non encore évalués [5].<br />

6- Efficacité et limites <strong>des</strong> traitements<br />

substitutifs<br />

La recherche de la plus faible dose d’ASE,<br />

l’augmentation de l’intervalle <strong>des</strong> injections et<br />

l’association d’emblée à une recharge en fer,<br />

d’abord orale puis IV, en fonction de la réponse<br />

erythropoïétique sont maintenant <strong>des</strong> attitu<strong>des</strong><br />

courantes vis-à-vis <strong>des</strong> patients anémiques ambulatoires<br />

[2]. Dans le cadre <strong>des</strong> essais cliniques <strong>des</strong><br />

ASE, dans notre expérience, environ 1 patient sur<br />

3 nécessite une supplémentation en fer pour<br />

atteindre les objectifs demandés (ferritine > 100 µg,<br />

CST 15-20 %), celle-ci est obtenue en moins de<br />

6 mois, avec un recours à la voie IV chez moins de<br />

20 % <strong>des</strong> patients. Les troubles digestifs sont<br />

cependant quasi-systématiques avec la voie orale,<br />

en particulier chez les patients sous metformine<br />

qui sont les plus à même d’arrêt précoce du<br />

traitement. Des réactions légères (12 %) (goût<br />

métallique, céphalées, étourdissement, sensation<br />

de gêne au site d’injection) ou plus sévères<br />

Références<br />

1. Blondel E. Évaluation de la prise en charge de<br />

l’anémie par ASE chez les patients IRC et implication<br />

du pharmacien clinicien dans cette prise en charge.<br />

Mémoire de DES. UCBL Lyon 1. Janvier 2008<br />

2. Charytan C, Qunibi W, Bailie GR, Venofer Clinical<br />

Studies Group. Comparison of intravenous iron<br />

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Nephron Clin Pract 2005;100(3):c55-62.<br />

3. Couchoud C, Frimat L, Aldiger JC, de Cornelissen F,<br />

Dabot C, Joyeux V et al. Incidence et évaluation <strong>des</strong><br />

traitements de suppléance de l’insuffisance rénale<br />

chronique dans sept régions françaises en 2003. BEH<br />

2005;3:27-38.<br />

4. Courtney AE, Maxwell AP. Critiques of clinical<br />

guidelines in nephrology: anaemia. Nephron Clin<br />

Pract 2008;110(2):c115-25.<br />

Maniement du fer en prédialyse<br />

61<br />

(1 hypotension, 1 choc nécessitant remplissage et<br />

surveillance) nécessitent d’instaurer la première<br />

perfusion en hôpital de jour, les doses suivantes<br />

pouvant être effectuées à domicile pour près de la<br />

moitié <strong>des</strong> patients. Par contre, les risques à long<br />

terme (surcharge, stress oxydant, déficit immunitaire)<br />

restent théoriques et d’évaluation difficile.<br />

Si l’étude TREAT [9] ne montre pas de supériorité à<br />

augmenter l’hémoglobinémie de 10,6 g à 12,5 g,<br />

elle confirme le déséquilibre tensionnel minime<br />

mais significatif, le sur-risque neurovasculaire et de<br />

maladies thrombo-emboliques à l’utilisation de<br />

doses élevées d’ASE (176 µg/semaine) ainsi que<br />

l’augmentation progressive de l’hémoglobine dans<br />

le groupe placebo liée à la prise en charge multifactorielle<br />

et à l’adjonction de fer seul dans ce<br />

groupe.<br />

7- Conclusion<br />

La prise en charge de l’anémie au stade de la MRC<br />

implique une évaluation prudente <strong>des</strong> besoins en<br />

ASE et en fer, un protocole de substitution à doses<br />

faibles mais répété dans le temps, une surveillance<br />

clinique et paraclinique rapprochée dans <strong>des</strong> cibles<br />

étroites, et au-delà du critère intermédiaire que<br />

représente l’hémoglobine, en particulier chez les<br />

patients fragiles sur le plan cardiovasculaire (AVC,<br />

insuffisance cardiaque).<br />

5. Gilmartin C. Pharmacist's role in managing anemia<br />

in patients with chronic kidney disease: potential<br />

clinical and economic benefits. Am J Health Syst<br />

Pharm 2007 Jul 1;64(13 Suppl 8):S15-22.<br />

6. Heiss MM, Tarabachi A, Delanoff C et al. Perisurgical<br />

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colorectal cancer: a double-blind randomized study.<br />

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7. Keane WF, Brenner BM, de Zeeuw D, Grunfeld JP,<br />

McGill J, Mitch WE, Ribeiro AB, Shahinfar S, Simpson<br />

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The risk of developing end-stage renal disease in<br />

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RENAAL study. Kidney Int 2003 Apr;63(4):1499-507.<br />

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France? Results of the DiaNE study. Nephrol Ther 2009<br />

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9. Pfeffer MA, Burdmann EA, Chen CY, Cooper ME, de<br />

Zeeuw D, Eckardt KU, Feyzi JM, Ivanovich P,<br />

Kewalramani R, Levey AS, Lewis EF, McGill JB,<br />

McMurray JJ, Parfrey P, Parving HH, Remuzzi G, Singh<br />

AK, Solomon SD, Toto R; TREAT Investigators. A trial<br />

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kidney disease. N Engl J Med 2009 Nov 19;<br />

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10. Richardson D, Barlett C, Will EJ. Optimizing erythropoietin<br />

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11. Romon I, Fosse S, Eschwège E, Simon D, Weill A,<br />

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Prevalence of macrovascular complications and<br />

cardiovascular risk factors in people treated for<br />

diabetes and living in France: the ENTRED study 2001.<br />

Diabetes Metab 2008 Apr;34(2):140-7.<br />

Chapitre 3 - Le fer dans tous ses états<br />

62<br />

12. Rozen-Zvi B, Gafter-Gvili A, Paul M, Leibovici L,<br />

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CKD: systematic review and meta-analysis. Am J<br />

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13. Stoves J, Inglis H, Newstead CG. A randomised study<br />

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patients with progressive renal insufficiency treated<br />

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diabetes: a cross-sectional survey. Diabetes Care<br />

2003 Apr;26(4):1164-9.


63<br />

Chapitre 4<br />

L’arrêt<br />

cardiaque<br />

chez le<br />

patient<br />

hémodialysé


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

Épidémiologie <strong>des</strong> patients ayant présenté<br />

un arrêt cardiaque en hémodialyse<br />

Philippe Brunet<br />

Centre de Néphrologie et de Transplantation rénale, Hôpital de la Conception, Marseille<br />

Les connaissances sur l’épidémiologie <strong>des</strong> patients<br />

ayant présenté un arrêt cardiaque en hémodialyse<br />

reposent sur les travaux de Moss en 1992 [1], de Lai<br />

en 1999 [2], de Karnik en 2001 [3], Lafrance en<br />

2006 [4], Pun en 2007 [5], Lehrich en 2007 [6] et Davis<br />

en 2008 [7] (Tableau 1). Ces auteurs se sont intéressés<br />

aux arrêts cardiaques survenus dans l’unité<br />

d’hémodialyse, ce qui est assez différent de l’ensemble<br />

<strong>des</strong> arrêts cardiaques susceptibles de survenir<br />

dans une unité d’hospitalisation ou au domicile.<br />

Globalement, si les arrêts cardiaques sont une<br />

cause fréquente de mortalité chez les patients dialysés,<br />

les arrêts cardiaques survenant dans l’unité<br />

d’hémodialyse ne représentent que 10 à 15 % de<br />

l’ensemble <strong>des</strong> arrêts cardiaques [1]. Le nombre relativement<br />

important d’articles sur ce sujet est probablement<br />

lié au caractère choquant de ces arrêts<br />

cardiaques qui surviennent dans un milieu très surveillé<br />

et où <strong>des</strong> mesures préventives semblent pouvoir<br />

être mises en place. L’analyse <strong>des</strong> articles montre<br />

une écrasante prédominance <strong>des</strong> étu<strong>des</strong><br />

nord-américaines. Le nombre d’évènements analysés<br />

est très variable (Tableau 1).<br />

Quelle est l’incidence <strong>des</strong> arrêts<br />

cardiaques en hémodialyse ?<br />

Les mo<strong>des</strong> d’analyse les plus variés ont été utilisés<br />

dans les différentes étu<strong>des</strong> publiées. Un <strong>des</strong> premiers<br />

problèmes qui se posent lorsqu’on veut analyser<br />

l’incidence <strong>des</strong> arrêts cardiaques en hémodialyse<br />

est de savoir si l’on parle de la totalité <strong>des</strong><br />

arrêts cardiaques survenant en unité d’hémodialyse<br />

ou bien seulement <strong>des</strong> arrêts cardiaques<br />

qui ont fait l’objet d’une réanimation. La majorité<br />

64<br />

<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> ne comptabilisent que les arrêts cardiaques<br />

ayant fait l’objet d’une réanimation. Il faut<br />

cependant souligner qu’un certain nombre d’arrêts<br />

cardiaques ne donnent pas lieu à une réanimation.<br />

C’est le cas en particulier <strong>des</strong> patients qui ont<br />

explicitement demandé à ne pas être réanimés en<br />

cas d’arrêt cardiaque. Il s’agit d’une attitude qui<br />

paraît relativement répandue aux États-Unis. Ainsi,<br />

dans l’étude de Pun et coll [5] réalisée entre 2003<br />

et 2005 dans les centres Gambro aux USA, sur les<br />

797 arrêts cardiaques répertoriés, 53 (6 %) n’ont<br />

pas été réanimés en raison <strong>des</strong> consignes préalablement<br />

données par les patients. L’incidence <strong>des</strong><br />

arrêts cardiaques en HD a été évaluée à 1 pour 82<br />

patients années, soit 0,8 pour 10 000 séances par<br />

Moss et coll, 0,7 pour 10 000 séances dans l’étude<br />

de Karnik et coll [3], 1,2 pour 10 000 séances dans<br />

l’étude de Lafrance et coll [4], et 0,45 pour 10 000<br />

séances dans l’étude de Lerich et coll [6].<br />

Les arrêts cardiaques surviennent-ils<br />

plus fréquemment dans les unités<br />

d’hémodialyse que dans les autres<br />

secteurs d’un établissement hospitalier ?<br />

Seule l’étude de Lai et coll [2] a tenté de répondre<br />

à cette question. Il semble que les arrêts cardiaques<br />

soient plutôt moins fréquents en hémodialyse que<br />

dans d’autres secteurs. Dans ce travail, l’incidence<br />

<strong>des</strong> réanimations cardio-respiratoires est de 0,02 %<br />

en hémodialyse contre 0,11 % dans les unités de<br />

soins conventionnelles, 0,16 % dans les unités de<br />

soins intensifs, et 0,38 % dans le service d’urgences.


Épidémiologie <strong>des</strong> patients ayant présenté un arrêt cardiaque en hémodialyse<br />

Origine Évènements Période Description de l’étude<br />

avec<br />

réanimation<br />

Moss 1992 US West Virginia 5 1983-1991 Comparaison de 221 sujets HD avec<br />

1201 sujets non HD ayant présenté un<br />

arrêt cardiaque<br />

Lai 1999 Taiwan 24 1990 Étude rétrospective de 24 patients<br />

ayant eu une réanimation dans un<br />

centre HD<br />

Karnik 2001 Centres Fresenius 401 1998-1999 étude de 401 patients d’Amérique du<br />

Nord avec arrêt cardiaque comparés à<br />

une cohorte de plus de 77 000 patients<br />

Lafrance Canada Montreal 38 1997-2004 Étude de 38 patients HD ayant subi en<br />

2006 une réanimation en HD comparés<br />

à une cohorte de 257 patients<br />

Pun 2007 Centres Gambro US 729 2002-2005 Comparaison entre survivants et non<br />

survivants à 24 h et 6 mois<br />

Lehrich Centres Gambro US 729 2002-2005 L’influence <strong>des</strong> défibrillateurs 2007<br />

automatiques externes est analysée<br />

dans la même cohorte<br />

Davis 2008 US Seattle 110 1990-2004 Analyse <strong>des</strong> appels parvenus aux<br />

services d’urgence ; pas de groupe<br />

comparatif<br />

Tableau 1 : publications analysant les arrêts cardiaques survenus au cours <strong>des</strong> séances d’hémodialyse (HD)<br />

Quel est le pronostic <strong>des</strong> arrêts<br />

cardiaques en hémodialyse ?<br />

Globalement, le pronostic n’est pas bon. Dans<br />

l’étude de Lai [2], la survie à 24 h est de 46 % et la<br />

survie à 1 mois est de 8 % seulement. Le pronostic<br />

est plus mauvais que celui <strong>des</strong> arrêts cardiaques<br />

survenus dans les autres secteurs de l’hôpital. Dans<br />

l’étude de Karnik et coll [3], la survie à 48 h est de<br />

40 %. Parmi les patients qui décèdent dans les<br />

48 premières heures, la majorité sont réanimés<br />

avec succès dans un premier temps mais décèdent<br />

secondairement dans le trajet entre l’unité<br />

de dialyse et l’unité de soins intensifs. Dans l’étude<br />

de Pun et coll [5], la survie à 24 h est de 42 % et la<br />

survie à 6 mois est de 11 %. Dans l’étude de Davis<br />

et coll [7], la survie à un an est de 15 %. Un travail<br />

65<br />

de Herzog et coll [8] suggère que la mise en place<br />

d’un défibrillateur implantable après arrêt cardiaque<br />

chez les patients dialysés améliore le pronostic.<br />

Quel est le moment exact de survenue<br />

de l’arrêt cardiaque par rapport à la<br />

séance de dialyse ?<br />

L’étude de Davis et coll [7] montre que 65 % <strong>des</strong> arrêts<br />

cardiaques surviennent pendant la séance.<br />

L’étude de Karnik et coll [3] montre que 81 % <strong>des</strong> arrêts<br />

cardiaques surviennent pendant la séance, 7 %<br />

avant la séance et 12 % après la séance, avant le départ<br />

de l’unité. Dans l’étude de Lafrance et coll [4],<br />

78 % <strong>des</strong> arrêts cardiaques surviennent pendant la<br />

séance, 14 % avant et 8 % après la séance.


Y a-t-il un moment dans la semaine où<br />

les arrêts cardiaques sont plus<br />

fréquents ?<br />

Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

Plusieurs analyses ont été faites sur la relation entre<br />

fréquence <strong>des</strong> arrêts cardiaques et jour de la semaine.<br />

Karnik et coll [3] ont montré une fréquence<br />

<strong>des</strong> arrêts cardiaques en dialyse presque doublée<br />

le lundi par rapport aux autres jours de la semaine.<br />

Ceci vient confirmer l’étude de Bleyer [9] qui a été<br />

faite sur l’ensemble <strong>des</strong> décès de patients dialysés.<br />

Dans cette étude réalisée sur plus de 300 000 décès<br />

répertoriés dans le registre de l’USRDS entre<br />

1977 et 1997, les décès étaient également plus fréquents<br />

le lundi. Cette observation a été attribuée<br />

à la longueur de l’intervalle interdialytique du<br />

week-end qui est associée à une prise de poids et<br />

à <strong>des</strong> modifications électrolytiques plus importantes<br />

que durant le reste de la semaine. La fréquence<br />

moindre d’arrêts cardiaques survenant le<br />

mardi pourrait être liée au fait que les patients dialysés<br />

sur la série du mardi-jeudi-samedi voient<br />

leur week-end coupé par la dialyse du samedi.<br />

Celle-ci permettrait d’absorber une partie de la<br />

prise de poids et de la charge potassique dès le milieu<br />

du week-end.<br />

Les causes <strong>des</strong> arrêts cardiaques<br />

survenant en hémodialyse peuvent-elles<br />

être identifiées ?<br />

Les causes ont été analysées dans l’étude de Karnik<br />

et coll [3] sur une série de 400 cas. Ces auteurs<br />

considèrent que 96,5 % <strong>des</strong> causes sont d’origine<br />

cardiaque. Parmi les causes cardiaques, un trouble<br />

du rythme est documenté chez 16,5 % <strong>des</strong> patients.<br />

Il s’agit de fibrillation ventriculaire, de tachycardie<br />

ventriculaire ou d’asystolie. Parmi les 3,5 %<br />

d’arrêt cardiaque d’origine non cardiaque, les<br />

causes identifiées sont <strong>des</strong> crises convulsives, <strong>des</strong><br />

arrêts respiratoires, <strong>des</strong> réactions allergiques à <strong>des</strong><br />

médicaments, <strong>des</strong> hématomes cérébraux posttraumatiques<br />

et <strong>des</strong> embolies pulmonaires. Moss<br />

et coll [1] évoquent également l’hypotension, la<br />

réaction anaphylactoïde au dialyseur et l’embolie<br />

gazeuse. Dans l’étude de Lafrance et coll [4], un<br />

trouble du rythme est identifié dans 50 % <strong>des</strong><br />

cas.<br />

66<br />

Existe-t-il <strong>des</strong> facteurs de risque d’arrêt<br />

cardiaque en hémodialyse et peut-on les<br />

modifier ?<br />

Dans l’étude de Karnik et coll [3], les patients ayant<br />

présenté un arrêt cardiaque ont été comparés avec<br />

l’ensemble <strong>des</strong> patients dialysés. Certaines caractéristiques<br />

ne sont pas modifiables et n’ont donc pas<br />

réellement un intérêt pratique. Karnik et coll observent<br />

ainsi que, par rapport à l’ensemble <strong>des</strong> dialysés,<br />

les patients ayant présenté un arrêt cardiaque<br />

sont plus âgés (66 ans en moyenne contre 60 ans),<br />

sont plus souvent diabétiques (62 % contre 47 %),<br />

sont plus souvent dialysés avec un cathéter (34 %<br />

contre 28 %). Il est intéressant de noter que 30 %<br />

<strong>des</strong> patients ont été hospitalisés au cours <strong>des</strong><br />

30 jours précédents. Lafrance et coll [4] montrent<br />

que l’insuffisance cardiaque et la coronaropathie<br />

sont <strong>des</strong> facteurs de risque d’arrêt cardiaque. Dans<br />

l’étude de Karnik et coll [3], les valeurs biologiques<br />

récentes montrent chez les patients ayant présenté<br />

un arrêt cardiaque une bicarbonatémie plus élevée<br />

(20,7 contre 19,9 mmol/l), une phosphorémie plus<br />

basse (1,70 contre 1,83 mmol/l), une azotémie plus<br />

basse (19,3 contre 20,5 mmol/l), une créatininémie<br />

plus basse (644 contre 705 micromol/l) et une albuminémie<br />

plus basse (35,3 contre 36,8 g/l). Ces différences<br />

font évoquer un état nutritionnel moins bon<br />

dans le groupe <strong>des</strong> sujets ayant présenté un arrêt<br />

cardiaque. D’autres caractéristiques, en revanche,<br />

paraissent plus intéressantes car elles pourraient révéler<br />

<strong>des</strong> éléments modifiables. Ainsi, sur le plan<br />

thérapeutique, les auteurs soulignent qu’une<br />

concentration en potassium dans le dialysat à 0 ou<br />

1 mmol/l était prescrite chez 17,1 % <strong>des</strong> patients<br />

avec arrêt cardiaque contre 8,8 % de l’ensemble de<br />

la cohorte. Parmi ces patients, 17 % avaient une kaliémie<br />

prédialytique inférieure à 4 mmol/l. Il est très<br />

surprenant de voir <strong>des</strong> prescriptions de potassium<br />

aussi basses dans le dialysat. Cependant, les centres<br />

de dialyse américains ne sont pas les seuls à<br />

avoir ce type de pratique, puisque dans l’expérience<br />

canadienne rapportée par Lafrance et coll<br />

[4], 25 % <strong>des</strong> patients avaient une prescription de<br />

potassium dans le dialysat à 1 mmol/l ou plus bas.<br />

Karnik et coll [3] ont également recherché <strong>des</strong><br />

symptômes annonciateurs de l’arrêt cardiaque. Il<br />

est décevant de voir que la majorité <strong>des</strong> patients<br />

n’a présenté aucun symptôme annonciateur. Moins<br />

de 10 % <strong>des</strong> patients ont présenté un symptôme<br />

non spécifique tel qu’une dyspnée, une sensation<br />

de malaise, <strong>des</strong> nausées, <strong>des</strong> douleurs thoraciques,


Épidémiologie <strong>des</strong> patients ayant présenté un arrêt cardiaque en hémodialyse<br />

<strong>des</strong> vomissements, <strong>des</strong> douleurs abdominales ou<br />

une hypertension. Un peu plus fréquemment, les<br />

patients ont présenté une hypotension avec systolique<br />

inférieure à 100 mmHg (23 %) ou une chute<br />

de la pression artérielle systolique d’au moins<br />

30 mmHg (16 %). L’analyse <strong>des</strong> traitements administrés<br />

avant l’arrêt cardiaque montre chez 11 % <strong>des</strong><br />

patients seulement <strong>des</strong> agents hypertoniques tels<br />

que mannitol, glucosé à 50 % et sel hypertonique.<br />

Un point intéressant est celui soulevé par Pun et<br />

coll [5] qui ont analysé les facteurs associés à une<br />

meilleure survie après arrêt cardiaque. Ils observent<br />

que seule l’utilisation <strong>des</strong> bêta-bloquants, <strong>des</strong><br />

inhibiteurs calciques, <strong>des</strong> inhibiteurs de l’enzyme de<br />

conversion, <strong>des</strong> antagonistes <strong>des</strong> récepteurs de<br />

l’angiotensine au moment de l’évènement est associée<br />

à une meilleure évolution.<br />

Une dernière question intéressante<br />

est celle de l’influence <strong>des</strong> défibrillateurs<br />

automatiques externes (DAE) sur le pronostic<br />

<strong>des</strong> arrêts cardiaques survenant<br />

dans les unités d’hémodialyse<br />

Aux États-Unis, la National Kidney Foundation et le<br />

Center for Medicare and Medicaid ont recommandé<br />

depuis 2005 de placer <strong>des</strong> DAE dans les unités<br />

de dialyse. Dans cette optique, Lehrich et coll [6]<br />

ont analysé le pronostic <strong>des</strong> patients ayant présenté<br />

un arrêt cardiaque en dialyse en présence ou<br />

non d’un DAE dans l’unité. Cette analyse a été faite<br />

sur les 729 arrêts cardiaques répertoriés dans les<br />

centres Gambro américains entre 2002 et 2005. Un<br />

total de 492 arrêts cardiaques sont survenus dans<br />

<strong>des</strong> unités non équipées de DAE et 237 dans <strong>des</strong><br />

unités équipées. Aucune différence de survie n’a<br />

été observée en fonction de la présence ou non<br />

d’un DAE dans l’unité de dialyse. La survie à 3 mois<br />

a été de 14 % dans le groupe avec DAE contre 12 %<br />

dans le groupe sans DAE. La survie à un an a été<br />

respectivement de 9,5 % et de 7,8 %. Lorsque l’ana-<br />

67<br />

lyse est restreinte aux patients avec rythme choquable,<br />

aucun bénéfice de la présence du DAE n’a<br />

été observé. Cette étude a cependant le défaut<br />

d’être rétrospective et de ne pas préciser si les<br />

équipes soignantes savaient se servir d’un DAE.<br />

Cette réserve sur les DAE semble confirmée par<br />

l’étude de Davis [7] qui a colligé les appels reçus<br />

dans un service d’urgences et provenant d’unités<br />

de dialyse satellites entre 1990 et 2004. L’équipe<br />

<strong>des</strong> urgences a noté que parmi les patients ayant<br />

présenté un arrêt cardiaque dans une unité équipée<br />

d’un DAE, seule la moitié avaient un DAE en<br />

place lors de l’arrivée de l’équipe d’urgence. Les auteurs<br />

ne connaissent pas les raisons exactes de<br />

cette sous-utilisation et ils ne peuvent que supposer<br />

qu’il s’agit d’un manque d’information, d’entrainement,<br />

et de maintenance <strong>des</strong> connaissances au<br />

sein <strong>des</strong> équipes de dialyse.<br />

En conclusion, les arrêts cardiaques dans l’unité<br />

de dialyse sont <strong>des</strong> évènements relativement rares<br />

mais ils s’accompagnent d’un pronostic mauvais.<br />

Les facteurs exacts sont peu clairs. Cependant, sur<br />

la base <strong>des</strong> données existantes, les stratégies préventives<br />

doivent se focaliser sur <strong>des</strong> manœuvres<br />

simples : éviter les variations excessives de la kaliémie,<br />

prévenir les hypotensions, accorder une attention<br />

particulière aux patients hospitalisés ou récemment<br />

hospitalisés. Veiller à prescrire aux<br />

patients dialysés <strong>des</strong> antihypertenseurs cardioprotecteurs.<br />

La question de la modification du programme<br />

de dialyse peut se poser pour les patients<br />

ayant les prises de poids et les variations de kaliémie<br />

les plus importantes pour éviter l’intervalle interdialytique<br />

du vendredi au lundi. Cette modification<br />

de programme pourrait faire appel à <strong>des</strong><br />

dialyses quotidiennes, à une dialyse supplémentaire<br />

le samedi ou bien un choix préférentiel<br />

pour ces patients de la série du mardi-jeudi-samedi<br />

qui permettrait une halte salutaire au milieu<br />

du week-end.


Références<br />

Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

1. Moss AH, Holley JL, Upton MB. Outcomes of<br />

cardiopulmonary resuscitation in dialysis patients. J<br />

Am Soc Nephrol 1992;3:1238-43.<br />

2 Lai M, Hung K, Huang J, Tsai T. Clinical findings and<br />

outcomes of intra-hemodialysis cardiopulmonary<br />

resuscitation. Am J Nephrol 1999;19:468-73.<br />

3. Karnik JA, Young BS, Lew NL, Herget M, Dubinsky C,<br />

Lazarus JM, Chertow GM. Cardiac arrest and sudden<br />

death in dialysis units. Kidney Int 2001;60:350-7.<br />

4. Lafrance JP, Nolin L, Senécal L, Leblanc M. Predictors<br />

and outcome of cardiopulmonary resuscitation (CPR)<br />

calls in a large haemodialysis unit over a seven-year<br />

period. Nephrol Dial Transplant 2006;21:1006-12.<br />

5. Pun PH, Lehrich RW, Smith SR, Middleton JP. Predictors of<br />

survival after cardiac arrest in outpatient hemodialysis<br />

clinics. Clin J Am Soc Nephrol 2007;2:491-500.<br />

68<br />

6. Lehrich RW, Pun PH, Tanenbaum ND, Smith SR,<br />

Middleton JP. Automated external defibrillators and<br />

survival from cardiac arrest in the outpatient<br />

hemodialysis clinic. J Am Soc Nephrol 2007;18:312-20.<br />

7. Davis TR, Young BA, Eisenberg MS, Rea TD, Copass<br />

MK, Cobb LA. Outcome of cardiac arrests attended<br />

by emergency medical services staff at community<br />

outpatient dialysis centers. Kidney Int 2008;73:933-9.<br />

8. Herzog CA, Li S, Weinhandl ED, Strief JW, Collins AJ,<br />

Gilbertson DT. Survival of dialysis patients after<br />

cardiac arrest and the impact of implantable<br />

cardioverter defibrillators. Kidney Int 2005;68:818-25.<br />

9. Bleyer AJ, Russell GB, Satko SG. Sudden and cardiac<br />

death rates in hemodialysis patients. Kidney Int<br />

1999;55:1553-9.


Conduite à tenir devant un arrêt cardiaque<br />

en hémodialyse chronique<br />

Yosu Luque, Christophe Ridel*, Eric Rondeau<br />

Service <strong>des</strong> Urgences Néphrologiques et Transplantation Rénale, Hôpital Tenon, Paris<br />

Introduction<br />

Les patients en hémodialyse (HD) chronique ont un<br />

risque accru de décès en comparaison à la population<br />

générale. Les maladies cardiovasculaires restent<br />

la première cause de décès chez ces patients<br />

(41 % <strong>des</strong> décès, hémodialyse et dialyse péritonéale<br />

confondues) [1].<br />

L’arrêt cardio-respiratoire (ACR) correspond à l’interruption<br />

soudaine de l’activité circulatoire. Il représente<br />

22 à 26 %, selon les séries, <strong>des</strong> causes de décès<br />

chez les patients dialysés [2]. Le risque <strong>des</strong><br />

patients dialysés de subir un ACR est similaire au<br />

risque <strong>des</strong> patients ayant un antécédent cardiovasculaire<br />

grave [3]. Ce risque est accru le premier jour<br />

de la semaine [4]. La plupart <strong>des</strong> ACR arrivent cependant<br />

en dehors <strong>des</strong> séances [5]. Deux étu<strong>des</strong><br />

nord-américaines ont évaluées l’incidence <strong>des</strong> ACR<br />

en HD de l’ordre de 7 à 8/100 000 séances [5, 6]. La<br />

mise en place rapide de gestes simples améliore de<br />

façon considérable le pronostic. En effet, au-delà de<br />

3 minutes d’absence de perfusion cérébrale, les<br />

dégâts sont irréversibles. Le pronostic est très sévère<br />

avec 60 % de décès dans les 48 h suivant<br />

l’ACR [7, 8]. Pour les survivants, les séquelles neurologiques<br />

sont importantes. Il n’existe pas de différence<br />

significative sur le pronostic en fonction du<br />

type de trouble du rythme retrouvé. Les facteurs de<br />

risque retrouvés chez les patients qui font <strong>des</strong> ACR<br />

en dialyse sont l’âge, le diabète, et la voie d’abord<br />

utilisée (moindre pronostic si cathéter central comparé<br />

à la fistule artério-veineuse). La compréhension<br />

<strong>des</strong> spécificités liées à l’hémodialyse permet<br />

d’adapter de façon optimale la prise en charge<br />

*christophe.ridel@tnn.aphp.fr<br />

Conduite à tenir devant un arrêt cardiaque en hémodialyse chronique<br />

69<br />

étiologique qui va suivre les premiers gestes de<br />

réanimation. Il existe donc <strong>des</strong> facteurs favorisants<br />

propres au terrain du dialysé chronique [9] et à la<br />

technique elle-même :<br />

• Cardiopathie ischémique plus fréquente [10],<br />

avec les troubles de conduction et du rythme<br />

ventriculaire [11] qui en découlent.<br />

• Hypertrophie ventriculaire gauche (75 % <strong>des</strong> patients<br />

en dialyse) et altérations de la microcirculation<br />

myocardique aggravée pendant les<br />

séance d’HD [12, 13].<br />

• Variations brutales hydro-électrolytiques non<br />

physiologiques.<br />

• Ancienneté en hémodialyse.<br />

• Plus fréquent en hémodialyse qu’en dialyse péritonéale.<br />

• Surdosages et sousdosages médicamenteux.<br />

La conduite à tenir devant un ACR est dictée par les<br />

recommandations internationales qui datent de<br />

2005-2006 issues de la American Heart Association<br />

(AHA), de l’European Resuscitation Council (ERC),<br />

de la Société Française d’Anesthésie Réanimation<br />

(SFAR) et de la Société de Réanimation de Langue<br />

Française (SRLF), bientôt réactualisées. Ces différentes<br />

recommandations pour l’ACR tout venant seront<br />

rappelées pour la mise en place <strong>des</strong> premières<br />

mesures de réanimation. Dans un deuxième temps,<br />

nous soulignerons les spécificités de prise en charge<br />

de l’ACR en HD et analyseront les étiologies à rechercher.<br />

Nous n’aborderons pas les ACR survenant lors<br />

de l’hémodialyse pour l’insuffisance rénale aiguë,<br />

plus fréquente, mais plus spécifique de la réanimation<br />

de patients muti-défaillants.


1. Synthèse <strong>des</strong> dernières<br />

recommandations de la prise en charge<br />

de l’ACR<br />

Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

Ce texte se fonde sur les dernières recommandations<br />

publiées sur l’ACR datant de 2005/2006 éditées<br />

par ces quatre sociétés savantes [14-18].<br />

Il existe certaines modifications sur la prise en<br />

charge précoce de l’ACR par rapport aux recommandations<br />

antérieures.<br />

70<br />

a. Réanimation cardio-pulmonaire<br />

les premiers gestes (figure 1) :<br />

La première étape est de poser le diagnostic de<br />

l’ACR devant un patient inerte sans signe d’activité<br />

circulatoire. Une fois le diagnostic posé, on appellera<br />

à l’aide ou la réanimation du centre de soins ou<br />

le 15, car la réanimation cardio-pulmonaire (RCP)<br />

doit faire participer plusieurs intervenants.<br />

Figure 1 : Algorithme de la réanimation cardiopulmonaire de l’adulte. Extrait <strong>des</strong><br />

recommandations formalisées d’experts. Prise en charge de l’arrêt cardiaque.<br />

Septembre 2006. SFAR/SRLF<br />

— DAE : défibrillateur automatisé externe<br />

— BAVU : ballon autoremplisseur à valve unidirectionnelle


Conduite à tenir devant un arrêt cardiaque en hémodialyse chronique<br />

Il faut insister sur le fait que la priorité sont les compressions<br />

thoraciques. Le patient sera mis à plat sur<br />

un plan dur et les compressions se feront avec le talon<br />

de la main au milieu du sternum à une fréquence<br />

de 100/min avec un temps de compression<br />

et décompression égaux. Toute interruption <strong>des</strong><br />

compressions thoraciques doit être limitée, en particulier<br />

lors <strong>des</strong> insufflations et <strong>des</strong> défibrillations.<br />

L’autre priorité est de libérer les voies aériennes<br />

avec une bascule de la tête en arrière et une élévation<br />

du menton. Si on observe un corps étranger on<br />

procède à une tentative de désobstruction manuelle.<br />

On réalise une ventilation assistée par un<br />

ballon auto-remplisseur à valve unidirectionnelle<br />

avec oxygène. Il faut tenir compte du fait que les<br />

compressions thoraciques sont prioritaires et elles<br />

doivent être réalisées même en l’absence d’insufflation<br />

efficace. Le rythme compression/ventilation<br />

doit être de 30/2 et non pas 15/2.<br />

La défibrillation automatisée externe<br />

(DAE) est une technique sûre qui améliore<br />

le pronostic ; elle doit être la plus<br />

précoce possible. On pose un patch en<br />

sous clavier droit et un patch en sous<br />

mamellonaire gauche. On réalise un<br />

choc si le DAE le demande entre 200 et<br />

360 J suivi immédiatement de 2 min de<br />

RCP. Le rythme et la présence de pouls<br />

ne seront vérifiés qu’après ces 2 min de<br />

RCP.<br />

En attendant l’arrivée <strong>des</strong> médecins réanimateurs<br />

on pose une voie veineuse<br />

périphérique de bon calibre et l’infirmière<br />

prépare une seringue d’adrénaline<br />

1mg/ 1mL dans une seringue de<br />

10 mL=10 mg.<br />

b. Réanimation cardio-pulmonaire<br />

médicalisée (figures 2, 3 et 4) :<br />

Le tracé électrocardiographie permet<br />

de séparer 3 situations distinctes avec<br />

<strong>des</strong> prises en charge différentes :<br />

• la fibrillation ventriculaire (FV) ou la<br />

tachycardie ventriculaire (TV),<br />

• l’asystolie,<br />

• la dissociation électromécanique (DEM).<br />

71<br />

La fibrillation et la tachycardie ventriculaire<br />

(figure 2)<br />

La survie <strong>des</strong> patients dépend du délai entre le début<br />

du trouble du rythme avant défibrillation et le<br />

retour à un rythme supra-ventriculaire ou sinusal<br />

[19]. Le fait de réaliser une RCP dans cette situation<br />

permet d’attendre une défibrillation la plus précoce<br />

possible pour améliorer le pronostic. Les<br />

défibrillateurs biphasiques sont conseillés car ils<br />

sont plus efficaces (150- 200 J) que les monophasiques<br />

(360 J) tout en délivrant moins d’énergie. La<br />

multiplication de ces appareils est souhaitable dans<br />

les zones de grands afflux de population (aéroport,<br />

centre commercial...) ou les zones à risque<br />

médicales (centre de dialyse, urgences...).<br />

Après échec de deux chocs électriques externes<br />

avec les défibrillateurs, l’injection d’adrénaline,<br />

1 mg IVD, toutes les 3 à 5 minutes est préconisée.<br />

Figure 2 : Algorithme de la RCP et défibrillation:<br />

Extrait de Guidelines 2005 for Cardiopulmonary<br />

Resuscitation and Emergency CardiovascularCare.<br />

Part 4: Advanced life support. Circulation 2005;<br />

112:III-25.


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

La RCP ne doit pas être interrompue pendant l’administration<br />

de ces drogues.<br />

Si la TV ou la FV persiste, il y a indication a utiliser<br />

<strong>des</strong> médicaments antiarythmiques comme l’amiodarone<br />

IV [20], la lidocaïne ou le sulfate de magnésium.<br />

L’amiodarone 5 mg/kg IVD avec un maximum<br />

de 300 mg reste l’antiarythmique de<br />

référence. La lidocaïne a <strong>des</strong> résultats discordants<br />

selon les étu<strong>des</strong> et tend à être abandonnée. Le<br />

sulfate de magnésium n’est indiqué seulement si<br />

l’ACR est imputable à une torsade de pointe.<br />

L’asystolie (figure 3)<br />

L’asystolie primitive est associée à un pronostic effroyable<br />

(0 à 2 % de survie à la sortie de l’hôpital).<br />

72<br />

L’asystolie est souvent l’évolution non traitée d’une<br />

TV ou d’une FV. Il faut s’assurer de l’asystolie en vérifiant<br />

les connexions <strong>des</strong> électro<strong>des</strong>.<br />

Les recommandations indiquent le même traitement<br />

que pour la dissociation électromécanique,<br />

c’est-à-dire, la RCP, l’adrénaline et éventuellement<br />

de l’atropine. L’adrénaline (ou épinéphrine) est injectée<br />

à raison de 1 mg IVD toutes les 3 à 5 minutes.<br />

Il n’existe pas d’étu<strong>des</strong> qui prouvent la supériorité<br />

de doses plus importantes d’adrénaline [21].<br />

L’adrénaline reste le médicament de l’ACR et il faut<br />

rappeler qu’il n’existe aucune contre-indication absolue<br />

à son utilisation. L’adjonction de la vasopressine<br />

n’a pas montré de façon évidente son efficacité<br />

dans les étu<strong>des</strong> cliniques [22, 23].<br />

Figure 3 : Algorithme de la RCP si asystolie. Extrait de Guidelines 2005 for<br />

Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency CardiovascularCare. Part 4:<br />

Advanced life support. Circulation 2005; 112:III-25.


Conduite à tenir devant un arrêt cardiaque en hémodialyse chronique<br />

Les médicaments qui n’ont pas leur place initialement<br />

lors d’un ACR sur asystolie sont les suivants :<br />

• le bicarbonate de sodium sauf chez les patients<br />

en hyperkaliémie ou chez qui on suspecte un<br />

surdosage en tricycliques. Il peut être proposé en<br />

cas de réanimation prolongée pour corriger l’effet<br />

inotrope négatif de l’acidose ;<br />

• la fibrinolyse qui n’a pas montré son utilité même<br />

dans les prise en charge extra-hospitalière ;<br />

• le choc électrique externe dans le cas d’une asystolie<br />

même si une tentative ultime avant la fin de<br />

la réanimation peut être essayée ;<br />

• le sulfate de magnésium sauf si on suspecte <strong>des</strong><br />

torsa<strong>des</strong> de pointe.<br />

Durant cette réanimation initiale, les causes réversibles<br />

doivent être identifiées et traitées. Celles-ci in-<br />

73<br />

cluent l’hypovolémie, l’hypoxie, le surdosage médicamenteux,<br />

les troubles hydroélectrolytiques ou<br />

métaboliques, le syndrome coronarien aigu, l’embolie<br />

pulmonaire massive, le pneumothorax compressif<br />

ou la tamponnade.<br />

La dissociation électromécanique (figure 4)<br />

La dissociation électromécanique (DEM) correspond<br />

à une activité électrique sans efficacité de la<br />

pompe cardiaque. Elle inclus également les bradycardies<br />

extrêmes et les rythmes idio-ventriculaires.<br />

Ces situations sont parfois difficiles à mettre en évidence<br />

car il existe une certaine confusion entre un<br />

rythme électrique observé et l’inefficacité circulatoire.<br />

La recherche étiologique de cette DEM revêt<br />

une importance primordiale car cette situation est<br />

Figure 4 : Algorithme de la RCP si activité électrique sans pouls (PEA). Extrait<br />

de Guidelines 2005 for Cardiopulmonary Resuscitation and Emergency<br />

CardiovascularCare. Part 4: Advanced life support. Circulation 2005; 112:III-25.


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

dans la plupart <strong>des</strong> cas d’apparition précoce, avant<br />

que n’apparaisse l’asystolie. La correction rapide<br />

de la cause de cette DEM peut conduire rapidement<br />

à une reprise de l’activité circulatoire. Les<br />

étiologies de cette DEM et la prise en charge de la<br />

RCP avec administration d’adrénaline sont les<br />

même que pour l’asystolie. La défibrillation précoce<br />

n’a pas sa place. La RCP doit être poursuivie<br />

pendant toute la réanimation. L’efficacité de l’adrénaline<br />

est incertaine dans cette situation mais elle<br />

reste proposée dans les recommandations internationales.<br />

L’administration d’atropine 1 mg toutes les 3 à 5 minutes<br />

peut être utile pour les dissociations électromécaniques<br />

avec bradycardie extrème.<br />

2. Spécificités liées à la prise en charge<br />

de l’ACR en hémodialyse<br />

a. Réanimation cardio-pulmonaire en<br />

hémodialyse<br />

La première étape est de porter le diagnostic clinique<br />

précoce face à un patient aréactif sans activité<br />

circulatoire. Ce diagnostic est d’autant plus difficile<br />

que les constantes hémodynamiques de ces<br />

patients dans les centres de dialyse chronique ne<br />

sont pas monitorées en continu. L’appel à l’aide est<br />

nécessaire car la prise en charge optimale nécessite<br />

plusieurs intervenants (médecins, infirmières, ai<strong>des</strong>oignants).<br />

En fonction de l’unité de dialyse où l’on<br />

se trouve, il faudra :<br />

• appeler le 15 si on se trouve dans un centre de<br />

dialyse non médicalisé,<br />

• appeler le réanimateur / anesthésiste de la clinique<br />

ou de l’hôpital s’il s’agit d’un centre médicalisé<br />

avec un service d’anesthésie-réanimation<br />

ou une salle de réveil.<br />

Après avoir demandé de l’aide, il faut débuter sans<br />

tarder la RCP comme expliqué dans la première<br />

partie. On rappelle que la ventilation au ballon est<br />

efficace et que l’intubation orotrachéale ne sera<br />

réalisée que par le médecin du SAMU ou par le réanimateur.<br />

La sonde naso-gastrique n’est pas indiquée<br />

et risque d’aggraver la situation (vomissements)<br />

et de ralentir la prise en charge initiale.<br />

En pratique, l’une <strong>des</strong> spécificités liée à l’ACR en hémodialyse<br />

vient du fait que le patient est branché<br />

au générateur via une FAV ou un cathéter veineux<br />

74<br />

central. On conseille pour tous les patients de restituer<br />

la dialyse si l’ACR se produit pendant la<br />

séance. En effet, les lignes vasculaires compliquent<br />

la réanimation et augmentent le risque de saignement.<br />

Certaines situations exceptionnelles peuvent<br />

justifier de continuer la séance d’hémodialyse<br />

comme l’hyperkaliémie et l’œdème aigu pulmonaire.<br />

Une infirmière sera détachée de la RCP pour restituer<br />

la dialyse. Il faut savoir que les patients atteints<br />

d’une insuffisance rénale chronique ont en<br />

général <strong>des</strong> abords veineux difficiles qui peuvent<br />

compliquer la suite de la réanimation, notamment<br />

l’injection d’adrénaline. On peut alors proposer de<br />

laisser en place les aiguilles et de mettre une perfusion<br />

sur la FAV ou sur le cathéter central. Si l’on<br />

souhaite injecter <strong>des</strong> drogues sur la FAV, il faudra<br />

pousser derrière du sérum physiologique de l’ordre<br />

de 20 cc pour éviter toute stagnation <strong>des</strong> médicaments<br />

dans ce vaisseau de forte pression. Si l’on utilise<br />

le cathéter, on sera vigilant au mesures d’asepsie.<br />

La pose du DAE est indiquée comme pour tout<br />

autre patient avec délivrance ou non d’un choc en<br />

fonction du tracé détecté. L’adrénaline ou la cordarone<br />

seront administrées selon les recommandations<br />

précédemment énoncées.<br />

b. Etiologies <strong>des</strong> arrêts cardiaques en<br />

hémodialyse<br />

Connaître les risques spécifiques <strong>des</strong> ACR chez le<br />

patient HD permet de réfléchir, une fois la RCP<br />

commencée, à l’étiologie de l’arrêt et de la traiter le<br />

plus précocement possible. L’orientation étiologique<br />

va débuter par la détermination du moment<br />

de la survenue de l’ACR. En effet, un ACR avant le<br />

branchement en HD fera penser aux troubles du<br />

rythme liés à l’hyperkaliémie, ou à l’hypoxie lié à un<br />

OAP. Les ACR en cours ou en fin de séance orienteront<br />

plutôt vers une hypovolémie secondaire à la<br />

déplétion ou à un syndrome coronarien aigu très<br />

fréquent chez ces patients polyvasculaires, coronariens<br />

avec cardiopathies hypertrophiques. Des troubles<br />

du rythme peuvent également être induits<br />

par l’hypokaliémie en fin de séance secondaire à<br />

l’utilisation d’un bain de dialyse mal adapté trop<br />

pauvre en potassium. L’embolie pulmonaire est de<br />

survenue exceptionnelle pour ces patients anticoagulés<br />

durant les dialyses. La péricardite urémique


Conduite à tenir devant un arrêt cardiaque en hémodialyse chronique<br />

est une cause rare qui peut survenir pour les premières<br />

séances d’un patient débutant ses dialyses.<br />

Il ne faut pas oublier que les ACR liés à <strong>des</strong> bradycardies<br />

extrêmes, à <strong>des</strong> troubles de la conduction<br />

ou du rythme sont parfois en rapport avec un surdosage<br />

en drogues à tropisme cardiaque comme<br />

les bêta-bloquants ou la cordarone.<br />

Le bilan biologique et l’électrocardiogramme seront<br />

réalisés une fois le retour d’une activité circulatoire<br />

et ne devront pas retarder la RCP. Après le transfert<br />

vers une unité de réanimation, une coronarographie<br />

dans la plupart <strong>des</strong> cas sera réalisée dans les<br />

plus brefs délais pour écarter et traiter la cause<br />

ischémique qui reste la cause la plus fréquente.<br />

c. Préparation à la prise en charge de l’arrêt<br />

cardiaque en hémodialyse<br />

Un travail en amont est nécessaire dans chaque<br />

centre d’hémodialyse pour se préparer à l’éventualité<br />

d’un ACR. Le matériel et notamment le chariot<br />

d’urgence devra être vérifié régulièrement. Le<br />

DAE doit au mieux faire partie du chariot d’urgence<br />

car son utilisation en cas d’ACR est capitale. Des<br />

procédures écrites de prise en charge de l’ACR doivent<br />

être validées conjointement par les néphrologues<br />

et anesthésistes/réanimateurs pour chaque<br />

centre. Le personnel médical et paramédical sera<br />

au mieux formé et évalué tous les ans avec <strong>des</strong> sessions<br />

de mise en situation avec mannequin. Les numéros<br />

de téléphones d’urgence <strong>des</strong> médecins et<br />

anesthésistes/réanimateurs doivent être affichés<br />

dans le service.<br />

Une préparation en bonne et due forme à l’éventualité<br />

d’un ACR permet d’assurer une RCP efficace<br />

au moment opportun. La cohésion de l’équipe est<br />

essentielle dans ces forts moments de stress.<br />

75<br />

Conclusion<br />

L’arrêt cardio-respiratoire en hémodialyse est donc<br />

une éventualité rare mais avec un pronostic sombre.<br />

La connaissance par l’équipe médicale et paramédicale<br />

<strong>des</strong> gestes simples à réaliser en urgence<br />

et le délai rapide d’obtention d’une prise en charge<br />

spécialisée restent <strong>des</strong> facteurs pronostics essentiels.<br />

Les premiers gestes communs à tout ACR doivent<br />

être enseignés et pratiqués par le personnel<br />

<strong>des</strong> centres d’hémodialyse. La pose et l’utilisation<br />

précoce du défibrillateur automatique externe a<br />

montré aussi son efficacité et fait partie de la stratégie<br />

de prise en charge de l’ACR. L’utilisation de celui-ci<br />

implique une formation initiale et répétée du<br />

personnel. En toute logique, il serait indiqué que<br />

tous les centres d’hémodialyse médicalisés ou non<br />

en soient équipés car la population traitée a,<br />

comme on l’a vu, un risque accru d’événement<br />

cardiovasculaire. Il existe, par contre, un grand<br />

manque de données et de recommandations internationales<br />

sur la spécificité liée à la prise en charge<br />

de l’ACR durant les séance d’hémodialyse. Des<br />

étu<strong>des</strong> spécifiques et une concertation pluridisciplinaire<br />

sur le sujet entre néphrologues et réanimateurs<br />

seraient souhaitables pour harmoniser la prise<br />

en charge et améliorer le pronostic.<br />

Par ailleurs, la prévention de l’ACR doit rester l’objectif<br />

prioritaire de la prise en charge de ces mala<strong>des</strong><br />

avec un traitement optimal de la cardiopathie ischémique<br />

et hypertrophique, le contrôle <strong>des</strong> facteurs<br />

de risque cardiovasculaire, l’introduction de traitements<br />

cardio-protecteurs (bêtabloquants, inhibiteurs<br />

de l’enzyme de conversion), l’évaluation d’une<br />

pose de défibrillateur automatique implantable selon<br />

les recommandations [24, 25]. Il convient également<br />

d’éviter les bains de dialyse trop pauvres en<br />

potassium pourvoyeur de troubles du rythme.


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Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

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Influence de la fréquence et de la durée <strong>des</strong> séances de dialyse sur le risque de survenue d’un arrêt cardiaque<br />

Influence de la fréquence et de la durée <strong>des</strong><br />

séances de dialyse sur le risque de survenue<br />

d’un arrêt cardiaque<br />

Guillaume Jean*<br />

Centre de Rein Artificiel, Tassin-la-Demi-Lune, France<br />

Introduction<br />

D’après les données rapportées par le registre de<br />

l’USRDS (United States Renal Data System), les patients<br />

dialysés auraient un risque d’arrêt cardiaque<br />

(AC) dix fois supérieur à celui <strong>des</strong> patients non-dialysés<br />

et ce risque serait resté stable ces dix dernières<br />

années [1]. La fréquence de l’AC chez les patients<br />

dialysés a pu être estimée à 93/1000<br />

années-patient ou 7/100 000 sessions de dialyse [2],<br />

et il concerne 61 % <strong>des</strong> patients diabétiques et<br />

53 % <strong>des</strong> non-diabétiques après 5 ans de dialyse.<br />

D’après ce même registre de l’USRDS, 47 % <strong>des</strong> décès<br />

<strong>des</strong> patients dialysés sont identifiés comme<br />

liés à un AC de cause inconnue et 13 % sont attribués<br />

à un AC lié à une arythmie. Il a été observé<br />

que 78 % <strong>des</strong> arrêts cardiaques surviennent pendant<br />

la séance, 14 % après la séance et 8 % dans les<br />

heures suivantes [3].<br />

Aux USA, le pronostic est mauvais après un AC survenu<br />

en dialyse : 32 % de survie à 1 mois et 15 % à<br />

1 an [4]. Dans une étude canadienne, la survie<br />

semble bien meilleure avec 79 % de survie à 1 mois<br />

[3]. L’AC nécessite une prise en charge de réanimation<br />

immédiate et l’absence <strong>des</strong> médecins dans<br />

les centres est probablement un facteur pronostic<br />

important. Outre la qualité et la rapidité de la prise<br />

en charge immédiate de l’AC, il apparaît primordial<br />

d’en reconnaître les causes et les situations à risque<br />

afin de pouvoir le prévenir. Il existe certainement un<br />

lien entre la fréquence <strong>des</strong> AC et la stratégie de dia-<br />

77<br />

lyse (durée, fréquence, intensité), comme le laissent<br />

à penser les données de l’USRDS qui rapportent notamment<br />

une surmortalité en début de semaine<br />

après les 3 jours sans dialyse du week-end [5].<br />

Depuis la fin <strong>des</strong> années 60, la durée <strong>des</strong> séances<br />

de dialyse était de 8 à 12 h [6]. Depuis, elle a progressivement<br />

diminué jusqu’à 3 x 4 h comme standard<br />

international considéré comme acceptable<br />

[7]. Cependant, <strong>des</strong> stratégies alternatives ont persisté<br />

ou se sont développées, que ce soit par <strong>des</strong><br />

durées ou <strong>des</strong> fréquences plus importantes. L’effet<br />

favorable d’une durée supérieure <strong>des</strong> séances et<br />

d’un taux d’ultrafiltration plus faible sur la survie a<br />

été rapporté dans le registre du DOPPS [8]. Enfin, la<br />

survie <strong>des</strong> patients en dialyse quotidienne courte<br />

[9], mais surtout en dialyse nocturne quotidienne<br />

longue [10], apparaît meilleure qu’en dialyse<br />

conventionnelle, mais nous attendons toujours une<br />

étude prospective contrôlée à grande échelle.<br />

Le but de cet article est de réfléchir sur le rôle de la<br />

stratégie de l’hémodialyse sur le risque de survenue<br />

d’un AC.<br />

Les causes et les facteurs de risque<br />

d’arrêt cardiaque<br />

La survenue d’un AC est certainement favorisée par<br />

l’existence d’une pathologie cardiaque. Le cœur<br />

du patient dialysé présente fréquemment une<br />

hypertrophie du ventricule gauche (HVG), une<br />

* Adresse de correspondance : Centre de Rein Artificiel, 42 avenue du 8 mai 1945, 69160 Tassin la Demi-Lune, France<br />

E-mail : guillaume-jean-crat@wanadoo.fr


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

dysfonction endothéliale, une fibrose interstitielle,<br />

une baisse de la réserve de perfusion myocardique<br />

et de la tolérance à l’ischémie [11, 12]. Les altérations<br />

fréquentes du baroreflex ont également été associées<br />

au risque de mort subite chez les dialysés [13].<br />

Une concentration sérique de Troponine élevée<br />

(Herzog CA et al. JASN 11:272 2000 Abs), la dispersion<br />

de l’espace Q-T [14] ou une dysautonomie<br />

mesurée par les anomalies de la variabilité de la fréquence<br />

cardiaque ont été associées au risque d’AC<br />

chez les patients dialysés [15]. D’autres facteurs de<br />

risque ont été décrits comme un âge élevé, l’utilisation<br />

d’un cathéter veineux central et l’existence<br />

d’un diabète [2].<br />

Bleyer et al., toujours d’après le registre de l’USRDS,<br />

ont rapporté que les patients ayant présenté une<br />

mort brutale étaient plus souvent diabétiques, avec<br />

<strong>des</strong> antécédents d’artérite, de fibrillation auriculaire,<br />

d’insuffisance cardiaque congestive et de coronaropathie<br />

[5].<br />

En dehors de ces facteurs, le tableau 1 fait la liste<br />

<strong>des</strong> autres causes potentielles et <strong>des</strong> facteurs de<br />

risque d’AC qui pourraient être améliorées par une<br />

dialyse plus longue et/ou plus fréquente.<br />

Surcharge hydrosodée : aiguë (œdème aigu<br />

du poumon) et chronique (HVG, HTA)<br />

La surcharge hydrosodée a été associée à la mortalité<br />

cardiovasculaire [16], et l’HVG a été associée<br />

au risque de mort brutale [17]. Les stratégies de dia-<br />

78<br />

lyse quotidiennes et longues permettent d’atteindre<br />

plus facilement le poids sec et la normotension<br />

sans traitement médicamenteux [18, 19]. La dialyse<br />

quotidienne a aussi montré son efficacité dans la<br />

réduction de l’HVG [20]. L’existence de chute de<br />

tension liée à une dialyse trop courte favorise la surcharge<br />

hydrosodée, car le poids sec ne peut être atteint<br />

[21]. L’augmentation de la fréquence [22] et/ou<br />

de la durée [23, 24] permet de diminuer le taux d’UF<br />

horaire, d’améliorer la tolérance <strong>des</strong> séances et<br />

donc d’atteindre le poids sec.<br />

Chute de pression artérielle (PA)<br />

Une hypertension de début de dialyse et une hypotension<br />

de fin de dialyse ont été rapportées<br />

comme <strong>des</strong> facteurs de risque de mortalité en dialyse<br />

[25]. Une chute de la PA aurait précédé 16 %<br />

<strong>des</strong> AC [2]. La dialyse de 3 x 8 h faite à Tassin permet<br />

de diminuer les hypotensions : 129 épiso<strong>des</strong><br />

pour 1 000 séances pour <strong>des</strong> séances de 5 h et<br />

70/1 000 pour les séances de 8 h en comparaison<br />

<strong>des</strong> 200/1 000 séances pour <strong>des</strong> séances de 4 h<br />

dans un autre centre européen [23]. La survie à Tassin<br />

a été jugée meilleure comparée à un autre centre<br />

en dialyse conventionnelle dans une étude rétrospective<br />

[26]. D’après le DOPPS, la mortalité<br />

cardiovasculaire serait associée à une UF horaire<br />

élevée [8]. Ces résultats ont été confirmés dans<br />

une étude prospective de 5 ans avec une surmortalité<br />

pour <strong>des</strong> UF > 12,4 ml/kg par heure [27]. Cette<br />

surmortalité serait due à <strong>des</strong> hypotensions plus<br />

fréquentes [28], elles-mêmes en rapport avec une<br />

Facteurs de risque d’arrêt cardiaque Augmentation de temps<br />

ou de la fréquence<br />

Surcharge hydrosodée, HTA +++<br />

Insuffisance cardiaque +++<br />

HVG, dysfonction diastolique ++<br />

Intolérance hémodynamique +++<br />

UF horaire élevée +++<br />

Hyperkaliémie ++<br />

Tableau 1 : facteurs de risque d’arrêt cardiaque pouvant être améliorés par une<br />

dialyse plus longue ou plus fréquente


Influence de la fréquence et de la durée <strong>des</strong> séances de dialyse sur le risque de survenue d’un arrêt cardiaque<br />

diminution de l’élasticité aortique [29]. À côté <strong>des</strong><br />

stratégies de dialyse longue, la dialyse quotidienne<br />

permet également de réduire la prise de poids interdialytique,<br />

le taux d’UF horaire et la tolérance <strong>des</strong><br />

séances [30].<br />

Déséquilibre ionique<br />

L’hyperkaliémie reste une <strong>des</strong> complications les<br />

plus graves <strong>des</strong> patients dialysés. Elle conduit souvent<br />

à <strong>des</strong> arrêts cardiaques irrécupérables. Elle<br />

s’observe chez <strong>des</strong> patients qui font <strong>des</strong> excès alimentaires,<br />

qui ne prennent pas les résines échangeuses<br />

de potassium et qui manquent <strong>des</strong> séances<br />

de dialyse. L’hyperkaliémie est favorisée par le diabète,<br />

l’insulino-résistance et une concentration inadaptée<br />

du potassium du dialysat [31]. D’autres facteurs<br />

favorisants sont connus comme la constipation,<br />

la prescription <strong>des</strong> diurétiques épargneurs<br />

du potassium, <strong>des</strong> bloqueurs du système rénineangiotensine<br />

et <strong>des</strong> digitaliques [32]. L’hyperkaliémie<br />

peut en partie expliquer la surmortalité observée<br />

en début de semaine lors de la période de<br />

3 jours sans dialyse [5]. Il paraît clair que cette complication<br />

pourrait diminuer de façon très importante<br />

avec une dialyse quotidienne ou au moins en<br />

réduisant la période du week-end à moins de<br />

48 heures par une séance supplémentaire. L’hyperkaliémie<br />

est très rare en dialyse quotidienne<br />

avec moins d’utilisation de résines [19, 33]. En dialyse<br />

longue, la nécessité de résine est également<br />

moindre. La qualité de la dialyse, notamment l’existence<br />

d’un abord vasculaire performant, a également<br />

une influence.<br />

L’hypokaliémie, surtout lorsqu’elle survient de façon<br />

brutale, peut s’accompagner de troubles du<br />

rythme cardiaque pouvant conduire, plus rarement<br />

que l’hyperkaliémie, à un AC. Contrairement à l’hyperkaliémie<br />

qui provoque un AC avant la séance,<br />

elle surviendra plus volontiers à la fin de la séance<br />

de dialyse. Une dialyse contre un dialysat pauvre en<br />

potassium (< 2 mmol/l) a été rapportée comme fréquemment<br />

associée à un AC [2]. L’utilisation d’une<br />

concentration de potassium dans le dialysat à<br />

3 mEq/l doit prévenir cette complication, notamment<br />

chez les patients dénutris fréquemment hy-<br />

79<br />

pokaliémiques [34], situation pouvant être aggravée<br />

par la nutrition parentérale. Il a été montré<br />

qu’une kaliémie de prédialyse < 4 ou > 5,6 mEq/l<br />

était associée à une surmortalité [31].<br />

La prévention <strong>des</strong> AC<br />

Elle passe par l’amélioration de l’éducation <strong>des</strong> patients<br />

sur les règles diététiques (sodium, potassium),<br />

les dangers liés à une séance de dialyse<br />

manquée et sur l’importance de la prise <strong>des</strong> résines<br />

échangeuses de potassium.<br />

Elle passe aussi par l’amélioration du dépistage<br />

<strong>des</strong> atteintes cardiovasculaires, par la discussion<br />

<strong>des</strong> indications de procédures de revascularisation<br />

artérielles et coronariennes et par la prescription de<br />

traitements médicaux préventifs de facteurs de<br />

risques cardiovasculaires (l’HTA, la dyslipidémie, le<br />

diabète) et probablement d’anti-agrégants plaquettaires.<br />

Elle passe enfin par l’identification <strong>des</strong> patients à<br />

risque qui pourraient bénéficier d’une adaptation<br />

de la prescription de dialyse en cas d’instabilité hémodynamique,<br />

d’HVG, de difficultés à atteindre le<br />

poids sec et d’hyperkaliémie chronique.<br />

Conclusion<br />

L’application de stratégies de dialyse assurant une<br />

volémie et un équilibre ionique plus stable doit<br />

permettre de diminuer les AC chez les patients les<br />

plus à risque. La mise en place de ces stratégies « alternatives<br />

» se heurte aux réticences <strong>des</strong> patients,<br />

aux problèmes organisationnels et au surcoût. Plus<br />

généralement, c’est la notion d’individualisation<br />

de la dialyse qui devrait s’imposer et la durée<br />

comme la fréquence devrait faire partie d’une prescription<br />

raisonnée avec la possibilité de faire l’essai<br />

de différentes stratégies pour trouver celle qui<br />

convient le mieux à chaque patient. Ce choix dans<br />

la prescription de la dialyse reste inaccessible à l’immense<br />

majorité <strong>des</strong> néphrologues et patients. C’est<br />

pourtant à ce prix qu’il devrait être possible de diminuer<br />

la mortalité cardiovasculaire <strong>des</strong> patients<br />

dialysés les plus à risque.


Références<br />

Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

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Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

Arrêt cardiaque et bain de dialyse<br />

Lucile Mercadal, Marcia Venditto, Dorota Szumilak, Sabria Hacini,<br />

Edward Bourry, Hacène Boulechfar, Gilbert Deray<br />

Service de néphrologie, Groupe hospitalier Pitié Salpétrière, Paris<br />

Les décès par arrêt cardiaque sont de fréquence<br />

augmentée chez les patients insuffisants rénaux<br />

chroniques. Leur fréquence augmente à la mise<br />

en hémodialyse. Les modifications ioniques et la<br />

perte de poids effectués dans un intervalle de<br />

temps court participent à ces événements. La kaliémie<br />

de base et le taux d’ultrafiltration horaire<br />

sont les deux principaux facteurs. Le rôle de la teneur<br />

en calcium du dialysat a pu également être<br />

évoqué [1].<br />

Le potassium joue un rôle primordial dans le potentiel<br />

d’action <strong>des</strong> cellules musculaires cardiaques et<br />

dans leur potentiel de repos. Tout déséquilibre entre<br />

le rapport intra/extra cellulaire induit une modification<br />

du potentiel de repos dont ce rapport est<br />

le principal déterminant. Le potentiel de repos dépend<br />

essentiellement du flux passif sortant de potassium,<br />

dépendant lui-même de la différence de<br />

concentration intra/extra cellulaire de potassium<br />

[2]. La déplétion per dialytique de potassium augmente<br />

ce flux passif et le potentiel de repos d’environ<br />

20 mV. La phase de repolarisation a tendance<br />

à augmenter, ce qui se traduit par une augmentation<br />

de l’intervalle QT. Cette modification n’est cependant<br />

pas uniforme et participe à la désynchronisation<br />

<strong>des</strong> cellules myocardiques observée en<br />

per dialytique. Cet effet est mis en évidence par la<br />

mesure de la dispersion de l’intervalle QT. La mesure<br />

de l’intervalle QT sur un ECG 12 dérivations<br />

permet de calculer la différence entre l’intervalle le<br />

plus long et le plus court, appelée dispersion de l’intervalle<br />

QT. La dispersion de QT représente la différence<br />

de phase de repolarisation <strong>des</strong> différents territoires<br />

myocardiques enregistrés suivant les<br />

82<br />

dérivations. Des valeurs anormales sont fréquentes<br />

en cas de maladie cardiaque sous-jacente. Dans la<br />

population générale, sa valeur est prédictive<br />

d’arythmie sévère et de décès par arrêt cardiaque.<br />

En hémodialyse, Beuabien et al. ont démontré que<br />

la dispersion du QT avait également une valeur<br />

prédictive de décès cardiovasculaire [3]. Pendant la<br />

séance d’hémodialyse, la dispersion de l’intervalle<br />

QT croît. Cette altération est majeure chez les patients<br />

ayant une pathologie cardiaque associée [4].<br />

L’effet <strong>des</strong> modifications ioniques et notamment<br />

de la kaliémie est fort probable bien que non uniformément<br />

mis en évidence dans les étu<strong>des</strong>. Une<br />

association avec la baisse de la kaliémie n’est retrouvée<br />

que dans une étude [5]. Une technique<br />

d’hémodiafiltration permettant la diminution progressive<br />

de la kaliémie par diminution progressive<br />

de la concentration en potassium dans le bain de<br />

dialyse permet d’obtenir une stabilité de la dispersion<br />

du QT comparée à une augmentation de la<br />

dispersion en HDF conventionnelle [6]. Ceci représente<br />

la meilleure preuve du rôle de la variation de<br />

la kaliémie sur la dispersion du QT.<br />

Le syndrome du QT long acquis est fréquent en néphrologie.<br />

Dans une série de 80 patients hémodialysés<br />

ayant présenté un arrêt cardiaque, un QT<br />

long sur un ECG antérieur est noté dans 53 % <strong>des</strong><br />

cas [7]. Il est le reflet de la réduction progressive <strong>des</strong><br />

canaux potassiques liée à la maladie rénale chronique<br />

et à la plus grande sensibilité à l’inhibition <strong>des</strong><br />

canaux restants. Tous les médicaments ou phénomènes<br />

susceptibles de ralentir le flux potassique<br />

vont ainsi allonger la phase de repolarisation ventriculaire.<br />

Les principales complications de cet


allongement sont les torsa<strong>des</strong> de pointe, la tachycardie<br />

ventriculaire et l’arrêt cardiaque. Le QT s’allonge<br />

en cours de séance de dialyse [4, 8, 9]. Cet allongement<br />

se fait principalement par un allongement<br />

de l’onde T et traduit le ralentissement de<br />

la repolarisation cardiaque ou phase 3 du potentiel<br />

d’action [8]. L’allongement du QTc (QTc ou QT corrigé<br />

par la fréquence cardiaque) est corrélé à la<br />

baisse de la kaliémie. L’allongement du QT peut<br />

être potentialisé par la prescription de médicaments<br />

responsables d’un allongement du QT. Dans<br />

la population générale, ces médicaments augmentent<br />

par 3 le risque de décès par arrêt cardiaque<br />

[10]. Les principaux sont l’érythromycine, la clarithromicine,<br />

le sotalol, les anti-histaminiques, les<br />

anti-psychotiques, les anti-fungiques et les antidépresseurs.<br />

L’utilisation d’un potassium variable<br />

dans le bain de dialyse permet de diminuer l’allongement<br />

du QTc pendant la séance [6]. La calcémie<br />

influence également le QTc, principalement dans la<br />

phase précédant l’onde T dont elle ne modifie pas<br />

la durée [8]. La calcémie est inversement corrélée<br />

à l’intervalle QTc [8]. La dialyse avec un bain à<br />

1,25 mmol/L de concentration en calcium augmente<br />

le QTc et sa dispersion [11]. Un bain à<br />

1,5 mmol/L dans cette même étude permettait une<br />

stabilité de l’intervalle QTc et le bain à 1,75 diminuait<br />

l’intervalle QTc.<br />

L’ensemble de ces modifications aboutit à une augmentation<br />

<strong>des</strong> troubles du rythme per dialytique.<br />

Ces troubles sont maximaux en per dialytique et<br />

pendant les 12 à 14 heures suivant la séance. La fréquence<br />

<strong>des</strong> troubles per dialytiques est augmentée<br />

par l’utilisation de bain pauvre en potassium à 0 ou<br />

1 Meq/L [12]. A l’inverse, l’utilisation <strong>des</strong> bains riches<br />

(>3Meq/L) expose au risque d’épisode d’hyperkalémie.<br />

Dans la large base de données <strong>des</strong> centres da-<br />

Vita aux USA, la survie s’altère pour une kaliémie<br />

supérieure à 5,6 mmol/L en prédialyse [13]. La mortalité<br />

est encore plus marquée dans le sous-groupe<br />

de patients ayant une kaliémie supérieure à<br />

5 mmol/l et dialysés avec un bain > 3 Meq/L. La survie<br />

est également moindre chez les patients à kaliémie<br />

inférieure à 4 Meq/L. La kaliémie prédialyse<br />

est corrélée à l’apport nutritionnel. Le groupe de<br />

patients ayant une kaliémie comprise entre 3,5 et<br />

4 mmol/l bénéficie en termes de survie d’un bain<br />

riche en potassium (3 Meq/L). Les auteurs notent la<br />

grande variabilité de la kaliémie, directement liée à<br />

l’apport nutritionnel et la faible fréquence de son<br />

dosage. Ils évoquent la possibilité d’un impact dif-<br />

Arrêt cardiaque et bain de dialyse<br />

83<br />

férent de la prescription de la composition du dialysat<br />

si la kaliémie faisait l’objet d’un dosage plus<br />

fréquent.<br />

Bleyer et al. évoquent de même la possibilité d’une<br />

amélioration du taux de mort subite par l’adaptation<br />

plus fréquente de la concentration en potassium<br />

du bain de dialyse et par le contrôle <strong>des</strong> mesures<br />

diététiques [7]. La mort subite a une<br />

prévalence augmentée dans les 12 heures suivant<br />

la dialyse et dans les 12 heures précédant la dialyse<br />

de début de semaine. Dans la série de Bleyer et al.,<br />

la kaliémie chez les patients décédés en post dialyse<br />

est significativement plus basse. Les patients à<br />

kaliémie basse représentaient 24 % de la cohorte<br />

étudiée et étaient tous dialysés contre un bain à<br />

2 Meq/L. Dans la série de Lafrance et al., 10 % <strong>des</strong><br />

morts subites sont identifiées comme <strong>des</strong> dyskaliémies<br />

[14]. Les arrêts sur hyperkaliémie sont survenues<br />

en fin de week-end [14]. Les bains très pauvres<br />

en potassium (0 à 1 Meq/L) ne sont pas une<br />

solution chez ces patients hyperkaliémiques. Ils<br />

majorent le risque d’arrêt cardiaque [12]. Chez les<br />

patients ayant présenté un arrêt cardiaque, les caractéristiques<br />

du dialysat n’apparaissent pas<br />

comme un facteur de risque de mortalité [15].<br />

L’épuration du potassium de façon plus progressive<br />

par diminution de la concentration du potassium<br />

dans le dialysat est disponible en biofiltration sans<br />

acétate [16] et a été testée en hémodiafiltration [6].<br />

Les résultats sont en faveur de ce type d’épuration<br />

chez les patients présentant <strong>des</strong> troubles du<br />

rythme. Parmi ces patients, deux groupes peuvent<br />

être différenciés. Un groupe qui présente <strong>des</strong> extrasystoles<br />

ventriculaires (ESV) fréquentes et constantes<br />

dans le temps, que ce soit en dialyse ou<br />

dans la période inter dialytique ; un second groupe<br />

présentant une nette exacerbation <strong>des</strong> ESV pendant<br />

les séances de dialyse. Ce second groupe bénéficie<br />

tout particulièrement <strong>des</strong> séances à potassium<br />

variable [17]. Les troubles du rythme sont<br />

plus fréquents chez les patients présentant <strong>des</strong><br />

chutes de pression artérielle en cours de séance. Le<br />

dépistage de ces troubles du rythme per dialytiques<br />

doit probablement être plus fréquemment<br />

réalisé.<br />

Au total, la meilleure prise en charge <strong>des</strong> dyskaliémies<br />

pourraient permettre de diminuer le nombre<br />

d’arrêt cardiaque. Cette prise en charge passe<br />

par une surveillance plus étroite de la kaliémie, une


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

adaptation plus fréquente du bain de dialyse, un<br />

dépistage plus fréquent par holter ECG <strong>des</strong> troubles<br />

rythmiques, particulièrement chez les patients chuteurs<br />

ou/et porteurs d’une cardiopathie, l’éducation<br />

thérapeutique <strong>des</strong> patients sur le régime<br />

contrôlé en potassium et les résines échangeuses<br />

de cation. Les médicaments allongeant le QT doivent<br />

faire l’objet d’une vérification du QT avant pres-<br />

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84<br />

cription et sera évité chez les patients à QT long, de<br />

même que le bain à teneur réduite en calcium (1,25<br />

mmol/L). Enfin sur le plan technique, la prescription<br />

d’une dialyse à potassium variable, en BSA ou en<br />

HDF, permet d’améliorer les arythmies ventriculaires<br />

qui font le lit <strong>des</strong> arrêts cardiaques d’origine<br />

arythmogène.<br />

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Traitement pharmacologique préventif de la mort subite chez le patient dialysé<br />

Traitement pharmacologique préventif de la<br />

mort subite chez le patient dialysé<br />

Thierry Krummel, Anne Laure Faller, Dorothée Bazin, Abdelmajid<br />

Benaicha, Thierry Hannedouche<br />

Service de Néphrologie, Hôpitaux Universitaires de Strasbourg & Faculté de Médecine, Université<br />

de Strasbourg<br />

La mort subite est définie comme une mort naturelle<br />

inopinée de cause cardiaque entraînant le décès<br />

dans l’heure qui suit le début <strong>des</strong> symptômes<br />

[1-3]. Une maladie cardiaque préexistante peut<br />

avoir été présente ou connue mais l’heure et la<br />

modalité du décès sont inattendues ; le concept<br />

principal étant que la mort subite cardiaque doit<br />

être imprévue et instantanée. La classification <strong>des</strong><br />

décès qui surviennent sans témoin, comme par<br />

exemple les personnes trouvées mortes dans leur<br />

lit, est plus difficile quoique la plupart <strong>des</strong> investigateurs<br />

classent de tels évènements comme <strong>des</strong><br />

morts subites cardiaques, même si l’heure précise<br />

du décès n’est pas bien connue.<br />

Épidémiologie et mécanismes<br />

Dans la population générale, l’incidence de la mort<br />

subite représente 0,36 à 1,28 ‰ par année ; elle<br />

augmente fortement avec l’âge et peut atteindre<br />

jusqu’à 8 ‰ par an chez les sujets de plus de<br />

60 ans. Dans la population générale, la mort subite<br />

cardiaque représente environ 50 % <strong>des</strong> morts cardiovasculaires,<br />

elle est liée dans la très grande majorité<br />

<strong>des</strong> cas (75 – 80 %) à de la fibrillation ventriculaire,<br />

les bradyarythmies rendant compte du<br />

reste <strong>des</strong> cas [1-3].<br />

Dans plus de 80 % <strong>des</strong> cas, la mort subite cardiaque<br />

est sous-tendue par une ischémie myocardique<br />

ou un infarctus du myocarde. La cardiomyopathie<br />

idiopathique dilatée est la seconde cause de<br />

mort subite cardiaque représentant 10 à 15 % de<br />

tous les cas de mort subite. Dans cette affection, la<br />

mort subite représente environ 30 % de tous les dé-<br />

85<br />

cès. Dans 5 à 10 % <strong>des</strong> cas, une autre forme de pathologie<br />

cardiaque peut être mise en évidence, notamment<br />

<strong>des</strong> anomalies de l’excitabilité ou de la<br />

conduction cardiaque (syndrome du QT long<br />

congénital ou acquis, syndrome de Wolf Parkinson<br />

White, torsa<strong>des</strong> de pointe par exemple) [1-3].<br />

Dans la population <strong>des</strong> patients dialysés, la mort<br />

subite est environ 100 fois plus fréquente et représente<br />

60 % <strong>des</strong> morts cardiaques, 47 % sous la<br />

forme d’un arrêt cardiaque et 13 % de causes arythmiques.<br />

Chez les patients dialysés, l’analyse de la<br />

cause de la mortalité peut être polluée par de nombreux<br />

facteurs confondants, comme par exemple<br />

l’hyperkaliémie, le suicide, les embolies gazeuses<br />

[4, 5].<br />

L’analyse la plus exhaustive de l’USRDS 2006 qui incorpore<br />

la cause de décès dans le contexte de la localisation<br />

du décès (par exemple un décès dans<br />

l’ambulance par infarctus aigu du myocarde, est<br />

compté comme une mort subite cardiaque), et<br />

qui exclut les morts survenant dans un contexte de<br />

sepsis, de cancer, d’hyperkaliémie et les arrêts de<br />

la dialyse, retrouve que 29,7 % <strong>des</strong> décès chez les<br />

patients dialysés prévalents sont liés à une mort<br />

cardiaque subite. Chez ces patients, l’incidence de<br />

la mort subite cardiaque est d’environ 6,9 % par an<br />

[6, 7].<br />

À l’inverse de la population générale, les causes de<br />

mort subite cardiaque ne sont pas si bien identifiées,<br />

même si la majorité <strong>des</strong> cas sont vraisemblablement<br />

d’origine arythmique. Chez le dialysé, il<br />

n’est pas acquis que l’insuffisance coronarienne re-


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

présente le facteur prédisposant principal. Ainsi<br />

les patients dialysés bénéficiant d’un geste de revascularisation<br />

coronaire par stenting ou pontage<br />

aorto-coronarien gardent une mortalité par mort<br />

subite élevée, similaire aux autres patients dialysés<br />

non coronariens suggérant que l’amélioration de<br />

l’ischémie myocardique ne permet pas la prévention<br />

de la mort subite cardiaque chez les patients<br />

dialysés [8].<br />

D’autres facteurs ont été mis en avant comme l’hypertrophie<br />

ventriculaire gauche, présente chez au<br />

moins 75 % <strong>des</strong> patients dialysés, les modifications<br />

rapi<strong>des</strong> électrolytiques pendant et immédiatement<br />

après la séance de dialyse, l’hyperkaliémie, <strong>des</strong><br />

anomalies de la fonction du système nerveux autonome<br />

et enfin <strong>des</strong> anomalies de l’anatomie et de<br />

la fonction myocardique, en particulier une fibrose<br />

intercardio- myocytaire et une diminution de la réserve<br />

coronaire [9-11].<br />

Le risque de mort subite cardiaque chez les patients<br />

dialysés n’est pas uniforme avec le temps. Le<br />

risque augmente progressivement de 83 évènements<br />

pour ‰ patients/année, 2 ans après le début<br />

de la dialyse jusqu’à 164 pour ‰ patients/année,<br />

5 ans après la mise en dialyse. Lorsque l’hémodialyse<br />

est comparée à la dialyse péritonéale, le risque<br />

de mort subite cardiaque est d’environ 50 % supérieur<br />

en hémodialyse pendant les 3 mois suivant le<br />

démarrage de ce traitement mais l’incidence est<br />

identique entre les 2 métho<strong>des</strong> à 2 ans et au delà,<br />

voire légèrement plus élevée en dialyse péritonéale<br />

[6, 7]. Ceci suggère que les variations électrolytiques<br />

et volémiques associées à l’hémodialyse<br />

intermittente ne jouent pas un rôle contributeur<br />

majeur dans la survenue de la mort subite cardiaque<br />

du dialysé.<br />

Traitement pharmacologique<br />

En termes d’interventions thérapeutiques, les stratégies<br />

visant à réduire la mort subite comportent<br />

d’une part la réduction de la survenue <strong>des</strong> arrêts<br />

cardiaques (prévention primaire), et d’autre part<br />

<strong>des</strong> mesures pour améliorer la survie après un premier<br />

arrêt cardiaque (prévention secondaire) [1, 2].<br />

Population générale<br />

Dans la population générale, <strong>des</strong> bloqueurs <strong>des</strong><br />

canaux sodium (antiarythmiques de classe 1) n’ont<br />

86<br />

pas montré d’effet bénéfique chez les patients<br />

après un infarctus du myocarde. Ces médicaments<br />

sont même potentiellement dangereux lorsqu’ils<br />

sont administrés à la période post-infarctus précoce<br />

[1-3].<br />

L’amiodarone qui est un anti-arythmique prédominant<br />

de classe 3 mais qui possède aussi <strong>des</strong><br />

propriétés anti-adrénergiques et de blocage <strong>des</strong><br />

canaux sodium et calcium, a été évaluée dans de<br />

nombreux essais. Globalement, l’amiodarone n’a<br />

que pas ou peu d’effets sur la mortalité de toutes<br />

causes. Chez les patients en insuffisance cardiaque,<br />

il n’y a pas d’indication pour l’administration<br />

d’amiodarone en prévention primaire de la<br />

mort subite chez les patients avec une insuffisance<br />

cardiaque congestive. Cependant l’effet<br />

neutre sur la mortalité et la bonne tolérance cardiovasculaire<br />

globale suggère que l’amiodarone<br />

peut être utilisée de façon sûre pour traiter <strong>des</strong><br />

arythmies ventriculaires ou auriculaires intermittentes<br />

chez <strong>des</strong> patients avec <strong>des</strong> antécédents<br />

d’infarctus du myocarde ou d’insuffisance cardiaque<br />

congestive [1, 2, 12].<br />

Plusieurs classes de médicaments dépourvus de<br />

propriétés électrophysiologiques sont capables de<br />

réduire la mortalité de toutes causes mais aussi<br />

liée à la mort subite cardiaque dans la population<br />

générale.<br />

Chez <strong>des</strong> patients en post-infarctus ou avec une insuffisance<br />

cardiaque congestive, les inhibiteurs de<br />

l’enzyme de conversion réduisent la mort subite de<br />

l’ordre de 30 à 54 %, un effet significatif dans<br />

quelques unes <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> [13, 14].<br />

Dans l’étude RALES, un bloqueur du récepteur de<br />

l’aldostérone a réduit de 30 % le risque relatif de<br />

mort subite cardiaque. Le mécanisme de cet effet<br />

protecteur n’est pas parfaitement clair mais pourrait<br />

associer la prévention de l’hypokaliémie et la régression<br />

de la fibrose interstitielle médiée par l’aldostérone<br />

[15, 16]. Ces données ont été confortées<br />

par un essai de plus grande taille chez 6632<br />

survivants d’un infarctus du myocarde avec une<br />

dysfonction ventriculaire gauche traités par IEC et<br />

bêta-bloqueur. Dans cet essai randomisé, l’eplérénone<br />

a réduit la mortalité de toutes causes de 15 %<br />

et la mortalité par mort subite cardiaque de 21 %<br />

(EPHESUS) [17].


Traitement pharmacologique préventif de la mort subite chez le patient dialysé<br />

Les bêta-bloqueurs sont également associés à une<br />

amélioration du pronostic dans plusieurs sousgroupes<br />

de patients. Dans une analyse récente de<br />

31 essais incluant <strong>des</strong> bêta-bloqueurs, 13 essais<br />

seulement ont rapporté <strong>des</strong> données sur la réduction<br />

de la mort subite cardiaque. Ces 13 essais indiquent<br />

une réduction de mort subite cardiaque qui<br />

passe de 51 % dans le groupe contrôle à 43 % chez<br />

les patients traités par bêta-bloqueurs [18]. Les effets<br />

bénéfiques les plus importants sur la réduction<br />

de la mortalité sont retrouvés chez les patients<br />

avec une insuffisance cardiaque congestive ou une<br />

réduction de la fonction ventriculaire gauche. Cet<br />

effet bénéfique <strong>des</strong> bêta-bloqueurs est indépendant<br />

<strong>des</strong> autres traitements, et il est observé chez<br />

<strong>des</strong> patients traités préalablement par inhibiteur<br />

de l’enzyme de conversion, anti-aldostérone ou<br />

aspirine chez lesquels la réduction du risque de<br />

mort subite est de 30 à 50 % [19].<br />

Les bêta-bloqueurs sont donc considérés comme<br />

la pierre angulaire du traitement prophylactique<br />

de la mort subite chez les patients ayant eu un infarctus<br />

du myocarde et chez ceux ayant une insuffisance<br />

cardiaque congestive.<br />

Patients dialysés<br />

Les patients dialysés ont été systématiquement<br />

exclus de tous les essais de prévention pharmacologique<br />

de la mort subite, si bien qu’il est difficile<br />

d’extrapoler les données générales dans cette population<br />

particulière. Un certain nombre d’essais de<br />

petite taille sont cependant disponibles.<br />

Les bêta-bloqueurs<br />

Dans une étude observationnelle chez <strong>des</strong> patients<br />

hémodialysés, diabétiques de type 2,7 % <strong>des</strong> patients<br />

décédant de cause cardiovasculaire contre<br />

12 % de ceux qui survivent, sont traités par bêtabloqueur,<br />

suggérant un effet bénéfique de cette<br />

classe de médicaments [20].<br />

Dans une étude randomisée prospective chez<br />

114 patients dialysés porteurs d’une cardio-myopathie,<br />

le carvedilol a été évalué versus son placebo,<br />

en sus d’un traitement approprié de l’insuffisance<br />

cardiaque [21]. Dans cette étude, la mortalité<br />

cardiovasculaire à 2 ans était de 29,3 % chez les patients<br />

sous carvedilol et 67,9 % chez les patients<br />

sous placebo, une réduction du risque relatif de<br />

43,7 %. Cette réduction est remarquable, notam-<br />

87<br />

ment lorsqu’on la compare avec les effets très mo<strong>des</strong>tes<br />

<strong>des</strong> autres interventions sur la survie,<br />

comme les statines, l’érythropoïétine ou les chélateurs<br />

du phosphate. Dans cette étude, non seulement<br />

la mortalité de toutes causes et cardiovasculaire<br />

a été réduite mais il en a été de même pour le<br />

risque de mort subite, 3,4 contre 10,6 % sous placebo<br />

quoique cette différence n’atteigne pas les limites<br />

de la signification en raison d’un manque de<br />

puissance (effectif). En raison de la petite taille de<br />

l’étude et du taux important de sorties d’étude, il<br />

est souhaitable que les résultats de cette étude<br />

positive soient confirmés par une étude indépendante<br />

de plus grande taille.<br />

Dans les étu<strong>des</strong> CAPRICORN et COPERNICUS, les<br />

survivants d’un infarctus du myocarde avec une<br />

insuffisance rénale chronique légère à modérée<br />

bénéficient également d’une réduction de la mortalité<br />

cardiovasculaire avec le carvedilol, suggérant<br />

que ce médicament a <strong>des</strong> effets favorables sur une<br />

vaste plage de fonction rénale [22].<br />

Les bêta-bloqueurs améliorent également possible-ment<br />

le pronostic après un arrêt cardiaque.<br />

Dans une grande étude observationnelle chez<br />

43 200 patients hémodialysés prévalents, les bêtabloqueurs<br />

sont associés à une augmentation du<br />

risque relatif de survie de 40 % [23].<br />

Les bêta-bloqueurs constituent une famille hétérogène<br />

de médicaments et il n’est pas acquis que les<br />

bénéfices observés avec une molécule soient obligatoirement<br />

extrapolables à l’ensemble de la<br />

classe. Les molécules qui ont démontré une réduction<br />

significative de la mortalité dans l’insuffisance<br />

cardiaque (metoprolol XL, bisoprolol, carvedilol,<br />

nebivolol) et le post-infarctus (propranolol,<br />

timolol, metoprolol, carvedilol) et qui ont l’AMM<br />

dans cette indication, sont toutes <strong>des</strong> molécules liposolubles,<br />

dénuées d’activité agoniste partielle<br />

avec un fort tropisme nerveux central qui pourrait<br />

jouer un rôle important dans la réduction de la<br />

mort subite.<br />

Les bêta-bloqueurs non sélectifs (à la différence<br />

<strong>des</strong> bloqueurs bêta-1 sélectifs) peuvent favoriser<br />

l’élévation de la kaliémie, en particulier lors du<br />

jeûne ou après l’exercice. Cet effet est lié au blocage<br />

<strong>des</strong> récepteurs bêta-2-adrénergiques qui normalement<br />

favorisent la capture du potassium extracellulaire<br />

vers le compartiment intracellulaire. La


Chapitre 4 - L’arrêt cardiaque chez le patient hémodialysé<br />

stimulation <strong>des</strong> récepteurs alpha-1 aboutit au résultat<br />

inverse. Le carvédilol, un bêta-bloqueur non<br />

sélectif mais doté de propriétés apha-1-bloquantes,<br />

ne majore pas la réponse hyperkaliémiante à l’exercice<br />

chez les patients dialysés anuriques [24].<br />

Chez les patients dialysés, il y a plusieurs types<br />

d’explications permettant de mieux comprendre<br />

cette efficacité apparente <strong>des</strong> bêta-bloqueurs sur la<br />

prévention de la mort subite. Ces patients présentent<br />

une hyperactivité sympathique provenant <strong>des</strong><br />

nerfs sympathiques efférents rénaux bien démontrés<br />

par <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> en microneurographie [25, 26].<br />

Le rein fabrique de plus une amino-oxydase circulante,<br />

la renalase, qui catabolise les catécholamines.<br />

La renalase a une activité ou une production réduite<br />

au cours de l’insuffisance rénale, ce qui pourrait<br />

favoriser l’hypercatécholergie circulante.<br />

Blocage du système rénine-angiotensine<br />

Chez les patients hémodialysés avec une HVG<br />

échocardiographique, l’essai contrôlé prospectif<br />

FOSIDIAL a comparé l’inhibiteur de l’enzyme de<br />

conversion fosinopril versus son placebo, en sus<br />

d’un traitement antihypertenseur conventionnel<br />

[27]. Cet essai n’a pas retrouvé d’impact significatif<br />

du fosinopril sur la mortalité quoiqu’une analyse<br />

per-protocole retrouve un effet marginal. Dans<br />

cette étude cependant effectuée chez <strong>des</strong> mala<strong>des</strong><br />

à très haut risque, le nombre d’évènements observés<br />

a été fortement inférieur à celui attendu et utilisé<br />

pour le calcul d’effectifs, si bien que cette étude<br />

s’avère de puissance insuffisante pour conclure définitivement.<br />

Une autre petite étude avec un bloqueur du récepteur<br />

de l’angiotensine II, le can<strong>des</strong>artan, a été réalisée<br />

chez <strong>des</strong> patients japonais [28]. Dans cette<br />

étude, le can<strong>des</strong>artan a permis de réduire d’un facteur<br />

3 <strong>des</strong> évènements cardiovasculaires et de réduire<br />

le nombre d’arythmies fatales, quoique la significativité<br />

de ce dernier point soit limitée par le<br />

faible nombre d’évènements.<br />

Un autre argument en faveur de l’intervention du<br />

système rénine-angiotensine chez les patients dialysés<br />

est la démonstration par un groupe hollandais<br />

que le génotype du gène de l’enzyme de conversion<br />

est associé à un risque de décès cardiovasculaire<br />

plus important chez <strong>des</strong> patients hémodialysés<br />

incidents [29] suggérant que l’angiotensine II<br />

joue un rôle dans la mortalité cardiovasculaire et la<br />

88<br />

mort subite chez ces patients.<br />

Il est possible enfin que l’angiotensine II joue un<br />

rôle délétère en stimulant l’hyperexcitabilité, soit directement,<br />

soit indirectement, via le remodelage<br />

cardiaque [30].<br />

Les anti-aldostérones<br />

Malgré les effets bénéfiques de l’aldactone et de<br />

l’éplérénone chez les patients avec une insuffisance<br />

cardiaque, ces médicaments n’ont pas été étudiés<br />

largement chez les patients dialysés en raison de la<br />

crainte de l’hyperkaliémie.<br />

Dans une étude récente avec un schéma cross over<br />

chez un tout petit nombre de patients (n = 8), une<br />

forte dose de spironolactone (50 mg x 2 par jour) a,<br />

par rapport au placebo, démontré une diminution<br />

significative de la pression artérielle sans effet significatif<br />

sur la kaliémie [31]. De façon intéressante<br />

chez ces patients anuriques, l’effet tensionnel est<br />

forcément indépendant d’un effet natriurétique de<br />

la spironolactone. Si de telles observations sont<br />

confirmées, ces médicaments pourraient être plus<br />

facilement utilisés dans le cadre de l’insuffisance rénale<br />

chronique au stade de dialyse.<br />

Un outsider : le nicorandil<br />

Le nicorandil (N-(2-hydroxyéthyl)-nicotinamide) est<br />

un anti-angineux qui vasodilate les vaisseaux épicardiques<br />

et les microvaisseaux < 100 µm via l’activation<br />

<strong>des</strong> canaux potassium sensibles à l’ATP et<br />

la production de GMPc. L’essai IONA a montré que<br />

le nicorandil réduit les accidents cardiovasculaires et<br />

la mortalité cardiaque chez les patients angineux<br />

stables [32].<br />

Un essai prospectif ouvert a été réalisé chez<br />

129 patients hémodialysés japonais venant de bénéficier<br />

d’une revascularisation coronaire par angioplastie<br />

et randomisés pour recevoir du nicorandil ou<br />

son placebo en sus du traitement conventionnel<br />

[33]. La mortalité cardiaque et globale à 3 ans de<br />

suivi moyen a été significativement plus basse sous<br />

nicorandil (14,4 vs 29,3 % et 20,8 vs 39,5 % respectivement).<br />

L’effet présumé est une amélioration de<br />

la perfusion myocardique contrebalancant les effets<br />

délétères de la raréfaction capillaire du cœur urémique<br />

[11].


Traitement pharmacologique préventif de la mort subite chez le patient dialysé<br />

En conclusion, malgré l’absence d’essai spécifiquement<br />

mis en place pour répondre à cette<br />

question, les bêta-bloqueurs, le carvedilol en particulier,<br />

et les ARA2 semblent capables de réduire<br />

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89<br />

l’incidence de la mort subite chez les patients dialysés.<br />

Ces médicaments devraient donc être privilégiés<br />

pour traiter l’hypertension et/ou l’insuffisance<br />

cardiaque chez les patients dialysés.<br />

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91<br />

Chapitre 5<br />

Atelier<br />

anatomopathologique


Chapitre 5 - Atelier anatomopathologique<br />

Récidive <strong>des</strong> hyalinoses segmentaires et<br />

focales après transplantation rénale<br />

Guillaume Canaud<br />

1, 2<br />

1. Université Paris Descartes<br />

2. Service de Transplantation et Unité de Soins Intensifs, Hôpital Necker<br />

Introduction<br />

La glomérulopathie de type hyalinose segmentaire<br />

et focale (HSF) est une lésion histopathologique<br />

glomérulaire à caractère segmentaire (affectant<br />

une partie du floculus) et focal (n’affectant que<br />

certains glomérules). Les maladies glomérulaires incluant<br />

<strong>des</strong> lésions de HSF sont extrêmement nombreuses<br />

et l’on distingue les lésions de HSF dites<br />

« primitives » ou « idiopathiques » quand aucune<br />

cause n’est identifiée, et les lésions de HSF « secondaires<br />

» ou « associées » quand l’atteinte rénale relève<br />

d’une cause identifiée (ex. : mutations génétiques,<br />

réduction néphronique, VIH, parvovirus B19,<br />

lithium, pamidronate…). Ces formes secondaires<br />

sont associées à un risque faible de récidive sur le<br />

greffon et leurs traitements relèvent de la maladie<br />

sous-jacente. Nous aborderons uniquement les<br />

formes idiopathiques. Elles représentent 20 % <strong>des</strong><br />

syndromes néphrotiques de l’enfant et de l’adulte.<br />

Les lésions de HSF idiopathiques conduisent à l’insuffisance<br />

rénale terminale dans près de 50 % <strong>des</strong><br />

cas en cas de protéinurie de débit néphrotique [1,<br />

2]. Leurs traitements reposent sur <strong>des</strong> corticostéroï<strong>des</strong>,<br />

puis en cas d’échec (syndrome néphrotique<br />

corticorésistant) ou de corticodépendance à seuil<br />

élevé, <strong>des</strong> immunosuppresseurs (anti-calcineurines,<br />

cyclophosphamide ou mycophénolate mofétil.<br />

Ces formes primitives de syndrome néphrotique<br />

corticorésistant avec HSF représentent un enjeu<br />

majeur en transplantation puisque la récidive sur le<br />

greffon est fréquente (20-40 %), et est associée à<br />

une moins bonne survie du greffon (50 % de survie<br />

rénale à 5 ans) [3, 4]. Pour une meilleure compréhension<br />

<strong>des</strong> lésions histologiques nous devons<br />

92<br />

nous plonger brièvement dans la physiopathologie<br />

de la HSF primitive.<br />

Physiopathologie<br />

La physiopathologie de la forme primitive est complexe,<br />

et reste encore non élucidée. Cette maladie<br />

repose sur une dysrégulation du système immunitaire<br />

aboutissant à la sécrétion d’un facteur sérique<br />

responsable d’une agression podocytaire. On peut<br />

donc imaginer dissocier cette maladie selon deux<br />

axes : un axe immunitaire et un axe podocytaire.<br />

Tout d’abord il existe de nombreux arguments dans<br />

la littérature pour accréditer la présence d’un facteur<br />

circulant : cas de transmission materno-fœtale durant<br />

la gestation, donneurs cadavériques atteints<br />

de lésions de HSF responsables d’une protéinurie<br />

initiale qui disparaîtra spontanément après transplantation,<br />

et enfin les récidives de protéinuries<br />

immédiatement après transplantation qui sont<br />

améliorées par les échanges plasmatiques [5-9].<br />

Les caractéristiques physico-chimiques de ce facteur<br />

ne sont pas encore formellement établies et<br />

restent encore de l’ordre du spéculatif. Il s’agit d’une<br />

protéine dont le poids moléculaire est estimé entre<br />

30-120 kD, capable d’être fixée sur une colonne<br />

d’immuno-absorption de protéine A et qui est non<br />

dialysable [9, 10]. En 1974, Shalhoub fût le premier<br />

à émettre l’hypothèse (« Shalhoub hypothesis »)<br />

d’un désordre lymphocytaire T aboutissant à la sécrétion<br />

d’un facteur circulant responsable du syndrome<br />

néphrotique idiopathique (SNI) [11]. Il était<br />

parvenu à cette conclusion en observant une certaine<br />

efficacité <strong>des</strong> stéroï<strong>des</strong> et du cyclophosphamide<br />

sur l’évolution de cette maladie, et la


Récidive <strong>des</strong> hyalinoses segmentaires et focales après transplantation rénale<br />

fréquence du SNI au cours de la maladie de Hodgkin.<br />

En 1991, Koyama et coll., poursuivant cette hypothèse,<br />

réussirent à induire une protéinurie avec<br />

<strong>des</strong> lésions glomérulaires minimes (LGM) chez le rat<br />

en injectant le surnageant de culture d’hybridomes<br />

T de patients atteints de SNI [12]. Logiquement les<br />

néphrologues utilisèrent donc <strong>des</strong> médicaments<br />

bloquant la réponse immunitaire T. Les anticalcineurines<br />

(ciclosporine et tacrolimus) montrèrent<br />

une efficacité certaine sur la protéinurie mais non<br />

constante. Cette action antiprotéinurique fut également<br />

retrouvée dans d’autres maladies glomérulaires<br />

non immunes, laissant suggérer une action<br />

autre que sur le système immunitaire (voir ci-<strong>des</strong>sous)<br />

[13, 14]. D’autres médicaments agissant sur<br />

une voie différente (3 e signal) au sein du lymphocyte<br />

T, inhibiteurs de mTOR, furent inefficaces dans<br />

cette maladie, voir délétères [15]. L’avènement<br />

d’anticorps monoclonaux utilisés en transplantation<br />

rénale ayant une action déplétive sur les lymphocytes<br />

T spécifiquement (anti-CD3, anti-CD52)<br />

n’apportèrent pas la guérison ou l’éradication tant<br />

attendue de la récidive [16]. Finalement, la possibilité<br />

que l’hypothèse de Shalhoub ne soit pas un<br />

dogme commença à faire son chemin. Le coup de<br />

grâce viendra de publications rapportant l’obtention<br />

d’une rémission en utilisant un anticorps monoclonal<br />

dirigé contre les lymphocytes B (rituximab)<br />

[17]. Ces publications firent apparaître la limite de<br />

nos connaissances de cette maladie et émettre<br />

une nouvelle hypothèse. Ainsi, il est actuellement<br />

supposé que la physiopathologie repose sur une<br />

coopération complexe entre les lymphocytes T et<br />

les lymphocytes B aboutissant à la sécrétion du facteur<br />

sérique. La collaboration T-B oriente les lymphocytes<br />

T vers un profil de type Th2. Cette orientation<br />

du système immunitaire vers la voie Th2 est<br />

mise en évidence par la forte expression de cytokines<br />

de type Th2 (IL-13) au cours <strong>des</strong> phases actives<br />

de SNI [18], mais aussi par l’induction de LGM<br />

chez le rat après surexpression d’IL-13, [19] ou encore<br />

l’efficacité du lévamisole chez l’enfant au cours<br />

<strong>des</strong> poussées [20].<br />

Récemment, l’équipe de Mundel a mis en évidence<br />

la présence de molécules de co-stimulation (B7.1) à<br />

la surface du podocyte, et il n’est donc pas exclu<br />

que les cellules du système immunitaire puissent<br />

interagir directement avec celui-ci [21].<br />

Une fois lésée par ce facteur circulant et/ou les cellules<br />

immunes directement, s’offre aux podocytes<br />

deux voies :<br />

93<br />

1) la dégénérescence, puis l’apoptose conduisant<br />

à son détachement de la membrane basale,<br />

laissant celle-ci à nue. Cette perte ne peut être<br />

compensée, aboutissant à une podocytopénie<br />

puis progressivement à une lésion de hyalinose<br />

segmentaire et focale [22] ;<br />

2) la dérégulation, mise en évidence dans les<br />

formes avec collapsus du floculus (classification<br />

de Columbia). Les podocytes changent de<br />

forme, expriment <strong>des</strong> marqueurs de prolifération<br />

PCNA et Ki67, n’expriment plus les inhibiteurs<br />

<strong>des</strong> cyclines dépendantes <strong>des</strong> kinases (p27 et<br />

p57), perdent leurs marqueurs de maturité<br />

(podocalyxine, synaptopodine, podocine, néphrine,<br />

CD2AP…) et expriment la cytokératine,<br />

<strong>des</strong> marqueurs macrophagiques (CD68) et le<br />

facteur de transcription PAX2 [23, 24].<br />

Histopathologie, classification de<br />

Colombia et récidive en<br />

post-transplantation<br />

En 2004, l’Université de Columbia a proposé une<br />

classification <strong>des</strong> lésions histologiques de HSF sur<br />

les reins natifs [25] (Figure 1A). Cette classification a<br />

été créée afin de mieux caractériser les lésions de<br />

HSF, de mieux en apprécier le pronostic, et peutêtre<br />

d’orienter les traitements. Elle distingue : les<br />

formes classiques (NOS, « not otherwise specified<br />

»), les formes du pôle vasculaire ou péri hilaire<br />

(PH), les formes cellulaires (CELL), les formes du<br />

pôle tubulaire (TIP), et les formes avec collapsus du<br />

floculus (COL). Cette classification permet de distinguer<br />

les lésions dont l’évolution est rapidement<br />

péjorative (COL) de celles associées à une meilleure<br />

survie rénale (TIP). Les autres types histologiques<br />

ne présentent pas de particularités épidémiologiques<br />

ou évolutives facilement identifiables.<br />

Cependant l’impact de cette classification en transplantation<br />

n’est pas bien connu. Nous avons voulu<br />

savoir si cette classification permettait de déterminer<br />

les patients à risque de récidive, ainsi que la<br />

forme histologique de la récidive [26]. Pour cela,<br />

nous avons étudié 77 patients atteints de HSF primitive<br />

conduit à l’insuffisance rénale terminale puis<br />

transplantés. Les patients ont été séparés<br />

en 2 groupes selon la présence (n = 42) ou non<br />

(n = 35) d’une récidive de protéinurie de rang<br />

néphrotique. Pour chacun <strong>des</strong> 2 groupes, les biopsies<br />

<strong>des</strong> reins propres, les biopsies après transplantation,<br />

réalisées en cas de protéinurie ou d’insuffi-


sance rénale aiguë, ainsi que les biopsies systématiques<br />

aux 3 e et 12 e mois post-greffe ont été<br />

analysées. Pour chacune d’elle a été appliquée la<br />

classification de Columbia. La distribution <strong>des</strong> lésions<br />

de HSF sur les reins propres était la suivante :<br />

38 NOS (49,3 %), 17 CELL (22,2 %), 10 COL (12,9 %),<br />

6 PH (7,8 %) et 6 TIP (7,8 %) (Tableau 1). Toutes les<br />

formes histologiques étaient présentes dans les<br />

Chapitre 5 - Atelier anatomopathologique<br />

94<br />

2 groupes sans distinction (Figure 1B). Après transplantation,<br />

les lésions glomérulaires minimes (LGM)<br />

représentaient la principale lésion observée chez<br />

32/33 patients ayant eu une biopsie au moment de<br />

la récidive de protéinurie. Seul un patient avait une<br />

lésion de HSF constituée dès J15 (patient 38, forme<br />

PH) (Figure 2A). Au 3 e mois, une lésion de HSF était<br />

retrouvée chez 11/39 patients, puis chez 14/37 <strong>des</strong><br />

Figure 1 : Panel A : Représentation <strong>des</strong> lésions histopathologiques de HSF identifiées par la classification de<br />

Colombia. Panel B : Distribution <strong>des</strong> formes histologiques de HSF sur les reins natifs dans les 2 groupes de<br />

patients (avec ou sans récidive). Panel C : Distribution <strong>des</strong> lésions de HSF après transplantation en cas de<br />

récidive de syndrome néphrotique.


Récidive <strong>des</strong> hyalinoses segmentaires et focales après transplantation rénale<br />

patients au 12 e mois. Le traitement en cas de récidive<br />

a consisté en de la cyclosporine A en intraveineuse<br />

(CsA IV) + échanges plasmatiques (EP) dans<br />

10 cas, CsA IV + EP + fortes doses de stéroï<strong>des</strong><br />

dans 3 cas, CsA IV seule dans 10 cas, CsA orale + EP<br />

dans 3 cas, CsA orale seule dans 8 cas, CsA orale +<br />

EP + rituximab dans 1 cas, Cyclophosphamide + EP<br />

dans 1 cas, CsA IV + EP + rituximab dans 4 cas, CsA<br />

IV + enalapril dans 1 cas, et de l’immuno-adsorption<br />

dans 1 cas. Avec ces différents traitements,<br />

une rémission complète a été observée chez 17/42<br />

patients, et aucun d’eux n’a développé de lésion de<br />

HSF (Figure 2B). À l’inverse, les patients ayant développé<br />

<strong>des</strong> lésions de HSF avaient tous une protéinurie<br />

permanente. Le type histologique de HSF<br />

trouvé sur les reins propres n’a permis de prédire ni<br />

la récidive, ni la forme histologique de la récidive (Figure<br />

1C). En effet, seul 3/42 eurent la même forme<br />

histologique sur le transplant. Six patients ont eu<br />

une récidive sur un 2 e greffon, et 3 sur une troisième<br />

greffe, et dans tous les cas le type histologique<br />

de HSF était différent de celui <strong>des</strong> reins natifs.<br />

Sur les reins propres, nous avons donc retrouvé une<br />

distribution similaire <strong>des</strong> lésions à celle observée<br />

dans la population américaine, les formes NOS et<br />

CELL étant les plus fréquemment observées, les<br />

formes PH, TIP et COL plus rares [27, 28]. Ainsi, toutes<br />

les formes histologiques de HSF peuvent conduire<br />

à l’insuffisance rénale terminale, même les formes<br />

TIP pourtant décrites comme sensibles aux stéroï<strong>des</strong><br />

et moins agressives que les autres formes.<br />

95<br />

Tableau 1 : Distribution <strong>des</strong><br />

lésions de HSF sur reins propres<br />

Après transplantation, les biopsies<br />

réalisées au moment de la<br />

récidive de protéinurie retrouvent<br />

<strong>des</strong> LGM dans la plupart<br />

<strong>des</strong> cas. Nous avons retenu le<br />

diagnostic de LGM même en<br />

l’absence de microscopie électronique<br />

puisque la microscopie<br />

optique ne retrouvait pas d’anomalie<br />

glomérulaire, de signes de<br />

rejet ou de dépôt en immunofluorescence<br />

(IF). En effet, en<br />

présence d’une protéinurie de rang néphrotique<br />

avec un rein optiquement normal et pas de dépôt<br />

en IF, aucun autre diagnostic ne peut être envisagé.<br />

La dénomination « récidive de HSF » semble<br />

donc mal appropriée puisqu’aucune lésion constituée<br />

n’est observée. Un seul patient avait développé<br />

une lésion de type PH dès J15, ne pouvant<br />

être attribué au donneur puisque celui-ci n’avait ni<br />

protéinurie au moment du prélèvement, ni lésion<br />

préexistante sur la biopsie préimplantatoire, et que<br />

cette lésion était observée concomitamment d’un<br />

syndrome néphrotique. Une interprétation possible<br />

de cette lésion est celle d’une maladie plus agressive<br />

et moins contrôlée. À partir du 3 e mois, l’incidence<br />

LGM diminue avec le temps alors que celle<br />

de patients ayant <strong>des</strong> lésions de HSF augmente<br />

chez ceux ayant une protéinurie persistante. Il semble<br />

donc exister dans le temps une corrélation anatomo-clinique<br />

entre syndrome néphrotique persistant<br />

et constitution de lésions de HSF.<br />

L’objectif principal de ce travail était d’étudier si la<br />

classification de Colombia pouvait prédire le risque<br />

de récidive après transplantation et la forme histologique<br />

de la récidive. Nous avons donc montré<br />

que cette classification ne pouvait ni prédire le<br />

risque de récidive ni la forme histopathologique<br />

de la récidive. Plusieurs hypothèses peuvent expliquer<br />

la différence de formes histologique observée<br />

entre reins propres et reins transplantés. Tout<br />

d’abord les traitements immunosuppresseurs après<br />

la transplantation modifient certainement la


physiopathologie de la maladie. Ensuite, le bagage<br />

génétique du donneur doit jouer un rôle non négligeable<br />

puisqu’il a été récemment découvert que<br />

<strong>des</strong> polymorphismes du gène MYH9 étaient associés<br />

à <strong>des</strong> lésions de HSF [29]. Enfin, le rein transplanté<br />

est soumis à spécificités hémodynamiques<br />

qui doivent certainement moduler les lésions.<br />

Deux autres variables peuvent influer sur les formes<br />

de HSF observées : la taille de la biopsie donc le<br />

nombre de glomérules étudiés, et le moment où la<br />

biopsie est réalisée. En effet, toutes les formes histologiques<br />

de HSF évoluent avec le temps vers une<br />

forme non spécifique de type NOS [25].<br />

Cependant, une récente étude multicentrique comportant<br />

19 patients ne retrouve pas nos conclusions<br />

[30]. En effet dans cette série, il existe dans<br />

près de 80 % <strong>des</strong> cas une concordance <strong>des</strong> types<br />

histologiques (reins propres/greffons). Les divergences<br />

avec nos résultats peuvent s’expliquer par le<br />

Chapitre 5 - Atelier anatomopathologique<br />

96<br />

Figure 2 : Panel A : Evolution au<br />

cours de la première année de<br />

transplantation <strong>des</strong> lésions glomérulaires<br />

en cas de récidive de<br />

syndrome néphrotique. Panel B :<br />

Caractéristiques histologiques<br />

de lésions glomérulaires en<br />

fonction de la rémission de<br />

syndrome néphrotique.<br />

faible effectif de leur cohorte, et par la surreprésentation<br />

du type histologique NOS. En effet<br />

dans leur série, 6/17 diagnostic de lésions de HSF de<br />

type NOS reposent sur l’examen de pièce de néphrectomie<br />

réalisée au moment de la transplantation.<br />

Or, la forme NOS représente la forme d’évolution<br />

de tous les types histologiques de HSF vieillies.<br />

Ceci également vrai pour leurs biopsies tardives<br />

sur le greffon.<br />

En conclusion, la classification de Colombia n’apporte<br />

pas d’information pour prédire le risque de récidive<br />

ou la forme histologique de la récidive.<br />

L’étude systématique <strong>des</strong> biopsies en cas de récidive<br />

de syndrome néphrotique nous a permis de<br />

montrer que les lésions glomérulaires minimes sont<br />

les plus fréquemment observées au moment de la<br />

récidive et que leur incidence diminue avec le<br />

temps au profit de lésions de HSF constituées si les<br />

patients ne sont pas en rémission.


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Chapitre 5 - Atelier anatomopathologique<br />

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99<br />

Chapitre 6<br />

Transplantation


Chapitre 6 - Transplantation<br />

Tourisme de transplantation : conséquence<br />

de la pénurie ?<br />

Moglie Le Quintrec<br />

Paris<br />

La pénurie d’organe est croissante, ce qui contribue<br />

à l’augmentation <strong>des</strong> délais d’attente avant la transplantation<br />

: pour obtenir un greffon rénal, le délai<br />

d’attente moyen est par exemple de presque 5 ans<br />

aux USA et de plus de 18 mois en France avec de<br />

gran<strong>des</strong> disparités selon les caractéristiques <strong>des</strong><br />

patients, mais aussi selon les régions. La première<br />

stratégie de lutte contre la pénurie d’organe consistent<br />

à augmenter l’offre de greffons par toutes les<br />

solutions possibles : prélèvement d’organes marginaux<br />

prélevés chez <strong>des</strong> donneurs plus âgés ayant<br />

<strong>des</strong> antécédents cardiovasculaires, le recours plus<br />

large au prélèvement sur donneurs vivants, enfin le<br />

prélèvement chez <strong>des</strong> donneurs décédés après arrêt<br />

cardiaque. Malgré l’augmentation du pool de<br />

greffons et l’augmentation constante de l’activité<br />

de transplantation rénale, la pénurie d’organes s’aggrave<br />

du fait de l’augmentation plus forte de la<br />

demande, notamment en ce qui concerne la greffe<br />

rénale. C’est dans ce contexte que se développe et<br />

progresse le tourisme de transplantation.<br />

Selon le rapport de l’OMS de 2007, 5 à 10 % <strong>des</strong><br />

transplantations rénales effectuées annuellement<br />

dans le monde le sont dans le cadre d’un trafic<br />

d’organes.<br />

Le trafic d’organe et le tourisme de transplantation<br />

ont été récemment redéfinit dans le cadre d’actions<br />

engagées par l’Organisation Mondiale de la Santé<br />

(OMS) et les sociétés savantes <strong>des</strong> professionnels<br />

de la transplantation : The Transplantation Society<br />

(TTS) et International Society of Nephrology (ISN),<br />

ayant notamment abouti à la rédaction consensuelle<br />

de la Déclaration d’Istanbul [1]. La transaction<br />

100<br />

commerciale et l’exploitation <strong>des</strong> personnes vulnérables<br />

constituent l’aspect central du trafic d’organe,<br />

pratique dans laquelle, l’organe devient un<br />

bien matériel.<br />

Les patients transplantés dans le cadre d’un trafic<br />

d’organes sont d’une part les patients insuffisants<br />

rénaux résidants dans les pays où se pratique<br />

l’achat d’organes et d’autre part certains patients issus<br />

<strong>des</strong> pays développés, se rendant dans les pays<br />

émergents pour être transplanté plus rapidement<br />

en achetant un organe, le plus souvent un rein.<br />

Le tourisme de transplantation est donc implicitement<br />

associé au trafic d’organes. La transplantation<br />

a lieu le plus souvent dans le pays du donneur,<br />

mais peut avoir lieu dans un autre pays dans<br />

lequel donneur et receveur se déplacent (Shimazono<br />

Y Mapping “Transplant Tourism”. Presentation<br />

at the World Health Organization’s Second<br />

Global Consultation on Human Transplantation,<br />

March 28–30, 2007, Geneva) [1]. Les principaux<br />

pays impliqués dans le trafic d’organes sont<br />

l’Egypte, le Pakistan, les Philippines, la Chine et<br />

l’Inde.<br />

Le tourisme de transplantation n’est pas récent<br />

puisque qu’il existe depuis les années 1980, il<br />

concernait les pays émergents où la transplantation<br />

était inexistante : Arabie Saoudite, Corée du Sud,<br />

Malaisie, mais aussi Japon et Israël. Les receveurs<br />

riches de ces pays voyageaient en Chine, en Inde,<br />

en Egypte, et au Pakistan pour bénéficier d’une<br />

transplantation rénale [2]. L’absence de dispositions<br />

pénales claires vis-à-vis du trafic d’organes et


l’absence de volonté politique et médicale de ces<br />

pays riches pour favoriser le développement de la<br />

transplantation d’organe a facilité le trafic voire incité<br />

les patients à se rendre dans les pays où l’achat<br />

d’organe était possible. Certains pays, comme Israël,<br />

autorisaient le remboursement par les assurances<br />

de santé jusqu’à certains coûts engendrés<br />

par la greffe.<br />

L’extension de la pratique du tourisme de<br />

transplantation aux pays d’Europe de l’Ouest, aux<br />

USA et au Canada a débuté dans le milieu <strong>des</strong> années<br />

90 et s’est accélérée depuis les années 2000<br />

[3].<br />

Les conditions facilitant le développement du trafic<br />

d’organe et du tourisme de transplantation, sont :<br />

• la pénurie d’organe responsable de délais d’attente<br />

insoutenables pour les patients ;<br />

• la “démocratisation” de la transplantation dans<br />

de nombreux pays, notamment émergents ;<br />

• l’accès universel à <strong>des</strong> médicaments immunosuppresseurs<br />

d’emploi bien codifié ;<br />

• la présence de structures médicales et de professionnels<br />

entrainés aux techniques de transplantation<br />

;<br />

• une population locale vulnérable prête à tout<br />

pour sortir <strong>des</strong> conditions difficiles moyennant finances<br />

;<br />

• <strong>des</strong> intermédiaires rapi<strong>des</strong> et efficaces utilisant<br />

les moyens de communication modernes tél<br />

qu’Internet pour répondre à une demande croissante<br />

dans un délai très bref ;<br />

• le vide législatif sur la greffe et le prélèvement<br />

d’organes dans certains de ces pays comme au<br />

Pakistan ou aux Philippines jusqu’à tout récemment<br />

(Pakistan et Philippines récemment mis en<br />

place) ou le non respect de cette loi comme en<br />

Inde [4], ou en Chine (en ce qui concerne l’utilisation<br />

<strong>des</strong> organes <strong>des</strong> condamnés à mort).<br />

L’estimation du nombre de patients se rendant à<br />

l’étranger chaque année est difficile à établir car aucun<br />

pays ne dispose de registre pour quantifier le<br />

phénomène. Les patients greffés rénaux dans le cadre<br />

du tourisme de transplantation sont toujours<br />

majoritairement originaires en 2007 <strong>des</strong> pays d’Asie<br />

et du Moyen Orient : Arabie Saoudite, Corée du<br />

Sud, Taiwan, Malaisie, et Israël (Shizmazono, rapport<br />

de l’OMS 2007). Aux USA, le nombre de patients<br />

transplantés à l’étranger dans un contexte de<br />

tourisme de transplantation est estimé à 373 patients<br />

entre 2001 et 2006 [3]. 32 patients résidents<br />

Tourisme de transplantation : conséquence de la pénurie ?<br />

101<br />

en France, dont la quasi-totalité (29 <strong>des</strong> 32 patients)<br />

résidaient en île-de-France ont été transplantés<br />

dans le cadre de tourisme de transplantation<br />

depuis les années 2000.<br />

L’analyse de la cohorte <strong>des</strong> patients en France<br />

transplantés dans le cadre de tourisme de<br />

transplantation et les données issues <strong>des</strong> publications<br />

récentes [5, 6, 7] permettent de définir <strong>des</strong><br />

caractéristiques communes à ces patients se rendant<br />

à l’étranger en vue d’une greffe rénale. Ils<br />

sont majoritairement d’origine étrangère, venant<br />

principalement d’Asie, du Moyen-Orient et la greffe<br />

a lieu le plus souvent dans leur pays d’origine ou<br />

dans un pays proche. Les patients reviennent dans<br />

leur pays de résidence entre 1 et 2 mois après la<br />

transplantation, avec <strong>des</strong> rapports ne comportant<br />

qu’un minimum d’informations sur les caractéristiques<br />

de la greffe, l’évolution postopératoire et la<br />

plupart du temps aucune donnée sur le donneur<br />

n’est disponible.<br />

Les complications chirurgicales sont principalement<br />

les infections de paroi, dont l’incidence est<br />

évaluée entre 12 et 30 % selon les étu<strong>des</strong> et, toujours<br />

selon les étu<strong>des</strong>, un rejet est observé chez 10<br />

à 30 % <strong>des</strong> patients. Le traitement immunosuppresseur<br />

est identique à celui administré dans les<br />

centres de transplantation de leur pays de résidence,<br />

mais en revanche, il n’y a pas de surveillance<br />

<strong>des</strong> dosages et les doses d’immunosuppresseurs<br />

sont parfois inadaptées. Les complications<br />

les plus fréquentes et les plus graves pouvant affecter<br />

le pronostic vital sont infectieuses. Les infections<br />

graves transmises par le donneur, exceptionnelles<br />

dans les pays développés dans lesquels <strong>des</strong><br />

règles de sécurité sanitaires existent, sont la tuberculose,<br />

les hépatites B et C et les infections fongiques<br />

[5-6, 8-11].<br />

Les taux de survie <strong>des</strong> greffons et <strong>des</strong> patients sont<br />

difficiles à analyser en l’absence de données de<br />

suivi à long terme. Les quelques publications font<br />

état de survies extrêmement variables, selon les<br />

étu<strong>des</strong> entre 60 et 90 % à un an de la transplantation.<br />

En France après un suivi moyen de 4 ans après<br />

la transplantation rénale, la survie <strong>des</strong> greffons est<br />

de 85 % et la survie <strong>des</strong> patients est de 100 %.<br />

Les vendeurs d’organes sont localisés essentiellement<br />

en Asie, au Moyen Orient et en Amérique<br />

du sud et plus particulièrement en Chine, aux


Philippines, en Inde, en Colombie, au Brésil, au Pakistan<br />

ou en Iran ou l’achat d’organes est contrôlé<br />

par l’Etat. Très peu d’étu<strong>des</strong> ont été faites sur ces<br />

vendeurs et notamment aucune donnée n’est disponible<br />

en Chine et dans les pays d’Amérique du<br />

sud. Les données disponibles proviennent de trois<br />

pays. La vente d’organes est désormais illégale<br />

dans ces pays : Inde, Pakistan et Philippines [4, 12],<br />

(Philippines, Tanchanco conférence 2008). L’âge<br />

moyen <strong>des</strong> personnes qui sont prélevées est de<br />

30 ans et la majorité <strong>des</strong> vendeurs sont <strong>des</strong> travailleurs<br />

manuels ou <strong>des</strong> vendeurs de rue dont le revenu<br />

familial annuel est très inférieur au revenu<br />

moyen par habitant. La motivation essentielle est<br />

donc financière. Les vendeurs touchent entre 20 et<br />

30 % de moins que ce qu’il leur a été promis avant<br />

la néphrectomie. Après la néphrectomie, plus de<br />

80 % <strong>des</strong> vendeurs rapportent une diminution de<br />

leurs capacités physiques, une diminution de leur<br />

activité de travail responsable d’une perte mensuelle<br />

de leur revenu allant jusqu’à 30 %. Le plus<br />

souvent, ils sont délaissés et rejetés par leur famille<br />

et leurs proches car la mutilation et la présence<br />

d’une cicatrice est considéré comme un handicap.<br />

Au Pakistan, la fonction rénale évaluée par la clearance<br />

de créatinine calculée montre que 24 % <strong>des</strong><br />

vendeurs avaient une clairance de la créatinine inférieure<br />

à 60 ml/min contre 3 % <strong>des</strong> donneurs<br />

non rémunérés après la néphrectomie [12].<br />

Lorsqu’ils sont interrogés sur leur ressenti après<br />

l’intervention, 70 à 80 % <strong>des</strong> vendeurs regrettent<br />

leur geste, que ce soit dans le cadre légal en Iran<br />

[13] ou dans le cadre d’un trafic d’organes et moins<br />

de 30 % <strong>des</strong> vendeurs encouragent de potentiels<br />

vendeurs [4, 12].<br />

Une minorité de la communauté médicale défend<br />

la commercialisation <strong>des</strong> organes pour différentes<br />

raisons : une pénurie d’organe croissante sans solution<br />

efficace pour y remédier, un système qui peut<br />

bénéficier à la fois au receveur qui a une survie et<br />

une qualité de vie améliorée par la transplantation<br />

et au vendeur car l’aide financière lui permet de sortir<br />

de sa condition sociale difficile et enfin faire disparaître<br />

le trafic d’organes par la régularisation<br />

stricte <strong>des</strong> conditions financières de la valorisation<br />

financière <strong>des</strong> donneurs d’organes [14-17].<br />

L’OMS et la communauté médicale représentée<br />

par la TTS et l’ISN a pris position contre la commer-<br />

Chapitre 6 - Transplantation<br />

102<br />

cialisation <strong>des</strong> organes et le trafic d’organe lors du<br />

sommet d’Istanbul en mai 2008 qui a réuni les représentants<br />

politiques et médicaux de plus de<br />

50 pays [18]. Une charte (Déclaration d’Istanbul) a<br />

été rédigée et signée par les représentants <strong>des</strong> différents<br />

pays, celle-ci rappelle les droits fondamentaux<br />

<strong>des</strong> personnes. Elle est <strong>des</strong>tinée à améliorer la<br />

prise en charge <strong>des</strong> patients en insuffisance rénale<br />

et à établir <strong>des</strong> propositions de collaboration entre<br />

pays pour lutter activement contre le trafic d’organes.<br />

Un certain nombre de mesures ont pu être<br />

mises rapidement en place dans les pays où se<br />

pratique le trafic d’organes. Deux ans après le sommet<br />

d’Istanbul, plusieurs pays ont légiféré et se<br />

sont engagés dans une lutte active contre le trafic<br />

d’organes ; le Pakistan, les Philippines et d’autres<br />

comme Israël et l’Egypte œuvrent à voter une loi<br />

sur la mort encéphalique incitant le don d’organes.<br />

Néanmoins, il n’y a pour le moment pas de solution<br />

concrète et efficace à la pénurie d’organe, car la<br />

crise économique mondiale accroît les difficultés<br />

économiques <strong>des</strong> personnes les plus vulnérables et<br />

la pression <strong>des</strong> patients en attente d’un rein est très<br />

forte.<br />

Il n’est pas non plus exclu que les lois puissent être<br />

contournées où que le trafic d’organes se délocalise<br />

dans <strong>des</strong> pays sans cadre légal sur la greffe et le<br />

prélèvement et réunissant les conditions nécessaires<br />

pour la réalisation de la transplantation commerciale.<br />

En France, le tourisme de transplantation<br />

est un phénomène marginal mais mieux connaître<br />

la population à risque permettrait une meilleure<br />

prévention du tourisme de transplantation en les<br />

mettant en garde sur les risques infectieux encourus,<br />

en les informant sur le caractère illégal et<br />

contraire à l’éthique du trafic d’organes et du tourisme<br />

de transplantation. La prévention et la sensibilisation<br />

de la population sont probablement capitales<br />

pour éviter le phénomène de tourisme de<br />

transplantation.<br />

Conclusion<br />

Le tourisme de transplantation est un phénomène<br />

marginal en France, mais il n’est pas exclu que le<br />

contexte de pénurie d’organes et de généralisation<br />

dans le monde de la prise en charge <strong>des</strong> maladies<br />

chroniques, notamment de l’insuffisance rénale,<br />

puisse entraîner son accroissement. Un registre<br />

anonyme à l’échelon national, voire international,


pourrait permettre rapidement d’évaluer le phénomène.<br />

La lutte contre le trafic d’organes et le<br />

tourisme de transplantation comporte d’une part<br />

une action au niveau <strong>des</strong> pays en développement<br />

qui doivent mettre en place <strong>des</strong> mesures pénales<br />

sanctionnant ces pratiques et d’autres part <strong>des</strong> ac-<br />

Références<br />

1. Budiani-Saberi DA, Delmonico fl. Organ trafficking<br />

and transplant tourism: a commentary on the global<br />

realities. Am J Transplant 2008;8(5):925-9.<br />

2. Khamash HA, Gaston RS. Transplant tourism: a<br />

modern iteration of an ancient problem. Curr Opin<br />

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3. Merion RM et al. Transplants in Foreign Countries<br />

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Waiting List. Am J Transplant 2008;8(4 Pt 2):988-96.<br />

4. Goyal M et al. Economic and health consequences<br />

of selling a kidney in India. JAMA 2002;288(13):1589-<br />

93.<br />

5. Canales MT, Kasiske BL, Rosenberg ME. Transplant<br />

tourism: outcomes of United States residents who<br />

undergo kidney transplantation overseas. Transplantation<br />

2006;82(12):1658-61.<br />

6. Gill J et al. Transplant tourism in the United States: a<br />

single-center experience. Clin J Am Soc Nephrol<br />

2008;3(6):1820-8.<br />

7. Prasad GV et al. Outcomes of commercial renal<br />

transplantation: a Canadian experience. Transplantation<br />

2006;82(9):1130-5.<br />

8. Higgins R et al. Kidney transplantation in patients<br />

travelling from the UK to India or Pakistan. Nephrol<br />

Dial Transplant 2003;18(4):851-2.<br />

9. Inston NG et al. Living paid organ transplantation<br />

results in unacceptably high recipient morbidity and<br />

mortality. Transplant Proc 2005;37(2):560-2.<br />

Tourisme de transplantation : conséquence de la pénurie ?<br />

103<br />

tions dans tous les pays du monde pour faire décroître<br />

la demande, c’est-à-dire développer à leur<br />

maximum l’activité de greffe à partir de donneur vivant<br />

et celle de prélèvement d’organes sur donneur<br />

décédé, dans un cadre législatif et organisationnel<br />

structuré.<br />

10. Morad Z, Lim TO. Outcome of overseas kidney<br />

transplantation in Malaysia. Transplant Proc 2000;<br />

32(7):1485-6.<br />

11. Sever MS et al. Outcome of living unrelated<br />

(commercial) renal transplantation. Kidney Int<br />

2001;60(4):1477-83.<br />

12. Naqvi SA et al. Health status and renal function<br />

evaluation of kidney vendors: a report from<br />

Pakistan. Am J Transplant 2008;8(7):1444-50.<br />

13. Zargooshi J. Quality of life of Iranian kidney<br />

"donors". J Urol 2001;166(5):1790-9.<br />

14. Matas AJ, Schnitzler M. Payment for living donor<br />

(vendor) kidneys: a cost-effectiveness analysis. Am J<br />

Transplant 2004;4(2):216-21.<br />

15. Radcliffe-Richards, J., et al., The case for allowing<br />

kidney sales. International Forum for Transplant<br />

Ethics. Lancet 1998;351(9120):1950-2.<br />

16. Friedman EA, Friedman AL. Payment for donor<br />

kidneys: pros and cons. Kidney Int 2006;69(6):960-2.<br />

17. Bakdash T, Scheper-Hughes N. Is it ethical for<br />

patients with renal disease to purchase kidneys from<br />

the world's poor? PLoS Med 2006;3(10):e349.<br />

18. The declaration of Istanbul on organ trafficking and<br />

transplant tourism. Kidney Int 2008.


105<br />

Chapitre 7<br />

Insuffisance<br />

rénale et<br />

sexualité<br />

masculine


Chapitre 7 - Insuffisance rénale et sexualité masculine<br />

Dysfonction érectile chez l’insuffisant<br />

rénal chronique<br />

(avant le stade de la dialyse et de la transplantation)<br />

Alain Baumelou 1 , Francois Giuliano 2 , Xavier Girerd 3<br />

1, 3. GH Pitié Salpêtrière. Services de néphrologie, d’endocrinologie et de cardiologie, Paris<br />

2. GH Raymond Poincaré. Service de Médecine physique et Réadaptation, Garches<br />

La dysfonction érectile (DE) est fréquente chez les<br />

insuffisants rénaux chroniques, sans doute atteignant<br />

plus de 50 % de ces patients. Et pourtant :<br />

• dans la pratique quotidienne, sa fréquence est<br />

sans doute sous-estimée par défaut d’un interrogatoire<br />

systématique en consultation ;<br />

• cette complication fréquente est la grande oubliée<br />

de nos recommandations sur l’insuffisance<br />

rénale chronique, que ce soit celles <strong>des</strong> Kidney<br />

Disease Outcomes Quality Initiatives, de la Haute<br />

Autorité de Santé, ou du Royal College of Physicians<br />

!<br />

La prévalence sur la population<br />

d’insuffisants rénaux chroniques avant la<br />

dialyse (sta<strong>des</strong> ii, iii, et IV) est surement<br />

très élevée<br />

• D’une part du fait de l’âge de ces patients. Dans<br />

l’étude de Feldmann portant sur une population<br />

non sélectionnée, une dysfonction érectile est<br />

observée chez 22 % <strong>des</strong> hommes de la tranche<br />

d’âge 40-49 ans, (complète ou sévère chez 5 %,<br />

modérée chez 17 %), 49 % dans la tranche 70-79<br />

ans (15 et 34 % respectivement). L’âge est le plus<br />

puissant facteur de risque de DE [4].<br />

• D’autre part du fait <strong>des</strong> comorbidités associées.<br />

Dans l’étude de Giuliano, la DE est rapportée par<br />

le patient chez 61 % <strong>des</strong> hypertendus, 67 % <strong>des</strong><br />

diabétiques et 78 % chez les hypertendus diabétiques<br />

[5].<br />

106<br />

Les causes de dysfonction érectile sont<br />

nombreuses chez les patients insuffisants<br />

rénaux chroniques<br />

• Les causes de la maladie rénale peuvent ellesmêmes<br />

induire une DE : diabète, amylose, athérome.<br />

• Les complications de l’insuffisance rénale sont<br />

elles mêmes pourvoyeuses de DE : hyperactivité<br />

sympathique, hypertension artérielle,<br />

insuffisance cardiaque, anémie, hypogonadisme,<br />

hyperparathyroïdisme.<br />

• Une éventuelle consommation de modificateurs<br />

du comportement (alcool, drogues, psychotropes)<br />

et d’autres médicaments. La liste <strong>des</strong> médicaments<br />

susceptibles d’entrainer ou d’aggraver<br />

une DE chez ces patients est longue (tableau I).<br />

• Des facteurs psychologiques et de la dépression<br />

peuvent aggraver ces facteurs.<br />

Faut-il faire un bilan initial ?<br />

• La prise en charge initiale dans une population<br />

non insuffisante rénale peut se limiter à la prescription<br />

d’un inhibiteur de la phosphodiestérase<br />

de type 5 (IPPD5) et à la définition de non répondeurs<br />

[3, 9].<br />

• La multiplicité <strong>des</strong> facteurs favorisants et la prévalence<br />

<strong>des</strong> complications vasculaires chez l’insuffisant<br />

rénal chronique justifient un bilan initial<br />

avant traitement : NFS, créatininémie, ionogramme<br />

sanguin, glycémie, bilan lipidique, testostéronémie<br />

totale et libre le matin, PSA, électrocardiogramme<br />

de repos.


diurétiques thiazi<strong>des</strong><br />

spironolactone<br />

antihypertenseurs methyldopa<br />

clonidine<br />

bêta-bloqueurs<br />

verapamil<br />

cardiovasculaire clofibrate<br />

gemfibrozil<br />

digoxine<br />

disopyramide<br />

(anticholinergique)<br />

neuroleptiques phénothiazines<br />

butyrophénones :<br />

halopéridol<br />

clozapine, rispéridone<br />

antidépresseurs tricycliques<br />

imao<br />

lithium<br />

inhibiteurs de recapture de<br />

la sérotonine<br />

antispychotique clozapine<br />

antiH2 cimetidine<br />

ranitidine<br />

hormones œstrogènes/progestérone<br />

corticostéroi<strong>des</strong><br />

acétate de cyprotérone<br />

inhibiteurs de la 5 alpha<br />

réductase<br />

agonistes de LHRH<br />

cytotoxiques cyclophosphamide<br />

méthotrexate<br />

interféron alpha<br />

anticholinergiques anticonvulsivants<br />

thalidomide<br />

Tableau I : Médicaments qui peuvent contribuer à<br />

une dysfonction érectile.<br />

(D’après le tableau 7 de la recommandation de la<br />

British Society for Sexual Medicine et Meylers Side<br />

Effects of Drugs.)<br />

• Chez un sujet avec une néphropathie mais en<br />

prévention primaire d’une maladie cardiovasculaire,<br />

la survenue d’une dysfonction érectile<br />

est un signe pouvant faire suspecter la possibilité<br />

d’une coronaropathie [2]. Un avis cardiologique<br />

sera utile pour réaliser le bilan adapté au dépistage<br />

de la cardiopathie ischémique.<br />

• Le risque cardiovasculaire associé à l’acte sexuel<br />

et celui lié à la prescription d’un médicament de<br />

la dysfonction érectile doit être évalué en s’aidant<br />

Dysfonction érectile chez l’insuffisant rénal chronique<br />

107<br />

<strong>des</strong> critères du second consensus de Princeton<br />

[8] (Tableau III). Un sujet à risque élevé présente<br />

une contre-indication à l’activité sexuelle et/ou à<br />

la prescription d’un médicament de la dysfonction<br />

érectile. Un sujet à risque faible n’a aucune<br />

limitation médicale pour l’activité sexuelle et/ou<br />

à la prescription d’un médicament de la dysfonction<br />

érectile. Un sujet à risque moyen doit bénéficier<br />

d’une évaluation spécialisée cardiologique<br />

pour préciser si le risque est faible ou élevé.<br />

Le traitement d’une dysfonction érectile<br />

chez l’insuffisant rénal chronique<br />

• Avant toute prescription il est fondamental d’apprécier<br />

la nature de la plainte.<br />

- S’agit-il d’un trouble de l’érection ou d’un<br />

trouble de la libido ?<br />

- Quelle est l’importance du trouble de l’érection,<br />

(aucune érection, moins fréquente,<br />

érection présente mais de moins bonne<br />

qualité).<br />

- Quelle est la relation attribuée par le patient<br />

entre les prescriptions médicamenteuses<br />

(antihypertenseurs) et le trouble de la sexualité<br />

?<br />

- Dans quel contexte le patient vit-il sa sexualité,<br />

en particulier l’existence ou non d’une<br />

partenaire stable.<br />

• La prise en charge de facteurs pouvant aggraver<br />

une dysfonction érectile (tabagisme, obésité, diabète)<br />

est parfois utile.<br />

• Les traitements susceptibles d’être à l’origine du<br />

trouble de la sexualité seront si possible adaptés.<br />

L’attitude vis-à-vis du maintien de certains antihypertenseurs<br />

constitue un problème parfois difficile.<br />

Selon les résultats d’essais réalisés en double<br />

aveugle, seuls les diurétiques ont montré <strong>des</strong><br />

effets défavorables plus importants que ceux du<br />

placebo sur la fonction érectile. Les bêta-bloquants<br />

ont <strong>des</strong> actions défavorables sur la libido.<br />

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion, les<br />

antagonistes <strong>des</strong> récepteurs de l’angiotensine II,<br />

les antagonistes calciques sont neutres sur la<br />

fonction sexuelle. Les alpha-bloquants ont <strong>des</strong> effets<br />

parfois favorables sur l’érection.<br />

- Lorsque le traitement incriminé peut être<br />

arrêté, il sera remplacé par un autre antihypertenseur<br />

réputé comme sans conséquence<br />

sur la sexualité.<br />

- Lorsque le traitement incriminé ne peut<br />

pas être arrêté (impossibilité d’arrêt d’un


Inhibiteurs de la PDE-5<br />

- bêta-bloquant, multithérapie antihypertensive<br />

nécessaire au bon contrôle tensionnel),<br />

le traitement antihypertenseur sera poursuivi<br />

et un traitement de la dysfonction érectile<br />

sera proposé.<br />

• Le traitement de la dysfonction érectile va privilégier<br />

les IPPD5. Le choix de la molécule sera<br />

adapté à la demande du patient pour tenir<br />

compte d’une rapidité d’efficacité (Viagra®, Levitra®)<br />

ou d’une durée d’action plus longue souhaitée<br />

(Cialis®). Le choix du dosage sera adapté sur<br />

l’efficacité et la tolérance avec une initialisation<br />

du traitement au plus faible dosage. On s’assu-<br />

Chapitre 7 - Insuffisance rénale et sexualité masculine<br />

Principe actif Spécialité DFG estimé DFG estimé inférieur à 30<br />

entre 60 et 30<br />

sildénafil Viagra Poso usuelle Poso in : 25 mg. A adapter<br />

jusqu’à 100 mg<br />

tadalafil Cialis Dose max 10 mg Dose max 10 mg<br />

vardénafil Levitra Poso usuelle Poso in : 5 mg. A adapter<br />

jusqu’à 20<br />

apomorphine sublinguale Uprima Poso usuelle A adapter jusqu’à 2 mg<br />

yohimbine Yocoral Aucune donnée Aucune donnée<br />

Yohimbine<br />

Houdé<br />

Prostaglandine E1 intracaverneuse et intra-urétrale<br />

Tableau II : Médicaments de la dysfonction érectile<br />

Risque faible Risque moyen Risque élevé<br />

— < 3 FDR CV — ≥ 3 FDR CV — Infarctus datant de moins de 2 semaines<br />

— HTA traitée contrôlée — Ischémie coronaire stable modérée — Insuffisance cardiaque classe 4<br />

— Valvulopathie asymptomatique — Infarctus datant de 2 à 6 semaines — Ischémie coronaire instable ou sévère<br />

— Insuffisance cardiaque classe 1 — Insuffisance cardiaque classe 2-3<br />

— Infarctus datant de + 6 semaines<br />

— Angor stable sous traitement<br />

— Coronarien revascularisé<br />

sans ischémie résiduelle<br />

— Atteinte vasculaire clinique<br />

non coronaire<br />

Tableau III : Classification du risque de complication cardiovasculaire chez un sujet qui présente une<br />

dysfonction érectile.<br />

Un sujet à risque élevé présente une contre-indication à l’activité sexuelle et/ou à la prescription d’un<br />

médicament de la dysfonction érectile. Un sujet à risque faible n’a aucune limitation médicale pour l’activité<br />

sexuelle et/ou à la prescription d’un médicament de la dysfonction érectile. Un sujet à risque moyen doit<br />

bénéficier d’une évaluation spécialisée cardiologique pour préciser si le risque est faible ou élevé.<br />

108<br />

rera de l’absence de coprescription avec <strong>des</strong> médicaments<br />

anti-angineux de la famille <strong>des</strong> dérivés<br />

nitrés qui expose au risque d’hypotension et qui<br />

constitue la seule contre-indication actuelle à la<br />

prescription de ces médicaments.<br />

• Les non répondeurs devront se voir proposer<br />

une augmentation <strong>des</strong> dosages du traitement<br />

initial. En cas d’inefficacité <strong>des</strong> traitements par<br />

IPPD5, un avis auprès d’un spécialiste (urologue<br />

et/ou sexologue) est à conseiller pour proposer<br />

les alternatives thérapeutiques : injections intracaverneuses<br />

de PGE, métho<strong>des</strong> mécaniques par<br />

vacuum ou prothèses (tableau II).


• Le traitement de l’anémie pour maintenir une<br />

hémoglobinémie de l’ordre de 12 g est un élément<br />

important.<br />

• En cas d’hypo-androgénie sera discutée l’administration<br />

de testostérone qui agit principalement<br />

sur le désir.<br />

• La place de la psychothérapie n’est pas définie<br />

chez ces patients.<br />

Conclusion<br />

La plupart <strong>des</strong> patients souffrant de dysfonction<br />

érectile souhaitent une prise en charge. La plupart<br />

Références<br />

1. Bellinghieri G, Santoro D, Lo Forti B, Mallamace A, De<br />

Santo RM, Savica V. Erectile dysfunction in uremic<br />

dialysis patients: diagnostic evaluation in the<br />

2.<br />

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S115-7.<br />

Böhm M, Baumhäkel M, Probstfield JL, Schmieder R,<br />

Yusuf S, Zhao F, Koon T. Sexual function, satisfaction,<br />

and association of erectile dysfunction with cardiovascular<br />

disease and risk factors in cardiovascular<br />

high risk patients: Am Heart J 2007;154:94-101.<br />

3. Caulin C et coll. Vidalrecos. Un chapitre : dysfonction<br />

érectile. 490-497.<br />

4. Feldmann HA, Goldstein I, Hatzichristou DG, Krane<br />

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psychosocial correlates: results of the Massachusetts<br />

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5. Giuliano F, Leriche A, Jaudinot EO, Solesse de Gendre<br />

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patients with diabetes or hypertension or both.<br />

Urology 2004;64:1196-1201.<br />

Dysfonction érectile chez l’insuffisant rénal chronique<br />

109<br />

de ceux-ci auraient aimé en discuter avec leur médecin<br />

et attendent que la question leur soit posée<br />

[5]. Ce problème doit être systématiquement<br />

abordé dans le suivi d’un insuffisant rénal chronique.<br />

Remerciements<br />

Nous remercions le Dr Bénédicte Lebrun-Vignes<br />

(pharmacovigilance) et le Pr Daniel Thomas (cardiologie)<br />

pour leurs conseils.<br />

6. HAS : Guide - Affection de Longue Durée. Néphropathie<br />

chronique grave. Juin 2007. Liste <strong>des</strong> <strong>Actes</strong> et<br />

Prestations. Actualisation. Octobre 2009.<br />

7. Karie S, Launay-Vacher V, Deray G. Guide de<br />

prescription <strong>des</strong> médicaments chez le patient<br />

8.<br />

insuffisant rénal chronique. Editions Internationales<br />

Paris 2006.<br />

Kostis JB, Jackson G, Rosen R, Barrett-Connor E,<br />

Billups K, Burnett AL, Carson C 3rd, Cheitlin M,<br />

Debusk R, Fonseca V, Ganz P, Goldstein I, Guay A,<br />

Hatzichristou D, Hollander JE, Hutter A, Katz S, Kloner<br />

RA, Mittleman M, Montorsi F, Montorsi P, Nehra A,<br />

Sadovsky R, Shabsigh R.: Sexual dysfunction and<br />

cardiac risk (the Second Princeton Consensus<br />

Conference). Am J Cardiol 2005 Jul 15;96(2):313-21.<br />

9. Mc Vary KT. Erectile dysfunction. N Engl J Med<br />

2007;357:2472-2481.


111<br />

Chapitre 8<br />

Atelier -<br />

SFD et SNF :<br />

hygiène,<br />

infections<br />

en dialyse :<br />

quels<br />

indicateurs ?


Chapitre 8 - Atelier SFD et SNF : hygiène, infections en dialyse : quels indicateurs ?<br />

Adaptation à la dialyse du bilan standardisé<br />

du CLIN<br />

Anne Savey<br />

CCLIN Sud Est, Lyon et le groupe d’experts "Indicateurs en dialyse"<br />

I. Contexte<br />

Dans le cadre de l’adaptation <strong>des</strong> dispositions réglementaires<br />

relatives à l’organisation de la lutte<br />

contre les infections associées aux soins et <strong>des</strong> objectifs<br />

du programme national afférent, il a été proposé<br />

de confier aux CCLIN et ARLIN volontaires une<br />

étude de <strong>des</strong>cription et d’opportunité sur <strong>des</strong> catégories<br />

d’établissements présentant <strong>des</strong> spécificités<br />

particulières. Cette étude fait partie d’un projet<br />

plus large dont la Direction Générale de la Santé<br />

(DGS) a confié la mise en œuvre au CCLIN Sud-Est<br />

(Lyon) en ce qui concerne le secteur de dialyse, les<br />

autres secteurs étant : l’hospitalisation à domicile,<br />

la psychiatrie, les SSR/SLD.<br />

Le cahier <strong>des</strong> charges comportait plusieurs parties :<br />

1. établir <strong>des</strong> fiches <strong>des</strong>criptives <strong>des</strong> catégories<br />

d’établissement (typologie quantitative et qualitative<br />

<strong>des</strong> différentes modalités de soins, facteurs<br />

de risque infectieux spécifiques de la dialyse<br />

pour les patients et le personnel …) ;<br />

2. évaluer la pertinence <strong>des</strong> indicateurs du tableau<br />

de bord pour le suivi <strong>des</strong> infections nosocomiales<br />

pour les différentes catégories d’établissements<br />

et éventuellement les adapter ou<br />

proposer de nouveaux indicateurs<br />

3. donner un avis sur les résultats d’une étude commandée<br />

sur les Opportunités d’Hygiène <strong>des</strong><br />

Mains (OHM) <strong>des</strong>quels sera déduit le nombre de<br />

frictions / 24 h qui devra être appliqué à la spécialité<br />

de la catégorie (indicateur ICSHA)<br />

Un groupe pluridisciplinaire a été créé (néphrologues,<br />

hygiénistes, épidémiologistes, paramédi-<br />

112<br />

caux), associant notamment <strong>des</strong> membres ou <strong>des</strong><br />

représentants de la Société Francophone de Dialyse<br />

(SFD), de la Société de Néphrologie (SN), de la<br />

Société Française d’Hygiène Hospitalière (SFHH),<br />

du Réseau Epidémiologie et Information en Néphrologie<br />

(REIN) et du réseau de surveillance DIALIN<br />

coordonné par le CCLIN Sud-Est.<br />

II. Objectifs<br />

En complément de la rédaction de la partie <strong>des</strong>criptive<br />

correspondant au cahier <strong>des</strong> charges, le groupe<br />

d’experts a coordonné une enquête par autoquestionnaire<br />

afin de :<br />

• mieux décrire les établissements spécialisés en<br />

dialyse et adapter les indicateurs,<br />

• évaluer la pertinence <strong>des</strong> indicateurs actuels,<br />

• et adapter les futurs indicateurs aux spécificités<br />

du secteur de dialyse.<br />

La contribution <strong>des</strong> établissements était en effet capitale<br />

pour permettre de définir les stratégies les<br />

plus adaptées possibles aux spécificités <strong>des</strong> établissements<br />

proposant une activité de dialyse et capitaliser<br />

les expériences réussies en termes d’organisation<br />

et d’indicateurs de performance.<br />

III. Matériel et métho<strong>des</strong><br />

Le questionnaire a été conçu et testé au sein<br />

du groupe d’expert. Un questionnaire devait être<br />

rempli par tout établissement de santé proposant<br />

une activité de dialyse (pluridisciplinaire ou spécialisé<br />

en dialyse) à l’exclusion de la prise en charge<br />

aiguë en réanimation.


Il a été conseillé de remplir conjointement le questionnaire<br />

(CLIN, EOH, néphrologues). Les données<br />

ont été saisies par les établissements directement<br />

sur le site du ministère via le même procédé que les<br />

bilans standardisés. L’envoi a été fait le 6 juillet<br />

2009 par la DGS, avec 2 relances. L’enquête devait<br />

être close (pour exploitation <strong>des</strong> données) le<br />

28 août 2009. Elle a été prolongée jusqu’au 19 septembre<br />

du fait <strong>des</strong> vacances d’été et de l’incidence<br />

de la pandémie grippale sur les établissements.<br />

L’analyse a été faite sur Excel par le CCLIN Sud-Est.<br />

Le questionnaire comportait plusieurs parties :<br />

• identification de la structure,<br />

• <strong>des</strong>cription de la structure,<br />

• organisation de la prévention <strong>des</strong> infections associées<br />

aux soins (IAS),<br />

• actions de prévention <strong>des</strong> IAS,<br />

• adéquation <strong>des</strong> indicateurs actuels,<br />

• nouveaux indicateurs à étudier.<br />

Les nouveaux indicateurs suivants ont été retenus<br />

a priori par le groupe d’experts et soumis au jugement<br />

<strong>des</strong> établissements de dialyse lors de l’enquête<br />

(pertinence et faisabilité) :<br />

1) concernant la surveillance <strong>des</strong> infections associées<br />

aux soins :<br />

• incidence <strong>des</strong> infections <strong>des</strong> abords vasculaires<br />

(FAV et CVC),<br />

• incidence <strong>des</strong> bactériémies,<br />

• incidence <strong>des</strong> bactéries multirésistantes aux<br />

antibiotiques,<br />

Adaptation à la dialyse du bilan standardisé du CLIN<br />

113<br />

• surveillance <strong>des</strong> infections péritonéales (RDPLF)<br />

en cas de dialyse péritonéale,<br />

• prévalence un jour donné <strong>des</strong> infections associées<br />

aux soins.<br />

En parallèle de ce thème, notion d’indicateurs basés<br />

sur l’existence :<br />

• d’un suivi sérologique VHB et VHC régulier selon<br />

recommandations en vigueur,<br />

• d’une surveillance systématique et régulière de<br />

la C-reactive protein.<br />

2) Pour ce qui relève <strong>des</strong> mesures de prévention :<br />

• surveillance de la production d’eau pour hémodialyse<br />

conforme à la réglementation,<br />

• plaquette d’information au patient (gestion au<br />

quotidien CVC/FAV),<br />

• programme de prise en charge et du suivi <strong>des</strong><br />

pieds diabétiques/artéritiques,<br />

• branchement de cathéter veineux central réalisé<br />

en binôme,<br />

• surveillance systématique <strong>des</strong> taux résiduels<br />

d’antibiotiques (aminosi<strong>des</strong>, vancomycine),<br />

• pourcentage de cathéters centraux (CVC) parmi<br />

les patients hémodialysés depuis plus de 6 mois,<br />

• “Hygiène <strong>des</strong> mains pour le patient en fin de<br />

séance” dans le protocole écrit,<br />

• promotion et campagne de sensibilisation du<br />

personnel à la vaccination coqueluche/grippe.<br />

IV. Résultats<br />

Tableau.<br />

Monovalents Pluridisciplinaires Total<br />

Centres concernés par l’enquête 80 231 311<br />

Réponses analysées 63 115 178<br />

Participation 79 % 50 % 57 %<br />

Parmi les 178 établissements répondants, 63 sont spécialisés en dialyse (35,4 %) versus 64,6 % pluridisciplinaires.<br />

La discussion de ces résultats devant faire l’objet d’une validation définitive par le groupe d’experts puis d’un rapport<br />

officiel à la Direction Générale de la Santé avant juillet <strong>2010</strong>, seuls <strong>des</strong> résultats provisoires seront exposés de façon<br />

orale lors de l’atelier.


Chapitre 8 - Atelier SFD et SNF : hygiène, infections en dialyse : quels indicateurs ?<br />

V. Référentiel bibliographique<br />

Textes officiels<br />

Articles L 6122-4 et D 6122-37 du CSP relatifs aux visites<br />

de conformité.<br />

Articles R 6123-54 à R 6123-68 et D 6124-64 à D 6124-90<br />

relatifs à l’insuffisance rénale chronique.<br />

Circulaire n° 2007-52 du 30 janvier 2007 relative aux<br />

spécifications techniques et à la sécurité sanitaire de la<br />

pratique de l’hémofiltration et de l’hémodiafiltration<br />

en ligne dans les établissements de santé.<br />

Circulaire n° DHOS 205 du 25 avril 2005 relative aux<br />

locaux, matériels techniques et dispositifs médicaux<br />

dans les établissements de santé exerçant l’activité<br />

"traitement de l’insuffisance rénale chronique par la<br />

pratique de l’épuration extrarénale".<br />

Arrêté du 25 avril 2005 relatif aux locaux, matériels<br />

techniques et dispositifs médicaux dans les établissements<br />

de santé exerçant l’activité "traitement de<br />

l’insuffisance rénale chronique par la pratique de l’épuration<br />

extrarénale".<br />

Circulaire DHOS/SDO n° 228 du 15 mai 2003 relative<br />

à l’application <strong>des</strong> décrets n° 2002-1197 et 2002-1198 du<br />

23 septembre 2002.<br />

Décret n° 2002-1198 du 23 septembre 2002 relatif aux<br />

conditions techniques de fonctionnement <strong>des</strong> établissements<br />

de santé qui exercent l’activité de traitement<br />

de l’insuffisance rénale chronique par la pratique de<br />

l’épuration extrarénale et modifiant le code de la santé<br />

publique (troisième partie : Décrets).<br />

Décret n° 2002-1197 du 23 septembre 2002 relatif à<br />

l’activité de traitement de l’insuffisance rénale chronique<br />

par la pratique de l’épuration extrarénale et modifiant<br />

le code de la santé publique (deuxième partie :<br />

Décrets en Conseil d’Etat).<br />

Circulaire DGS/DH/AFSSAPS n° 2000-337 du 20 juin<br />

2000 relative à la diffusion d’un guide pour la production<br />

d’eau pour l’hémodialyse <strong>des</strong> patients insuffisants<br />

rénaux.<br />

Rapports et étu<strong>des</strong><br />

Enquête nationale schéma régional d’organisation sanitaire<br />

de l’insuffisance rénale chronique terminale<br />

(SROS/IRCT) - juin 2003. Volets patient / structures / dépenses.<br />

DHOS & CNAMTS. Octobre 2005.<br />

http://www.sante.gouv.fr/htm/dossiers/sros_sios/<br />

enquete_sros_irct/accueil.htm<br />

114<br />

Rapport annuel 2007. Registre français <strong>des</strong> traitements<br />

de suppléance de l’insuffisance rénale chronique REIN<br />

(Registre Epidémiologie Information Néphrologie).<br />

Agence de biomédecine. 153 p.<br />

http://www.soc-nephrologie.org/PDF/enephro/registres/<br />

rapport_2007/rapport_2007.pdf<br />

InVS – RAISIN – SFD. Pratiques d’hygiène et de dépistage<br />

du VHC en hémodialyse. Enquête par questionnaire.<br />

Août 2006, 55 pages.<br />

InVS – RAISIN – SFD. Audit national <strong>des</strong> pratiques d’hygiène<br />

en hémodialyse. Enquête nationale. Phase 2. Juin<br />

2006, 24 pages.<br />

http://www.invs.sante.fr/raisin/<br />

Dialysis Outcomes and Practice Patterns Study. DOPPS<br />

2009 Annual Report.<br />

http://www.dopps.org/annualreport/index.htm<br />

DIALIN. Rapport 2008 <strong>des</strong> données du réseau de surveillance<br />

<strong>des</strong> infections en hémodialyse. CCLIN Sud-Est<br />

Juillet 2009 (79 pages).<br />

http://cclin-su<strong>des</strong>t.chu-lyon.fr/Reseaux/DIALIN/Resultats/<br />

Dialin_rapportannuel_2008.pdf<br />

Recommandations<br />

France<br />

Recommandations de la Société Française d’Hygiène<br />

Hospitalière, décembre 2004. Bonnes pratiques d’hygiène<br />

en hémodialyse. HygièneS 2005, Vol XIII, n°2: 76-<br />

156 (81 pages).<br />

http://www.sfhh.net<br />

Groupe de travail régional <strong>des</strong> pays de la Loire. Gestion<br />

du risque infectieux en hémodialyse. Ministère de la<br />

Santé et de la Protection Sociale, 2004, 130 pages.<br />

http://nosobase.chu - lyon.fr/recommandations/<br />

hemodialyse/hemodialyse.pdf<br />

UK<br />

Good Practice Guidelines for Renal Dialysis/Transplantation<br />

Units: Prevention and Control of Blood-borne Virus<br />

Infection. Department of Health (PHLS, UK) 2002, 72 p.<br />

http://www.publications.doh.gov.uk/cmo/renalguide/<br />

USA<br />

Preventing transmission of infections among chronic hemodialysis<br />

patients. Centers for Disease Control and Prevention.<br />

MMWR 2001April 27, 2001 / Vol. 50 / No. RR-5.<br />

http://www.cdc.gov/mmwr/PDF/RR/RR5005.pdf


Guidelines for the Prevention of Intravascular Catheter-<br />

Related Infections. Centers for Disease Control and Prevention.<br />

MMWR 2002;51(No.RR-10):1-36.<br />

http://www.cdc.gov/mmwr/PDF/RR/RR5110.pdf<br />

KDOQI (Kidney Disease Outcomes Quality Initiative).<br />

Clinical Practice Guidelines and Clinical Practice Recommendations.<br />

Hemodialysis Adequacy - Peritoneal Dialysis<br />

Adequacy - Vascular Access.Update 2006.<br />

National Kidney Foundation. 183 pages.<br />

http://www.kidney.org<br />

Europe (EBPG)<br />

European best practice guidelines for haemodialysis<br />

(part I). Nephrol Dial Transplant 2002; 17(S7): 1-111.<br />

http://ndt.oxfordjournals.org/content/vol17/suppl_7/<br />

index.dtl<br />

European Best Practice Guidelines on Haemodialysis -<br />

Part 2. Nephrology Dialysis Transplantation 2007; 22 (S2)<br />

http://ndt.oxfordjournals.org/content/vol22/suppl_2/<br />

index.dtl<br />

Adaptation à la dialyse du bilan standardisé du CLIN<br />

115<br />

European Best Practice Guidelines on Vascular Access.<br />

Nephrology Dialysis Transplantation 2007 22(Supplement<br />

2):ii88-ii117; doi:10.1093/ndt/gfm021.<br />

http://ndt.oxfordjournals.org/cgi/content/full/22/suppl_<br />

2/ii88<br />

European Best Practice Guidelines for Peritoneal Dialysis.<br />

Nephrol Dial Transplant 2005; 20 (Suppl. 9)<br />

http://ndt.oxfordjournals.org/content/vol20/suppl_9/<br />

index.dtl<br />

Mondial (KDIGO)<br />

Kidney Disease: Improving Global Outcomes.<br />

Clinical Practice Guidelines for the Prevention, Diagnosis,<br />

Evaluation, and Treatment of Hepatitis C in Chronic<br />

Kidney Disease. Vol. 73, Suppl. 109, avril 2008.<br />

http://www.kdigo.org/


Chapitre 8 - Atelier SFD et SNF : hygiène, infections en dialyse : quels indicateurs ?<br />

Suivi <strong>des</strong> infections en hémodialyse selon<br />

le réseau DIALIN. Surveillance <strong>des</strong> infections<br />

acquises en hémodialyse : objectifs, métho<strong>des</strong><br />

et résultats<br />

Louis Ayzac 1 *, Ian Russell 1 *, Catherine Albert 2 , Allanic Sandrine 3 ,<br />

Chantal Bauer 4 , Michel Beruard 5 *, Claude Bonniol 6 , Djemai Bouguern 7 ,<br />

Elisabeth Caniot 8 , Raji Diab 9 , Patrick Donnadieu 10 , Raphaële Girard 11 *,<br />

Patrick Hallonet 12 , Véronique Joyeux 13 , Yannick Knefati 14 , François Kuentz 15 *,<br />

Fany Leroy 16 , Jean-Michel Marc 17,18,19 *, Marcel Marraoui 20 , Isabelle Martin 21 *,<br />

Catherine Merel 22 , Xavier Moreau-Gaudry 23 *, Patricia Pinceaux 24 ,<br />

Martine Saint-Georges 25 , Nourdine Salem 26 , Catherine Taddei 27 , Nelly Tetault 28 ,<br />

Pierre Trolliet 29 , Marie Unal 30 , Marc Uzan 31 *<br />

1. C. CLIN Sud Est, Hôpital H. Gabrielle, Saint Genis Laval<br />

2. Centre de dialyse, Centre Hospitalier Général, Chartres<br />

3. Unité d'autodialyse ASS BEAUCE, Etampes<br />

4. Centre de dialyse, Polyclinique Saint Côme, Compiègne<br />

5. Centre de dialyse, Clinique du Tonkin, Villeurbanne<br />

6. Centre de dialyse, A.U.R.A., Chamalières<br />

7. Centre de dialyse, Clinique Sainte Anne - Lumière, Lyon<br />

8. Autodialyse et dialyse DOM ATIR, Avignon<br />

9. Centre de Dialyse Rénale AGDUC, Grenoble<br />

10. Centre de dialyse, Centre Hospitalier Général Henri Duffaut, Avignon<br />

11. Unité d'Hygiène et Epidémiologie, Centre Hospitalier Lyon Sud, Pierre Bénite<br />

12. Centre de dialyse, CALYDIAL, Vienne<br />

13. Centre de dialyse, CHR Pontchaillou, Rennes<br />

14. Centre de Dialyse Rénale AGDUC, Valence<br />

15. Centre de dialyse AGDUC Les Eaux-Claires, Grenoble<br />

16. Centre de dialyse, AGDUC, Romans<br />

17. Centre de dialyse, Centre Hospitalier Général, Annonay<br />

18. Unité d'autodialyse Aural, Annonay<br />

19. Unité autodialyse St Charles (AURAL), Roussillon<br />

20. Hémodialyse ATIR, Orange<br />

21. Unité d'Hygiène, Centre Hospitalier, Roanne<br />

22. Centre de dialyse, AIRBP, Vernouillet<br />

23. Centre Hospitalier Agduc, Montélimar<br />

24. Centre de dialyse, AIRBP, Chartres<br />

25. Centre de dialyse, Hôpital National, Saint Maurice<br />

26. Centre de dialyse, ATIRRA, Gleize<br />

27. Hémodialyse ambulatoire ATIR, Carpentras<br />

28. Centre de dialyse, AIRBP, Chateaudun<br />

29. Centre de dialyse, Centre Hospitalier Lyon Sud, Pierre Bénite<br />

30. Centre de Dialyse Saint Guilhem, Sète<br />

31. Hémodialyse ATIR Rhône Durance, Avignon<br />

* Membre du comité de pilotage<br />

116


Suivi <strong>des</strong> infections en hémodialyse selon le réseau DIALIN<br />

D’une part, alors que les « gran<strong>des</strong> » surveillances<br />

<strong>des</strong> infections nosocomiales (infection de sites opératoires,<br />

réanimation, …) se font par séjour hospitalier,<br />

la surveillance en hémodialyse s’étale sur un<br />

temps parfois très long car l’hémodialyse est chronique.<br />

D’autre part, l’hémodialyse s’effectue grâce<br />

à un accès vasculaire (fistule native ou cathéter ou<br />

fistule prothèse). Au cours de l’histoire de son hémodialyse,<br />

chaque patient peut être dialysé sur<br />

plusieurs sites d’accès : par exemple, en 2008, DIA-<br />

LIN a surveillé 2183 patients et 2663 sites, soit 1,22<br />

sites par patient. La surveillance <strong>des</strong> infections acquises<br />

se centre donc sur ces sites d’accès évoluant<br />

au cours du temps de surveillance. C’est donc<br />

une étude de cohorte.<br />

Métho<strong>des</strong><br />

La conception d’une étude épidémiologique est un<br />

travail long et besogneux. Il a fallu trois ans d’un travail<br />

discontinu pour <strong>des</strong>siner DIALIN. Cette conception<br />

est un travail d’équipe : un groupe de quelques<br />

personnes de diverses compétences : <strong>des</strong> médecins<br />

néphrologues, <strong>des</strong> médecins, <strong>des</strong> statisticiens/épidémiologistes/informaticiens,<br />

qui acceptent<br />

de partager bien <strong>des</strong> tâches ingrates, réunions<br />

de conception, écriture, relecture et validation de<br />

texte, lecture critique de très nombreux articles.<br />

Le réseau DIALIN, surveillance <strong>des</strong> infections acquises<br />

en hémodialyse, vient de très loin : il y a eu<br />

successivement une première période de surveillance<br />

(Annonay), puis une deuxième période de<br />

surveillance (1997-1998) [1] et enfin une troisième<br />

période de surveillance (1/2/2000-31/1/2001) [2] qui<br />

apportent la démonstration de l’intérêt de la surveillance<br />

en réseau <strong>des</strong> infections acquises en hémodialyse<br />

pour suivre l’évolution <strong>des</strong> taux d’IAV<br />

dans le temps et pour évaluer l’impact de nouvelles<br />

procédures de soins.<br />

Il inclut un groupe de lecture qui mène une étude<br />

bibliographique complète, avec une méthode de<br />

lecture critique (LR Salmi) [3]. Ce travail a permis de<br />

dresser une situation du problème, de rechercher<br />

les facteurs de confusion, d’établir la méthode de<br />

standardisation <strong>des</strong> résultats et d’établir la liste <strong>des</strong><br />

facteurs d’ajustement. Cette veille bibliographique<br />

se poursuit avec la production de deux rapports de<br />

veille bibliographique par an disponibles sur le site<br />

internet.<br />

117<br />

Les objectifs de DIALIN sont :<br />

• produire <strong>des</strong> informations sur les infections en<br />

hémodialyse : taux de base, taux spécifiques par<br />

facteurs de risque,<br />

• comparaisons entre centres participant au réseau<br />

(bench-marking standardisé),<br />

• réalisation d’étu<strong>des</strong> épidémiologiques concernant<br />

les infections et les évaluations de pratiques<br />

(étu<strong>des</strong> embarquées),<br />

• améliorer et entretenir la qualité <strong>des</strong> soins :<br />

connaître les infections prédominantes, mettre<br />

en place une politique prioritaire de prévention,<br />

• évaluer les changements survenus par l’intermédiaire<br />

d’une nouvelle période de surveillance<br />

et apporter d’éventuelles modifications de pratiques<br />

(suivi de l’évolution temporelle),<br />

• standardiser la surveillance sur un nombre minimal<br />

de critères permettant la surveillance la plus<br />

simple possible, déterminer et/ou valider <strong>des</strong> critères<br />

spécifiques et prédictifs d’infection.<br />

DIALIN fournit les résultats :<br />

• rapport par quadrimestre et par centre,<br />

• rapport par année et par centre, fournissant une<br />

<strong>des</strong>cription <strong>des</strong> patients du centre, de leurs sites<br />

d’accès et de leurs infections,<br />

• rapport par année et pour la totalité du réseau,<br />

anonymisant les centres, donnant les ratios standardisés<br />

d’infections survenues dans le centre,<br />

donnant les clefs de standardisations nécessaires<br />

à la production <strong>des</strong> RSIN de l’unité pour chaque<br />

quadrimestre.<br />

Pour effectuer le recueil et la saisie <strong>des</strong> données, il<br />

existe 5 types de bordereaux différents (page suivante)<br />

; ces bordereaux sont utilisés tout au long de<br />

la surveillance aux moments opportuns.<br />

Le recueil est aidé par un guide de codage qui fournit<br />

les définitions et les consignes nécessaires :<br />

• un site internet rassemble les outils méthodologiques<br />

(protocole, bordereaux, guide de codage),<br />

les outils informatiques, les résultats…),<br />

• une liste de diffusion, réservée aux acteurs du réseau<br />

DIALIN, assure une communication rapide<br />

et une interaction facile entre acteurs du réseau<br />

pour les problèmes de recueil (organisation, définition,<br />

codage…), les problèmes informatiques<br />

et les problèmes pratiques de prévention <strong>des</strong> infections<br />

acquises en hémodialyse,


Chapitre 8 - Atelier SFD et SNF : hygiène, infections en dialyse : quels indicateurs ?<br />

118


Suivi <strong>des</strong> infections en hémodialyse selon le réseau DIALIN<br />

• une Journée d’échanges du Réseau DIALIN Sud-<br />

Est se tient toute les années qui assure la formation<br />

et l’animation du réseau,<br />

• la méthodologie complète du réseau est accessible<br />

soit dans une publication d’Hygiènes [4],<br />

soit sur le site Internet [5].<br />

Résultats 2008 [6]<br />

Le réseau a centralisé les données de 28 centres<br />

participants (Tableau 1).<br />

Le nombre de patients, de séances de dialyse et de<br />

mois de dialyse surveillés est en augmentation par<br />

rapport à 2007 (Tableau 2).<br />

Les principaux résultats sont :<br />

69 % de fistules natives :<br />

• La répartition <strong>des</strong> modalités <strong>des</strong> sites d’accès<br />

montre une prépondérance <strong>des</strong> fistules natives<br />

(1836 ; 68,94 %) en légère diminution par rapport<br />

à 2007 (70,39 %), une part non négligeable de cathéters<br />

(737 ; 27,68 %), en légère augmentation<br />

par rapport à 2007 (26,53 %), et une infime minorité<br />

de fistules prothèses (90 ; 3,38 %).<br />

119<br />

7 % de séances avec incident pour les cathéters :<br />

• Le nombre de séances avec incident ou manipulation<br />

est en fréquence croissante depuis les fistules<br />

natives (7600 ; 4,11 %) jusqu’aux fistules<br />

prothèses (652 ; 6,67 %) et enfin aux cathéters<br />

(2627 ; 7,01 %) mais par rapport à 2007, en augmentation<br />

pour les fistules natives et les fistules<br />

prothèses (respectivement 3,93 % et 4,66 %), et<br />

en diminution pour les cathéters (7,51 %).<br />

0,5 % de séances avec manipulation hors séance<br />

pour les cathéters :<br />

• Le nombre de fois où il y a au moins une manipulation<br />

sans rapport avec la séance est en fréquence<br />

croissante depuis les fistules natives (552 ; 0,30 %)<br />

jusqu’aux fistules prothèses (61 ; 0,62 %) et enfin<br />

aux cathéters (169 ; 0,45 %), en diminution par rapport<br />

à 2007 pour les cathéters (1,01 %) et les fistules<br />

prothèses (0,67 %) mais en légère augmentation<br />

pour les fistules natives (0,28 %).<br />

Tableau 1: Centres participants à DIALIN en 2008<br />

Tableau 2: Population surveillée en 2008


Chapitre 8 - Atelier SFD et SNF : hygiène, infections en dialyse : quels indicateurs ?<br />

0,91 % MD IAV (Infection d’accès vasculaire) :<br />

• Le taux d’incidence brut <strong>des</strong> IAV est globalement<br />

de 0,91/100 MD (en augmentation par rapport à<br />

2007 0,71/100). Il est pour chaque modalité de site<br />

d’accès de 0,07/1000 jours d’utilisation de fistule<br />

native (en augmentation par rapport à 2007<br />

0,04/1000), de 0,17/1000 jours d’utilisation de fistule<br />

prothèse (en augmentation par rapport à<br />

2007 0,00/1000) et de 1,49 /1000 jours d’utilisation<br />

de cathéter (en augmentation par rapport à 2007<br />

1,32 /1000).<br />

0,6 % MD bactériémies :<br />

• Le taux d’incidence brut <strong>des</strong> bactériémies est<br />

globalement de 0,57/100 MD (en diminution par<br />

rapport à celui de 2007 0,79/100).<br />

• Pour les bactériémies sur site d’accès, il est pour<br />

chaque modalité de site d’accès de 0,01/1000<br />

jours d’utilisation de fistule native (stable par rapport<br />

à celui de 2007, 0,01/1000) et de 0,35 /1000<br />

jours d’utilisation de cathéter (en diminution par<br />

rapport à 2007, 0,44 /1000).<br />

0,0016 % MD hépatite C (Incidence) :<br />

• Il aura donc fallu attendre la 4 e année de surveillance<br />

pour voir apparaître le premier cas<br />

d’hépatite C acquis au cours de la surveillance,<br />

cas certes acquis en hémodialyse,<br />

mais en dehors du centre habituel. Ceci<br />

permet donc de calculer l’incidence de<br />

l’hépatite C sur les quatre années de surveillance<br />

cumulées, c’est-à-dire 50 859,76<br />

mois de dialyse surveillés ou 615 791<br />

séances de dialyse surveillées soit 0,00162<br />

pour 100 mois de dialyse ou 0,00196 pour<br />

1000 séances de dialyse).<br />

2,29 % hépatite C (prévalence)<br />

• La prévalence au début de la période est<br />

de 2,29 % (50/2183), en augmentation par<br />

rapport à 2007 : 1,82 %.<br />

Ratio standardisé d’Infections Acquises (RSIA)<br />

d’IAV<br />

• Le RSIA s’appuie sur le calcul du nombre<br />

d’IN attendu d’IAV, calculé en faisant l’hypothèse<br />

que chaque centre se comporte<br />

comme la totalité <strong>des</strong> centres du réseau. Ce<br />

calcul tient compte de ce que chaque centre<br />

est différent <strong>des</strong> autres : les caractéristiques<br />

de ces différences sont appelées facteurs de<br />

confusion ou facteurs d’ajustement.<br />

120<br />

• Le modèle de Cox fournit une équation P = F(X)<br />

où P est la probabilité de chaque hémodialysé de<br />

présenter une IAV et X l’ensemble <strong>des</strong> facteurs<br />

de confusion. Il est donc possible de savoir quelle<br />

est la probabilité d’avoir une IAV pour chaque<br />

hémodialysé s’il se comportait comme la totalité<br />

<strong>des</strong> hémodialysés du réseau du même type.<br />

C’est ce qu’on appelle la probabilité prédite. La<br />

somme <strong>des</strong> probabilités prédites <strong>des</strong> hémodialysés<br />

de chaque centre pendant une année<br />

donnée fournit le nombre d’IAV attendu par centre<br />

pour l’année donnée.<br />

• Le calcul du RSIA est alors très simple : il suffit de<br />

faire le rapport O/A, nombre d’IAV observé (O)<br />

par nombre d’IAV attendu (A) pour chaque centre.<br />

Ce rapport est connu dans la littérature sous<br />

le nom de Standardized Morbidity Ratio (SMR).<br />

• Le tableau suivant montre les RSIA d’IAV pour les<br />

centres anonymisés : les lignes en gris clair désignent<br />

les centres ayant un RSIA significativement<br />

inférieur à 1, c’est-à-dire « meilleurs » que l’ensemble<br />

<strong>des</strong> centres surveillés ; les lignes en gris<br />

foncé désignent les centres ayant un RSIA significativement<br />

supérieur à 1, c’est-à-dire « moinsbons<br />

» que l’ensemble <strong>des</strong> centres surveillés.<br />

Les RSIA d’IAV pour les centres anonymisés


D’autres RSIA sont calculés : sur les IAV spécifiques<br />

aux fistules natives, sur les IAV spécifiques<br />

aux cathéters, sur les bactériémies.<br />

Conclusions<br />

Le réseau DIALIN démontre son utilité : le<br />

risque relatif ajusté diminue de façon significative<br />

au cours <strong>des</strong> années de surveillance<br />

aussi bien pour les IAV que pour les bactériémies<br />

comme le montrent les deux figures<br />

suivantes.<br />

Le temps de la simplification est arrivé :<br />

suppression de la surveillance de l’hépatite C<br />

en réseau et du recueil de ses facteurs de<br />

risque : remplacement par un signalement<br />

systématique, suppression du recueil <strong>des</strong><br />

facteurs de risque d’IAV ou de Bactériémie<br />

non retenus comme facteurs de confusion.<br />

Références<br />

Suivi <strong>des</strong> infections en hémodialyse selon le réseau DIALIN<br />

1. Hajjar J, Girard R, Marc JM, Ducruet L. Surveillance <strong>des</strong><br />

infections chez les hémodialysés chroniques dans 6<br />

centres de la Région Rhone Alpes. Hygiène's 2001;<br />

IX(4):255-262.<br />

2. Hajjar J, Girard R, Marc JM et al. Intérêt de la<br />

surveillance <strong>des</strong> infections chez les hémodialysés<br />

chroniques en centre. BEH 2002;3:10-12.<br />

3. Salmi LR. Les principes de la lecture critique. In: Salmi<br />

LR, ed. Lecture critique et rédaction médicale<br />

scientifique. Comment lire, rédiger et publier une<br />

étude clinique ou épidémiologique Paris: Elsevier<br />

1998;75-79.<br />

121<br />

4. Ayzac L, Marc JM, Girard R et al. Surveillance <strong>des</strong><br />

infections chez les patients dialysés : expérience du<br />

réseau pilote DIALIN. Hygiène's 2008;XVI(4):289-297.<br />

5. http://cclin-su<strong>des</strong>t.chu-lyon.fr/Reseau/DIALIN/<br />

sommaire_Dialin.html.<br />

6. Ayzac L, Beruard M, Girard R et al. Dialin: infection<br />

surveillance network for haemodialysis patients. First<br />

results. Nephrol Ther 2009 Feb;5(1):41-51.


123<br />

Chapitre 9<br />

Nouvelles de<br />

l’American<br />

Society of<br />

Nephrology


Chapitre 9 - Nouvelles de l’American Society of Nephrology<br />

Actualités du congrès de la société<br />

américaine de néphrologie<br />

Corinne Isnard Bagnis<br />

Service de Néphrologie, Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière, Paris<br />

Le <strong>Congrès</strong> de la Société Américaine de Néphrologie,<br />

qui a eu lieu cette année à San Diego au mois<br />

de novembre 2009, a été l’occasion de présenter les<br />

résultats de plusieurs gran<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> depuis publiées<br />

dans le New England Journal of Medicine.<br />

1. Nouveauté dans la physiopathologie<br />

de la glomérulonéphrite<br />

extramembraneuse<br />

(ASN 2009 et Beck et al., NEJM, 361:11-<br />

21,2009)<br />

La glomérulonéphrite extramembraneuse (GEM)<br />

représente 20 % <strong>des</strong> cas de syndrome néphrotique<br />

chez les sujets caucasiens. Environ un tiers <strong>des</strong> patients<br />

va se mettre spontanément en rémission,<br />

mais environ 40 % d’entre eux peuvent progresser<br />

jusqu’à l’insuffisance rénale terminale en dépit du<br />

traitement néphroprotecteur et parfois de l’administration<br />

d’immunosuppresseurs [1]. La GEM est caractérisée<br />

par <strong>des</strong> dépôts extramembraneux d’immunoglobulines<br />

G et de complément. Ces dépôts<br />

sont localisés sur les podocytes et conduisent à<br />

l’épaississement de la membrane basale glomérulaire<br />

sans inflammation locale. Deux hypothèses<br />

physiopathologiques étaient jusque-là retenues :<br />

soit la formation de dépôts in situ dans l’espace<br />

sous-endothélial, <strong>des</strong> anticorps circulants de taille<br />

et de charge particulières se liant aux antigènes podocytaires<br />

ou relargués par les podocytes ou bien<br />

le dépôt d’immuns complexes dans le rein [2].<br />

La GEM est donc l’une <strong>des</strong> plus fréquentes maladies<br />

glomérulaires chez l’homme. C’est également<br />

celle qui dispose dans la littérature d’un modèle ex-<br />

124<br />

périmental animal robuste (la glomérulonéphrite de<br />

Heymann) [3]. Ce modèle a été décrit, il y a 50 ans,<br />

et vient de recevoir une confirmation à travers<br />

l’étude d’un groupe Boston. En effet, les auteurs<br />

ont mis en évidence la présence d’auto-anticorps<br />

dans le sérum de patients atteints de glomérulopathie<br />

de type GEM primitive. Ces anticorps sont dirigés<br />

contre le récepteur de la phospholipase A2<br />

(PLA 2 R) qui est exprimé par les cellules podocytaires.<br />

Les auteurs ont analysé en Western Blot, les extraits<br />

protéiques de glomérules humains en les faisant<br />

réagir avec <strong>des</strong> sérums de patients atteints de<br />

GEM ou d’autres maladies glomérulaires protéinuriques<br />

ainsi que de sujets contrôles. Les sérums<br />

de 37 patients ayant <strong>des</strong> GEM idiopathiques ont<br />

été analysés, permettant la mise en évidence d’une<br />

bande protéique de 185 kD dans les échantillons de<br />

70 % d’entre eux. Une protéine de même poids<br />

moléculaire a été retrouvée dans les extraits glomérulaires<br />

de sujets normaux. À l’opposé, aucun <strong>des</strong><br />

sérums de 30 patients témoins, de 15 patients atteints<br />

de maladie glomérulaire autre que <strong>des</strong> GEM<br />

(néphropathie diabétique, hyalinose segmentaire<br />

et focale) ou <strong>des</strong> 7 patients atteints d’un autre type<br />

de maladie auto-immune n’a réagi avec cet antigène<br />

dans un test fait dans les mêmes conditions.<br />

Les sérums <strong>des</strong> patients atteints de GEM secondaire<br />

(6 patients lupiques et 2 patients atteints<br />

d’hépatite B) ne réagissaient pas non plus avec<br />

l’antigène de 185 kD. Les auteurs établissent qu’il<br />

est donc très peu probable que cette distribution<br />

soit due au hasard. L’antigène mis en évidence<br />

semble très fortement glycosylé et en analyse par


Actualités du congrès de la société américaine de néphrologie<br />

spectométrie, il correspond au récepteur de la<br />

phospholipase A2.<br />

Dans différentes expériences d’immunofluorescence<br />

et de microscopie confocale, les auteurs ont<br />

montré que seuls les podocytes expriment dans le<br />

rein le récepteur de la phospholipase A2, et que <strong>des</strong><br />

anticorps antirécepteurs de la phospholipase A2<br />

se fixent spécifiquement sur les podocytes dans les<br />

zones où existent les dépôts extraglomérulaires<br />

chez les patients atteints de GEM. L’observation clinique<br />

d’un patient atteint de GEM et porteur<br />

d’auto-anticorps anti-récepteur de la phospholipase<br />

A2 est également présentée et montre que<br />

les taux d’anticorps diminuent sous traitement immunosuppresseur<br />

en parallèle du niveau de la protéinurie.<br />

Cette étude montre, en conclusion, pour la première<br />

fois qu’il peut exister <strong>des</strong> auto-anticorps circulants<br />

chez une grande proportion de patients<br />

atteints de GEM idiopathique. La protéine réagissant<br />

avec ces anticorps semble exprimée sur les podocytes<br />

normaux et être présente dans les dépôts<br />

immuns <strong>des</strong> patients atteints de GEM idiopathique.<br />

Elle pourrait donc être la cible <strong>des</strong> anticorps dans<br />

cette pathologie. Cette hypothèse physiopathologique<br />

semble réservée aux GEM primitives. D’autres<br />

étu<strong>des</strong> devraient pouvoir confirmer prochainement<br />

cette hypothèse et proposer <strong>des</strong> stratégies<br />

thérapeutiques adaptées.<br />

2. Etude Astral ou « vive le traitement<br />

médical » (ASN 2009 et The Astral Investigators,<br />

NEJM, 361/1953-62,2009).<br />

Les sténoses de l’artère rénale d’origine athéroscléreuse<br />

sont fréquentes et associées à une mortalité<br />

de 16 % par an, principalement de cause cardiovasculaire.<br />

La sténose de l’artère rénale (SAR)<br />

étant à la fois associée avec l’hypertension et la maladie<br />

rénale chronique, le lien de causalité entre ces<br />

trois éléments est bien difficile à établir. Jusque là,<br />

le traitement visait à corriger la sténose anatomique<br />

par revascularisation endovasculaire.<br />

Trois essais randomisés de petite taille n’ont montré<br />

aucun effet bénéfique de l’angioplastie comparé au<br />

traitement médical [4-6]. L’étude Astral a inclus<br />

806 patients aux Etats-Unis pour tenter de répondre<br />

à la question de la supériorité de la revascularisation<br />

associée au traitement médical comparé<br />

125<br />

au traitement médical seul. Dans cet essai multicentrique<br />

randomisé ouvert, les patients ont été inclus<br />

s’ils avaient un haut risque de sténose de l’artère<br />

rénale et une SAR mise en évidence par<br />

artériographie, scanographie, IRM ou écho-doppler<br />

<strong>des</strong> artères rénales. Pour être définitivement inclus,<br />

l’équipe médicale devait envisager le geste de<br />

revascularisation endovasculaire comme possible.<br />

Les patients ont donc été randomisés dans un ratio<br />

1 : 1 vers le traitement médical comportant une<br />

association de statine anti-agrégante et un contrôle<br />

de la pression artérielle optimale, seul ou associée<br />

à une procédure de reperméabilisation par angioplastie<br />

isolée ou avec pose de stent. Le critère<br />

d’évaluation primaire était la modification observée<br />

de la fonction rénale évaluée par l’inverse de la<br />

créatinine plasmatique dans le temps (avec un suivi<br />

de cinq ans). Les critères d’évaluation secondaire<br />

étaient le contrôle de la pression artérielle, le délai<br />

jusqu’au premier événement rénal (insuffisance rénale<br />

aiguë, début de dialyse, transplantation, néphrectomie<br />

ou décès de cause rénale) ou cardiovasculaire<br />

(infarctus, AVC, décès de cause cardiovasculaire,<br />

œdème aigu pulmonaire, syndrome coronarien<br />

aigu…) et la mortalité. Il s’agissait d’un<br />

essai de supériorité conçu pour dépister une diminution<br />

de 20 % de la réciproque du taux de créatinine<br />

avec une puissance de 80 % et un p à 0,05<br />

dans un test bilatéral. De septembre à octobre 2007,<br />

806 patients ont été randomisés dans 57 hôpitaux<br />

de Grande Bretagne, d’Australie et de Nouvelle Zélande.<br />

La majorité <strong>des</strong> patients avait une sténose<br />

de l’artère rénale à plus de 70 % et une atteinte rénale<br />

clinique (la créatinine était supérieure à 150<br />

µmol/l pour 60 % <strong>des</strong> patients). Dans le groupe revascularisation,<br />

le geste a été réalisé chez 83 %<br />

<strong>des</strong> patients avec un succès primaire dans 95 % <strong>des</strong><br />

cas et la pose d’un stent dans 95 % <strong>des</strong> cas. 10 %<br />

<strong>des</strong> patients du groupe traitement médical seul<br />

ont finalement bénéficié d’une revascularisation.<br />

Un an après l’inclusion, le nombre de patients recevant<br />

un traitement antihypertenseur, antiplaquettaire<br />

et hypolipémiant était le même que ceux décrits<br />

à l’inclusion. Les patients recevaient en<br />

moyenne entre deux et trois médicaments antihypertenseurs<br />

dans les deux groupes. 47 % <strong>des</strong> patients<br />

recevaient <strong>des</strong> médicaments du système rénine-angiotensine<br />

dans le groupe revascularisation<br />

versus 38 % au traitement médical à l’inclusion.<br />

Cette différence s’est maintenue au cours du suivi.<br />

Au bout de cinq ans, la moyenne de la pente de<br />

l’inverse de la créatinine était de -0,07 10 -3


Chapitre 9 - Nouvelles de l’American Society of Nephrology<br />

litre/µmol/an dans le groupe revascularisation comparé<br />

à -0,13 10 -3 litre/µmol/an dans le groupe traitement<br />

médical. Cette différence de pente de 0,06 10 -3<br />

litre/µmol/an était en faveur de la revascularisation,<br />

mais avec un p = 0,06. Dans le même temps, la<br />

créatinine était plus basse de 0,02 mg/dl dans le<br />

groupe revascularisation p= 0,64. L’analyse a été<br />

réalisée en intention de traiter, mais en per protocole<br />

le résultat était similaire. Dans les sous-groupes<br />

pré-spécifiés de l’étude (en fonction du niveau de<br />

fonction rénale, de la sévérité de la sténose, de la<br />

taille du rein, ou de la rapidité de progression de la<br />

maladie rénale chronique) aucune différence entre<br />

les deux groupes de traitement n’a été observée.<br />

La pression artérielle était bien contrôlée dans les<br />

deux groupes, sans aucune différence pendant la<br />

durée de l’étude. Aucune différence n’a été observée<br />

pour les critères secondaires de l’étude. Une insuffisance<br />

rénale aiguë a été observée au cours du<br />

suivi chez 7 % <strong>des</strong> patients du groupe revascularisation<br />

et 6 % du groupe traitement médical. La nécessité<br />

de dialyse a été observée pour 8 % <strong>des</strong> patients<br />

de chaque groupe. Le taux de survenue <strong>des</strong><br />

événements cardiovasculaires a été le même dans<br />

les deux groupes et finalement la survie n’était pas<br />

différente quel que soit le bras de traitement. Il<br />

faut noter que 9 % <strong>des</strong> patients ont vécu <strong>des</strong> complications<br />

dans les 24 premières heures après l’angioplastie<br />

(un œdème pulmonaire, un infarctus<br />

pour les complications les plus graves). Les auteurs<br />

ont néanmoins observé la nécessité d’une embolisation<br />

rénale pour cinq patients, une thrombose<br />

de l’artère rénale chez quatre patients, une perforation<br />

de l’artère rénale chez quatre patients, un<br />

anévrysme de l’artère fémorale chez un patient et<br />

trois cas d’emboles de cholestérol conduisant à<br />

une gangrène périphérique avec amputation. Sur<br />

les 280 patients pour lesquels les données de suivi<br />

étaient disponibles, 20 % d’entre eux ont présenté<br />

une complication entre la 24 ème heure et le 1 er mois<br />

après l’angioplastie (deux décès de cause cardiaque,<br />

quatre hématomes par syndrome hémorragique<br />

nécessitant l’hospitalisation, cinq cas d’insuffisance<br />

rénale aiguë et une thrombose de l’artère<br />

rénale.<br />

Cette étude démontre donc qu’il n’y a pas de bénéfice<br />

à dilater les sténoses <strong>des</strong> artères rénales athéromateuses<br />

évaluées à plus de 70 % dans la population<br />

de l’étude.<br />

Dans les méta-analyses publiées précédemment<br />

126<br />

[7], le bénéfice associé à l’angioplastie portait surtout<br />

sur l’amélioration du contrôle tensionnel mesurée<br />

par le nombre de traitements reçus. Ces<br />

étu<strong>des</strong>, incluant individuellement un nombre de<br />

patients limité, concernent souvent <strong>des</strong> angioplasties<br />

sans stent et on peut remarquer que dans les<br />

étu<strong>des</strong> précédentes, un grand nombre de patients<br />

changeait de groupe au cours du suivi pour bénéficier<br />

d’une dilatation de l’artère rénale. D’autres<br />

étu<strong>des</strong>, la plupart du temps non randomisées,<br />

avaient montré un bénéfice potentiel de la dilatation<br />

de l’artère rénale sur l’évolution de la fonction<br />

rénale.<br />

Les auteurs montrent donc que si le traitement<br />

médical est bien conduit, et pour <strong>des</strong> patients qui,<br />

comme dans cette étude, ont 70 ans d’âge moyen,<br />

plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire et un<br />

niveau de créatinine moyen à l’entrée dans l’étude<br />

d’environ 180 µmol/l, la revascularisation n’apporte<br />

pas de bénéfice, elle expose au contraire à une fréquence<br />

de complications graves, non négligeable.<br />

3. Etude TREAT ou traiter le patient ou le<br />

taux d’hémoglobine ? (ASN 2009 et<br />

Pfeffer et al, A trial of darbepoietin alfa<br />

in type 2 diabetes and chronic kidney<br />

disease, N Engl J Med, 361:2019-32, 2009)<br />

La baisse du taux plasmatique d’hémoglobine est<br />

associée de façon indépendante à une augmentation<br />

du risque cardiovasculaire et rénal surtout<br />

chez les patients diabétiques. La correction du taux<br />

d’hémoglobine grâce aux agents stimulant de l’érythropoièse<br />

(ASE) améliore la qualité de vie chez le<br />

patient dialysé mais pas de façon démontrée le<br />

risque d’évènement cardiovasculaire. Le bénéfice<br />

clinique attendu dans la population non dialysée<br />

d’une correction de l’anémie par les ASE était néanmoins<br />

tellement fort que les précédentes étu<strong>des</strong> cliniques<br />

n’ont pas toujours jugé éthique d’envisager<br />

un bras placebo [8-10].<br />

L’étude TREAT a inclus (de août 2004 à décembre<br />

2007) 4047 patients diabétiques de type 2 (dans<br />

24 pays) dont le débit de filtration glomérulaire<br />

était compris (en MDRD) entre 20 et 60 ml/min/<br />

1.73 m 2 , le taux d’hémoglobine inférieur à 11 gr par<br />

dL et le pourcentage de saturation de la transférine<br />


Actualités du congrès de la société américaine de néphrologie<br />

un traitement antibiotique ou une chimio/radiothérapie.<br />

En revanche, un antécédent d’accident<br />

cardiovasculaire, une chirurgie majeure récente<br />

n’étaient pas <strong>des</strong> facteurs d’exclusion. Les patients<br />

ont été randomisés pour recevoir soit un traitement<br />

par darbépoïétine avec une cible d’hémoglobine<br />

à 13 gr/dL ou un placebo. Dans le groupe<br />

placebo, les patients recevaient de la darbépoïétine<br />

seulement si le taux d’hémoglobine était < 9 gr/dl<br />

avec arrêt du traitement dès le seuil de 9 gr/dL atteint.<br />

Les contrôles biologiques étaient réalisés tous<br />

les 15 jours dans la phase de titration et tous les<br />

mois ensuite.<br />

Les critères principaux d’évaluation étaient composites<br />

incluant, pour l’un, le délai jusqu’au décès ou un<br />

évènement cardiovasculaire (infarctus non fatal, insuffisance<br />

cardiaque, AVC, ou hospitalisation pour<br />

syndrome coronaire) et, pour l’autre, le décès ou le<br />

délai jusqu’à l’insuffisance rénale terminale. Les critères<br />

secondaires étaient le temps jusqu’au décès,<br />

les décès de cause cardiovasculaire, les composants<br />

<strong>des</strong> critères composites et le taux de diminution du<br />

DFG ainsi qu’un score de condition physique évaluant<br />

la fatigue et un score de qualité de vie (SF36).<br />

En avril 2006, à la parution <strong>des</strong> résultats de deux essais<br />

[8, 9] mettant en évidence le risque potentiel de<br />

la correction de l’anémie dans la population <strong>des</strong> patients<br />

atteints de maladie rénale chronique, le comité<br />

indépendant de sécurité n’a pas fait d’amendement<br />

au protocole, permettant ainsi à l’étude de<br />

continuer sur la base <strong>des</strong> données intermédiaires<br />

(plus d’évènements que dans les deux essais). Néanmoins,<br />

le formulaire d’information a été modifié et<br />

les patients ont été priés de donner à nouveau leur<br />

consentement. De plus, les critères d’arrêt du protocole<br />

anticipé ont été rendus plus stricts.<br />

4038 patients ont été suivi pendant un temps médian<br />

de 29,1 mois. A cette période, 87 % d’entre eux<br />

étaient encore suivis ou décédés, soit 1762 dans le<br />

groupe darbépoïétine et 1762 dans le groupe placebo.<br />

L‘âge moyen <strong>des</strong> patients était 68 ans, 57,3 %<br />

étaient <strong>des</strong> femmes et 65,4 % avaient un antécédent<br />

d’évènement cardiovasculaire. Davantage de<br />

patients avaient une insuffisance cardiaque dans le<br />

groupe darbépoïétine (31,5 %) versus placebo<br />

(35,2 %, p= 0,01). L’hémoglobine moyenne au départ<br />

était à 10,4 gr/dL (range interquartile = RI :<br />

9,8 à 10,9) et différait significativement dans les<br />

deux groupes dès le premier mois. Du 3 e mois à la<br />

fin du traitement, l’hémoglobine moyenne (basée<br />

127<br />

sur l’aire sous la courbe) était à 12,5 gr/dL (RI : 12,0<br />

à 12,8) dans le groupe darbépoïétine et 10,6 gr/dL<br />

(RI : 9,9 à 11,3) dans le groupe placebo (p


Bien que le critère composite ne soit pas observé<br />

plus souvent, la fréquence <strong>des</strong> AVC était supérieure<br />

sous traitement par darbépoïétine sans différence<br />

portant sur la pression artérielle systolique. Les auteurs<br />

concluent que dans la population de l’étude<br />

Références<br />

Chapitre 9 - Nouvelles de l’American Society of Nephrology<br />

1. Ponticelli C. Membranous nephropathy. J Nephrol<br />

2007;20:268-287.<br />

2. Rees A and Kain R. A watershed in the understanding<br />

of membranous nephropathy. Nature<br />

Reviews Nephrology 2009;5(11):617-618.<br />

3. Heymann W, Hakel DB, Harwood S et al. Production<br />

of nephrotic syndrome in rats by Freund’s adjuvant<br />

and rat kidney suspensions. Proc Soc Exp Biol Med<br />

1959;100:660-664.<br />

4. Ploin et al. Blood pressure outcome of angioplasty in<br />

atherosclerotic renal artery stenosis: a randomized<br />

trial. Hypertension 1998;31:823-829.<br />

5. Webster et al. Randomized comparison of percutaneous<br />

angioplasty versus continued medical<br />

therapy for hypertensive patients with atheromatous<br />

renal artery stenosis. J Hum Hypertension 1998;<br />

12:329-35.<br />

128<br />

(patients diabétiques insuffisants rénaux non dialysés<br />

ayant une anémie modérée), les bénéfices mo<strong>des</strong>tes<br />

du traitement par ASE pourraient être<br />

contrebalancés par les risques.<br />

6. Van Jaarsveld et al. The effect of balloon angiopalsty<br />

on hypertension in atherosclerotic renal artery<br />

stenosis. N Engl J Med 2000;342:1007-14.<br />

7. Ives et al. Continuing incertainty about the value of<br />

percutaneous revascularization in atherosclerotic<br />

renovascular disease: a meta-analysis of randomized<br />

trials. Nephrol Dial Transplant 2003;8:298-304.<br />

8. Singh et al. Correction of anemia with epoietin alpha<br />

in chronic kidney disease. N Engl J Med 2006;<br />

355:2085-98.<br />

9. Drueke et al. Normalization of hemoglobin level in<br />

patients with chronic kidney disease and anemia. N<br />

Engl J Med 2006;355:2071-84.<br />

10. Parfrey et al. Double blind comparison of full and<br />

partial anemia correction in incident hemodialysis<br />

patients without symptomatic heart disease. J Am<br />

Soc Nephrol 2005;16:2180-89.


129<br />

Chapitre 10<br />

Rein et<br />

grossesse


Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

Grossesse au cours <strong>des</strong> maladies rénales<br />

chroniques<br />

R. Azar 1 , M. Boulogne 2 , P. Delporte 2<br />

1 - Service de Néphrologie, CH Dunkerque<br />

2 - Service de Gynécologie Obstétrique, CH Dunkerque<br />

Introduction<br />

Il est actuellement bien admis que la survenue<br />

d’une grossesse chez une patiente porteuse d’une<br />

maladie rénale chronique constitue une situation à<br />

risque tant pour la mère que pour le fœtus. Les<br />

complications maternelles et fœtales sont en corrélation<br />

avec le degré de l’insuffisance rénale chronique.<br />

Ainsi, les grossesses chez <strong>des</strong> femmes avec<br />

une insuffisance rénale chronique aux sta<strong>des</strong> I à II<br />

de la maladie rénale chronique (DFG estimé<br />

≥ 60 ml/min/1,73 m 2 avec une créatinine plas matique<br />

< 124 µmol/l) ont un pronostic favorable sans<br />

altération de la fonction rénale [1, 2]. En revanche,<br />

la présence d’une altération plus importante de la<br />

fonction rénale maternelle et d’une hypertension<br />

artérielle associée, le pronostic fœtal est plus défavorable<br />

et le risque d’aggravation de la maladie rénale<br />

très important avec le risque de l’installation<br />

d’une insuffisance rénale chronique maternelle irréversible.<br />

L’absence d’adaptation <strong>des</strong> fonctions rénales chez<br />

les femmes porteuses d’une maladie rénale chronique<br />

à l’état gravidique est à l’origine d’un environnement<br />

sub-optimal pour le développement fœtal<br />

et augmente le risque de complications obstétricales,<br />

comme la pré-éclampsie, le retard de croissance<br />

intra-utérin et l’accouchement prématuré.<br />

De la même manière, les reins seront exposés à <strong>des</strong><br />

conséquences délétères d’un état prothrombotique,<br />

d’une hypertension artérielle et d’altérations<br />

hémodynamiques à l’origine d’une exacerbation<br />

de la protéinurie.<br />

130<br />

Au cours de la grossesse normale, il existe une augmentation<br />

du débit sanguin rénal responsable<br />

d’une augmentation du DFG d’environ 50 % dès le<br />

1 er trimestre et se maintenant jusqu’au 3 e trimestre.<br />

Cette hyperfiltration rénale gravidique explique la<br />

diminution de la créatinine plasmatique, de l’urée,<br />

de l’uricémie observée au cours <strong>des</strong> 2 e et 3 e trimestres.<br />

L’élimination <strong>des</strong> protéines durant la grossesse<br />

normale est augmentée par l’augmentation<br />

du DFG, la diminution de la réabsorption proximale<br />

et de possibles altérations de la charge électrostatique<br />

de la membrane basale glomérulaire jusqu’à<br />

un taux considéré comme normal de 300 mg/24h.<br />

L’estimation du DFG pendant la grossesse doit tenir<br />

compte <strong>des</strong> modifications fonctionnelles et hémodynamiques<br />

rénales induites par celle-ci. Aussi,<br />

la formule habituellement utilisée (MDRD) ou la<br />

formule de Cockroft-Gault peuvent sous-estimer<br />

pour la première ou surestimer pour la seconde le<br />

débit de filtration glomérulaire. Dans ces conditions,<br />

le calcul de la clairance de la créatinine avec<br />

le recueil <strong>des</strong> urines <strong>des</strong> 24 heures demeure le gold<br />

standard pour l’estimation du DFG dans la grossesse.<br />

La nécessaire augmentation du volume<br />

plasmatique pour faire face aux besoins de l’unité<br />

fœto-placentaire entraîne une hémodilution responsable<br />

d’une diminution de 5 à 10 g/l de l’albumine<br />

plasmatique, d’une augmentation du cholestérol<br />

et parfois même d’œdèmes en fin de<br />

grossesse. Enfin, au cours de la grossesse normale,<br />

on note une augmentation de la synthèse d’érythropoïétine<br />

et de vitamine D active qui n’est pas<br />

observée chez la femme enceinte porteuse d’une<br />

maladie rénale chronique [3].


Le niveau de la fonction rénale est le déterminant<br />

majeur de la grossesse. Les conséquences de la<br />

grossesse chez les patientes porteuses d’une maladie<br />

rénale chronique pré-existante dépendent en<br />

premier lieu du niveau de la fonction rénale et de<br />

complications comme l’hypertension artérielle, le<br />

niveau de protéinurie et l’existence éventuelle d’infections<br />

urinaires, mais aussi de l’étiologie de la<br />

maladie rénale chronique, et, chez les patientes<br />

porteuses d’une néphropathie diabétique, un mauvais<br />

équilibre glycémique est un facteur indépendant<br />

mais surajouté délétère sur le pronostic fœtal<br />

et maternel.<br />

Influence de la grossesse sur la<br />

néphropathie maternelle pré-existante<br />

L’augmentation de la filtration glomérulaire liée à<br />

l’état gravidique est atténuée chez les femmes porteuses<br />

d’une insuffisance rénale chronique modérée<br />

et elle est considérée comme absente chez les patientes<br />

dont la créatinine plasmatique est > 200<br />

µmol/l. De la même manière, l’augmentation du<br />

volume plasmatique et de l’érythropoïèse au cours<br />

de la grossesse est inversement corrélée au niveau<br />

pré-conceptionnel de la fonction rénale. À tout niveau<br />

de la fonction rénale, le risque d’une aggravation<br />

de celle-ci par la grossesse est majoré par la coexistence<br />

d’une hypertension artérielle et par le<br />

niveau de protéinurie et/ou la survenue d’une infection<br />

urinaire. La grossesse sera responsable d’une<br />

majoration de la protéinurie, de l’installation ou<br />

de la majoration d’une hypertension artérielle<br />

jusqu’alors absente ou bien équilibrée. Une protéinurie<br />

asymptomatique > 500 mg/j détectée avant<br />

20 semaines de grossesse indique l’existence d’une<br />

maladie rénale pré-existante. Ces femmes ont un<br />

risque supplémentaire de survenue de pré-éclampsie<br />

et ce risque augmente chez celles porteuses<br />

d’une hypertension artérielle chronique. Il est fréquent<br />

d’observer une aggravation de la protéinurie<br />

et de l’hypertension artérielle chronique au cours de<br />

la grossesse chez les patientes porteuses de maladie<br />

rénale plus fréquemment au 3 e trimestre et surtout<br />

dans les néphropathies glomérulaires. Cette<br />

augmentation est souvent transitoire, le taux de la<br />

protéinurie revenant à son niveau antérieur après<br />

l’accouchement. L’hypertension artérielle tend à se<br />

majorer au cours de la grossesse au fur et à mesure<br />

de l’avancement de celle-ci, exposant la patiente au<br />

risque de toxémie gravidique surajoutée. Il apparaît<br />

toutefois que la grossesse ne provoque pas de re-<br />

Grossesse au cours <strong>des</strong> maladies rénales chroniques<br />

131<br />

prise évolutive d’une pathologie glomérulaire primitive<br />

ou d’une néphrose lipoïdique si celle-ci est en<br />

rémission au moment de la conception.<br />

Il importe de garder à l’esprit que le niveau de protéinurie<br />

à la conception est un facteur de risque indépendant<br />

d’accélération du déclin de la fonction<br />

rénale pendant la grossesse. Un débit de protéinurie<br />

> 1 g/24h avant la conception est corrélé avec<br />

une accélération du déclin de la fonction rénale et<br />

un doublement de risque de survenue d’une insuffisance<br />

rénale chronique terminale, ce risque étant<br />

encore plus important en cas d’une clairance de la<br />

créatinine < 40 ml/min/ 1,73 m 2 [4-6]. De façon similaire,<br />

l’hypertension artérielle est un facteur prédictif<br />

indépendant du déclin de la fonction rénale maternelle<br />

et de la survenue d’une insuffisance rénale<br />

chronique terminale [7].<br />

Il est actuellement bien admis que l’influence de la<br />

grossesse sur le parcours évolutif de la néphropathie<br />

maternelle est liée principalement au niveau<br />

de la fonction rénale au moment de la<br />

conception. Ainsi, les femmes avec une créatinine<br />

plasmatique < 120 à 135 µmol/l au moment de la<br />

conception présentent un risque très faible d’aggravation<br />

de la fonction rénale au cours de la grossesse.<br />

Une altération de la fonction rénale maternelle<br />

se produit dans quelques cas mais elle est le<br />

plus souvent réversible, les facteurs pronostiques<br />

les plus importants étant l’existence d’une hypertension<br />

artérielle sévère ou mal contrôlée et le type<br />

histologique de la glomérulonéphrite. En cas d’atteinte<br />

rénale plus sévère, avec une créatinine plasmatique<br />

qui demeure < 177 µmol/l, le risque de détérioration<br />

de la fonction rénale est plus important,<br />

survenant chez environ 40 % <strong>des</strong> femmes. Ce<br />

risque est encore d’autant plus important qu’il<br />

existe une protéinurie et une hypertension artérielle.<br />

Une insuffisance rénale plus sévère avec un<br />

niveau de créatinine plasmatique > 180 µmol/l comporte<br />

un risque majeur de dégradation de la fonction<br />

rénale et environ 30 % <strong>des</strong> femmes avec ce niveau<br />

de créatinine plasmatique vont progresser<br />

vers le stade d’insuffisance rénale chronique terminale<br />

au cours ou au décours de la grossesse, l’aggravation<br />

devenant pratiquement constante chez<br />

les patientes dont la créatinine plasmatique dépasse<br />

300 µmol/l. Une étude prospective récente<br />

[2] a bien démontré chez 49 femmes porteuses<br />

d’une maladie rénale chronique aux sta<strong>des</strong> III à V<br />

avant la grossesse que l’existence d’un DFG estimé


40 ml/min/1,73 m 2 et une protéinurie > 1 g/24 h<br />

avant la grossesse présentent un risque d’accélération<br />

de la dégradation de la fonction rénale durant<br />

la grossesse. En l’absence de certitude d’une récupération<br />

d’une fonction rénale meilleure en cas<br />

d’arrêt thérapeutique de la grossesse, le recours à<br />

un traitement par dialyse de suppléance au cours<br />

de la grossesse pourra permettre, avec les techniques<br />

de dialyse optimale et les progrès de la<br />

réanimation néo-natale, une augmentation <strong>des</strong><br />

chances de survie du fœtus dans environ 80 % <strong>des</strong><br />

cas [8].<br />

Influence de la nephropathie maternelle<br />

sur la croissance fœtale<br />

Globalement, la mortalité fœtale est plus élevée<br />

chez les femmes atteintes de néphropathie. Ce<br />

risque est variable selon le type de néphropathie,<br />

il est estimé à environ 20 % dans les glomérulonéphrites<br />

primitives, à 10 % dans les néphropathies<br />

de reflux et la polykystose rénale. Cette<br />

mortalité est plus élevée dans les néphropathies<br />

glomérulaires primitives de type hyalinose segmentaire<br />

et focale et dans les glomérulonéphrites<br />

membrano-prolifératives de l’ordre de 25 % ; elle<br />

est estimée à 15 à 20 % dans la glomérulonéphrite<br />

à dépôts mésangiaux d’immunoglobulines A et à<br />

10 % dans la glomérulonéphrite extramembraneuse.<br />

Cette surmortalité est observée au cours<br />

<strong>des</strong> deux premiers trimestres dans 50 % <strong>des</strong> cas et<br />

au cours du 3 e trimestre pour l’autre moitié <strong>des</strong><br />

cas, quelle que soit la nature de la néphropathie<br />

chronique. Les facteurs de risque associés à la néphropathie,<br />

notamment l’existence d’une hypertension<br />

artérielle, le niveau d’insuffisance rénale et<br />

l’existence d’une protéinurie majeure, et a fortiori<br />

d’un syndrome néphrotique, exercent une influence<br />

délétère sur le pronostic fœtal. Il est difficile de préciser<br />

la responsabilité respective de l’un ou de l’autre<br />

de ces facteurs dans le mauvais pronostic fœtal.<br />

Les progrès de la réanimation néo-natale et <strong>des</strong><br />

soins obstétricaux expliquent l’amélioration observée<br />

dans le pronostic fœtal. Toutefois, les patientes<br />

porteuses d’une insuffisance rénale chronique sévère<br />

ont le plus mauvais pronostic fœtal, sans<br />

compter les pertes fœtales précoces souvent ignorées<br />

dans l’analyse du pronostic fœtal et qui sont<br />

très fréquentes chez les patientes avec une insuffisance<br />

rénale chronique évoluée. L’influence de<br />

l’insuffisance rénale est fonction de sa sévérité et<br />

l’on distingue avec Jungers, trois zones de risque<br />

Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

132<br />

fœtal [9]. En cas d’insuffisance rénale légère correspondant<br />

à une clairance de la créatinine > 40 ml/min/<br />

1,73 m 2 (créatinine plasmatique < 160 µmol/l), le<br />

pronostic fœtal est globalement bon, dépendant<br />

tout particulièrement de l’existence d’une hypertension<br />

artérielle et de son équilibre. En cas d’insuffisance<br />

rénale chronique plus sévère avec une créatinine<br />

plasmatique > 220 µmol/l, soit une clairance<br />

de la créatinine comprise entre 25 et 40 ml/min/<br />

1,73 m 2 , on note un pronostic fœtal plus réservé<br />

avec de nombreux accouchements prématurés et<br />

un retard de croissance intra-utérin plus fréquent.<br />

En moyenne, l’âge gestationnel à la naissance est<br />

de 32,4 semaines et la survie néo-natale dépasse<br />

90 %, l’accouchement se faisant dans 60 % <strong>des</strong> cas<br />

par voie césarienne. Il importe de savoir ne pas<br />

prolonger une grossesse lorsque la survie néonatale<br />

peut être compromise par la sévérité de l’affection<br />

maternelle. Au-delà d’une créatinine plasmatique<br />

de 220 µmol/l correspondant à une clairance<br />

de la créatinine < 25 ml/min/1,73 m 2 , le risque<br />

de mortalité fœtale devient majeur, se doublant de<br />

risque d’aggravation irréversible de la fonction rénale<br />

maternelle.<br />

Il existe une relation linéaire entre le débit quantitatif<br />

de la protéinurie et la croissance fœtale. Ainsi,<br />

la présence d’un syndrome néphrotique dés le début<br />

de la grossesse est responsable d’une majoration<br />

importante du risque de mort fœtale in utero<br />

et d’hypotrophie fœtale. Dans cette condition, on<br />

pourra discuter la réalisation d’une ponction biopsie<br />

rénale qui pourrait éventuellement indiquer le<br />

caractère cortico-sensible du syndrome néphrotique<br />

qui permettrait parfois d’obtenir de façon partielle<br />

une réduction du niveau de la protéinurie et<br />

une amélioration de la croissance fœtale. On soulignera<br />

a contrario que la survenue d’un syndrome<br />

néphrotique au cours du 3 e trimestre de la grossesse<br />

comme dans la pré-éclampsie n’a que peu ou<br />

pas d’influence sur le pronostic fœtal. Les femmes<br />

enceintes avec une protéinurie de volume néphrotique<br />

sont à haut risque de thrombose et devraient<br />

recevoir une thrombo-prophylaxie avec une héparine<br />

de bas poids moléculaire qui sera poursuivie au<br />

moins 6 semaines dans le post-partum. Il est aussi<br />

de bon ton de prescrire un traitement anti-agrégant<br />

plaquettaire par aspirine à la posologie de 75 à<br />

100 mg/j dans le but de réduire le risque de prééclampsie<br />

surajouté.<br />

L’existence d’une hypertension artérielle à la


conception ou très tôt dans la grossesse comporte<br />

dix fois plus de risque de survenue de mort fœtale<br />

qu’une normotension au même niveau de fonction<br />

rénale. Ainsi, une pression artérielle pré-conceptionnelle<br />

> 140/90 mmHg est responsable d’une<br />

mortalité périnatale de 23 % versus 4 % chez les<br />

femmes normotendues avec une maladie rénale<br />

chronique. Le traitement d’une hypertension artérielle<br />

avant la grossesse ou dès son début s’accompagne<br />

d’une amélioration du pronostic fœtal<br />

tout en réduisant l’incidence <strong>des</strong> complications maternelles.<br />

En effet, l’hypertension artérielle est un<br />

facteur indépendant de déclin de la fonction rénale<br />

maternelle et de survenue d’une insuffisance rénale<br />

chronique terminale [10, 11], le risque de mortalité<br />

fœtale étant mieux corrélé à l’hypertension artérielle<br />

qu’à celui d’une insuffisance rénale chronique<br />

modérée.<br />

Prise en charge générale de la grossesse<br />

dans les maladies rénales chroniques<br />

Conseil pré-conceptionnel<br />

Toute femme porteuse d’une maladie rénale chronique<br />

devrait avoir la possibilité d’une information<br />

complète sur les risques d’une grossesse. Celle-ci<br />

doit être planifiée et dans certains cas, la thérapeutique<br />

médicamenteuse sera modifiée. Le niveau de<br />

la fonction rénale est un élément déterminant du<br />

pronostic. Lorsque celle-ci est légèrement altérée<br />

avec une créatinine plasmatique < 135 µmol/l, la<br />

grossesse peut être autorisée sans grande crainte.<br />

Lorsque la créatinine plasmatique atteint ou dépasse<br />

160 µmol/l, un pronostic encore favorable<br />

peut être espéré avec une surveillance maternelle et<br />

fœtale très rapprochée et un contrôle optimal de<br />

l’hypertension artérielle. Au-delà d’une créatinine<br />

plasmatique de 200 à 220 µmol/l, le pronostic materno-fœtal<br />

devient extrêmement réservé et il est<br />

préférable de déconseiller la grossesse à ce stade.<br />

Toutefois, si la patiente désire impérativement une<br />

grossesse en dépit d’une insuffisance rénale chronique<br />

évoluée, son désir sera respecté et toutes les<br />

mesures visant à optimiser le suivi de la grossesse<br />

seront mises en œuvre. L’information délivrée sera<br />

claire, répétée en s’assurant de sa compréhension<br />

par la patiente et son conjoint en exposant le risque<br />

de mort fœtale et de grande prématurité mais aussi<br />

le risque d’une détérioration irréversible de la fonction<br />

rénale maternelle en cas de clairance de la créatinine<br />

< 25 ml/min/1,73 m 2 (créatinine > 220 µmol/l),<br />

Grossesse au cours <strong>des</strong> maladies rénales chroniques<br />

133<br />

surtout en présence d’une hypertension artérielle et<br />

d’une protéinurie abondante avec le risque de débuter<br />

une dialyse plus tôt que ne l’aurait déterminé le<br />

génie évolutif propre de la néphropathie initiale en<br />

l’absence de grossesse.<br />

Traitement de l’hypertension artérielle<br />

La pression artérielle doit être maintenue entre<br />

120/80 et 140/90 mmHg tout au long de la grossesse.<br />

Des valeurs plus basses ne s’accompagnent<br />

pas d’une réduction de la morbidité maternelle et<br />

compromettent le flux sanguin utéro-placentaire<br />

responsable d’un retard de croissance intra-utérin.<br />

Les inhibiteurs de l’enzyme de conversion et les antagonistes<br />

<strong>des</strong> récepteurs de l’angiotensine II seront<br />

arrêtés dès le début de la grossesse. Les médicaments<br />

anti-hypertenseurs utilisés en première intention<br />

au cours de la grossesse chez la femme porteuse<br />

d’une maladie rénale chronique sont l’alphamethyldopa<br />

et le labetolol seuls ou en association.<br />

En cas d’hypertension artérielle ne répondant pas<br />

à ces médicaments, l’utilisation d’un inhibiteur calcique<br />

ou d’un alpha-bloquant, voire l’hydralazine<br />

est possible. Les diurétiques thiazidiques ou de l’anse<br />

seront proscrits compte tenu de leur effet sur la diminution<br />

du volume plasmatique avec un risque<br />

augmenté de retard de croissance intra-utérin.<br />

Protéinurie<br />

L’existence d’un syndrome néphrotique augmente<br />

le risque de complications thrombo-emboliques<br />

chez une femme dont la grossesse constitue déjà<br />

un état prothrombotique. Une thromboprophylaxie<br />

par une héparine de bas poids moléculaire est indispensable<br />

chez toutes les femmes enceintes avec<br />

une protéinurie > 3 g/j. Chez les femmes dont la protéinurie<br />

est comprise entre 1 et 3 g/24h, une thromboprophylaxie<br />

peut être discutée en cas de présence<br />

de facteurs de risque supplémentaires<br />

comme une obésité, un âge maternel supérieur à<br />

35 ans, un tabagisme et une immobilisation. On utilisera<br />

l’enoxaparine à la posologie de 40 mg/j ou la<br />

fragmine 5000 U/j. Il n’y a pas d’arguments pour réduire<br />

la dose d’héparine de bas poids moléculaire<br />

chez les patientes enceintes avec une insuffisance<br />

rénale chronique et un syndrome néphrotique.<br />

Autres traitements<br />

La prévention ou la correction d’une anémie fera


appel à une supplémentation martiale et en acide<br />

folique à la posologie de 5 mg/j, voire un traitement<br />

par érythropoïétine recombinante en cas d’un taux<br />

d’hémoglobine < 9 g/dl. L’utilisation d’aspirine à<br />

faible dose (50 à 100 mg/j) dans le but de réduire le<br />

risque de pré-éclampsie peut être défendue de la<br />

douzième semaine d’aménorrhée jusqu’à l’accouchement.<br />

Surveillance fœtale et délivrance<br />

L’optimisation du pronostic fœtal et maternel de la<br />

grossesse chez une femme atteinte de néphropathie<br />

ne peut se concevoir qu’avec une prise en<br />

charge multidisciplinaire associant unité obstétricale<br />

de niveau III, une unité de néonatologie de<br />

proximité et une équipe néphrologique. La surveillance<br />

régulière de l’état fœtal sera réalisée de façon<br />

rapprochée. Elle fera appel à l’échodoppler <strong>des</strong> artères<br />

utérines entre la 20 e et la 24 e semaine de<br />

gestation permettant de prédire le risque de prééclampsie<br />

et le retard de croissance intra-utérin.<br />

Des évaluations répétées de la vitalité fœtale et<br />

l’enregistrement doppler de l’artère ombilicale et<br />

<strong>des</strong> artères cérébrales du fœtus aident à déceler<br />

une souffrance fœtale et emporter la décision d’extraire<br />

ou non le fœtus.<br />

Grossesse chez les femmes dialysées<br />

Les troubles de la fonction génitale au cours de l’insuffisance<br />

rénale chronique sont connus de longue<br />

date et les perturbations cliniques et biologiques<br />

observées augmentent avec le degré du déficit rénal.<br />

De ce fait, la grossesse chez une femme traitée<br />

par dialyse de suppléance est rare. Toutefois, avec<br />

l’amélioration <strong>des</strong> techniques de dialyse, la fertilité<br />

<strong>des</strong> patientes urémiques chroniques s’est bien<br />

améliorée. C’est en 1971 qu’il a été rapporté pour la<br />

première fois le succès d’une grossesse chez une<br />

patiente en hémodialyse chronique [12]. Depuis<br />

cette date, de nombreuses grossesses ont été publiées<br />

avec une incidence variant de 0,75 à 5,2 %<br />

avec <strong>des</strong> taux de succès de 23 à 52 %. Chez ces patientes,<br />

la grossesse peut être émaillée de complications<br />

maternelles à type d’hypertension artérielle,<br />

de pré-éclampsie, de complications fœtales<br />

allant jusqu’au décès in utero. Le diagnostic de<br />

grossesse est souvent tardif du fait <strong>des</strong> irrégularités<br />

menstruelles et de spanio-ménorrhée. Grâce à<br />

l’amélioration de la qualité de l’épuration extrarénale<br />

tant par hémodialyse que par dialyse périto-<br />

Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

134<br />

néale, de plus en plus de femmes dialysées sont<br />

non seulement réglées mais ont souvent <strong>des</strong> cycles<br />

ovulatoires, elles peuvent donc être enceintes<br />

chaque fois qu’une contraception n’est pas utilisée.<br />

Le passage de l’urée à travers le placenta vers<br />

le fœtus sera responsable d’une diurèse osmotique<br />

produite par les reins fœtaux à l’origine d’un hydramnios<br />

compliquant plus de 50 % <strong>des</strong> grossesses<br />

en dialyse. L’accouchement est le plus souvent<br />

prématuré avec un âge gestationnel moyen de<br />

32,4 semaines et les enfants sont hypotrophiques<br />

eu égard à l’âge gestationnel. Il n’existe pas de différence<br />

significative dans le taux du succès de ces<br />

grossesses chez les femmes traitées par hémodialyse<br />

ou par dialyse péritonéale [13, 14].<br />

Il convient d’adapter le protocole d’hémodialyse<br />

de manière à assurer un contrôle optimal de la<br />

pression artérielle, du poids sec, du taux d’hémoglobine<br />

et <strong>des</strong> apports nutritionnels. Ceci nécessite<br />

une augmentation de la fréquence et de la durée<br />

<strong>des</strong> séances d’hémodialyse. La durée d’hémodialyse<br />

hebdomadaire sera toujours supérieure à<br />

20 h. Il a été démontré récemment qu’une durée<br />

de dialyse hebdomadaire de 36 heures augmentait<br />

significativement le taux de succès avec naissance<br />

à 36 semaines d’enfants de poids moyen de 2,4 kg<br />

[15]. La fréquence d’hémodialyse sera augmentée<br />

à 6 séances par semaine de manière à maintenir un<br />

taux d’urée prédialytique < 15 mmol/l. Le bon<br />

contrôle de la pression artérielle nécessite une juste<br />

évaluation du poids sec. Cette estimation toutefois<br />

demeure difficile. Chez la femme enceinte dialysée,<br />

après une prise de poids de 1,5 kg au cours<br />

du premier trimestre, le gain de poids est linéaire au<br />

cours <strong>des</strong> 2 e et 3 e trimestres d’environ 500 g par semaine<br />

[16]. La pression artérielle sera maintenue<br />

aux alentours de 140/90 mmHg. Une majoration de<br />

l’ultrafiltration constitue la première ligne de traitement<br />

de l’hypertension artérielle. Il importe de<br />

ne pas dépasser une ultrafiltration supérieure à<br />

1,5 kg/séance pour éviter la survenue d’une hypotension<br />

artérielle responsable d’une hypoperfusion<br />

utéroplacentaire. En cas d’hypertension résistante<br />

chez une femme euvolémique, le recours à un traitement<br />

anti-hypertenseur sera alors indispensable.<br />

L’objectif d’hémoglobine chez la femme enceinte<br />

est de 10 à 11 g/dl. La carence martiale sera systématiquement<br />

recherchée et corrigée avec un coefficient<br />

de saturation de la transferrine maintenu<br />

> 30 % en utilisant <strong>des</strong> faibles doses répétées de fer


intraveineux. Les besoins en érythropoïétine sont<br />

augmentés de 50 à 100 %, une supplémentation<br />

en acide folique (5 mg/j) est recommandée tout au<br />

long de la grossesse ainsi que la prise de faibles<br />

doses d’aspirine (50 à 150 mg/j). Les besoins en calcium<br />

et en vitamine D augmentent pendant la<br />

grossesse et un apport de calcium de 1500 mg/j est<br />

recommandé. Du fait que le placenta transforme la<br />

25 OH D3 en 1, 25 (OH) 2 D3, une supplémentation<br />

en calcitriol pourra s’avérer nécessaire et sera guidée<br />

par la détermination trimestrielle du taux du<br />

25 OH D3. La posologie <strong>des</strong> chélateurs de phosphore<br />

sera revue en fonction de la phosphatémie<br />

dont le taux sera nécessairement diminué par<br />

l’augmentation de la fréquence <strong>des</strong> dialyses. Il en<br />

est de même pour la kaliémie et l’utilisation d’un<br />

dialysat plus concentré en potassium sera privilégiée<br />

(3 à 3,5 mEq/l). La diminution de la natrémie<br />

au cours de la grossesse nécessite une réduction de<br />

la concentration du sodium du dialysat aux alentours<br />

de 135 mmol/l. L’alcalose métabolique doit<br />

être évitée par l’ajustement de la concentration du<br />

dialysat en bicarbonates à 25 mEq/l. Cette concentration<br />

évite l’installation d’une alcalose d’autant<br />

que durant la grossesse il existe une alcalose respiratoire<br />

physiologique. Les apports nutritionnels et<br />

en particulier protidiques doivent être augmentés<br />

à 1,5 g/kg/j en hémodialyse, voire à 1,8 g/kg/j en dialyse<br />

péritonéale pour favoriser une bonne croissance<br />

fœtale associée à un apport calorique de<br />

30 à 35 Kcal/kg/j. En raison de l’augmentation de la<br />

fréquence <strong>des</strong> dialyses, une supplémentation en vitamines<br />

hydrosolubles sera réalisée [17].<br />

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Grossesse au cours <strong>des</strong> maladies rénales chroniques<br />

135<br />

L’incidence de la grossesse en dialyse péritonéale<br />

est bien plus faible qu’en hémodialyse. La nécessité<br />

de majorer la dose de dialyse se trouve limitée par<br />

l’utérus gravide, l’augmentation de la fréquence<br />

plutôt que du volume <strong>des</strong> échanges et l’utilisation<br />

de la dialyse péritonéale automatisée permettent<br />

d’augmenter la clairance <strong>des</strong> solutés [18]. Il n’a pas<br />

été rapporté d’augmentation de l’incidence <strong>des</strong><br />

péritonites. La décision d’extraction fœtale sera<br />

prise au cas par cas après une corticothérapie pour<br />

accélérer la maturité pulmonaire fœtale. L’accouchement<br />

est réalisé dans plus de 50 % <strong>des</strong> cas par<br />

césarienne. Malgré la prématurité systématique,<br />

le développement <strong>des</strong> enfants au long cours semble<br />

satisfaisant sur un recul moyen d’environ 6 ans.<br />

Conclusion<br />

Si la grossesse en situation d’insuffisance rénale<br />

chronique débutante et en l’absence d’hypertension<br />

artérielle mal contrôlée comporte un pronostic<br />

maternel et fœtal favorable, une insuffisance<br />

rénale chronique plus importante, une hypertension<br />

artérielle et une protéinurie augmentent significativement<br />

le risque de complications fœtales<br />

et d’accélération de la dégradation de la fonction<br />

rénale. Chez une femme ayant bénéficié de<br />

conseils pré-conceptionnels basés sur les récentes<br />

données épidémiologiques et dont la grossesse<br />

est planifiée, le succès de la prise en charge passe<br />

par une collaboration étroite entre néphrologues et<br />

obstétriciens, par un suivi commun fréquent et régulier<br />

permettant ainsi d’améliorer sensiblement le<br />

pronostic fœtal même chez les patientes dialysées.<br />

5. Imbasciati E, Ponticelli C. Pregnancy and renal<br />

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La grossesse est une épreuve d’effort glomérulaire<br />

La grossesse est une épreuve d’effort<br />

glomérulaire<br />

Alexandre Hertig<br />

Urgences Néphrologiques et Transplantation Rénale, Hôpital Tenon, Paris<br />

Introduction<br />

Pierre-François Olive Rayer (1793-1867), co-fondateur<br />

avec Claude Bernard de la Société de Biologie, rapporta<br />

le premier dans le monde la présence d’albumine<br />

dans l’urine <strong>des</strong> femmes enceintes [1]. Il écrit,<br />

dans son traité <strong>des</strong> maladies rénales publié en 1840,<br />

à propos d’un cas : « Ce ne fut pas sans étonnement<br />

que je vis (...) <strong>des</strong> femmes grosses qui avaient présenté<br />

tous les symptômes de la néphrite albumineuse<br />

grave, non fébrile (...), très caractérisée, se rétablir<br />

en quelques jours après l’accouchement. (...) Il<br />

reste beaucoup de recherches à faire sur cette coïncidence<br />

ou cette complication. Tout ce que je puis<br />

dire ici, c’est que la néphrite albumineuse qui se déclare<br />

dans les derniers mois de la grossesse est beaucoup<br />

moins grave que celle qui a précédé la conception,<br />

qui persiste pendant la grossesse, ou qui se<br />

développe dans les premiers mois de la gestation ».<br />

Deux siècles plus tard, la pré-éclampsie est très bien<br />

définie (par l’apparition d’une hypertension artérielle<br />

et d’une protéinurie après 20 semaines d’aménorrhée),<br />

mais beaucoup moins bien caractérisée : plusieurs<br />

maladies (ou conditions) se cachent probablement<br />

derrière ce syndrome, dont l’origine est<br />

placentaire. Ces dix dernières années, cependant, la<br />

physiopathologie de la composante rénale du syndrome<br />

maternel a été quasiment élucidée, d’une façon<br />

qui éclaire d’un jour nouveau l’influence de la<br />

grossesse sur les néphropathies glomérulaires avérées<br />

ou silencieuses.<br />

137<br />

La pré-éclampsie est une maladie<br />

endothéliale<br />

Cinq à huit pour cent <strong>des</strong> grossesses se compliquent<br />

au troisième trimestre, de l’apparition d’une<br />

hypertension artérielle et d’une protéinurie « macroscopique<br />

» (définie, dans ce contexte, par une valeur<br />

supérieure à 300 mg par jour) [2]. Ce syndrome,<br />

typiquement associé à un syndrome œdémateux<br />

généralisé, est appelé pré-éclampsie, parce que<br />

l’évolution spontanée peut mener à <strong>des</strong> crises<br />

convulsives (après ces crises, les patientes rapportent<br />

souvent le souvenir d’un « flash » - eklampsis<br />

en grec). Le seul traitement connu aujourd’hui est<br />

l’accouchement. Il permet la résolution rapide du<br />

syndrome (typiquement en quelques jours). L’anomalie<br />

rénale qui est observée chez les femmes<br />

pré-éclamptiques n’est pas fonctionnelle mais organique.<br />

Sur la biopsie rénale (rarement indiquée<br />

désormais), la principale lésion est une endothéliose<br />

glomérulaire, c’est-à-dire une turgescence du<br />

cytoplasme <strong>des</strong> cellules endothéliales du capillaire<br />

glomérulaire [3]. Il en existe <strong>des</strong> formes sévères,<br />

avec activation locale de la coagulation et dépôts<br />

de fibrine. En fait, dans tous les organes lésés au<br />

cours de ce syndrome, c’est bien le vaisseau qui est<br />

la cible : endothéliose glomérulaire dans le rein,<br />

HELLP syndrome qui est une microangiopathie<br />

thrombotique localisée au foie (variante « hépatique<br />

» du syndrome hémolytique et urémique), ou<br />

dysfonction endothéliale cérébrale dans le PRES<br />

(« Posterior Reversible Encephalopathy Syndrome »)<br />

Adresse de correspondance : Urgences Néphrologiques et Transplantation Rénale - Hôpital Tenon, 4 rue de la Chine,<br />

75020 Paris, France - E-mail : alexandre.hertig@tnn.aphp.fr


associé à l’éclampsie. Bref, la pré-éclampsie est<br />

avant tout une maladie endothéliale sub-aiguë,<br />

induite par la grossesse, et réversible après la délivrance<br />

du placenta.<br />

Les avancées physiopathologiques<br />

récentes<br />

La pré-éclampsie est aussi appelée la « maladie<br />

<strong>des</strong> théories », tellement les hypothèses physiopathologiques<br />

se sont succédées depuis sa <strong>des</strong>cription<br />

[4]. C’est une maladie exclusivement humaine,<br />

et l’absence de modèle animal explique en partie<br />

l’épais mystère qui l’entoure. En 2002, cependant,<br />

une étude humaine de phase 2 rapporte que le bevacizumab,<br />

un anticorps neutralisant le VEGF, administré<br />

pour freiner l’évolution du cancer du colon,<br />

provoque chez un quart <strong>des</strong> patients un syndrome<br />

comparable (hypertension et protéinurie) réversible<br />

à l’arrêt du traitement [5]. Or, lorsque Ananth Karumanchi,<br />

à Boston, compare le profil d’expression<br />

<strong>des</strong> gènes exprimés par le placenta au cours <strong>des</strong><br />

grossesses normales ou pathologiques, il observe<br />

une importante sur-expression du récepteur soluble<br />

du VEGF (sFlt-1) dans le placenta <strong>des</strong> femmes<br />

accouchant dans un contexte de pré-éclampsie [6].<br />

Il propose alors l’hypothèse que le syndrome maternel<br />

de la pré-éclampsie est provoqué par un excès<br />

placentaire de sFlt-1, lequel est soluble, de petite<br />

taille (il passe la barrière placentaire), et capable<br />

de capturer le VEGF circulant, privant la mère d’un<br />

important facteur de croissance pour l’homéostasie<br />

vasculaire. Il développe un modèle animal (infection<br />

de la rate gravide par un adénovirus recombinant<br />

codant pour sFlt-1) et apporte la preuve que<br />

l’excès de sFlt-1 provoque un syndrome mimant la<br />

pré-éclampsie, jusque dans son atteinte glomérulaire<br />

spécifique, l’endothéliose [6]. Le lien entre le<br />

défaut de vascularisation du placenta <strong>des</strong> femmes<br />

pré-éclamptiques et l’excès de synthèse de sFlt-1<br />

est encore spéculatif, mais il est très probable (l’hypoxie<br />

peut activer la synthèse de sFlt-1) [7].<br />

Importance du VEGF pour les glomérules<br />

Quel rapport entre un excès de récepteur soluble<br />

du VEGF (ou un anticorps le neutralisant) et l’apparition<br />

d’une protéinurie ? Les 17 patients qui avaient<br />

développé une protéinurie après avoir reçu du bevacizumab<br />

pour un cancer du colon dans l’étude<br />

de phase II publiée en 2003, n’ont pas été biopsiés.<br />

En 2008, le groupe de Suzanne Quaggins a rap-<br />

Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

138<br />

porté le cas de six autres patients, ayant eux subi<br />

une biopsie rénale [8]. La lésion principale concerne<br />

l’endothélium glomérulaire : cytoplasme turgescent,<br />

aspect en double contour de la membrane<br />

basale du capillaire, dépôts sous-endothéliaux et<br />

parfois activation de la coagulation. Pour déterminer<br />

si le mécanisme lésionnel est direct ou indirect<br />

(via une carence en VEGF), elle développe un modèle<br />

animal d’invalidation conditionnelle du VEGF<br />

exclusivement dans le podocyte. Quatre semaines<br />

après l’invalidation, la protéinurie est abondante, et<br />

les anomalies histologiques sont comparables à<br />

celles observées chez l’homme. Ces lésions endothéliales<br />

précèdent les anomalies podocytaires et<br />

l’hypertension artérielle, lesquelles sont donc secondaires.<br />

Cela implique que dans les conditions<br />

physiologiques, les podocytes délivrent du VEGF à<br />

l’endothélium du capillaire glomérulaire : à contrecourant<br />

du flux urinaire, donc (c’est possible : le<br />

principal mode de transport à travers la membrane<br />

basale glomérulaire <strong>des</strong> petites molécules – le<br />

VEGF pèse 45 kD – est davantage la diffusion que<br />

la convection [9]). Cela n’exclut pas que la carence<br />

en VEGF ait aussi <strong>des</strong> répercussions sur les podocytes,<br />

de l’autre côté de la membrane basale glomérulaire<br />

(l’injection de sFlt-1 à <strong>des</strong> souris saines altère<br />

aussi la structure du diaphragme de fente, en<br />

diminuant l’expression de la néphrine [10]).<br />

Quoiqu’il en soit, il est aujourd’hui raisonnable de<br />

postuler que le phénotype rénal (et peut-être l’hypertension<br />

artérielle) <strong>des</strong> patientes ayant une prééclampsie<br />

est expliqué par une carence en VEGF induite<br />

par la circulation de sFlt-1 à <strong>des</strong> concentrations<br />

excessives, et dont la source est placentaire.<br />

Cinétique de la production de sFlt-1 au<br />

cours de la grossesse normale et<br />

pathologique<br />

En l’absence de placenta, la concentration de<br />

sFlt-1 dans le sang est très faible (150 pg/ml environ)<br />

[6]. Mais pendant la grossesse, qu’elle soit normale<br />

ou pathologique, les concentrations de sFlt-1 augmentent<br />

considérablement et sont de l’ordre du<br />

ng/ml [11, 12]. Ainsi, même si les femmes prééclamptiques<br />

ont <strong>des</strong> concentrations de sFLt-1 significativement<br />

plus élevées dès la vingtième semaine<br />

d’aménorrhée, les femmes dont la grossesse<br />

se déroule jusqu’à son terme sans complications<br />

sont aussi exposées à ce sFlt-1 circulant, et au<br />

cours du troisième trimestre, les concentrations<br />

physiologiques vont crescendo, jusqu’à doubler.


Cela signifie que chaque grossesse, même normale,<br />

est une circonstance où la quantité de VEGF<br />

disponible pour l’endothélium maternel est vraisemblablement<br />

diminuée, particulièrement au troisième<br />

trimestre.<br />

La grossesse comme « épreuve d’effort »<br />

pour les glomérules<br />

La micro-albuminurie « physiologique » observée<br />

en fin de grossesse normale est étroitement corrélée<br />

à la concentration physiologique de sFlt-1 dans<br />

le sang maternel [13]. Tout aussi intéressante, considérations<br />

éthiques mises à part, est la constatation<br />

que sur les biopsies rénales pratiquées un mois<br />

avant le terme chez <strong>des</strong> patientes volontaires<br />

saines, une endothéliose glomérulaire minime est<br />

fréquemment visible [14]. Tout ceci concourt à proposer<br />

que la grossesse est une circonstance au<br />

cours de laquelle le placenta (via la production de<br />

sFlt-1) expose la mère à un environnement pauvre<br />

en VEGF, dans <strong>des</strong> proportions plus ou moins marquées<br />

selon que la grossesse est normale ou pathologique<br />

(c’est-à-dire selon que le placenta est<br />

normal ou l’objet d’un défaut de vascularisation).<br />

Mais au-delà, cela implique que la grossesse est<br />

une occasion de mettre à l’épreuve l’appareil glomérulaire,<br />

à double titre : hyperfiltration, et carence<br />

relative en VEGF [15]. À cet égard, il est remarquable<br />

que, dans une étude de cohorte norvégienne,<br />

un antécédent de pré-éclampsie soit un facteur de<br />

risque fort pour la réalisation ultérieure d’une biopsie<br />

rénale [16].<br />

Comment mesurer la protéinurie<br />

pendant la grossesse ?<br />

Les pré-éclampsies sévères ne posent pas de problème<br />

diagnostique : la protéinurie est abondante,<br />

et sera dépistée quelle que soit la méthode employée.<br />

Les tableaux modérés sont par définition<br />

plus délicats à identifier. Le recueil <strong>des</strong> urines de 24 h<br />

est rarement complet chez les femmes enceintes<br />

[17]. La mesure du ratio protéine/créatinine dans un<br />

échantillon d’urine semble donc plus adaptée à un<br />

suivi (surtout en consultation) [18]. Chez la femme<br />

enceinte, la norme actuelle est inférieure à 30 mg/<br />

mmol créatinine (ou 2 mg d’albumine/mmol créatinine)<br />

[18]. Dans l’idéal cet échantillon doit être recueilli<br />

après 90 minutes en position latérale (seule<br />

position qui diminue efficacement l’obstruction urinaire<br />

liée à l’utérus gravide), après qu’une miction<br />

La grossesse est une épreuve d’effort glomérulaire<br />

139<br />

intermédiaire (à 45 min) a évacué la vessie [19].<br />

Mais en pratique, la bandelette urinaire reste la<br />

méthode de dépistage la plus courante. Elle est<br />

positive (une croix) dès que la concentration de<br />

protéines dépasse 30 mg/dL, mais sa sensibilité et<br />

sa spécificité ne sont pas parfaites. Pour cette raison,<br />

il reste recommandé, lorsqu’une protéinurie<br />

est dépistée par bandelette, de la confirmer sur un<br />

échantillon de 24 h. Dans la définition de la prééclampsie,<br />

le seuil de 300 mg/24h est classant. Ce<br />

seuil est basé sur <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> prospectives dans<br />

lesquelles le nombre de patientes incluses n’est jamais<br />

très élevé (au plus de 270 femmes [20]). Il a<br />

été récemment contesté : le seuil de 500 mg/24 h<br />

pourrait avoir une meilleure valeur diagnostique<br />

[21], peut-être à cause de la protéinurie « physiologique<br />

» au troisième trimestre. Ce débat un peu<br />

technique est intéressant, si on l’écoute sous un<br />

angle vasculaire : au-delà de la pathologie prééclamptique,<br />

la difficulté à établir un seuil de protéinurie<br />

« physiologique » au cours de la grossesse reflète<br />

peut-être une notion de seuil vasculaire<br />

maternel.<br />

Le seuil vasculaire maternel : implications<br />

pour le suivi post-partum<br />

Il n’y a pas de délai consensuel pour planifier la<br />

consultation médicale qui suit une pré-éclampsie (cf<br />

tableau 1). Le syndrome régresse rapidement, typiquement<br />

dans le premier mois après l’accouchement.<br />

Le début du troisième mois postpartum<br />

nous semble un moment préférable, pour<br />

trois raisons : <strong>des</strong> anti-hypertenseurs ont pu être<br />

poursuivis dans les quinze premiers jours et il faut<br />

une interruption de deux mois pour pouvoir interpréter<br />

la pression artérielle ; la mère est plus disponible<br />

; et elle n’a pas encore repris son activité professionnelle.<br />

Il s’agit d’abord de vérifier que la<br />

protéinurie et l’hypertension artérielle ont disparu.<br />

Cette étape est importante, puisque la pré-éclampsie<br />

a pu être une pré-éclampsie surimposée, c’està-dire<br />

sur un terrain méconnu d’hypertension artérielle<br />

chronique pré-existant à la grossesse. De<br />

même, la pré-éclampsie a pu survenir chez une<br />

femme qui avait une néphropathie sous-jacente<br />

jusque-là non dépistée (le risque de pré-éclampsie<br />

est en effet augmenté sur ces deux terrains). Il faut<br />

enfin envisager l’hypothèse que la grossesse, en<br />

provoquant une hyperfiltration glomérulaire et en<br />

privant les glomérules d’une partie <strong>des</strong> réserves<br />

physiologiques de VEGF, a pu démasquer une


Tableau 1 : Protéinurie chez la femme enceinte<br />

anomalie glomérulaire. Dans ce sens, la grossesse<br />

vaut une épreuve d’effort. Il faut être particulièrement<br />

vigilant avec les cas atypiques, c’est-à-dire<br />

avec les femmes ayant développé une protéinurie<br />

pendant la grossesse, mais chez lesquelles le diagnostic<br />

de pré-éclampsie a été douteux, soit parce<br />

que la pression artérielle est restée en <strong>des</strong>sous du<br />

seuil classant pour la pré-éclampsie (140/90 mm<br />

Hg), soit parce que l’élévation de la pression artérielle<br />

a été très modérée ou labile. Dans ce<br />

contexte, la consultation du post-partum est l’occasion<br />

de rechercher une micro-albuminurie persistante<br />

ou une anomalie du sédiment urinaire. Dans<br />

l’expérience de Tenon, le diagnostic le plus fréquent<br />

porté par la biopsie rénale de femmes ayant<br />

conservé une albuminurie anormale est la hyalinose<br />

segmentaire et focale, puis la néphropathie à<br />

dépôts mésangiaux d’IgA (données non publiées).<br />

En dehors du contexte de néphropathie avérée,<br />

une micro-albuminurie avec un sédiment inactif,<br />

même s’ils ne font pas nécessairement poser l’indication<br />

d’une biopsie rénale, justifient un suivi au<br />

Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

140<br />

long cours : la micro-albuminurie est un facteur de<br />

risque vasculaire, et la grossesse comme épreuve<br />

d’effort microvasculaire au sens large a pu aussi<br />

bien révéler une susceptibilité vasculaire chez la<br />

mère, qu’il faut chercher à corriger. Ainsi nous proposons<br />

que les règles hygiéno-diététiques soient<br />

expliquées (et au besoin, une consultation diététique<br />

prescrite) et les principaux facteurs de risque<br />

cardiovasculaire recherchés chez les patientes dont<br />

la grossesse s’est compliquée de protéinurie. Dans<br />

les cas de pré-éclampsie avérée, le placenta est<br />

évidemment coupable, mais d’une façon plus générale<br />

le seuil de susceptibilité de l’endothélium<br />

maternel a pu jouer un rôle. Un antécédent de prééclampsie<br />

multiplie par 18 le risque de développer<br />

ultérieurement une hypertension artérielle « primitive<br />

» [22]. Au Canada et en Europe du Nord, le suivi<br />

au long cours de très larges cohortes de femmes<br />

ayant eu une grossesse normale ou pathologique<br />

a ainsi permis de démontrer que la pré-éclampsie<br />

était associée à une augmentation du risque cardiovasculaire<br />

[23-26]. Le pic d’albuminurie « physiologique<br />

» et transitoire au troisième trimestre pourrait<br />

également être informatif, et refléter le seuil de<br />

susceptibilité vasculaire maternel.<br />

Conclusions<br />

La protéinurie observée au cours de la pré-éclampsie<br />

est induite par une lésion caractéristique du capillaire<br />

glomérulaire, l’endothéliose. Cette lésion est<br />

due à une carence maternelle en VEGF, provoquée<br />

par la synthèse excessive de sFlt-1 par un placenta<br />

dont la vascularisation a été défectueuse (pour <strong>des</strong><br />

raisons qui restent à élucider). Mais toute femme<br />

enceinte est exposée à <strong>des</strong> concentrations inhabituellement<br />

élevées de sFlt-1, particulièrement au<br />

troisième trimestre de la grossesse. Cela expose<br />

les petits vaisseaux à un stress qui a valeur de test<br />

d’effort, glomérulaire et systémique. Pour cette raison,<br />

une consultation médicale est indispensable<br />

après une pré-éclampsie, d’abord pour vérifier la résolution<br />

du syndrome, ensuite pour dépister une<br />

néphropathie glomérulaire sous-jacente, enfin pour<br />

lutter contre le risque cardiovasculaire de ces patientes.


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Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

142<br />

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Prise en charge thérapeutique d’une HTA gravidique<br />

Prise en charge thérapeutique d’une HTA<br />

gravidique<br />

Michel Beaufils<br />

Paris<br />

L’hypertension de la grossesse (6 à 8 % <strong>des</strong> grossesses)<br />

est une situation dont les mécanismes sont<br />

divers. Certes un certain nombre d’hypertensions<br />

chroniques, antérieures à la grossesse, sont simplement<br />

découvertes à cette occasion. D’autres hypertensions<br />

semblent au contraire créées de toutes<br />

pièces par la grossesse, et en ce cas elles régressent<br />

le plus souvent après l’accouchement. Ces hypertensions<br />

peuvent être mo<strong>des</strong>tes et isolées (HTA<br />

« gravidique » ou « gestationnelle », habituellement<br />

sans conséquences), elles peuvent au contraire<br />

réaliser le tableau complet de la pré-éclampsie,<br />

dont la gravité potentielle immédiate n’est plus à<br />

souligner. Aucune situation n’est stable durant la<br />

grossesse, aussi l’hypertension gestationnelle simple<br />

peut toujours évoluer vers une pré-éclampsie.<br />

Une surveillance très attentive est donc de règle.<br />

La pré-éclampsie n’a pas, elle-même, un mécanisme<br />

univoque, tout au moins dans sa<br />

pathogénie. Mais elle comporte cependant<br />

un élément constant, qui est une<br />

ischémie placentaire (Figure). Celle-ci peut<br />

être liée à un trouble primaire de la placentation<br />

(pré-éclampsie dite « placentaire »)<br />

ou être secondaire à <strong>des</strong> lésions vasculaires<br />

préexistantes chez la mère (prééclampsie<br />

dite « maternelle »). Ces deux<br />

Figure : Schéma potentiel de la pathogénie<br />

de l’hypertension gravidique et de<br />

la préeclampsie.<br />

143<br />

entités comportent une présentation et une gravité<br />

très différentes, dont la <strong>des</strong>cription est hors du<br />

champ de cette communication.<br />

Dans tous les cas, l’ischémie placentaire est suivie<br />

d’une cascade d’anomalies qui sont à l’origine du<br />

tableau clinique maternel [1] : apoptose accrue et<br />

libération dans la circulation de débris placentaires<br />

sous formes de microparticules, induisant un syndrome<br />

inflammatoire ; production de facteurs antiangiogéniques,<br />

sFlt1 et sEng, qui non seulement<br />

freinent l’invasion trophoblastique, mais sont vasoconstrictrices<br />

en périphérie ; production d’anticorps<br />

agonistes <strong>des</strong> récepteurs AT1 de l’angiotensine…<br />

L’ensemble aboutit, chez la mère, à une vasoconstriction<br />

et à une dysfonction endothéliale majeure,<br />

expliquant la lourde symptomatologie.<br />

Dans un tel contexte, quelle devrait être la prise en<br />

charge thérapeutique ? Le seul but pertinent est


(serait) d’éviter ou de limiter l’ischémie placentaire<br />

et la cascade d’anomalies biologiques qui en sont<br />

satellites. C’est, en effet, d’elle que dépendent aussi<br />

bien la vasoconstriction maternelle, les risques d’accidents<br />

évolutifs (hématome rétroplacentaire…),<br />

que le risque fœtal de retard de croissance, voire de<br />

mort in utero. Ce simple énoncé d’objectifs indique<br />

clairement le caractère dérisoire d’un abaissement<br />

<strong>des</strong> chiffres tensionnels. Le problème est clairement<br />

ailleurs. Et sur ce chapitre il faut bien reconnaître<br />

qu’aucun progrès sérieux n’a été accompli depuis<br />

dix ou vingt ans !<br />

Surveillance<br />

La surveillance d’une femme enceinte hypertendue<br />

est d’abord clinique, évolution <strong>des</strong> chiffres de pression<br />

artérielle, courbe de poids, apparition<br />

d’œdèmes… Ces données sont assez peu discriminantes.<br />

Une surveillance biologique est également nécessaire.<br />

Le premier élément en est le dépistage de la<br />

protéinurie. Un dépistage positif à la bandelette<br />

justifie un dosage sur les urines de 24 h. Nous avons<br />

vu à quel point cet élément est crucial, et fait basculer<br />

la patiente d’un niveau de risque à un autre.<br />

Un examen sanguin doit aussi être pratiqué mensuellement<br />

sauf cas particulier : une numération<br />

globulaire s’assure de la bonne qualité de l’hémoconcentration<br />

et de l’absence de thrombopénie. Le<br />

dosage <strong>des</strong> transaminases permet de dépister l’apparition<br />

d’un HELLP syndrome. Nous n’insisterons<br />

pas ici sur le dépistage d’un diabète gestationnel.<br />

La surveillance de l’uricémie a fait longtemps partie<br />

de ces éléments biologiques, avant de tomber<br />

en désuétude. En effet, si une ascension de l’uricémie<br />

(au-delà de 350 µmol/l) indique un risque très<br />

élevé d’apparition d’une pré-éclampsie, cette annonce<br />

n’est pas précoce, et d’autre part la valeur<br />

prédictive négative de l’uricémie est faible. Des travaux<br />

récents ont pourtant remis ce paramètre à<br />

l’honneur [2]. Un rôle direct de l’acide urique a<br />

même été évoqué dans la dysfonction endothéliale<br />

qui caractérise la pré-éclampsie.<br />

En réalité, la pièce maîtresse de la surveillance<br />

d’une femme enceinte, hypertendue ou non, est<br />

aujourd’hui l’échographie, avec examen doppler<br />

sur différents sites. Nous ne détaillerons pas ici ces<br />

examens. Rappelons simplement que le doppler<br />

Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

144<br />

utérin du second trimestre permet une bonne prédiction<br />

(à défaut d’être absolue) de la survenue ultérieure<br />

d’une pré-éclampsie, et que les progrès<br />

techniques permettent d’en rendre le terme de<br />

plus en plus précoce.<br />

Le sens de ces différents éléments de surveillance<br />

n’est pas seulement de fournir un index pronostique.<br />

Leur ensemble permet un ajustement de<br />

plus en plus précis du traitement, et de la décision<br />

obstétricale, garant d’une issue aussi favorable que<br />

possible.<br />

Traitement<br />

Le traitement médical de l’HTA<br />

Si l’on se réfère à ce qui a été dit plus haut du rôle<br />

initiateur de l’ischémie placentaire, il n’est pas évident<br />

que le traitement anti-hypertenseur soit bénéfique<br />

ni au placenta, ni à la croissance fœtale. On<br />

peut au contraire soupçonner qu’un abaissement<br />

de la pression au sein d’un circuit résistif conduise<br />

à une baisse du débit, ce qui serait le contraire du<br />

but recherché. C’est au reste, ce qui est observé en<br />

expérimentation. Nombre de doutes persistent<br />

donc sur les indications et les modalités du traitement<br />

antihypertenseur [3]. Celles-ci sont en fait<br />

différentes suivant le type et la sévérité de l’hypertension.<br />

HTA chronique ou HTA gravidique modérée<br />

Il s’agit de situations dans lesquelles le pronostic<br />

obstétrical est le plus souvent favorable. Déjà en<br />

1991, Redman avait compilé toutes les étu<strong>des</strong><br />

consacrées au traitement antihypertenseur et<br />

n’avait constaté aucun effet bénéfique de celui-ci<br />

[4]. Une trentaine d’étu<strong>des</strong> contrôlées de traitement<br />

antihypertenseur dans ces situations ont actuellement<br />

été rapportées. Leur méta-analyse [5]<br />

montre que dans l’ensemble le traitement permet<br />

d’avoir moins d’hypertensions dépassant 160/100,<br />

et moins d’hospitalisations. Fort logiquement, ceci<br />

a un prix en termes d’effets indésirables (Tableau).<br />

En revanche il n’a aucun effet sur le pronostic de la<br />

grossesse, et sur un quelconque élément du pronostic<br />

fœtal en particulier. Il faut cependant convenir<br />

avec Sibai [3] que les effectifs <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> n’ont<br />

jamais été suffisants pour qu’un mo<strong>des</strong>te effet sur<br />

la mort fœtale ou l’HRP (incidence de l’ordre de 2 %)<br />

puisse être mis en évidence, ou complètement


exclu. En effet, une réduction de 50 % de<br />

l’un de ces accidents demanderait un effectif<br />

de 2000 patientes par groupe. Aucune<br />

étude, ni même probablement leur<br />

ensemble, n’a atteint un tel effectif, et la<br />

méta-analyse ne serait pas forcément une<br />

méthode infaillible pour pallier cette insuffisance<br />

face à l’hétérogénéité considérable<br />

<strong>des</strong> publications. Le doute persiste<br />

donc, mais même si l’on admet cette<br />

marge d’incertitude, le traitement antihypertenseur<br />

dans ces indications n’apporte<br />

manifestement pas un bénéfice thérapeutique<br />

notable (Tableau).<br />

Au contraire, l’incidence de l’hypotrophie fœtale<br />

est plus élevée sous traitement [6]. Von Dadelszen<br />

a calculé que chaque abaissement de 10 mmHg de<br />

pression artérielle était associé à un poids fœtal inférieur<br />

de 176 g. Ce fait pourrait être plus marqué<br />

avec les bêta-bloquants qu’avec d’autres antihypertenseurs<br />

[7].<br />

Notons par ailleurs qu’aucune mesure diététique<br />

(sodium, aci<strong>des</strong> gras insaturés, calcium) ou d’hygiène<br />

de vie (repos…) n’a montré de valeur thérapeutique<br />

ou préventive de quoi que ce soit. L’hospitalisation,<br />

sorte de rite sacré il y a peu encore, ne<br />

sert à rien [7].<br />

Les hypertensions sévères<br />

Le cas est ici encore moins simple dans la mesure<br />

où il n’y a pas eu d’étu<strong>des</strong> contrôlées, pour <strong>des</strong> raisons<br />

évidentes. Le bénéfice d’un traitement pour<br />

une hypertension de courte durée chez une femme<br />

jeune n’est probablement pas majeur. Il est néanmoins<br />

susceptible d’éviter <strong>des</strong> complications maternelles,<br />

au premier rang <strong>des</strong>quelles l’œdème pulmonaire.<br />

La classique assertion du risque d’accident<br />

vasculaire cérébral est peu crédible. Les cas en sont<br />

rares, et l’imputabilité <strong>des</strong> chiffres tensionnels n’a jamais<br />

été convenablement étayée [7]. La pratique<br />

générale est de traiter ces hypertensions dès lors<br />

que les chiffres dépassent régulièrement 160 à<br />

180 et/ou 110 mmHg [3]. Il est certainement aussi<br />

important que précédemment, voire plus encore,<br />

d’agir avec doigté, et de ne pas abaisser les chiffres<br />

au-<strong>des</strong>sous de 140 et 90 mmHg.<br />

Prise en charge thérapeutique d’une HTA gravidique<br />

145<br />

Tableau : Méta-analyse <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> contrôlées de<br />

traitement antihypertenseur vs rien ou placebo.<br />

D’après Abalos (Cochrane Organization).<br />

Quels médicaments antihypertenseurs ?<br />

S’il est clair que la pression artérielle ne doit être<br />

abaissée ni trop vite, ni trop profondément pour<br />

éviter une baisse préjudiciable de la perfusion utérine,<br />

l’effet <strong>des</strong> antihypertenseurs sur le versant<br />

fœto-placentaire de la circulation demeure mal<br />

connu. La plupart de ces médicaments franchissent<br />

la barrière placentaire, d’autant plus aisément que<br />

leur liaison protéique est faible. En l’absence de<br />

bonnes étu<strong>des</strong> pharmacologiques, leur usage dans<br />

la grossesse reste empirique. Les tests effectués<br />

par doppler de l’artère ombilicale ont une sensibilité<br />

trop limitée pour que <strong>des</strong> conclusions soli<strong>des</strong><br />

puissent en être tirées. Aucun antihypertenseur<br />

par voie orale n’a d’AMM spécifique dans cette indication.<br />

Certains antihypertenseurs peuvent être utilisés<br />

sans restriction, au premier rang <strong>des</strong>quels les antihypertenseurs<br />

centraux, et principalement la methyldopa,<br />

dont le recul est le plus long et l’innocuité<br />

la mieux établie. Elle seule a bénéficié d’étu<strong>des</strong> pédiatriques<br />

à long terme après usage maternel [8].<br />

Une étude in vitro sur <strong>des</strong> fragments d’artère ombilicale<br />

a également montré que, de tous les antihypertenseurs<br />

testés, la methyldopa était le seul à<br />

avoir un comportement neutre sur la résistance<br />

ombilicale [9].<br />

Les bêta-bloquants, avec les réserves mentionnées<br />

plus haut quant à la croissance fœtale, sont<br />

également largement utilisés, et ont bénéficié<br />

d’étu<strong>des</strong> cliniques soli<strong>des</strong>. Ils font partie de l’arsenal


thérapeutique de première intention [7]. Les produits<br />

peu bradycardisants tels que labetalol ou pindolol<br />

sont souvent préférés. Ils pourraient faire courir<br />

un moindre risque de retard de croissance.<br />

Les bloqueurs calciques, et principalement la nicardipine,<br />

sont très utilisés, du moins en France, chez<br />

la femme enceinte. Pourtant leur dossier est pauvre<br />

[10]. Aucun n’a d’AMM dans cette indication, et ils<br />

sont « déconseillés » dans les RCP. Il y a peu de certitu<strong>des</strong><br />

sur leur absence de tératogénicité. Leur action<br />

tocolytique, précieuse en cas de menace d’accouchement<br />

prématuré, peut être source de<br />

difficultés lors de l’accouchement, voire en postpartum.<br />

Néanmoins leur absence de contre-indications<br />

et leur tolérance généralement bonne en ont<br />

fait le médicament de facilité pour nombre d’unités<br />

obstétricales. Cette large expérience, doublée d’un<br />

recul qui commence à être conséquent, compense<br />

pour une part un niveau de preuve bien limité.<br />

L’administration simultanée d’un inhibiteur calcique<br />

et de sulfate de magnésie (MgSO4) a été déconseillée<br />

après la publication de cas isolés de bloc<br />

neuro-musculaire sévère, et éventuellement de<br />

décès maternels. Même si le danger de cette association<br />

a été récemment remis en cause [11], la<br />

prudence devrait rester de mise.<br />

Les diurétiques ont été abandonnés en tant qu’antihypertenseurs<br />

dans la grossesse car ils diminuent<br />

le volume plasmatique et peuvent de ce fait aggraver<br />

la souffrance fœtale chronique. Il va sans dire<br />

que leurs indications restent entières dans d’autres<br />

circonstances, comme l’insuffisance cardiaque.<br />

Les anti-hypertenseurs contre-indiqués dans la grossesse,<br />

sont essentiellement les inhibiteurs de l’enzyme<br />

de conversion et les antagonistes <strong>des</strong> récepteurs<br />

de l’angiotensine. Administrés au-delà du<br />

premier trimestre, ils peuvent être responsables de<br />

fœtopathies, en particulier d’anuries éventuellement<br />

mortelles [12, 13]. Ces produits n’ont pas la réputation<br />

d’être tératogènes à proprement parler,<br />

néanmoins, une étude récente fait état d’un nombre<br />

anormalement élevé de malformations, notamment<br />

cardiaques et neurologiques, en cas de<br />

prise d’un IEC durant le seul premier trimestre, par<br />

comparaison aux femmes ayant utilisé durant la<br />

même période soit un autre anti-hypertenseur, soit<br />

aucun anti-hypertenseur [14]. Même si cette étude<br />

est unique et demande confirmation, un tel traite-<br />

Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

146<br />

ment doit donc être évité chez une jeune femme<br />

souhaitant une grossesse, et en tout cas être substitué<br />

dès la grossesse connue.<br />

La pré-éclampsie sévère<br />

Le traitement de la pré-éclampsie sévère relève<br />

d’unités de réanimation spécialisées. La sévérité<br />

habituelle de l’hypertension rend son traitement<br />

nécessaire et urgent, et le contrôle de la pression<br />

artérielle est généralement un préalable à très<br />

court terme à l’extraction fœtale. Ce traitement est<br />

généralement parentéral. Le nombre de médicaments<br />

utilisables est ici plus limité [15] et le faible<br />

nombre d’étu<strong>des</strong> convenables obère les tentatives<br />

de méta-analyse .<br />

La nicardipine, administrée en perfusion intraveineuse,<br />

est le grand favori en France. À vrai dire<br />

la nicardipine intraveineuse n’a guère été plus étudiée<br />

que les formes orales, et l’expérience acquise<br />

tient lieu de niveau de preuve. Le labétalol a été<br />

l’objet de plus nombreuses étu<strong>des</strong>, et a été comparé<br />

aux anti-hypertenseurs de référence, particulièrement<br />

l’hydralazine. Son efficacité aussi bien<br />

que son innocuité peuvent être tenues pour certaines.<br />

L’urapidil a donné également <strong>des</strong> résultats<br />

satisfaisants. L’hydralazine a gardé une indication<br />

en France dans la grossesse, mais compte tenu de<br />

son efficacité qui n’est pas meilleure que d’autres,<br />

et de sa tolérance particulièrement médiocre, sauf<br />

couverture par un bêta-bloquant, son usage tend<br />

à se raréfier.<br />

Dans tous les cas, le traitement anti-hypertenseur<br />

doit être conduit avec douceur. Un palier doit être<br />

atteint en quelques heures visant à une diastolique<br />

qui ne soit pas inférieure à 100 mmHg. Une<br />

décroissance aux alentours de 90 mmHg ne doit<br />

être faite que secondairement et plus lentement.<br />

Un traitement trop agressif expose aussi bien à <strong>des</strong><br />

complications maternelles qu’à une mort fœtale rapide<br />

[3].<br />

Compte tenu de l’hypovolémie constante dans les<br />

formes sévères, et de son lien avec le retard de<br />

croissance du fœtus, la tentation est forte de recourir<br />

à une expansion volémique. Les étu<strong>des</strong> pratiquées<br />

n’en ont montré aucun bénéfice consistant,<br />

et cette pratique est abandonnée par la plupart <strong>des</strong><br />

équipes [7].


La prévention de l’éclampsie est un autre sujet de<br />

controverse. Dans l’étude Magpie, l’usage du sulfate<br />

de magnésium a réduit de 50 % le risque<br />

d’éclampsie comparé à un placebo [16]. Cette<br />

étude a été considérée comme définitive quant à<br />

l’indication de ce médicament, même s’il est peu<br />

maniable. En réalité la nécessité d’une prévention<br />

de l’éclampsie ne fait pas l’unanimité, sauf menace<br />

imminente.<br />

L’arrêt de la grossesse est la seule mesure qui<br />

mette fin aux manifestations hypertensives et protéinuriques<br />

maternelles. Le débat entre une extraction<br />

précoce avec le risque induit par la prématurité,<br />

et une attitude expectative jouant sur le<br />

traitement médical est encore largement ouvert<br />

entre les spécialistes.<br />

Les traitements préventifs<br />

La logique, au regard de la physiopathologie, serait<br />

d’agir précocement, avant que les lésions placentaires<br />

soient constituées et qu’apparaissent les<br />

symptômes qui en sont la conséquence. C’est<br />

pourquoi bien <strong>des</strong> espoirs se sont tournés vers les<br />

traitements préventifs.<br />

Les étu<strong>des</strong> de l’aspirine en prévention de la prééclampsie<br />

ont été largement rapportées et commentées.<br />

À la suite de notre étude pilote [17], plusieurs<br />

autres sont venues corroborer l’idée d’un<br />

effet protecteur de l’aspirine contre la prééclampsie.<br />

Par la suite, d’autres essais ont mis en<br />

doute ce bénéfice. Sans entrer dans le détail de l’argumentation,<br />

il est apparu que ces étu<strong>des</strong> négatives<br />

avaient pâti d’une sélection hétérogène, de<br />

délais tardifs d’instauration du traitement, et de<br />

doses d’aspirine trop basses. La méta-analyse de<br />

Leitich [18] a montré qu’en dépit de ces étu<strong>des</strong> négatives<br />

le traitement est actif, et ce plus encore si la<br />

dose d’aspirine est au moins égale à 100 mg/j et si<br />

le traitement est débuté avant 17 semaines. D’autres<br />

méta-analyses n’ont fait que confirmer cette efficacité<br />

dans <strong>des</strong> indications ciblées. La récente<br />

étude PARIS, méta-analyse sur données individuelles<br />

<strong>des</strong> patientes, a confirmé cet effet [19]. Les<br />

indications principales en sont historiques, à savoir<br />

un antécédent de pré-éclampsie précoce et/ou<br />

d’un retard de croissance fœtale. Dans l’ensemble,<br />

l’aspirine apparaît, aujourd’hui encore, comme le<br />

seul traitement préventif ayant fait la preuve d’une<br />

efficacité [7]. Le terme optimal de début d’un tel<br />

Prise en charge thérapeutique d’une HTA gravidique<br />

147<br />

traitement est probablement plus précoce que celui<br />

pratiqué dans les étu<strong>des</strong>.<br />

L’adjonction de faibles doses de corticoï<strong>des</strong>, possibilité<br />

évoquée en un temps, rencontre une grande<br />

méfiance <strong>des</strong> praticiens, et n’a pas été suffisamment<br />

étudiée. L’association, ou la substitution de<br />

l’aspirine par l’héparine est également discutée,<br />

avec un niveau de preuve qui reste encore en-deçà<br />

du minimum souhaitable. Il a été suggéré que l’héparine,<br />

tout comme l’aspirine, freineraient l’apoptose<br />

placentaire [20]. Ces attitu<strong>des</strong> relèvent de<br />

courtes séries, et ne sauraient être recommandées<br />

à plus large échelle avant que <strong>des</strong> preuves plus<br />

consistantes aient été apportées.<br />

L’importance du stress oxydatif dans la prééclampsie<br />

a suscité <strong>des</strong> essais de prévention par les<br />

vitamines anti-oxydantes (C et E pour l’essentiel).<br />

Un premier essai portant sur <strong>des</strong> patientes à haut<br />

risque (17 % de PE dans le groupe contrôle) a donné<br />

<strong>des</strong> résultats encourageants [21]. Au contraire<br />

deux essais plus larges sur <strong>des</strong> patientes non sélectionnées<br />

[22] ou <strong>des</strong> patientes jugées à risque mais<br />

très hétérogènes [23] ont été négatifs.<br />

Une supplémentation en L-arginine a été également<br />

testée. Des données encourageantes ont été<br />

rapportées sur de courtes séries en prévention [24].<br />

Un essai sur <strong>des</strong> femmes déjà pré-éclamptiques a<br />

en revanche été négatif [25].<br />

Une supplémentation calcique a été une autre hypothèse<br />

envisagée, surtout dans <strong>des</strong> populations à<br />

apport spontané insuffisant. Les essais ont apporté<br />

<strong>des</strong> résultats discordants. Une étude récente effectuée<br />

sous l’égide de l’OMS a été négative [26].<br />

Une action sur les facteurs anti-angiogéniques<br />

pourrait être de grand intérêt. Elle reste cependant<br />

à ce jour une hypothèse théorique. Plusieurs essais<br />

ont néanmoins été initiés.<br />

Conclusion<br />

Conceptuellement, la pré-éclampsie apparaît<br />

comme une lutte pour la survie entre les gènes maternels<br />

et fœto-paternels. Certains auteurs ont suggéré<br />

que l’hypertension maternelle dans ce<br />

contexte de placentation défectueuse aurait pour<br />

but une sauvegarde de l’apport sanguin au fœtus<br />

[27]. Même si nous ne devons pas oublier que le


même raisonnement a été tenu naguère pour l’hypertension<br />

en général et qu’il a fallu en revenir, il<br />

s’agit ici d’un problème de court terme, dans lequel<br />

cette régulation sur une période très limitée est<br />

manifestement essentielle. Cette vision finaliste<br />

souligne le caractère dérisoire <strong>des</strong> traitements<br />

symptomatiques, et surtout renforce l’idée que<br />

tout traitement futur de cette affection passe par<br />

une protection précoce de la meilleure fonction<br />

placentaire possible. L’aspirine n’était pas une fin en<br />

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Chapitre 10 - Rein et grossesse<br />

148<br />

soi, on peut légitimement parier qu’elle n’a été<br />

que le début d’un nouveau mode de raisonnement<br />

thérapeutique.<br />

Enfin, si la pré-éclampsie s’arrête avec la grossesse,<br />

le terrain sous-jacent qu’elle révèle va, lui, perdurer.<br />

Il doit être dépisté, et les mesures de prévention primaire<br />

qu’il implique pour l’avenir ne sont pas le<br />

moindre <strong>des</strong> enjeux thérapeutiques dans ce domaine.<br />

10. Beaufils M. Inhibiteurs calciques et grossesse.<br />

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1594.


151<br />

Chapitre 11<br />

Actualités


Chapitre 11 - Actualités<br />

Atteintes rénales du syndrome <strong>des</strong> anticorps<br />

antiphospholipi<strong>des</strong><br />

Eric Daugas 1 et Dominique Nochy 2<br />

1 : Service de Néphrologie, Hôpital Bichat, Assistance Publique – Hôpitaux de Paris ; Université<br />

Paris 7 ; INSERM U699<br />

2 : Service d’Anatomopathologie, Hôpital Européen Georges Pompidou,<br />

Assistance Publique – Hôpitaux de Paris ; Université Paris 5<br />

1. Introduction<br />

Individualisé en 1986 [1], le syndrome <strong>des</strong> anticorps<br />

antiphospholipi<strong>des</strong> (SAPL) est une thrombophilie<br />

définie par l’association d’un événement<br />

clinique thrombotique artériel et/ou veineux, ou<br />

obstétrical, à la présence durable d’anticorps antiphospholipi<strong>des</strong>.<br />

Le spectre de ses manifestations<br />

est large, les thromboses pouvant toucher tout l’arbre<br />

vasculaire. L’atteinte rénale au cours du syndrome<br />

<strong>des</strong> antiphospholipi<strong>des</strong> (APSN pour Anti-<br />

Phospholipid Syndrome Nephropathy) a pu être<br />

précisée ces dix dernières années.<br />

2. Physiopathologie<br />

L’atteinte rénale n’échappe pas à la physiopathologie<br />

générale du SAPL : elle est secondaire<br />

à l’apparition de thrombi fibrino-cruoriques dans<br />

l’arbre vasculaire rénal soit formés in situ, soit secondairement<br />

rénaux (emboles). Les thrombi peuvent<br />

être incomplètement obstructifs ou partiellement<br />

recanalisés. La localisation rénale artérielle du<br />

SAPL a au moins deux particularités : (i) il s’agit<br />

d’occlusion ou sténoses vasculaires dans une circulation<br />

artérielle terminale donc sans réseau de suppléance<br />

avec la constitution d’infarctus ou de zone<br />

d’ischémie, respectivement, (ii) elle stimule les systèmes<br />

de sauvegarde tels le système rénine-angiotensine.<br />

Les conséquences sont celles reconnues<br />

au cours <strong>des</strong> néphropathies vasculaires : il existe<br />

152<br />

une HTA secondaire aux lésions vasculaires qui aggrave<br />

en retour les lésions vasculaires. Néanmoins,<br />

ces mécanismes existent au cours de la plupart<br />

<strong>des</strong> néphropathies vasculaires sans qu’elles ne<br />

comportent les lésions histologiques de l’APSN. Il<br />

existe donc probablement une physiopathologie<br />

propre au SAPL avec un rôle pathogène propre<br />

<strong>des</strong> anticorps antiphospholipi<strong>des</strong> (APL).<br />

3. Épidémiologie<br />

Il n’existe aucune donnée épidémiologique fiable<br />

qui établisse la prévalence de l’atteinte rénale au<br />

cours du SAPL. Dans deux étu<strong>des</strong> rétrospectives de<br />

patients ayant un lupus et une atteinte rénale documentée<br />

par l’histologie, l’APSN a été détectée sur<br />

les biopsies rénales d’environ 2/3 <strong>des</strong> patients<br />

ayant un SAPL connu au moment de la biopsie rénale<br />

[2, 3]. La prévalence de l’atteinte rénale est très<br />

élevée au cours du syndrome catastrophique <strong>des</strong><br />

anticorps antiphospholipi<strong>des</strong> avec 72 % dans la série<br />

rapportée par Asherson et al. [4]. Même si ces<br />

étu<strong>des</strong> sont biaisées par leur caractère rétrospectif,<br />

elles indiquent que l’atteinte rénale est fréquente<br />

au cours du SAPL.<br />

4. Manifestations cliniques de l’APSN<br />

L’APSN peut être diagnostiquée chez <strong>des</strong> patients<br />

ayant un SAPL connu ou être la première manifestation<br />

qui aboutisse au diagnostic de SAPL. L’APSN<br />

Correspondance : Pr Eric Daugas<br />

Service de Néphrologie - CHU Bichat - 46, rue Huchard - 75877 Paris Cedex 18<br />

Téléphone: +33 (0)1 40 25 71 01 - Télécopie: +33 (0)1 40 25 88 06 - E-mail: eric.daugas@bch.aphp.fr


Atteintes rénales du syndrome <strong>des</strong> anticorps antiphospholipi<strong>des</strong><br />

est définie par au moins une <strong>des</strong> atteintes décrites<br />

ci-après dont la classification est anatomique : on<br />

distingue une APSN artérielle et une APSN veineuse.<br />

L’APSN artérielle est subdivisée en une<br />

APSN artérielle proximale avec atteinte <strong>des</strong> artères<br />

de gros et moyen calibre, et une APSN artérielle distale<br />

avec atteinte artériolaire et capillaire.<br />

4.1. APSN artérielle proximale<br />

4.1.1. Diagnostic<br />

Il s’agit soit de thromboses in situ ou d’emboles cardiaques<br />

dans les artères rénales avec infarctus du<br />

territoire d’aval concerné, soit de sténoses <strong>des</strong> artères<br />

rénales [5-8].<br />

La clinique de l’infarctus rénal au cours du SAPL<br />

n’est pas différente de celle <strong>des</strong> autres contextes<br />

étiologiques : association inconstante de douleurs<br />

lombaires sour<strong>des</strong> latéralisées, nausées, vomissements,<br />

fièvre, HTA, hématurie macroscopique, anurie<br />

en cas de thrombose de l’artère d’un rein<br />

unique. La biologie peut montrer une créatinine<br />

normale, une élévation transitoire de la créatinine<br />

ou une insuffisance rénale aiguë en cas de maladie<br />

rénale chronique préexistante ou en cas de rein<br />

unique. Le plus souvent il existe une hématurie.<br />

L’anomalie biologique constante est une élévation<br />

importante <strong>des</strong> LDH, à laquelle peut s’associer une<br />

élévation moindre <strong>des</strong> transaminases. La confirmation<br />

diagnostique est iconographique. L’idéal<br />

est une angio-IRM ou un angioscanner ou même<br />

d’emblée une artériographie rénale. L’avantage de<br />

cette dernière est qu’elle peut permettre un traitement<br />

par thrombo-aspiration dans le même<br />

temps. Le diagnostic d’infarctus rénal doit faire rechercher<br />

une cardiopathie emboligène et en particulier<br />

un thrombus <strong>des</strong> cavités gauches.<br />

Même en l’absence de donnée épidémiologique la<br />

démontrant, il semble exister une association entre<br />

SAPL et sténose non athéromateuse <strong>des</strong> artères rénales<br />

[9, 10]. Une HTA chez un sujet jeune, chez un<br />

patient présentant un SAPL, une HTA résistante,<br />

une HTA associée à <strong>des</strong> signes d’hyperaldostéronisme<br />

(hypokaliémie et/ou alcalose métabolique)<br />

voire à un souffle lombaire, doit faire rechercher<br />

une sténose d’une artère rénale. Là encore, les plus<br />

rentables sont une angio-IRM, un angioscanner<br />

ou une artériographie d’emblée.<br />

153<br />

4.1.2. Traitement<br />

Le traitement de l’infarctus rénal est la revascularisation<br />

par radiologie interventionnelle à proposer le<br />

plus tôt possible et jusqu’à au moins 48 heures<br />

après l’événement. Cette procédure génère un<br />

risque de nouvelles thromboses, de récidive voire<br />

de syndrome catastrophique <strong>des</strong> antiphospholipi<strong>des</strong><br />

puisque réalisée dans un contexte de SAPL.<br />

Elle doit donc être menée avec une anticoagulation<br />

déjà initiée si le SAPL est connu. La récupération<br />

peut être sans séquelle d’autant plus que le temps<br />

écoulé entre l’infarctus et la revascularisation est<br />

court. L’iconographie ultérieure pourra montrer <strong>des</strong><br />

encoches corticales séquellaires. Pour la prophylaxie<br />

secondaire, l’anticoagulation devra être poursuivie<br />

à vie. L’objectif d’INR est non défini en l’absence<br />

d’étude contrôlée pour cette indication.<br />

Cependant, par analogie avec les résultats <strong>des</strong><br />

étu<strong>des</strong> incluant <strong>des</strong> patients avec SAPL non rénal<br />

[11, 12], on propose un INR entre 2 et 3 en cas de<br />

premier épisode. En cas de processus embolique<br />

secondaire à une cardiopathie embolique, le traitement<br />

doit également être celui de la cardiopathie.<br />

Le traitement d’une sténose de l’artère rénale est<br />

également la revascularisation avec une évolution<br />

analogue à celle <strong>des</strong> cas de fibrosdysplasie. En l’absence<br />

de SAPL défini préalablement, l’intérêt d’un<br />

traitement anticoagulant au long cours pour réduire<br />

le risque de récidive ou de thrombose est discuté<br />

mais non démontré [10].<br />

En cas d’HTA persistante, l’objectif du traitement<br />

anti-hypertenseur doit être 130/80 mmHg au maximum.<br />

L’usage de bloqueur du système rénine angiotensine<br />

est conseillé.<br />

4.2. APSN artérielle distale<br />

C’est la forme la plus fréquemment rencontrée.<br />

4.2.1. Diagnostic<br />

Elle s’exprime par un syndrome de néphropathie<br />

vasculaire. Le plus souvent, il s’agit d’une néphropathie<br />

vasculaire chronique, avec comme signe<br />

principal une HTA, associée à une insuffisance rénale<br />

chronique, une protéinurie habituellement de<br />

faible débit [13]. Comme la plupart <strong>des</strong> néphropathies<br />

vasculaires, la forme chronique de l’APSN évolue<br />

soit lentement vers l’aggravation ou reste<br />

stable lorsque le traitement est adapté, soit s’aggrave<br />

par poussées aiguës (APSN aiguë). L’APSN


artérielle distale aiguë s’exprime par une insuffisance<br />

rénale aiguë et/ou une HTA maligne et/ou à<br />

un syndrome de microangiopathie thrombotique.<br />

On identifie parfois un facteur déclenchant tel une<br />

infection ou une prise de vasoconstricteur. En l’absence<br />

de traitement adapté, l’APSN artérielle distale<br />

aiguë évolue vers l’insuffisance rénale définitive.<br />

Elle est une localisation viscérale fréquente du syndrome<br />

catastrophique <strong>des</strong> antiphospholipi<strong>des</strong> [4].<br />

Exceptionnellement, l’APSN artérielle distale aiguë<br />

aboutit à une nécrose corticale [14].<br />

L’iconographie est rarement anormale et c’est l’histologie<br />

qui permet le diagnostic. L’APSN distale<br />

aiguë est une MAT artériolaire et/ou glomérulaire,<br />

avec parfois <strong>des</strong> lésions de mésangiolyse et/ou<br />

<strong>des</strong> doubles contours <strong>des</strong> parois glomérulaires avec<br />

présence d’espaces clairs. En immunofluorescence<br />

les thrombi contiennent exclusivement de la fibrine.<br />

L’APSN distale chronique est définie par une<br />

artériosclérose fréquente mais non spécifique, et<br />

surtout par <strong>des</strong> lésions particulières car rarement<br />

observées dans les autres néphropathies vasculaires.<br />

Il s’agit de l’hyperplasie intimale fibreuse<br />

avec <strong>des</strong> thromboses organisées <strong>des</strong> artérioles<br />

et <strong>des</strong> artères interlobulaires, <strong>des</strong> occlusions artériolaires<br />

fibreuses, une atrophie corticale focale ; ces lésions<br />

sont associées à une atrophie tubulaire avec<br />

pseudothyroidisation au sein d’une fibrose interstitielle<br />

parfois inflammatoire. Individuellement, ces<br />

lésions sont non spécifiques (artériolosclérose,<br />

pseudothyroidisation tubulaire) ou évocatrices de<br />

l’APSN (hyperplasie intimale fibreuse et atrophie<br />

corticale focale), mais leur cœxistence réalise un ensemble<br />

morphologique presque spécifique de<br />

l’APSN [13]. L’association de signes histologiques<br />

d’APSN artérielle distale chronique et d’APSN artérielle<br />

distale aiguë (MAT) est fréquente, même chez<br />

<strong>des</strong> patients dont la présentation clinique est seulement<br />

celle d’une APSN chronique. Il faut souligner<br />

qu’il n’existe pas de lésion d’angéite ou de glomérolunéphrite<br />

attribuable au SAPL.<br />

4.2.2. L’APSN artérielle distale au cours du lupus<br />

systémique<br />

Au cours du lupus systémique, un SAPL avec<br />

thromboses est observé chez 25 à 30 % <strong>des</strong> patients,<br />

c’est la forme la plus fréquente du SAPL.<br />

Deux étu<strong>des</strong> rétrospectives <strong>des</strong> biopsies rénales<br />

de patients ayant un lupus systémique avec atteinte<br />

rénale ont permis de mieux mesurer l’enjeu<br />

de l’APSN artérielle distale dans le contexte du<br />

Chapitre 11 - Actualités<br />

154<br />

lupus [2, 3]. L’APSN artérielle distale est détectée<br />

chez près d’un tiers <strong>des</strong> patients, surajoutée aux lésions<br />

de glomérulonéphrite lupique, et est corrélée<br />

à la présence d’un LA et d’un SAPL « extrarénal ».<br />

Toutefois, l’APSN est la première manifestation attribuée<br />

au SAPL chez environ 20 % <strong>des</strong> patients atteints<br />

de lupus systémique sans SAPL connu. Il n’y<br />

a pas de corrélation entre la présence de l’APSN et<br />

la sévérité de la glomérulonéphrite lupique associée<br />

de telle sorte qu’au cours du lupus systémique<br />

avec SAPL, l’APSN peut se manifester à tout moment,<br />

lorsque le lupus est considéré comme<br />

« éteint » ou, à l’inverse, l’APSN peut précéder le lupus<br />

de plusieurs années.<br />

Les patients ayant une APSN et une glomérulonéphrite<br />

lupique ont une maladie rénale plus sévère<br />

que ceux ayant une glomérulonéphrite sans APSN<br />

: ils sont plus souvent hypertendus, ont une insuffisance<br />

rénale plus sévère et une fibrose interstitielle<br />

rénale plus importante que les patients ayant une<br />

glomérulonéphrite lupique sans APSN, trois facteurs<br />

péjoratifs vis-à-vis du risque d’évolution vers la maladie<br />

rénale chronique stade V [2, 3].<br />

4.2.3. Traitement de l’APSN artérielle distale<br />

Le traitement de la forme aiguë ne devrait pas<br />

comporter d’échanges plasmatiques ni d’infusion<br />

de plasma sauf parfois lorsqu’elle s’inscrit dans un<br />

syndrome catastrophique <strong>des</strong> antiphospholipi<strong>des</strong>.<br />

Habituellement, l’APSN aiguë est maîtrisée par l’initiation<br />

d’un traitement anticoagulant, le traitement<br />

de l’HTA et le traitement ou l’éradication d’un facteur<br />

causal. Le pronostic rénal <strong>des</strong> lésions de MAT<br />

est parfois mauvais [15], mais comme au cours de<br />

toute micro-angiopathie thrombotique, l’insuffisance<br />

rénale de l’APSN aiguë distale peut régresser<br />

lentement avec (rarement) <strong>des</strong> patients dont le<br />

traitement par dialyse peut être interrompu plusieurs<br />

mois après son initiation. Le traitement anticoagulant<br />

doit être prolongé à vie pour assurer<br />

une prophylaxie secondaire, y compris extrarénale.<br />

La forme chronique nécessite les mesures de néphroprotection<br />

propres à toute maladie rénale chronique<br />

et en particulier la maîtrise de l’HTA et <strong>des</strong><br />

facteurs de risque vasculaire. L’introduction d’un<br />

IEC et/ou d’un ARA2 est conseillée pour obtenir<br />

une pression artérielle inférieure à 130/80 mm de<br />

Hg, et doit être proposée même en l’absence d’HTA<br />

ou de protéinurie compte-tenu de l’implication du<br />

système rénine angiotensine dans la physiopathologie<br />

et par analogie avec le traitement de l’at-


Atteintes rénales du syndrome <strong>des</strong> anticorps antiphospholipi<strong>des</strong><br />

teinte rénale de la sclérodermie. L’intérêt néphroprotecteur<br />

d’un traitement anticoagulant pour<br />

l’APSN artérielle distale chronique n’est pas démontré.<br />

Toutefois, lorsque l’APSN artérielle distale<br />

chronique est la seule localisation du SAPL, un<br />

traitement anticoagulant au long cours pourrait<br />

avoir un intérêt autre que la néphroprotection, celui<br />

de prévenir les autres localisations viscérales du<br />

SAPL puisque l’APSN est associée aux localisations<br />

artérielles extrarénales du SAPL avec une augmentation<br />

de l’incidence <strong>des</strong> thromboses extrarénales<br />

chez les patients ayant une APSN démontrée [2, 3].<br />

Enfin, il est utile de rappeler que le SAPL et le lupus<br />

systémique étant sans lien évolutif, le traitement de<br />

l’un ne permet pas la maîtrise de l’autre, et plus<br />

particulièrement, que le traitement du lupus par<br />

stéroï<strong>des</strong> et immunosuppresseurs ne prévient pas<br />

les manifestations du SAPL, dont l’APSN.<br />

4.3. APSN veineuse<br />

Elle est plus rare que l’APSN artérielle. Il s’agit de<br />

thromboses de la veine rénale ou de veines immédiatement<br />

en amont [16, 17].<br />

4.3.1. Diagnostic<br />

Le contexte de découverte de l’APSN veineuse est<br />

un SAPL connu et/ou une maladie thrombo-embolique<br />

et/ou une thrombose cave inférieure et/ou<br />

une insuffisance surrénale aiguë par hémorragie bilatérale<br />

<strong>des</strong> surrénales. Parfois la thrombose veineuse<br />

rénale est diagnostiquée d’emblée. C’est<br />

l’enquête systématique qui mène au diagnostic<br />

de SAPL. Ses manifestations cliniques au cours du<br />

SAPL ne sont pas différentes de celles <strong>des</strong> autres<br />

contextes étiologiques. La biologie est peu informative<br />

et non spécifique. C’est l’iconographie radiologique<br />

qui permet le diagnostic. L’echodoppler rénal<br />

est l’examen de première intention et peut être<br />

complété par une angio-IRM ou un angio-scanner.<br />

Le diagnostic confirmé, il faut rechercher une<br />

extension cave, une nécrose hémorragique <strong>des</strong><br />

glan<strong>des</strong> surrénales et une embolie pulmonaire.<br />

4.3.2. Traitement<br />

Dès son diagnostic, l’APSN veineuse impose une<br />

anticoagulation efficace pour limiter l’extension<br />

de la thrombose. La récupération fonctionnelle et<br />

la revascularisation sont habituelles parfois après<br />

plusieurs semaines. La prophylaxie secondaire <strong>des</strong><br />

manifestations du SAPL impose un traitement à<br />

vie par anticoagulants.<br />

155<br />

4.4. APSN et suppléance rénale<br />

À la différence du lupus systémique qui s’éteint le<br />

plus souvent après le début d’un traitement par hémodialyse<br />

ou dialyse péritonéale, et qui récidive rarement<br />

après transplantation, le SAPL reste une<br />

menace pour les patients dialysés et transplantés.<br />

Un de ses aspects est le risque de thrombose <strong>des</strong><br />

abords vasculaires pour l’hémodialyse, dont la répétition<br />

peut mettre en jeu l’accès au traitement et<br />

donc le pronostic vital [18]. La prévalence de thromboses<br />

artérielles ou veineuses sur les greffons rénaux<br />

est mesurée à 15 % dans une série de patients<br />

ayant été transplantés pour l’atteinte rénale d’un lupus<br />

systémique [19]. Ces constats imposent la poursuite<br />

du traitement anticoagulant et l’adaptation<br />

<strong>des</strong> procédures de transplantation. Toutefois, pour<br />

les patients avec APL sans SAPL, l’intérêt d’un traitement<br />

par anticoagulant à posologie hypocoagulante<br />

en période péri-opératoire de la transplantation<br />

est très discutable au regard <strong>des</strong> risques<br />

hémorragiques d’une telle stratégie ; à l’inverse, et<br />

malgré ce risque, la non interruption de l’anticoagulation<br />

est nécessaire en cas de SAPL responsable<br />

d’antécédent de thrombose(s).<br />

5. CONCLUSION<br />

L’APSN est donc une néphropathie vasculaire pouvant<br />

toucher tout l’arbre vasculaire rénal <strong>des</strong> artères<br />

aux veines avec une APSN artérielle proximale,<br />

une APSN artérielle distale et une APSN<br />

veineuse. Probablement sous-estimée, elle est une<br />

localisation fréquente du SAPL dont elle est un<br />

mode diagnostique. Sa reconnaissance par la radiologie<br />

ou l’histologie est essentielle puisqu’elle implique<br />

<strong>des</strong> adaptations thérapeutiques : le traitement<br />

propre de l’APSN pour la prévention de<br />

l’insuffisance rénale, et l’établissement ou le renforcement<br />

du traitement du SAPL pour limiter ses<br />

conséquences viscérales.


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Chapitre 11 - Actualités<br />

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Polykystose rénale autosomique dominante : de la physiopathologie aux applications thérapeutiques<br />

Polykystose rénale autosomique dominante :<br />

de la physiopathologie aux applications<br />

thérapeutiques<br />

Catherine Melander, Bertrand Knebelmann, Dominique Joly<br />

Université René Descartes - Paris V, Service de Néphrologie, Hôpital Necker Enfants Mala<strong>des</strong>, Paris<br />

Introduction<br />

Avec une incidence dans la population générale<br />

proche de 1/1000, la polykystose rénale<br />

autosomique dominante (PKRAD) est l’une<br />

<strong>des</strong> maladies héréditaires monogéniques<br />

humaines les plus fréquentes [1]. Elle se révèle<br />

habituellement à l’âge adulte, et est<br />

principalement caractérisée par l’apparition<br />

et le développement progressif de multiples<br />

kystes rénaux qui augmentent le volume rénal<br />

total et sont potentiellement source de<br />

complications : douleur, hématurie, lithiase,<br />

infection urinaire, hypertension artérielle et<br />

surtout développement d’une insuffisance<br />

rénale qui parvient au stade terminal chez<br />

50 % <strong>des</strong> individus atteints lors de la sixième<br />

décennie. Le déclin de la fonction rénale est<br />

étroitement associé à la progression du volume<br />

kystique (en moyenne, + 5 % par an).<br />

La compréhension <strong>des</strong> mécanismes moléculaires<br />

associés à la kystogenèse a permis de définir<br />

plusieurs cibles thérapeutiques « spécifiques » (Figure 1)<br />

que nous présenterons dans cette revue, en donnant<br />

la priorité à celles qui font l’objet d’un essai de<br />

phase III, puis en citant les autres pistes expérimentales.<br />

Rétablir le signal calcique provenant <strong>des</strong><br />

cils primaires<br />

Les polycystines 1 et/ou 2, mutées dans la polykystose,<br />

sont principalement localisées au sein du<br />

cil primaire <strong>des</strong> cellules ; les polycystines interagissent,<br />

157<br />

Figure 1 : Représentation schématique <strong>des</strong> voies de<br />

signalisation potentiellement impliquées dans la<br />

polykystose rénale autosomique dominante et<br />

ciblées par <strong>des</strong> molécules en cours d’évaluation<br />

dans le cadre d’essais thérapeutiques. Une cible<br />

“directe” : rétablir l’action <strong>des</strong> polycystines déficientes<br />

(le triptolide, agoniste de la polycystine 2);<br />

<strong>des</strong> cibles “indirectes” : bloquer <strong>des</strong> voies de<br />

signalisation intracellulaires surexprimées par les<br />

cellules polykystiques (AMPc, voie mTOR).<br />

PC1, polycystine 1 ; PC2, polycystine 2 ; RE,<br />

réticulum endoplasmique ; AMPc, AMP cyclique ;<br />

V2R, récepteur V2 de la vasopressine ; R, récepteur<br />

de la somatostatine ; mTOR, mammalian target of<br />

rapamycin ; TSC1 et 2, tubérine 1 et 2


coopérent, et pourraient par « mécano transduction »<br />

transformer la perception du flux urinaire en<br />

signaux intracellulaires. Un de ces signaux est l’afflux<br />

calcique intracellulaire. Le triptolide, molécule<br />

issue de la médecine traditionnelle chinoise, pourrait<br />

agir en tant qu’agoniste ciliaire, car il rétablit au<br />

sein de cellules tubulaires déficientes en polycystine<br />

1 Pkd1-/- une entrée de calcium par un mécanisme<br />

dépendant de la polycystine 2, et bloque la croissance<br />

habituellement excessive de ces cellules [2].<br />

Dans un modèle murin de PKRAD présentant un<br />

phénotype kystique dans les premiers jours de vie<br />

(Pkd1 flox/- ; Ksp-Cre), le triptolide réduit efficacement<br />

la kystogenèse [3]. Un essai randomisé<br />

actuellement en cours évalue la tolérance et l’efficacité<br />

du triptolide chez 150 patients chinois ayant<br />

une PKRAD et un DFG > 30 mL/min (NCT00801268).<br />

Réduire l’AMPc au sein <strong>des</strong> cellules<br />

tubulaires rénales<br />

Les concentrations d’AMP cyclique intracellulaire<br />

sont élevées au sein <strong>des</strong> cellules tubulaires rénales<br />

kystiques. Les fortes concentrations d’AMPc stimuleraient<br />

la kystogenèse via une augmentation de la<br />

prolifération cellulaire et/ou une augmentation de<br />

la sécrétion chlorée intrakystique. Deux types de<br />

traitements peuvent réduire la synthèse d’AMPc au<br />

sein <strong>des</strong> cellules tubulaires rénales.<br />

Antagonistes V2R<br />

La vasopressine, via son récepteur V2R dans le<br />

canal collecteur, est une <strong>des</strong> molécules responsables<br />

de la synthèse d’AMPc, ce qui en fait une<br />

cible thérapeutique de choix dans la PKRAD [4]. Les<br />

antagonistes V2R (initialement développés en tant<br />

qu’aquarétiques, afin de traiter les gran<strong>des</strong> hyperhydratations<br />

intracellulaires liées à la cirrhose ou à<br />

l’insuffisance cardiaque) réduisent l’AMPc intrarénal<br />

et inhibent la kystogenèse dans divers modèles<br />

animaux de polykystose rénale [5-7]. Le tolvaptan,<br />

antagoniste puissant et sélectif du V2R humain,<br />

est actuellement l’objet d’un essai de phase III multicentrique,<br />

randomisé, contre placebo (NCT00428948)<br />

chez 1500 patients polykystiques (DFG > 60 mL/min) ;<br />

l’objectif primaire est l’évolution de la volumétrie rénale<br />

en IRM sur 3 ans. Les résultats devraient être<br />

connus en 2011. Deux petites étu<strong>des</strong> ouvertes<br />

(NCT00784030 et NCT00759369) évaluent l’effet<br />

d’apports hydriques massifs pour inhiber « physiologiquement<br />

» la sécrétion endogène de vasopres-<br />

Chapitre 11 - Actualités<br />

158<br />

sine chez <strong>des</strong> patients PKRAD, cette approche<br />

s’étant révélée très efficace chez l’animal [8]. Enfin,<br />

les récepteurs V2 n’étant exprimés qu’au niveau rénal,<br />

il ne devrait pas y avoir d’effets bénéfiques du<br />

traitement sur les symptômes hépatiques ou vasculaires<br />

de la PKRAD.<br />

Analogues de la somatostatine<br />

L’activation <strong>des</strong> récepteurs de la somatostatine (exprimés<br />

par l’épithélium rénal et hépatique) inhibe<br />

l’accumulation d’AMPc et pourrait diminuer la kystogenèse<br />

au sein de ces organes. L’octréotide, analogue<br />

de la somatostatine diminue la croissance<br />

<strong>des</strong> kystes hépatiques chez <strong>des</strong> rats PCK. Une<br />

étude récente en cross-over (2 x 6 mois) a suggéré<br />

l’efficacité d’un traitement par octréotide chez<br />

12 patients PKAD [9]. Récemment, une étude randomisée<br />

contre placebo a étudié l’effet d’un autre<br />

analogue de la somatostaine, le lanréotide, chez<br />

54 patients ayant une maladie kystique hépatique,<br />

dont 32 atteints de PKRAD. À 24 semaines, on notait<br />

une diminution significative du volume hépatique<br />

chez les patients traités. De même, le volume<br />

rénal, évalué en objectif secondaire, diminuait<br />

significativement dans le groupe lanréotide (-1,5 %<br />

vs +3,4 % ; p 0,02) [10]. Il faudra attendre 2011 pour<br />

avoir les résultats d’une étude à plus long terme et<br />

spécifiquement néphrologique : étude randomisée<br />

contre placebo, sur 78 patients, évaluant à 3 ans<br />

l’efficacité d’une somatostatine à longue durée<br />

d’action sur le volume rénal de patients PKAD<br />

ayant un DFG > 40 mL/min (NCT00309283).<br />

Inhibition de la voie mTOR<br />

En 2006, Shillingford et al. ont montré que la voie<br />

mTOR était anormalement activée dans <strong>des</strong> cellules<br />

kystiques de patients et de modèles animaux de<br />

PKAD, et ont suggéré que la polycystine 1 jouerait<br />

un rôle d’inhibiteur physiologique de mTOR, en<br />

coopération avec la tubérine. Ils ont également<br />

montré que l’utilisation de sirolimus (antagoniste<br />

de mTOR) dans 2 modèles animaux de PKAD inhibait<br />

la cystogenèse. Enfin, l’analyse rétrospective de<br />

patients PKAD transplantés rénaux montrait que<br />

l’utilisation de sirolimus était associée à une diminution<br />

de la taille <strong>des</strong> reins natifs significativement<br />

plus importante qu’avec les autres immunosuppresseurs<br />

[11]. Suite à cet article clé, plusieurs<br />

étu<strong>des</strong> prospectives randomisées sont débutées<br />

dans le but d’évaluer les inhibiteur de mTOR


Polykystose rénale autosomique dominante : de la physiopathologie aux applications thérapeutiques<br />

(sirolimus et everolimus) dans la PKRAD. L’étude<br />

NCT00346918 est une étude randomisée monocentrique<br />

suisse qui cherche à évaluer l’effet du sirolimus<br />

ou d’un traitement standard sur le volume<br />

rénal total de patients PKAD ayant une fonction rénale<br />

normale à l’inclusion. 100 patients ont été inclus<br />

et vont être suivis 18 mois. Des résultats préliminaires<br />

concernant 25 patients par groupe suivis<br />

pendant 6 mois ont été publiés récemment et suggèrent<br />

une bonne tolérance du produit [12]. Les résultats<br />

complets de cette étude et <strong>des</strong> autres<br />

étu<strong>des</strong> randomisées en cours (NCT00491517,<br />

NCT00414440 et NCT00920309) permettront de<br />

mieux connaître dans les années à venir l’efficacité<br />

<strong>des</strong> inhibiteurs de mTOR dans la PKRAD.<br />

Autres pistes expérimentales<br />

Plusieurs autres familles de molécules sont l’objet<br />

de recherche fondamentale dans la PKAD et pourraient<br />

aboutir à <strong>des</strong> essais cliniques dans les années<br />

à venir.<br />

• Rôle <strong>des</strong> dérivés de l’acide arachidonique : dans<br />

un modèle cellulaire de PKAD humaine, il a été<br />

montré que la prostaglandine E2 (PGE2) stimulait<br />

la kystogenèse via l’activation de l’AMPc [13] ;<br />

l’inhibition de COX-2, qui agit en amont <strong>des</strong> prostaglandines,<br />

ralentit la progression de la maladie<br />

kystique chez <strong>des</strong> rats Han : SPRD-cy[14].<br />

• La metformine, principal activateur de l’AMP kinase<br />

(AMPK). Activer cette kinase pourrait avoir<br />

en théorie un double intérêt dans la PKAD : (i) en<br />

induisant la phosphorylation de la tubérine,<br />

AMPK agirait comme inhibiteur indirect en<br />

amont de mTOR ; (ii) en induisant la phosphorylation<br />

de CFTR, AMPK bloquerait l’activité de<br />

cette pompe et pourrait interrompre l’extrusion<br />

chlorée excessive associée à l’expansion kystique.<br />

Chez la souris Ksp-Cre-PKD1 flox/-, la metformine<br />

réduit l’index de kystogenèse de 50 à<br />

70 % [15].<br />

• Inhibiteur du TNFa (tumor necrosis factor a) : le<br />

TNFa stimule la formation de kystes chez <strong>des</strong><br />

souris Pkd2+/- ; son inhibiteur, l’etanarcept, déjà<br />

utilisé dans la polyarthrite rhumatoïde, diminue la<br />

kystogenèse chez ces mêmes souris [16].<br />

• Inhibiteurs du CFTR (cystic fibrosis transmembrane<br />

conductance regulator) : inhibition<br />

de la sécrétion chlorée intra-kystique et diminution<br />

de la croissance kystique chez <strong>des</strong> souris<br />

Pkd1flox/- ; Ksp-Cre [17].<br />

159<br />

• Inhibiteur du KCa3.1 : inhibition de la sécrétion<br />

chlorée intrakystique et de la croissance kystique<br />

dans <strong>des</strong> modèles cellulaires de PKAD [18]. Le senicapoc,<br />

un inhibiteur de KCa3.1, fait l’objet d’un<br />

essai thérapeutique dans l’anémie falciforme.<br />

• Inhibiteur de CDK (cyclin-dependent kinase) : la<br />

roscovitine inhibe la kystogenèse dans deux modèles<br />

murins de PKAD, via un blocage du cycle<br />

cellulaire et une inhibition de l’apoptose [19].<br />

• Autres inhibiteurs de la prolifération cellulaire :<br />

<strong>des</strong> inhibiteurs de Erk [20] et de Src [21] ont montré<br />

leur efficacité dans <strong>des</strong> modèles animaux de<br />

maladies kystiques rénales.<br />

Un traitement non spécifique : réduction<br />

de la pression artérielle et blocage du<br />

système rénine-angiotensine<br />

Le déclin de la fonction rénale lié à la PKRAD,<br />

lorsqu’il apparaît, est réputé n’être sensible ni aux<br />

mesures diététiques, ni au contrôle strict de la pression<br />

artérielle, ni aux agents pharmacologiques néphroprotecteurs<br />

usuels. Bien que le traitement de l’HTA<br />

soit un enjeu majeur dans la PKRAD, les cibles tensionnelles<br />

et le choix <strong>des</strong> classes thérapeutiques à<br />

utiliser méritaient une étude spécifique rigoureuse.<br />

L’étude de phase III HALT-PKD, actuellement en<br />

cours aux USA (http://clinicaltrials.gov NCT00283686),<br />

compare l’association IEC + ARA-2 à IEC seul pour<br />

prévenir (i) la progression du volume rénal chez les<br />

patients ayant une maladie rénale chronique stade<br />

I ou II, et (ii) la dégradation de la fonction rénale au<br />

stade III. En outre, cette étude compare 2 cibles<br />

tensionnelles (110/75 versus 130/80 mmHg) aux<br />

sta<strong>des</strong> I et II. Plus de 1000 patients ont été recrutés<br />

pour un suivi prévu de 4 à 6 ans. Les résultats sont<br />

attendus en 2013.<br />

Conclusion<br />

L’insuffisance rénale progressive au cours de la<br />

PKRAD ne sera peut être plus une fatalité dans les<br />

années à venir. Les recherches expérimentales<br />

conduites sur <strong>des</strong> cellules puis sur <strong>des</strong> animaux<br />

ont permis d’entrevoir certains mécanismes de<br />

formation <strong>des</strong> kystes et d’imaginer différents traitements.<br />

Le continuum « cellule, animaux, hommes »<br />

fait de la PKRAD un <strong>des</strong> meilleurs exemples de recherche<br />

translationnelle.<br />

Ces traitements font aujourd’hui l’objet de plusieurs<br />

étu<strong>des</strong> cliniques chez l’homme. Les résultats sont


attendus avec impatience, en espérant qu’ils seront<br />

positifs. Toutefois, la plupart <strong>des</strong> essais humains,<br />

<strong>des</strong>sinés sur 2/3 ans, ont pour critère principal la volumétrie<br />

rénale en IRM. Ce critère « intermédiaire »<br />

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Chapitre 11 - Actualités<br />

160<br />

ne sera certainement pas suffisant pour conclure au<br />

bénéfice <strong>des</strong> traitements. D’autres étu<strong>des</strong>, plus<br />

longues et basées sur <strong>des</strong> évènements cliniques<br />

pertinents, devront prendre le relais.<br />

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polycystic kidney disease. J Am Soc Nephrol 2008;<br />

19(7):p.1331-41.


Vascularites cryoglobulinémiques et hépatite C : avancées physiopathologiques, implications thérapeutiques et pronostiques<br />

Vascularites cryoglobulinémiques et<br />

hépatite C : avancées physiopathologiques,<br />

implications thérapeutiques et pronostiques<br />

Patrice Cacoub, David Saadoun, Damien Sene<br />

Université Pierre et Marie Curie-Paris 6, CNRS, UMR 7087, Paris<br />

et AP-HP, Hôpital Pitié-Salpêtrière, Service de Médecine Interne, Paris<br />

L’infection par le virus de l’hépatite C (VHC) est la<br />

deuxième infection virale chronique la plus fréquente<br />

dans le monde, avec environ 170 millions de<br />

personnes infectées et une prévalence globale de<br />

2 %. Le VHC est un virus à ARN qui appartient à la<br />

famille <strong>des</strong> Flaviviridae. Cette infection, le plus souvent<br />

chronique (80 %), conduit à une inflammation<br />

hépatique puis à une cirrhose et/ou à un carcinome<br />

hépatocellulaire dans 20 % <strong>des</strong> cas [1]. Le<br />

VHC est également associé à une grande variété<br />

d’atteintes extra hépatiques, la plupart immunologiques,<br />

traduisant à <strong>des</strong> degrés divers une auto-immunité<br />

[2]. Parmi ces manifestations extra hépatiques,<br />

les cryoglobulinémies et leurs principales<br />

manifestations, les vascularites cryoglobulinémiques,<br />

sont celles pour lesquelles <strong>des</strong> progrès importants<br />

dans la compréhension <strong>des</strong> mécanismes<br />

physiopathologiques ont permis <strong>des</strong> avancées thérapeutiques<br />

et pronostiques significatives.<br />

Rappel <strong>des</strong> principales manifestations<br />

clinico-biologiques <strong>des</strong> vascularites<br />

cryoglobulinémiques liées au VHC<br />

La production d’une cryoglobulinémie, anomalie<br />

biologique pure, est présente chez 60 à 90 % <strong>des</strong><br />

patients chroniquement infectés par le VHC, alors<br />

qu’une vascularite cryoglobulinémique n’apparaît<br />

que chez 5 à 10 % de ces patients [2, 3]. Les principales<br />

cibles de cette vascularite touchant les vaisseaux<br />

de petits calibres sont la peau, les articulations,<br />

les nerfs périphériques et les reins. L’expression<br />

de la maladie est très variable, d’une atteinte<br />

modérée (purpura, arthralgies) à <strong>des</strong> formes fulminantes<br />

ou catastrophiques engageant le pronostic<br />

161<br />

vital (glomérulonéphrite, vascularite multiviscérale<br />

touchant le tube digestif ou le système nerveux<br />

central) [4-7].<br />

Le purpura est présent chez 70 à 90 % <strong>des</strong> patients,<br />

commençant aux membres inférieurs et<br />

pouvant s’étendre à l’abdomen voire aux membres<br />

supérieurs, laissant parfois un aspect nécrotique<br />

à l’origine d’ulcérations récidivantes. Les arthralgies<br />

sont présentes chez 40 à 80 % <strong>des</strong><br />

patients, bilatérales, symétriques, non déformantes,<br />

touchant les grosses articulations. La présence<br />

d’arthrite est beaucoup plus rare. Une activité<br />

facteur rhumatoïde est très souvent retrouvée<br />

(70 à 80 % <strong>des</strong> patients) mais la recherche d’anticorps<br />

anti-pepti<strong>des</strong> cycliques citrulinés est négative,<br />

permettant de faire la part avec une polyarthrite<br />

rhumatoïde débutante [8]. Une neuropathie<br />

périphérique est présente chez 50 à 70 % <strong>des</strong> patients,<br />

sous forme d’axonopathie sensitive pure,<br />

voire de mononeuropathie multiple [9]. L’atteinte<br />

rénale, présente chez 20 à 35 % <strong>des</strong> patients, est<br />

liée à une glomérulonéphrite membrano-proliférative,<br />

révélée par une protéinurie, une hématurie<br />

microscopique et une insuffisance rénale de degré<br />

variable. Les atteintes du système nerveux central<br />

sont heureusement plus rares mais plus sévères, se<br />

manifestant par <strong>des</strong> accidents ischémiques transitoires<br />

déficitaires, plus ou moins régressifs, voire<br />

une encéphalopathie. De nombreux autres organes<br />

peuvent être plus rarement touchés [7, 10] :<br />

le tube digestif, avec de véritables vascularites mésentériques,<br />

à l’origine de douleurs abdominales,<br />

saignements digestifs, voire de perforations ; une<br />

atteinte pulmonaire de type pneumopathie inter-


stitielle ; une attente cardiaque sous forme de coronarite<br />

ou de myocardite dont le pronostic est redoutable.<br />

Biologiquement, il s’agit de cryoglobulines mixtes<br />

selon la classification de Brouet et coll. [11, 12], de<br />

type II (80 %) avec un composant monoclonal le<br />

plus souvent IgM kappa, ou de type III (20 %) caractérisées<br />

par <strong>des</strong> complexes d’IgG polyclonales et<br />

d’IgM polyclonales. Des anomalies du complément<br />

relativement spécifiques sont observées : diminution<br />

<strong>des</strong> composants précoces (C1q, C2, C4) et du<br />

CH50, concentration normale du C3, et composants<br />

tardifs (C5 et C9). Une activité facteur rhumatoïde<br />

est souvent retrouvée liée à la présence dans<br />

certaines cryoglobulinémies d’une IgM avec activité<br />

anti-IgG.<br />

Sur le plan anatomopathologique, les lésions sont<br />

caractérisées par un infiltrat inflammatoire fait de<br />

lymphocytes T entourant en « manchon » les vaisseaux<br />

de petits calibres (artérioles, capillaires ou veinules),<br />

infiltrant peu ou pas la paroi du vaisseau, et<br />

s’accompagnant inconstamment d’une nécrose fibrinoïde<br />

[10, 13].<br />

Données physiopathologiques récentes<br />

Les cryoglobulinémies, vascularites systémiques<br />

touchant essentiellement les vaisseaux de petit calibre,<br />

voire de moyen calibre, sont caractérisées par<br />

la prolifération de clones lymphocytaires B produisant<br />

une IgM avec activité rhumatoïde et propriété<br />

cryoprécipitante. L’ensemble <strong>des</strong> acteurs du système<br />

immunitaire est impliqué dans la genèse <strong>des</strong><br />

anomalies immunologiques consécutives à la stimulation<br />

antigénique prolongée par le VHC. Celleci<br />

conduit à la production de la cryoglobulinémie,<br />

puis à la mobilisation de cellules effectrices (le plus<br />

souvent lymphocytes T), à l’origine <strong>des</strong> lésions vasculaires<br />

inflammatoires et <strong>des</strong> symptômes cliniques<br />

de la maladie. Le virus ne semble pas avoir de rôle<br />

toxique direct.<br />

Rôle de la prolifération clonale B<br />

Le VHC est un virus ARN simple brin, sans intermédiaire<br />

ADN dans son cycle réplicatif, capable d’infecter<br />

les lymphocytes B via les récepteurs au LDL ou<br />

le CD81 [14-16]. Des données expérimentales sont<br />

en faveur d’un effet direct <strong>des</strong> protéines du VHC,<br />

notamment protéines core et NS3, sur la proliféra-<br />

Chapitre 11 - Actualités<br />

162<br />

tion et la viabilité <strong>des</strong> cellules B. Toutefois, il n’a pas<br />

été démontré de réplication du VHC (recherche par<br />

RT-PCR de brin négatif d’ARN du VHC) dans les cellules<br />

B de sujets immunocompétents.<br />

Le VHC exerce une stimulation chronique sur le<br />

système immunitaire à l’origine de la sélection de<br />

clones lymphocytaires B anormaux, selon un scénario<br />

proche de celui décrit dans les lymphoproliférations<br />

de bas grade associées à l’infection<br />

par Helicobater pylori (MALT) [17-19]. La population<br />

clonale B, productrice de la cryoglobuline, a été<br />

caractérisée comme étant VH1-69. Le séquençage<br />

<strong>des</strong> régions variables d’immunoglobulines a démontré<br />

qu’il s’agissait de produits de mutations<br />

somatiques, caractéristiques d’une maturation<br />

après stimulation antigénique. Plusieurs antigènes<br />

viraux du VHC ont été testés comme autant de<br />

candidats potentiels à l’origine de cette stimulation<br />

antigénique, notamment la glycoprotéine d’enveloppe<br />

E2 et la protéine non structurale NS3 [20-23].<br />

Les étu<strong>des</strong> longitudinales ont montré que le processus<br />

commence par la stimulation par certaines<br />

protéines du VHC <strong>des</strong> cellules lymphocytaires B,<br />

conduisant à une dérégulation avec expansion polyclonale<br />

puis monoclonale, pouvant conduire à<br />

une lympho-prolifération B de bas grade bénigne<br />

(vascularite cryoglobulinémique) voire de plus haut<br />

grade (lymphome malin non hodgkinien) [18, 19,<br />

21]. La stimulation antigénique chronique pourrait<br />

sous-tendre le processus de transformation, notamment<br />

par engagement du BCR sur les cellules<br />

matures B, induisant une lymphoprolifération. La<br />

protéine E2 du VHC peut se fixer sur le récepteur de<br />

surface CD81 et induire un fort signal de stimulation<br />

du complexe CD19/CD21/CD81, avec une activation<br />

du BCR. Le récepteur CD81 est d’ailleurs régulé positivement<br />

chez les patients infectés par le VHC,<br />

avec une régulation encore plus forte chez les patients<br />

avec cryoglobulinémie. De plus, la fixation de<br />

la protéine E2 sur le CD81 induit <strong>des</strong> hypermutations<br />

et <strong>des</strong> coupures sur l’ADN, spécifiquement sur<br />

les gènes VH <strong>des</strong> cellules B [22]. La protéine NS3<br />

peut promouvoir une transformation oncogène et<br />

interagir avec P53 et donc l’apoptose. La protéine<br />

core du VHC peut promouvoir l’immortalisation<br />

dans plusieurs lignées cellulaires, et bloquer l’apoptose<br />

induite par c-myc. Plusieurs protéines du VHC<br />

ont montré un effet direct d’activation de la cascade<br />

pro-inflammatoire sur les monocytes et les<br />

cellules T. Cette stimulation pourrait permettre de


Vascularites cryoglobulinémiques et hépatite C : avancées physiopathologiques, implications thérapeutiques et pronostiques<br />

diminuer le seuil d’activation et donc d’augmenter<br />

la réponse cellulaire aux auto-antigènes. Ceci permettrait<br />

de fournir un environnement pro-inflammatoire<br />

aux cellules B et une grande quantité de signaux<br />

de co-stimulation permettant une expansion<br />

clonale.<br />

D’autres facteurs favorisent l’expansion clonale <strong>des</strong><br />

cellules B chez les patients infectés par le VHC. Fas,<br />

un régulateur important du BCR et les récepteurs<br />

solubles du TNF alpha sont présents à <strong>des</strong> taux<br />

élevés dans le sérum de patients infectés par le<br />

VHC, et encore plus importants chez ceux présentant<br />

une cryoglobulinémie. Une hyperexpression<br />

de BLyS, important co-stimulateur de la prolifération,<br />

ou de ses récepteurs a été rapportée lors de<br />

l’expansion clonale <strong>des</strong> cellules B ou de la production<br />

d’auto-anticorps. Plusieurs étu<strong>des</strong> ont montré<br />

une augmentation significative <strong>des</strong> taux sériques<br />

de BLyS chez les patients infectés par le VHC, corrélée<br />

à l’existence d’une lymphoprolifération B, notamment<br />

de type cryoglobulinémie [24, 25]. Une<br />

fréquence importante d’hyperexpression de bcl2<br />

est décrite chez les patients infectés par le VHC<br />

produisant une cryoglobulinémie, avec une perte<br />

de contrôle de la régulation <strong>des</strong> cellules B au fur et<br />

à mesure que la lymphoprolifération augmente<br />

[26, 27].<br />

Rôle <strong>des</strong> cellules T<br />

Les vascularites cryoglobulinémiques semblent, au<br />

moins en partie, différentes du phénomène d’Arthus.<br />

L’infiltrat neutrophilique, avec <strong>des</strong> modifications<br />

de type leucocytoclasie, typique d’une vascularite<br />

à complexes immuns, est rarement retrouvé<br />

dans les vascularites cryoglobulinémiques. En revanche,<br />

la présence fréquente d’un infiltrat lympho-histiocytaire<br />

suggère un rôle important <strong>des</strong><br />

cellules T. Les infiltrats inflammatoires dans les tissus<br />

cibles sont faits essentiellement de lymphocytes<br />

T et de monocytes, présents autour <strong>des</strong> vaisseaux<br />

de petit calibre (artérioles, veinules,<br />

capillaires) [7, 10, 13]. Les monocytes et les lymphocytes<br />

T mémoires/activés représentent l’essentiel<br />

<strong>des</strong> cellules retrouvées dans les lésions de leucocytoclasie.<br />

Les lymphocytes T sont de type CD4 et<br />

CD8 dans les lésions nerveuses.<br />

Le rôle important de VCAM-1, une molécule exclusivement<br />

impliquée dans le recrutement <strong>des</strong> cellules<br />

mononucléées, dans la pathogénie <strong>des</strong><br />

163<br />

formes sévères de vascularite VHC cryoglobulinémique,<br />

a été récemment rapporté [28]. Ces<br />

patients ont également <strong>des</strong> anomalies du répertoire<br />

T dans le sang périphérique avec une fréquence<br />

plus importante d’expansion <strong>des</strong> cellules T<br />

alors que les lymphocytes T régulateurs CD4 +<br />

CD25 + FoxP3 + sont significativement diminués [29].<br />

Dans ce contexte, l’influence du polymorphisme<br />

HLA de classe II sur la production <strong>des</strong> cryoglobulinémies<br />

VHC doit être souligné avec un haplotype<br />

augmentant le risque d’un facteur 2,7 (DR11), alors<br />

qu’un autre plutôt protecteur (DR07) [30].<br />

L’augmentation d’expression de l’Interféron gamma<br />

et du TNF alpha dans les lésions nerveuses <strong>des</strong><br />

patients, associée à l’absence de cytokine de type<br />

Th2 (Interleukine-4, Interleukine-5 et Interleukine-<br />

13) traduit le caractère Th1 de cette réponse immune.<br />

Une régulation positive de plusieurs protéines<br />

influençant la différenciation Th1 va dans le<br />

même sens, notamment MIP-1 alpha, MIP-1 bêta,<br />

Interféron gamma, CXCL10 et CXCR3 [31, 32].<br />

Le rôle <strong>des</strong> lymphocytes T régulateurs a été étudié<br />

longitudinalement chez <strong>des</strong> patients présentant<br />

une vascularite cryoglobulinémie VHC traitée par<br />

antiviraux. Le taux de lymphocytes T régulateurs<br />

est étroitement corrélé à l’évolution virologique et<br />

clinique sous traitement [33]. Ainsi, les patients répondeurs<br />

cliniques de la vascularite (la plupart<br />

étant aussi <strong>des</strong> répondeurs virologiques complets)<br />

ont une remontée <strong>des</strong> taux de lymphocytes T régulateurs<br />

à 6 mois et à 12 mois à <strong>des</strong> valeurs proches<br />

de celles <strong>des</strong> sujets témoins. Les patients non répondeurs<br />

cliniques et/ou non répondeurs virologiques<br />

gardent un déficit en lymphocytes T régulateurs<br />

pendant et au décours du traitement. Il existe<br />

donc au cours <strong>des</strong> vascularites cryoglobulinémiques<br />

VHC un déficit réversible en lymphocytes<br />

T régulateurs CD4 + CD25 + FoxP3 + , dont l’évolution<br />

est étroitement corrélée à l’évolution clinique de la<br />

vascularite et la réponse virologique. Un essai de<br />

phase II est actuellement en cours (VascuIL2, ANRS<br />

HC21), utilisant l’Interleukine 2 pour essayer de remonter<br />

le taux de lymphocytes T régulateurs chez<br />

les patients présentant une vascularite cryoglobulinémique<br />

résistante aux traitements conventionnels,<br />

afin d’améliorer la vascularite voire la réponse<br />

virologique.


Traitement actuel <strong>des</strong> vascularites<br />

cryoglobulinémiques VHC<br />

Vingt ans après la découverte et le clonage du VHC<br />

et la démonstration de son rôle comme agent étiologique<br />

majeur <strong>des</strong> vascularites cryoglobulinémiques,<br />

la stratégie thérapeutique a été progressivement<br />

modifiée en étant mieux adaptée aux<br />

données physiopathologiques modernes, permettant<br />

d’être plus efficace et moins toxique. La principale<br />

piste de réflexion est basée sur le fait qu’un<br />

traitement anti-VHC actif sur le « starter antigénique<br />

» viral pourrait bloquer la réaction immune à<br />

l’origine de la formation de cryoglobuline et du développement<br />

de la vascularite. Le second élément<br />

reflète le caractère potentiellement toxique de l’utilisation<br />

<strong>des</strong> traitements conventionnels <strong>des</strong> vascularites<br />

systémiques (corticoï<strong>des</strong>, immunosuppresseurs),<br />

en particulier au cours d’une infection virale<br />

chronique [34].<br />

Les traitements antiviraux<br />

Les traitements anti-VHC, en l’absence de vascularite<br />

cryoglobulinémique, ont été marqués par <strong>des</strong><br />

progrès considérables dans leur efficacité durant les<br />

15 dernières années, aboutissant actuellement<br />

avec une combinaison de Peg-Interféron alpha et<br />

Ribavirine à une réponse virologique soutenue<br />

chez 55 % <strong>des</strong> patients, tous génotypes confondus<br />

(ARN VHC indétectable de façon prolongée six mois<br />

après l’arrêt <strong>des</strong> traitements antiviraux).<br />

Dans le traitement <strong>des</strong> vascularites VHC, la combinaison<br />

Peg-Interféron alpha + Ribavirine permet<br />

d’obtenir <strong>des</strong> réponses très satisfaisantes dans la<br />

majorité <strong>des</strong> cas, tant sur le plan clinique (67,5 %),<br />

virologique (62,5 %) qu’immunologique (57,5 %),<br />

quel que soit le génotype ou la charge virale. L’efficacité<br />

est plus importante sur les atteintes cutanées<br />

(87,5 %), articulaires (82 %) et neurologiques<br />

périphériques (74 %) que sur l’atteinte rénale (50 %)<br />

[35, 36]. En analyse multivariée, la réponse virologique<br />

précoce (définie par une charge virale négative<br />

ou diminuant de plus de 2 Log au 3 e mois de<br />

traitement) est associée indépendamment à une<br />

réponse clinique complète de la vascularite (Odds<br />

ratio : 3,53). À l’inverse, une insuffisance rénale<br />

(clearance de la créatinine < 70 ml/mn) est associée<br />

négativement à une réponse complète (Odds radio :<br />

0,18) [36].<br />

Chapitre 11 - Actualités<br />

164<br />

Les traitements immunosuppresseurs<br />

Classiquement, une combinaison de corticoï<strong>des</strong> et<br />

d’immunosuppresseur de type Cyclosphosphamide<br />

ou Azathioprine était utilisée pour les formes<br />

sévères de vascularite cryoglobulinémique. Dans<br />

<strong>des</strong> étu<strong>des</strong> rétrospectives récentes avec atteinte<br />

rénale, jusqu’à 80 % <strong>des</strong> patients recevaient ce<br />

type de combinaison associée chez 67 % d’entre<br />

eux à <strong>des</strong> plasmaphérèses. Malgré cette approche<br />

« agressive », la mise en rémission n’était obtenue<br />

que chez 14 % <strong>des</strong> patients, avec une survie à<br />

10 ans de 49 % [37].<br />

Depuis quelques années, plusieurs groupes ont<br />

rapporté l’efficacité d’un anticorps anti-CD20 (Rituximab)<br />

chez <strong>des</strong> patients présentant une vascularite<br />

cryoglobulinémique VHC [38, 39]. Une amélioration<br />

est rapportée sur les lésions cutanées<br />

(73 %), les arthralgies (53 %), la neuropathie périphérique<br />

(36 %) et l’atteinte rénale (70 %) [40]. La<br />

plupart <strong>des</strong> patients répondeurs ont une diminution<br />

significative du taux sérique de la cryoglobulinémie<br />

et une augmentation de la fraction C4 du<br />

complément. Toutefois, dans ces observations, le<br />

Rituximab était utilisé en monothérapie, c’est-àdire<br />

sans traitement antiviral, et l’augmentation de<br />

la charge virale chez certains patients a fait craindre<br />

une aggravation <strong>des</strong> lésions hépatiques viro-induites,<br />

ainsi que <strong>des</strong> rechutes de la vascularite cryoglobulinémique<br />

en l’absence de clearance prolongée<br />

du starter viral antigénique.<br />

Ceci nous a conduit à proposer une stratégie de trithérapie,<br />

associant dans un premier temps le Rituximab<br />

(375 mg/m 2 /semaine pendant 4 semaines<br />

consécutives) pour agir sur la partie immunologique<br />

de la maladie, suivie d’une bithérapie par<br />

Peg-Interféron alpha + Ribavirine afin d’obtenir une<br />

clearance virale prolongée [41,42]. Cette stratégie a<br />

permis d’obtenir une rémission clinique avec une réponse<br />

virologique soutenue chez 65 % de patients<br />

non répondeurs à une première stratégie antivirale.<br />

Il est déconseillé d’utiliser dans cette indication le Rituximab<br />

selon un schéma de type polyarthrite rhumatoïde<br />

(1 gr J1 et J15) car il existe alors un risque<br />

d’exacerbation de la vascularite lié à la formation de<br />

complexes immuns cryoglobuline-rituximab [43].


Vascularites cryoglobulinémiques et hépatite C : avancées physiopathologiques, implications thérapeutiques et pronostiques<br />

Les recommandations thérapeutiques<br />

Les recommandations thérapeutiques actuelles<br />

sont fonction de la sévérité du tableau clinico-biologique<br />

de la vascularite [18].<br />

• En cas de forme modérée (purpura, arthralgie,<br />

neuropathie sensitive pure) : traitement antiviral<br />

par Peg-interféron alpha + Ribavirine pendant<br />

12 à14 mois.<br />

• Dans les formes plus sévères (atteinte rénale progressive,<br />

mononeuropathie multiple, ulcérations<br />

cutanées récidivantes…) : commencer par du Rituximab<br />

à 375 mg/m 2 /semaine, 4 semaines<br />

consécutives, puis introduire un traitement antiviral<br />

par Peg-Interféron alpha + Ribavirine pour 12<br />

à 14 mois.<br />

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165<br />

• Dans les formes très sévères (de type « catastrophiques<br />

» vues en réanimation) : commencer<br />

par le Rituximab, voire le cyclophosphamide ;<br />

une fois passée la phase aiguë, essayer d’introduire<br />

un traitement antiviral par Peg-Interféron +<br />

Ribavirine.<br />

Les principales voies de recherche, sur le plan thérapeutique,<br />

passent par une amélioration de la réponse<br />

immune (augmentation <strong>des</strong> lymphocytes<br />

T-régulateurs boostés par <strong>des</strong> injections d’Interleukine2,<br />

anticorps anti-BLyS pour bloquer la prolifération<br />

B clonale…) et/ou une amélioration de la réponse<br />

virologique (nouveaux traitements antiviraux<br />

de type antiprotéase) [44, 45].<br />

9. Cacoub P, Saadoun D, Limal N, Leger JM, Maisonobe<br />

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Chapitre 11 - Actualités<br />

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169<br />

Chapitre 12<br />

Atelier -<br />

Dialyse<br />

péritonéale :<br />

statut<br />

nutritionnel<br />

et DP


Chapitre 12 - Atelier - Dialyse péritonéale : statut nutritionnel et DP<br />

Soutien nutritionnel en dialyse péritonéale<br />

R. Azar<br />

Service de Néphrologie. C H de Dunkerque<br />

Une dénutrition protéino-énergétique est fréquemment<br />

rencontrée chez les patients traités par dialyse<br />

péritonéale et elle est associée à une augmentation<br />

de la morbidité et de la mortalité. Cette<br />

malnutrition peut être la conséquence de multiples<br />

facteurs comprenant un apport inadéquat de<br />

nutriments en rapport avec une dialyse insuffisante,<br />

<strong>des</strong> restrictions diététiques inadaptées, le grand<br />

âge, la pauvreté, un syndrome dépressif, une sensation<br />

de réplétion gastrique liée à la présence du<br />

dialysat intrapéritonéal. Des perturbations <strong>des</strong> hormones<br />

contrôlant l’homéostasie énergétique (augmentation<br />

de la leptine, inadaptation de la sécrétion<br />

de ghréline) ainsi qu’une résistance à l’action<br />

<strong>des</strong> hormones anaboliques (insuline, IGF-1), une<br />

acidose métabolique contribuent à cette dénutrition.<br />

La perte d’aci<strong>des</strong> aminés (3 g/jour) et de protéines<br />

de 3 à 9 g/jour et plus au cours <strong>des</strong> épiso<strong>des</strong><br />

de péritonite vient aggraver une situation<br />

nutritionnelle parfois précaire. L’existence de comorbidités,<br />

une insuffisance cardiaque, un syndrome<br />

inflammatoire chronique sont à l’origine<br />

d’une perte de la masse musculaire et <strong>des</strong> réserves<br />

énergétiques. L’association d’une augmentation<br />

du volume extracellulaire et d’une altération du<br />

statut nutritionnel a été démontrée. L’évaluation de<br />

l’état nutritionnel fait appel à un ensemble de mesures<br />

comprenant un examen physique, <strong>des</strong> mesures<br />

anthropométriques, une évaluation <strong>des</strong> ingesta<br />

par une diététicienne entraînée, <strong>des</strong> mesures<br />

biochimiques dont le dosage de l’albumine est le<br />

plus utilisé et dont le taux est corrélé aux risques de<br />

mortalité, tant à l’initiation de la dialyse qu’au cours<br />

de celle-ci. Toutefois, l’interprétation <strong>des</strong> taux de<br />

l’albumine plasmatique doit tenir compte de la mé-<br />

170<br />

thode de dosage, <strong>des</strong> variations liées au volume de<br />

distribution et aux perturbations de la synthèse<br />

hépatique lors <strong>des</strong> processus inflammatoires.<br />

L’étude de la composition corporelle permet de<br />

déterminer la répartition entre la masse maigre et<br />

la masse grasse. L’interprétation <strong>des</strong> résultats de<br />

l’impédancemétrie, technique simple peu onéreuse<br />

doit tenir compte <strong>des</strong> variations de la répartition hydrique<br />

observée en dialyse péritonéale. Une évaluation<br />

subjective globale (SGA) est un outil utile et<br />

reproductible pour l’évaluation de l’état nutritionnel<br />

chez ces patients alors que le calcul du nPNA apporte<br />

une bonne estimation <strong>des</strong> apports protidiques<br />

en situation clinique stable. Un suivi nutritionnel<br />

au minimum bi-annuel est souhaitable, un<br />

suivi plus rapproché est utile chez les patients âgés<br />

porteurs de comorbidités ou présentant une pathologie<br />

catabolique intercurrente.<br />

Les besoins nutritionnels <strong>des</strong> patients en dialyse<br />

péritonéale seront au mieux couverts par un apport<br />

protidique de 1,2 g/kg/j de protéines dont au moins<br />

50 % sont de haute valeur biologique et <strong>des</strong> apports<br />

caloriques sont de 30 à 35 kCal/kg/j. Il importe<br />

de tenir compte dans la quantité d’énergie apportée<br />

de l’apport calorique réalisé par le glucose du<br />

dialysat. Aussi, chez les patients avec un péritoine<br />

normo-perméable, on estime qu’environ 60 % de<br />

la charge glucidique du dialysat est absorbée. Toutefois,<br />

malgré cet apport énergétique, environ 80 %<br />

<strong>des</strong> patients traités par dialyse péritonéale n’atteignent<br />

pas l’apport calorique recommandé et 60 %<br />

d’entre eux sont en-deçà de la cible d’apport protidique.


La première approche thérapeutique consiste en<br />

<strong>des</strong> conseils diététiques visant à enrichir l’alimentation<br />

orale (apport protidique sous forme de lait en<br />

poudre, poudre protéinée, apport calorique sous<br />

forme d’aci<strong>des</strong> gras, mono et poly-insaturés). Le<br />

plus souvent, ces apports s’avèrent insuffisants<br />

pour couvrir le besoin <strong>des</strong> patients sévèrement dénutris.<br />

Une complémentation orale devrait être systématiquement<br />

proposée. Elle permet une augmentation<br />

significative <strong>des</strong> apports caloriques de<br />

300 à 800 kCal/j et de 12 à 40 g de protéines par<br />

jour en fonction de la qualité et de la quantité<br />

d’unités absorbées. Il importe d’expliquer au patient<br />

qu’il s’agit d’une complémentation visant à<br />

couvrir une alimentation insuffisante et non de<br />

substitut au repas. Toutefois, les résultats peuvent<br />

être inconstants et limités par le fait que les patients<br />

réduisent leur ingesta spontanés de manière parallèle.<br />

De plus, une lassitude peut s’installer réduisant<br />

ainsi la compliance à long terme de ces produits. Il<br />

n’en demeure pas moins qu’ils peuvent s’avérer<br />

utiles à court et à moyen termes, à condition de<br />

maintenir un contact fréquent avec les diététiciens.<br />

De façon intéressante, les patients diabétiques ont<br />

démontré une meilleure réponse à la supplémentation<br />

orale nutritionnelle que les non diabétiques.<br />

Dans les cas sévères, une nutrition entérale par<br />

sonde naso-gastrique pourra s’avérer indispensable<br />

pour rattraper une situation nutritionnelle sévèrement<br />

déficiente. La nutrition entérale sera mise<br />

en place pour une période de un à trois mois de<br />

préférence de manière nocturne laissant ainsi la<br />

possibilité au patient de s’alimenter par voie orale<br />

et de se mobiliser. La gastrostomie sera évitée en<br />

raison d’un risque accrû de péritonite fungique.<br />

L’apport d’aci<strong>des</strong> aminés par voie intrapéritonéale<br />

est abordé dans un autre chapitre et ne sera donc<br />

pas détaillé. Un traitement pharmacologique vien-<br />

Soutien nutritionnel en dialyse péritonéale<br />

171<br />

dra compléter le traitement nutritionnel lorsque celui-ci<br />

s’avère insuffisant pour améliorer le statut clinique<br />

du patient. L’utilisation d’androgènes anabolisants<br />

sous forme de nandrolone decanoate a<br />

permis de corriger la perte de la masse musculaire,<br />

d’augmenter le poids et d’améliorer les paramètres<br />

nutritionnels. En cas d’anorexie persistante, l’utilisation<br />

de stimulants de l’appétit sous forme d’acétate<br />

de mégestrol à la posologie de 360 mg par jour<br />

s’est avérée efficace pour augmenter les ingesta et<br />

le poids. De façon plus récente, l’administration<br />

sous cutanée de ghréline a permis de doubler les<br />

ingesta chez <strong>des</strong> patients dénutris en dialyse péritonéale,<br />

ces résultats se maintenant dans le temps.<br />

L’utilisation d’hormones de croissance recombinante<br />

s’accompagne d’une augmentation de la<br />

synthèse protidique et de la masse musculaire en<br />

rapport avec un effet anabolique certain. Un exercice<br />

physique quotidien sera toujours conseillé.<br />

La dénutrition protéino-énergétique en dialyse péritonéale<br />

nécessite une prise en charge basée sur<br />

une approche rationnelle visant en premier à rechercher<br />

et à corriger les causes de la dénutrition<br />

par le traitement optimal <strong>des</strong> comorbidités parallèlement<br />

à l’assurance de délivrer au patient une<br />

dose de dialyse adéquate, notamment en cas de<br />

perte de la fonction rénale résiduelle parallèlement<br />

à un soutien nutritionnel dont la nature sera adaptée<br />

à la situation clinique du patient et à la sévérité<br />

de la dénutrition. Il n’en demeure pas moins important<br />

de tenter de prévenir la lente installation d’une<br />

dénutrition chez ces patients par un monitoring<br />

nutritionnel régulier faisant partie intégrante de la<br />

surveillance et impliquant une équipe multidisciplinaire<br />

associant médecins, diététiciens et infirmières.


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173<br />

Chapitre 13<br />

Atelier -<br />

Comment<br />

optimiser la<br />

prise en<br />

charge de<br />

l’anémie ?


Chapitre 13 - Atelier - Comment optimiser la prise en charge de l’anémie ?<br />

Objectifs et enjeux de la prise en charge de<br />

l’anémie en <strong>2010</strong><br />

Angelo Testa<br />

E.C.H.O., Nantes<br />

Conséquence d’une production inadéquate d’érythropoïétine,<br />

l’anémie est probablement la complication<br />

la plus fréquente de l’insuffisance rénale<br />

chronique, touchant une majorité de patients aux<br />

sta<strong>des</strong> 3-5. Parmi les effets dont elle peut être responsable,<br />

on retrouve une réduction de la qualité<br />

de vie, <strong>des</strong> fonctions cognitives et cardiaques et de<br />

la réponse immunitaire. La baisse du taux d’hémoglobine<br />

semble influencer la mortalité et la morbidité<br />

surtout cardiovasculaire, mais aussi la progression<br />

de la maladie rénale vers <strong>des</strong> sta<strong>des</strong> plus<br />

avancés [1].<br />

Tel est le contexte dans lequel l’évaluation <strong>des</strong> effets<br />

<strong>des</strong> agents stimulant de l’érythropoïèse (ASE)<br />

a actuellement lieu. À l’intérieur de ce débat concernant<br />

les ASE, nous avons voulu mettre en évidence<br />

certains aspects de la prise en charge de l’anémie,<br />

d’autres, comme la thérapie martiale, ont été discutés<br />

ailleurs dans cet ouvrage.<br />

L’évolution vers le « Position Statement »<br />

L’expérience accumulée dans la rédaction de recommandations<br />

en néphrologie sur différents thèmes,<br />

mais aussi sur l’anémie, a mis en évidence la nécessité<br />

d’une approche plus uniforme de l’évaluation.<br />

La maladie rénale chronique a <strong>des</strong> caractéristiques<br />

et <strong>des</strong> complications qui sont globales et dont les<br />

résultats de la recherche scientifique sont applicables<br />

à un niveau mondial. L’initiation <strong>des</strong> KDIGO a<br />

modifié le rôle <strong>des</strong> différentes Sociétés savantes<br />

dans la rédaction de recommandations. Début<br />

2009, l’ERA-EDTA a décidé la création de<br />

« position statement » d’experts, ayant pour but de<br />

174<br />

fournir <strong>des</strong> opinions sur la pratique clinique autour<br />

de questions jusque-là non encore examinées par<br />

les recommandations internationales, ou de points<br />

déjà traités, nécessitant un nouvel examen [2]. La<br />

Société de Néphrologie, la Société Francophone<br />

de Dialyse et la Société de Néphrologie Pédiatrique<br />

ont fait de même avec la problématique <strong>des</strong> biosimilaires<br />

[3].<br />

Cible Hb – Dose ASE<br />

Les résultats de l’étude TREAT et Néphrodiab2<br />

se rajoutent à la série d’étu<strong>des</strong> randomisées, démontrant<br />

l’inutilité, voire la dangerosité à attendre<br />

<strong>des</strong> cibles d’Hb élevées, dans le but d’une correction<br />

complète de l’anémie de l’IRC [4, 5]. Malgré<br />

une population étudiée, différente en taille et en<br />

co-morbidités, <strong>des</strong> problèmes méthodologiques,<br />

<strong>des</strong> objectifs principaux d’analyses non homogènes,<br />

<strong>des</strong> cibles d’Hb et <strong>des</strong> doses d’ASE non<br />

concordantes, ces étu<strong>des</strong> tendent à justifier le choix<br />

d’une cible maximale d’Hb


L’absence ou la mauvaise réponse aux ASE peut<br />

être liée à la présence d’événements intercurrents<br />

(hospitalisation, infections…) ou à la prise en charge<br />

(facteurs de résistance patient-dépendant : carence<br />

martiale, qualité de dialyse…) ou représenter un<br />

marqueur de co-morbidité. Dans certaines étu<strong>des</strong><br />

elle semble s’imposer comme facteur de mortalité<br />

indépendant [9].<br />

Variabilité<br />

Au-delà de la définition de la cible optimale de<br />

l’Hb et <strong>des</strong> moyens pour y parvenir, la stabilité ou<br />

la faible variabilité <strong>des</strong> fluctuations de l’Hb peut<br />

conditionner la réponse aux ASE [10]. La compréhension<br />

<strong>des</strong> mécanismes de cette variabilité,<br />

qui est retrouvée au cours de la maladie rénale<br />

chronique, pour les mala<strong>des</strong> traitées ou non par<br />

ASE, est particulièrement importante dans l’analyse<br />

de la morbi-mortalité, car les fluctuations de l’Hb<br />

pourraient à elles seules expliquer un « outcome »<br />

défavorable [11]. Le tableau 1 montre les causes reconnues<br />

de variabilité de l’Hb.<br />

Compte tenu du fait que les modifications <strong>des</strong><br />

doses d’ASE constituent le facteur principal de variabilité,<br />

deux mesures semblent nécessaires pour<br />

limiter ces fluctuations et adapter la pratique : la<br />

prise en compte de la cinétique <strong>des</strong> taux d’Hb, plus<br />

que la mesure isolée, et l’élaboration d’algorithmes<br />

d’aide à la décision dans l’utilisation <strong>des</strong> ASE et de<br />

la thérapie martiale [10, 11].<br />

Syndrome cardiorénal et anémie<br />

L’anémie est un facteur fréquent de co-morbidité<br />

pour les patients présentant une insuffisance cardiaque,<br />

justifiant dans le même temps l’augmentation<br />

de la mortalité et la progression vers un<br />

stade avancé de maladie rénale chronique [12]. Le<br />

tableau 2 indique les causes les plus fréquentes de<br />

l’anémie au cours de l’insuffisance cardiaque et du<br />

syndrome cardiorénal. L’anémie représente aussi<br />

un élément pouvant aggraver la fonction cardiaque<br />

par le biais de l’hypoxie tissulaire. La majoration de<br />

la production de NO provoque une vasodilatation<br />

périphérique, avec activation du système nerveux<br />

sympathique, vasoconstriction rénale et réduction<br />

du VGF. L’activation du système rénine-angiotensine-aldostérone<br />

et de la vasopressine est responsable<br />

de la rétention hydrosodée et de l’hypertrophie-dilatation<br />

du VG, complétant la boucle.<br />

Objectifs et enjeux de la prise en charge de l’anémie en <strong>2010</strong><br />

175<br />

Facteurs liés aux médicaments :<br />

- pharmacocinétique ASE,<br />

- dose, fréquence et voie d’administration ASE,<br />

- thérapie martiale (per os vs IV) dose et voie<br />

d’administration,<br />

- médicaments pouvant interférer avec<br />

l’érythropoïèse : inhibiteur SRA,<br />

chimiothérapie anticancéreuse,<br />

immunosuppresseurs.<br />

Facteurs liés aux patients :<br />

- âge, genre et race,<br />

- hémodilution,<br />

- compliance,<br />

- co-morbidités préexistantes (diabète,<br />

maladie hématologique),<br />

- co-morbidités liées à l’IRC<br />

(hyperparathyroïdie),<br />

- type de maladie rénale et stade,<br />

- hospitalisations.<br />

Carence martiale :<br />

- pertes extrarénales (digestives),<br />

- pertes rénales (hémodialyse).<br />

Infections<br />

Cancers<br />

Inflammation/malnutrition<br />

Autres<br />

Tableau 1 - Causes reconnues de variabilité de l’Hb<br />

au cours du traitement par ASE<br />

– Réduction-production érythropoïétine<br />

– Production de cytokines pro inflammatoires<br />

– Réduction-absorption intestinale de fer<br />

– Réduction-libération fer de la part du SRE<br />

– Effet du traitement de l’insuffisance cardiaque<br />

(IEC, ARAII)<br />

– Hémodilution<br />

– Pertes digestives liées au traitement<br />

antiagrégant ou AVK<br />

– Gastrite atrophique<br />

– Maladies concomitantes (diabète, IRC)<br />

Tableau 2 - Causes d’anémie au cours de l’insuffisance<br />

cardiaque


Plusieurs étu<strong>des</strong> contrôlées ou non, évaluent l’efficacité<br />

de la thérapie martiale IV et <strong>des</strong> ASE pour<br />

traiter l’anémie de l’insuffisant cardiaque. Une<br />

amélioration <strong>des</strong> performances physiques, de l’utilisation<br />

d’O2, de la fraction d’éjection du VG, de la<br />

classe de NYHA et de certains biomarqueurs (BNP)<br />

ainsi que de la qualité de vie, ont été déjà décrits<br />

[13].<br />

Conclusions<br />

La relation anémie, maladie rénale chronique et pathologie<br />

cardiovasculaire est particulièrement complexe.<br />

Il est possible que le « milieu » à l’origine de<br />

l’anémie autant que la valeur cible d’Hb soient déterminants<br />

pour influencer la mortalité et la morbi-<br />

Références<br />

Chapitre 13 - Atelier - Comment optimiser la prise en charge de l’anémie ?<br />

1. Locatelli F, Pisoni R, Combe C et al. Anaemia in<br />

haemodialysis patients of five European countries:<br />

association with morbidity and mortality in the<br />

Dialysis Outcomes and Practice Patterns Study<br />

(DOPPS). Nephrol Dial Transplant 2004;19:121-13.<br />

2. ERA-EDTA ERBP Advisory Board. Anaemia<br />

management in patients with chronic kidney<br />

3.<br />

disease: a position statement by the Anaemia<br />

Working Group of European Renal Best Practice<br />

(ERBP). Nephrol Dial Transplant 2009;24(2):348-54.<br />

Recommandations d’utilisation <strong>des</strong> biosimilaires de<br />

l’érythropoïétine (EPO). Propositions de la Société de<br />

néphrologie, de la Société francophone de dialyse et<br />

de la Société de néphrologie pédiatrique. Nephrol et<br />

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4. Pfeffer MA, Burdmann EA, Chen C-Y et al. A trial of<br />

darbepoetin alfa in type 2 diabetes and chronic<br />

kidney disease. N Engl J Med 2009;361:2019-32.<br />

5. Villar E, Lièvre M, Kessler M et al. Correction de<br />

l’anémie <strong>des</strong> patients diabétiques de type 2 insuffisants<br />

rénaux chroniques de stade 2 à 4 : résultats<br />

de l’essai randomisé NEPHRODIAB2. XIe Réunion<br />

Commune de la SNF et SFD Toulouse Octobre 2009.<br />

6. Phrommintikul A, Haas SJ, Elsik M et al. Mortality and<br />

targeted haemoglobin concentrations in anaemic<br />

patients with chronic kidney disease treated with<br />

erythropoietin: a meta-analysis. Lancet 2007;369:<br />

381-388.<br />

176<br />

dité en cas d’utilisation de ASE. Les patients insuffisants<br />

rénaux constituent une population non homogène,<br />

ayant caractéristiques et évolution différentes.<br />

Une meilleure connaissance <strong>des</strong><br />

mécanismes à la base de la résistance aux ASE<br />

nous permettra d’adapter ce traitement, de l’individualiser<br />

et peut-être de définir <strong>des</strong> cibles différentes<br />

de Hb à atteindre. Dans le même temps, une mesure<br />

plus pertinente de la qualité de vie permettra<br />

de mieux juger de l’impact <strong>des</strong> diverses degrés de<br />

correction de l’anémie aux cours de l’IRC. Reste<br />

aussi à évaluer encore si la variabilité de la réponse<br />

aux ASE soit de réelle importance clinique ou s’il<br />

s’agit uniquement d’un « marker » épidémiologique<br />

de co-morbidité.<br />

7. KDOQI. Clinical Practice Guideline and Clinical<br />

8.<br />

Practice Recommendations for anemia in chronic<br />

kidney disease: 2007 update of hemoglobin target.<br />

Am J Kidney Dis 2007;50(3):471-530.<br />

Deray G. Taux d’hémoglobine et risque de cardiovasculaire.<br />

Nephrol et Ther 2008;5:10-14.<br />

9. Kilpatrick RD, Critchlow CW, Fishbane S et al. Greater<br />

epoetin alfa responsiveness is associated with<br />

improved survival in hemodialysis patients. Clin J Am<br />

Soc Nephrol 2008;3:1077-83.<br />

10. Kalantar-Zadeh and Aronoff J Hemoglobin variability<br />

in anemia of chronic kidney disease. J Am Soc<br />

Nephrol 2009;20:479-487.<br />

11. Knebelmann B. Stabilité de l’hémoglobine : résultats<br />

d’essais cliniques. Nephrol et Ther 2009;5:15-20.<br />

12. Anand IS. Anemia and chronic heart failure:<br />

implications and treatment options. J Am Coll Cardiol<br />

2008;52:501-11.<br />

13. Van der Meer P, Groenveld HF, Jannuzzi Jl et al.<br />

Erytropoietin treatment in patients with chronic renal<br />

failure: a meta-analysis. Heart 2009;95:1309-1314.


177<br />

Chapitre 14<br />

Vignettes


Chapitre 14 - Vignettes<br />

Cœur et dialyse péritonéale : facteurs de<br />

risque cardiovasculaire<br />

Belkacem Issad*, Gilbert Deray<br />

Service de Néphrologie, Hôpital de la Pitié, Paris<br />

Introduction<br />

Les maladies cardiovasculaires sont la cause principale<br />

de morbi-mortalité chez les patients atteints<br />

de maladie rénale chronique. Au stade de la dialyse,<br />

malgré l’amélioration <strong>des</strong> traitements de suppléance,<br />

la mortalité <strong>des</strong> patients dialysés reste<br />

élevée. 40 à 75 % <strong>des</strong> patients ont <strong>des</strong> manifestations<br />

patentes de pathologie cardiovasculaire [1].<br />

Aux États-Unis, 50 % <strong>des</strong> causes de décès <strong>des</strong> patients<br />

dialysés étaient cardiovasculaires et la mortalité<br />

chez les patients de 35 ans traités en dialyse<br />

est plus de 50 fois plus élevée que dans la population<br />

générale (données du registre nord-américain)<br />

[1]. A Hong Kong, alors que 3000 patients environ<br />

sont dialysés, 80 % sont pris en charge en dialyse<br />

péritonéale continue ambulatoire (DPCA) et la mortalité<br />

de causes cardiovasculaires est approximativement<br />

de 11 à 44 % (données du registre chinois)<br />

[2]. Si cette importante morbi-mortalité cardiovasculaire<br />

est attribuable en partie à de très nombreux<br />

facteurs de risques traditionnels bien connus (l’âge,<br />

le sexe, le tabac, l’hypertension, la dyslipidémie et<br />

le diabète), d’autres facteurs de risque non-traditionnels<br />

(l’anémie, l’hyperfibrinémie, le syndrome<br />

inflammatoire, la pression pulsée, l’hyperhomocystéinémie,<br />

l’hyperparathyroidie, la fonction rénale<br />

résiduelle, la dialyse adéquate et le transport de la<br />

membrane péritonéale) uniques chez les patients<br />

dialysés, prédisposant à la maladie coronarienne,<br />

l’insuffisance cardiaque congestive, l’hypertrophie<br />

ventriculaire gauche et la dysfonction systolique<br />

* Correspondance : belkacem.issad@psl.aphp.fr<br />

178<br />

et diastolique jouent un rôle prépondérant dans la<br />

morbi-mortalité cardiovasculaire. Le but de cet article<br />

est d’évaluer l’importance relative de quelques<br />

facteurs de risques cardiovasculaires non traditionnels<br />

chez les patients traités en DPCA et leur impact<br />

sur la morbi-mortalité cardiovasculaire.<br />

Épidémiologie<br />

Si dans la littérature peu de papiers rapportent<br />

la prévalence de maladies cardiovasculaires en<br />

DPCA, Wang et collaborateurs [2] rapportent chez<br />

268 patients pris en charge en DP après un suivi de<br />

38 23 mois, une prévalence élevée d’HVG (95 %) associée<br />

à une dysfonction systolique dans 35 % <strong>des</strong><br />

cas et une dysfonction diastolique dans 79 % <strong>des</strong><br />

cas. L’insuffisance cardiaque congestive est retrouvée<br />

dans 39 % <strong>des</strong> cas, en particulier parmi les patients<br />

diabétiques ou présentant une maladie artérielle<br />

coronarienne aussi bien que chez ceux<br />

présentant une anémie sévère, une hypoalbuminémie<br />

et un transport péritonéal élevé. Les patients<br />

bénéficiant d’une échocardiographie, d’une scintigraphie<br />

à la persantine, d’une coronarographie, la<br />

prévalence de la maladie coronarienne est retrouvée<br />

dans 24 % <strong>des</strong> cas. Dans cette population de<br />

dialysés, le pourcentage de décès ne cesse d’augmenter<br />

: 27 % en 1996, 38 % en 1997, 42 % en<br />

1998. Ce taux élevé de décès s’explique en partie<br />

par une augmentation de l’incidence du diabète<br />

comme cause de l’IRC dans la population dialysée<br />

de Hong Kong.


Cœur et dialyse péritonéale : facteurs de risque cardiovasculaire<br />

Facteurs de risque cardiovasculaires non<br />

traditionnels<br />

Fonction rénale résiduelle (FRR) et<br />

hypertrophie ventriculaire gauche (HVG)<br />

L’HVG est bien reconnue comme étant un important<br />

prédicteur de mortalité et de décès cardiovasculaires<br />

chez les patients en dialyse péritonéale<br />

(PD). Wang et collaborateurs montrent que plus de<br />

90 % de patients prévalent en DP présentaient une<br />

HVG [2]. De plus, ces auteurs observent une importante<br />

relation inverse avec la FRR si bien que les patients<br />

anuriques en DP souffraient d’un degré plus<br />

sévère d’HVG alors qu’aucune corrélation n’était<br />

retrouvée entre les clearances péritonéales et le<br />

degré de l’HVG [2]. Takeda et collaborateurs ont<br />

étudié <strong>des</strong> patients traités en DPCA et <strong>des</strong> patients<br />

traités en HD. Ils ont constaté que l’indice de masse<br />

ventriculaire gauche (IMVG) ( 166,4 ± 84,3 g/m 2 ) et<br />

le rapport entre la vitesse maximale de remplissage<br />

auriculaire et la vitesse maximale du flux diastolique<br />

(1,25 ± 0,4) étaient plus élevés chez les patients<br />

recevant une DPCA, alors que la fraction de<br />

raccourcissement du ventricule gauche de 34 ±<br />

10,8 % était la moins élevée chez ces patients [3].<br />

Dans l’étude menée par Enia, l’IMVG était plus<br />

élevé chez les patients en DPCA qu’en HD (153,7 vs<br />

133 ± 39 g/m 2 ) [4]. Une autre étude réalisée par Eisenberg<br />

et collaborateurs chez 21 patients en DPCA<br />

montrent que la prévalence initiale de l’HVG de<br />

52 % atteignait 76 % après 18 mois de suivi. La<br />

mortalité chez les patients atteints d’HVG modérée<br />

à grave était de 25 % et de 56 % respectivement<br />

[5]. Plusieurs mécanismes peuvent potentiellement<br />

expliquer l’association entre la FRR et l’HVG. L’un<br />

d’entre eux est le rôle de la FRR dans le maintien de<br />

la balance hydro-sodée. Un certain nombre<br />

d’étu<strong>des</strong> récentes ont démontré que l’expansion<br />

volémique subclinique est fréquente chez les patients<br />

en DP, celle-ci contribuant à son tour à l’apparition<br />

de l’hypertension [6]. L’expansion volémique<br />

est un facteur essentiel dans la genèse et le<br />

maintien de l’hypertension chez les patients en DP.<br />

Cela est évident lorsque la FRR est réduite ou nulle.<br />

Chez certains patients, cela est dû à une perméabilité<br />

capillaire accrue de la membrane péritonéale.<br />

Chez ces sujets chez qui le transport liquidien est<br />

élevé, le taux de survie est médiocre, malgré une<br />

bonne clearance de l’urée et de la créatinine [7].<br />

Plusieurs étu<strong>des</strong> ont examiné l’état volémique <strong>des</strong><br />

patients en DP. Dans une première étude [8], nous<br />

179<br />

avons analysé les données hémodynamiques <strong>des</strong><br />

patients en DPCA bénéficiant d’une transplantation<br />

rénale. De façon surprenante, la pression artérielle<br />

pulmonaire (PAP) avait augmenté (moyenne<br />

de 21,1 ± 7,4 mm de Hg) de > 25 mm de Hg et de ><br />

30 mm de Hg) chez 36 % et 14,6 % <strong>des</strong> patients en<br />

DPCA respectivement. La PAP initiale était plus élevée<br />

(21 ± 7,4 mm de Hg) dans le groupe de patients<br />

en DPCA que dans le groupe de patients en HD<br />

(16,3 ± 7,6 mm de Hg). Faller et collaborateurs ont<br />

également étudié la relation existant entre la mesure<br />

du volume plasmatique et la pression artérielle<br />

chez 25 patients stables en DPCA 1 an après le début<br />

de la DP et ont suivi la même cohorte durant la<br />

4 e et la 5 e année. Le volume plasmatique a diminué<br />

de plus de 10 % chez la majorité <strong>des</strong> patients durant<br />

la première année ainsi que la pression artérielle.<br />

Par opposition, durant la 4 e et la 5 e année, le<br />

volume plasmatique a augmenté de plus de 10 %<br />

de paire avec une augmentation de la pression artérielle<br />

[9]. En outre de ces mesures hémo-dynamiques,<br />

d’autres groupes ont effectué une évaluation<br />

hormonale de la volémie. Enia et ses collaborateurs<br />

ont mesuré les taux de peptide natriurétique<br />

auriculaire et divers paramètres échocardiographiques<br />

pour évaluer la volémie chez<br />

51 patients en DPCA et 201 patients en hémodialyse<br />

(HD). Les taux plasmatiques de peptide natriurétique<br />

auriculaire et le volume de l’oreillette gauche<br />

étaient significativement plus élevés chez les patients<br />

en DPCA. 86 % <strong>des</strong> patients en DPCA présentaient<br />

une HVG comparativement à 62 % <strong>des</strong> patients<br />

en HD [4]. Il ressort de ces étu<strong>des</strong> analysées<br />

qu’un nombre important de patients traités en DP<br />

présentent <strong>des</strong> signes cliniques de surcharge volémique<br />

et qu’une population encore plus importante<br />

peut souffrir d’une expansion volémique subclinique<br />

qu’il est difficile de détecter. Il est donc très<br />

important de rechercher attentivement <strong>des</strong> signes<br />

cliniques d’une légère expansion volémique<br />

lorsqu’on examine les patients en DP antérieurement<br />

normotendus présentant une hypertension<br />

d’apparition nouvelle ou une aggravation de leur<br />

pression artérielle.<br />

Enfin, il a été montré que l’élimination liquidienne<br />

et sodique est non seulement associée à une meilleure<br />

maîtrise de la pression artérielle mais qu’elle<br />

est également corrélée à une meilleure survie. Ates<br />

et collaborateurs ont analysé 125 patients en DP (116<br />

en DPCA et 9 en DPA) sur un suivi de 3 ans [10]. Les<br />

patients ont été classés selon l’élimination totale du


sodium : groupe 1 avec élimination totale du sodium<br />

inférieure à 25 % (< 130 mmol/24h/1,73 m 2 ), le<br />

groupe 2 avec élimination totale du sodium entre<br />

25 et 50 % (131 à 180 mmol/24h/1,73 m 2 ), le groupe<br />

3 avec élimination totale du sodium entre 50 et<br />

75 % (181 à 232 mmol/24h/1,73 m 2 ) et le groupe 4<br />

avec élimination totale du sodium (> 232<br />

mmol/24h/1,73 m 2 ). Les taux de survie à 3 ans<br />

étaient significativement différents (59,3 % dans le<br />

groupe 1, 73,1 % dans le groupe 2, 88,9 % dans le<br />

groupe 3, et 96,1 % dans le groupe 4, p > 0,01). De<br />

même, les patients ont été classés en 4 groupes selon<br />

l’élimination liquidienne. Les taux de survie à<br />

3 ans étaient également significativement différents<br />

parmi ces groupes (groupe 1 : 61,5 %, groupe<br />

2 : 71,4 %, groupe 3 : 88 %, groupe 4 : 96,3 %,<br />

p < 0,01). En utilisant le modèle (Cox proportionnel<br />

hazard), ils ont estimé qu’un taux d’élimination totale<br />

de sodium de 10 mmol/24h/1,73 m 2 plus élevé<br />

et un taux d’élimination liquidienne totale de 100 ml/<br />

24h/1,73 m 2 plus élevé étaient associés à une diminution<br />

de 10 % du risque relatif de décès. Une<br />

étude européenne (EPOES STUDY) [11] confirme<br />

ces résultats. Celle-ci montre en effet, chez <strong>des</strong> patients<br />

pris en charge en dialyse péritonéale automatisée<br />

(DPA) que la survie <strong>des</strong> patients à 2 ans était<br />

supérieure dans le groupe de patients ayant une ultrafiltration<br />

(UF) supérieure à 750 ml par 24 h que<br />

dans le groupe de patients ayant une UF < à 750 ml<br />

par 24 h. Ces observations ont donc <strong>des</strong> implications<br />

très importantes pour les patients pris en<br />

charge en DP à long terme.<br />

Alternativement, le lien entre la perte de la FRR et<br />

l’aggravation de l’HVG peut être expliqué en partie<br />

par une anémie sévère avec perte de production<br />

de l’érythropoïetine, une hypoalbuminémie sévère<br />

et une pression artérielle pulsée élevée [12].<br />

Anémie<br />

Des étu<strong>des</strong> épidémiologiques ont montré que l’anémie<br />

chez le dialysé était un facteur de risque d’insuffisance<br />

cardiaque et de mortalité cardiovasculaire<br />

[13]. Chaque diminution du taux d’hémoglobine de<br />

1g/dl augmente de 42 % le risque de dilatation du<br />

VG et de 28 % le risque d’insuffisance cardiaque. Plusieurs<br />

investigateurs ont montré que la correction<br />

partielle de l’anémie entraînait une réduction de<br />

l’élévation de la masse ventriculaire gauche et améliorait<br />

la tolérance hémodynamique [13]. Cependant,<br />

le seuil de correction de l’anémie est encore dé-<br />

Chapitre 14 - Vignettes<br />

180<br />

battu. Deux essais cliniques récents, l’étude CREATE<br />

et CHOIR, montrent que le choix d’une valeur cible<br />

élevée d’hémoglobine ne réduit pas la survenue<br />

d’évènements cardiovasculaires, voire est associée<br />

à une augmentation du risque d’insuffisance cardiaque<br />

congestive. Cependant, une valeur cible de<br />

11g/dl d’hémoglobine est recommandée.<br />

Hypoalbuminémie<br />

L’hypoalbuminémie est un facteur de risque puissant<br />

de morbi-mortalité et a été associée à une dilatation<br />

du ventricule gauche chez les patients dialysés<br />

[14]. Les mécanismes soutenant cette association<br />

n’est pas claire. Cela peut être un marqueur<br />

de dénutrition, de dialyse inadéquate, de déficit en<br />

vitamines ou d’un état inflammatoire chronique.<br />

Aujourd’hui, il n’y a pas d’évidence réelle quant à<br />

l’impact de la correction de ces différents facteurs<br />

sur la fonction cardiaque.<br />

Pression artérielle pulsée<br />

Si récemment il a été montré que la pression pulsée<br />

était associée à une mortalité élevée chez les<br />

patients en HD [15], en DP l’importance de la pression<br />

pulsée n’avait pas été étudiée. Fang et al. [16]<br />

ont examiné l’association entre la pression pulsée<br />

et la mortalité chez les patients pris en charge en<br />

DP. La moyenne de la pression pulsée dans une cohorte<br />

de 306 patients était de 56,8 ± 17,8 mm de<br />

Hg. L’âge et le diabète étaient <strong>des</strong> facteurs prédictifs<br />

significatifs de la pression pulsée (P < 00,1).<br />

Après ajustement avec le taux de pression artérielle<br />

systolique, le modèle d’analyse multivariée (cox<br />

proportionel hazard) montre une association directe<br />

et importante de la pression pulsée et le<br />

risque de décès. Chaque augmentation de 1 mm<br />

de Hg de pression pulsée est associée à une augmentation<br />

de 2,2 % de toute cause de décès et de<br />

4,1 % de risque de mortalité cardiovasculaire.<br />

Facteurs associés à la pression pulsée<br />

L’analyse univariée montre que la pression pulsée<br />

augmente avec l’âge. La pression pulsée augmente<br />

de 2,2 mm de Hg tous les 10 ans d’augmentation<br />

de l’âge (P < 0,001). La moyenne de la pression<br />

pulsée était plus élevée chez l’homme que chez la<br />

femme (58,8 ± 17,6 vs 54,5 ± 17,8 mm de Hg)<br />

(P < 0,001)). Chez le patient diabétique, la pression<br />

pulsée était plus élevée que chez le patient non


Cœur et dialyse péritonéale : facteurs de risque cardiovasculaire<br />

diabétique (62,5 ± 19,2 vs 53,3 ± 16 mm de Hg<br />

(p < 0,001)). Les patients avec antécédents de maladie<br />

cardiovasculaire et d’hypertension avaient<br />

une pression pulsée plus élevée que ceux sans pathologie<br />

cardiovasculaire (61,5 ± 19,3 vs 53,4 ±<br />

15,8 mm de Hg (p < 0,001)) et sans hypertension artérielle<br />

(57,8 + 17,8 vs 49,6 + 16 mm de Hg (p < 0,01)).<br />

La pression pulsée était plus élevée chez les patients<br />

avec HVG (61,2 ± 18,4 mm de Hg que chez<br />

ceux sans HVG (54,3 ± 17,3 mm de HG (p < 0,01)).<br />

L’index de masse ventriculaire gauche est associé<br />

à la pression pulsée. En effet, une augmentation de<br />

10g/m 2 de l’index de masse ventriculaire gauche<br />

est constatée pour chaque augmentation de<br />

0,7 mm de Hg. Enfin, la perméabilité membranaire<br />

péritonéale est également associée positivement à<br />

la pression pulsée. La pression pulsée augmente de<br />

2,6 mm de Hg pour chaque augmentation de<br />

0,1 du D/P créatinine (p < 0,05). La pression pulsée<br />

est donc reconnue comme un index prédicteur important<br />

de mortalité suggérant que l’un <strong>des</strong> buts<br />

de la thérapeutique antihypertensive est de réduire<br />

l’élévation de la pression pulsée.<br />

Fonction rénale résiduelle et inflammation<br />

L’inflammation joue un rôle majeur dans la physiopathologie<br />

et l’évolution de la maladie athéromateuse<br />

[16]. L’inflammation est considérée<br />

comme un facteur de risque non traditionnel de<br />

l’athérosclérose accélérée chez les patients dialysés.<br />

Wang et collaborateurs [18] montrent que<br />

30 % <strong>des</strong> patients en DP présentent une inflammation<br />

marquée par une augmentation de la protéine<br />

C réactive (PCR) qui est un facteur prédictif<br />

d’évènements coronariens dans la population générale.<br />

En DP, l’élévation de la PCR est un facteur de<br />

risque important de mortalité et de décès cardiovasculaires<br />

[18]. Le degré d’inflammation est aussi<br />

associé à la FRR. Le mécanisme exact de cette association<br />

n’est pas clair. La perte de la FRR a été<br />

suggérée comme une augmentation possible de la<br />

réponse inflammatoire par augmentation du stress<br />

oxydatif, une réponse qui peut entraîner une production<br />

accrue de monocytes et de cytokines. D’un<br />

autre côté, l’inflammation est aussi liée à la rigidité<br />

artérielle, l’HVG, et le dysfonctionnement systolique<br />

et diastolique chez les patients en DP. L’association<br />

entre la perte de la FRR, l’inflammation et<br />

l’activation endothéliale joue probablement un rôle<br />

central d’augmentation de la mortalité et <strong>des</strong> évènements<br />

cardiovasculaires [19].<br />

181<br />

Fonction rénale résiduelle, métabolisme<br />

phosphocalcique et calcifications vasculaires<br />

L’hyperphosphorémie joue un rôle majeur dans<br />

l’apparition de calcifications cardiovasculaires.<br />

Chaque augmentation de 10 mg/l de la phosphorémie<br />

augmente le risque relatif de décès de 6 %.<br />

30 % <strong>des</strong> patients prévalant en DP présentent <strong>des</strong><br />

calcifications de la valve cardiaque. Wang et collaborateurs<br />

[20] observent une relation inverse très<br />

forte entre le taux résiduel de la filtration glomérulaire<br />

et le contrôle de la phosphorémie même<br />

quand le taux moyen résiduel de la filtration glomérulaire<br />

est en-deçà de 2 ml/mm/1,73 m 2 . Parmi les<br />

patients avec préservation de la FRR, le taux résiduel<br />

de filtration glomérulaire apparaît après l’apport<br />

diététique en protéine comme le déterminant<br />

le plus important du contrôle de la phosphorémie.<br />

En dehors du diabète et de l’association importante<br />

avec le produit phosphocalcique (CaP), les calcifications<br />

de la valve cardiaque sont étroitement<br />

liées à l’inflammation et à la dénutrition chez les patients<br />

en DP. En effet, les patients avec calcifications<br />

cardiovasculaires présentent un taux sérique de<br />

CRP élevé et une hypoalbuminémie comparativement<br />

à ceux sans calcifications cardiovasculaires.<br />

Une étude récente [21] montre que le taux sérique<br />

de fetuin-A est inversement associé aux calcifications<br />

vasculaires indépendamment de la CRP et du<br />

produit Ca x P. En outre, le taux sérique de fetuin-<br />

A est prédictif de mortalité et de décès cardiovasculaires<br />

chez les patients en DP. Cependant, aucune<br />

association n’a été observée entre la FRR et<br />

le taux sérique de fetuin-A [21] suggérant que l’augmentation<br />

<strong>des</strong> calcifications vasculaires chez les<br />

patients anuriques en DP par déplétion du fetuin-<br />

A circulant est peu probable. Aussi, les calcifications<br />

vasculaires ont été récemment identifiées<br />

comme un marqueur d’athérosclérose et un prédicteur<br />

important de mortalité et de décès cardiovasculaires<br />

chez les patients en DP [22].<br />

Recommandations<br />

Un examen actif et régulier <strong>des</strong> différents facteurs<br />

de risque chez les patients insuffisants rénaux chroniques,<br />

afin de mettre en place <strong>des</strong> stratégies thérapeutiques<br />

adaptées, est primordial. Une attention<br />

toute particulière doit être portée sur l’amélioration<br />

du contrôle du métabolisme phosphocalcique<br />

comprenant une dialyse adéquate, une éducation<br />

sur la restriction diététique en phosphore,


<strong>des</strong> visites diététiques régulières et encourager<br />

l’utilisation de chélateurs de phosphore sans calcium.<br />

Il faut également préserver la FRR autant<br />

que faire ce peut, en évitant si possible l’utilisation<br />

de drogues néphrotoxiques. L’utilisation d’agents<br />

néphroprotecteurs tels que les inhibiteurs de l’enzyme<br />

de conversion (IEC) ou <strong>des</strong> antagonistes récepteurs<br />

de l’angiotensine doivent être évalués.<br />

L’utilisation de solutés de DP biocompatibles peut<br />

aussi ralentir le déclin de la FRR. En termes d’inflammation,<br />

un besoin urgent est nécessaire pour évaluer<br />

l’efficacité <strong>des</strong> drogues aux propriétés anti-inflammatoires<br />

telles que les statines, glitazones ou<br />

les IEC dans la réduction <strong>des</strong> maladies artérielles coronariennes<br />

et <strong>des</strong> calcifications cardiovasculaires<br />

afin de diminuer la mortalité cardiovasculaire chez<br />

les patients en DP. La haute prévalence de l’HVG associée<br />

à <strong>des</strong> calcifications vasculaires indique l’importance<br />

de l’échocardiographie en routine chez<br />

tous les patients dialysés. Enfin, si l’expansion volémique<br />

et l’absence de maîtrise de la pression artérielle<br />

sont très fréquentes chez les patients insuffisants<br />

rénaux chroniques en DP, de nouvelles<br />

stratégies thérapeutiques doivent être envisagées<br />

à long terme pour optimiser l’UF, et en particulier<br />

l’élimination du sodium permettant de mieux<br />

contrôler la volémie en particulier chez les patients<br />

anuriques : le polymère du glucose (Icodextrine),<br />

une solution à concentration réduite en sodium<br />

(120 à 126 mmol/L) [23], et surtout tout récemment<br />

l’utilisation de la solution bimodale privilégiant à la<br />

fois le pouvoir osmotique de type cristalloide (le<br />

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Chapitre 14 - Vignettes<br />

182<br />

glucose) au pouvoir osmotique de type colloide<br />

(l’Icodextrine) [24].<br />

Conclusion<br />

En DP, parmi les patients dialysés, on observe une<br />

très grande prévalence de dilatation et d’HVG associée<br />

à un dysfonctionnement systolique. La perte<br />

de la FRR et l’hyperphosphorémie sont identifiées<br />

comme d’importants facteurs de risque associées<br />

à l’HVG chez les patients en DPCA. Une prévalence<br />

élevée d’insuffisance cardiaque congestive est également<br />

observée chez ce groupe de patients. Elle<br />

est particulièrement élevée chez les patients diabétiques.<br />

Elle est également importante parmi les patients<br />

ayant un transport péritonéal élevé, une anémie<br />

sévère et une hypoalbuminémie. Une caractéristique<br />

importante est la haute prévalence de<br />

calcifications vasculaires comme prédicteur de mortalité<br />

chez les patients en DPCA mais aussi comme<br />

marqueur d’athérosclérose rapportée à l’inflammation<br />

et au produit phosphocalcique. Mise à part<br />

une évaluation précoce <strong>des</strong> différents facteurs de<br />

risque et <strong>des</strong> complications cardiovasculaires traditionnels<br />

et non traditionnels, <strong>des</strong> stratégies thérapeutiques<br />

plus nombreuses doivent être ciblées<br />

pour venir à bout de telles maladies cardiovasculaires.<br />

Ces stratégies doivent inclure une meilleure<br />

préservation de la FRR, un meilleur contrôle de la<br />

volémie, du métabolisme phosphocalcique, une<br />

diminution de l’inflammation et une réduction <strong>des</strong><br />

calcifications.<br />

3. Takeda K, Nakamoto M, Hirakata H et al. Disadvantage<br />

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APD patients. A prospective multicenter study. Perit<br />

Dial Int 2009;29:432-42.


Chapitre 14 - Vignettes<br />

Epidémiologie <strong>des</strong> complications métaboliques<br />

dans la maladie rénale chronique<br />

B. Stengel1, 2 , M. Froissart1, 3, 4<br />

1. Inserm Unité 780, Villejuif<br />

2. Université Paris-Sud, Faculté de Médecine, IFR69, Villejuif<br />

3. AP-HP, Hôpital Européen Georges Pompidou, Service de Physiologie, Paris<br />

4. Université Paris Descartes, Faculté de Médecine, Paris<br />

Les complications métaboliques de l’insuffisance<br />

rénale, soit l’anémie, les désordres du métabolisme<br />

minéral, l’acidose métabolique et les troubles électrolytiques,<br />

sont bien connues chez le patient dialysé.<br />

L’adoption internationale de la définition et du<br />

système de classification de la maladie rénale chronique<br />

(MRC) <strong>des</strong> KDOQI de la National Kidney Foundation<br />

[1] a permis, depuis 2002, un développement<br />

considérable de l’épidémiologie et la<br />

prévalence <strong>des</strong> complications de la MRC, le moment<br />

de leur apparition et leurs déterminants<br />

sont mieux cernés grâce à plusieurs larges étu<strong>des</strong><br />

cliniques ou en population [2-8]. Les données de<br />

prévalence doivent, cependant, être interprétées<br />

en tenant compte <strong>des</strong> seuils <strong>des</strong> paramètres biologiques<br />

retenus pour définir les valeurs anormales et<br />

de la nature de la population étudiée : patients<br />

suivis en néphrologie {2}, population ciblée à risque<br />

rénal élevé [6-8], ou population générale [3-5]. En<br />

effet, pour un même niveau de débit de filtration<br />

glomérulaire (DFG), celles-ci sont systématiquement<br />

plus élevées dans les cohortes de patients<br />

qu’en population, les premiers étant par nature sélectionnés<br />

sur la sévérité <strong>des</strong> lésions rénales et l’expression<br />

de la maladie. Si l’anémie et les troubles<br />

du métabolisme minéral sont relativement bien<br />

documentés, les autres désordres métaboliques le<br />

sont beaucoup moins.<br />

184<br />

Prévalence de l’anémie et facteurs associés<br />

L’anémie a longtemps été considérée comme une<br />

complication tardive de la MRC (sta<strong>des</strong> 4-5), mais<br />

les données actuelles tendent à montrer qu’elle<br />

peut survenir très précocément. De façon attendue,<br />

les prévalences estimées varient considérablement<br />

selon que les étu<strong>des</strong> utilisent le seuil<br />

d’hémoglobine 2007 de Kidney Disease Outcome<br />

Quality Initiative (KDOQI) : < 11 g/dL ou ceux de l’Organisation<br />

Mondiale de la Santé (OMS), par sexe :<br />


Epidémiologie <strong>des</strong> complications métaboliques de la maladie rénale chronique<br />

Figure - Prévalence <strong>des</strong> complications métaboliques selon le niveau de<br />

DFG dans la cohorte NephroTest.<br />

Hyperparathyroïdie définie par une PTH > 60 pg/ml ou un traitement par<br />

vitamine D active ; anémie-KDOQI définie par une Hb 1,38 mmol/L ou<br />

un traitement chélateur (adapté de Moranne et al. {2}).<br />

(NHANES III), pour un DFG de 60 à 90 ml/min/<br />

1.73 m 2 , où elle n’est que de 5 % chez les hommes<br />

et 6 % chez les femmes, mais elle atteint 69 % et<br />

82 %, respectivement, pour un DFG à 15 ml/min/<br />

1.73 m 2 [3]. Avec le critère <strong>des</strong> KDOQI, cette prévalence<br />

n’est plus que de 5 % au stade 2 dans NephroTest<br />

et de 1 % dans NHANES [5], et atteint<br />

40 % environ pour un DFG < 30 ml/min/1.73 m 2<br />

dans ces deux étu<strong>des</strong>.<br />

Parmi les déterminants de l’anémie, être originaire<br />

d’Afrique noire est un facteur de risque constant<br />

dans les étu<strong>des</strong>. Dans NHANES III, la concentration<br />

d’hémoglobine pour un DFG ≥ 60 ml/min/1.73 m 2<br />

est en moyenne de 13,4 vs 14,4 g/dL chez les américains<br />

d’origine africaine comparés à ceux d’origine<br />

européenne, et l’écart se creuse pour un DFG < 60 :<br />

12,4 vs 13,7 g/dL, respectivement [9]. Dans KEEP, le<br />

risque d’observer une anémie aux seuils OMS est<br />

multiplié par trois chez les premiers par rapport aux<br />

seconds [7], et en France, dans NéphroTest, il l’est<br />

par deux chez les patients d’origine africaine par<br />

rapport aux autres [2]. Le diabète est également un<br />

déterminant bien établi d’anémie dans la MRC,<br />

dont il accroît le risque de 70% dans la population à<br />

185<br />

risque de KEEP [7]. De même, les<br />

participants de NéphroTest avec<br />

une néphropathie diabétique sont<br />

deux fois plus nombreux que les<br />

autres à avoir une anémie au seuil<br />

KDOQI [2]. L’obésité (≥ 30 kg/m 2 )<br />

[2] et la consommation de tabac<br />

[7] ont été liés à un moindre risque<br />

d’anémie, mais ces relations nécessitent<br />

d’être confirmées. Enfin,<br />

les femmes apparaissent à plus<br />

haut risque que les hommes<br />

lorsque l’anémie est définie<br />

indépendamment du sexe, mais<br />

ce désavantage tend à s’atténuer<br />

en utilisant un seuil par sexe.<br />

L’anémie associée à l’insuffisance<br />

rénale chronique est la conséquence<br />

de plusieurs facteurs intriqués,<br />

dont notamment le défaut<br />

de synthèse d’érythropoïétine, le<br />

syndrome inflammation/malnutrition<br />

et l’augmentation de l’hépcidine,<br />

mais leur implication relative<br />

aux sta<strong>des</strong> précoces de la<br />

MRC reste mal connue.<br />

Prévalence et facteurs associés aux<br />

désordres du métabolisme minéral<br />

Comme l’anémie, la précocité de l’hyperparathyroïdie<br />

secondaire dans la MRC est de découverte<br />

récente. Des prévalences élevées, supérieures<br />

à 15 %, ont été observées dès le stade 2 dans NephroTest<br />

[2] (Figure) comme dans la population de<br />

patients non sélectionnés de la Study for the Evaluation<br />

of Early Kidney disease (SEEK) [6], avec <strong>des</strong><br />

valeurs seuils d’hormone parathyroïdienne (PTH)<br />

très proches, > 65 et 60 pg/mL, respectivement.<br />

Dans ces deux étu<strong>des</strong>, la prévalence augmente<br />

fortement avec la baisse du DFG pour atteindre<br />

plus de 80 % en <strong>des</strong>sous de 20 mL/min/1.73 m 2 . En<br />

revanche, l’hyperphosphatémie (>1.38 mmol/L [2],<br />

> 1.48 mmol/L [6], ou > 1.6 mmol/L [5]) n’est apparente<br />

que plus tardivement, pas avant que le DFG<br />

ne <strong>des</strong>cende en <strong>des</strong>sous de 40 mL/min/1.73 m 2 . Cependant,<br />

une augmentation minime de la phosphatémie,<br />

de l’ordre de 0,03 mmol/l, a été observée<br />

en population générale pour chaque baisse de la<br />

clairance de la créatinine de 10 mL/min/1.73 m 2 en<br />

<strong>des</strong>sous de 80. De la même façon, la prévalence de


l’hypocalcémie semble très tardive et limitée [5,<br />

6], tout en remarquant que le manque de fiabilité<br />

de son évaluation à partir du calcium total corrigé<br />

ou non par l’albumine a récemment été souligné<br />

[10].<br />

Plusieurs facteurs tendent à accroître le risque d’hyperparathyroïdie<br />

secondaire. Les patients d’origine<br />

africaine auraient plus de deux fois plus de risque<br />

que les autres [2, 8], mais l’absence de valeurs de<br />

réference selon l’origine ethnique rend discutable le<br />

diagnostic d’hyperparathyroïdie sur le même critère<br />

dans cette population. Les hommes auraient également<br />

un risque accru de l’ordre de 30 à 40 % par<br />

rapport aux femmes [2, 8]. L’obésité (> 30 kg/m 2 ) a<br />

été associée à un accroissement de 50 à 75 % du<br />

risque dans quelques étu<strong>des</strong>, apparaissant indépendamment<br />

<strong>des</strong> autres facteurs de risque [2, 8].<br />

Le risque d’hyperphosphatémie, est plus élevé<br />

chez les patients plus jeunes, le risque étant multiplié<br />

par 4 chez les moins de 65 ans par rapport aux<br />

plus de 65 ans. Une <strong>des</strong> explications invoquées serait<br />

l’apport protidique, plus élevé chez les plus<br />

jeunes concourant à <strong>des</strong> apports plus importants<br />

de phosphate. Cette hypothèse est étayée par le niveau<br />

plus élevé de l’excrétion uréique urinaire chez<br />

les moins de 65 ans [2]. En plus de la phosphatémie,<br />

la prévalence <strong>des</strong> anomalies du calcitriol et du<br />

FGF-23, facteurs associés à l’étiopathogénie de l’hyperparathyroïdie<br />

secondaire, a été quelque peu<br />

précisée chez les patients : dans l’étude transversale<br />

SEEK, la concentration médiane de la forme active<br />

de la vitamine D apparaît décliner progressivement<br />

avec la fonction rénale, et ce, dès 60-69 mL/<br />

min/1.73 m 2 [6]. Cette évolution est très probablement<br />

en lien avec la montée du FGF-23 dont l’augmentation<br />

suit une courbe exponentielle pour les<br />

DFG inférieurs à 60 mL/min/1.73 m 2 [11].<br />

Prévalence et facteurs associés à l’acidose<br />

métabolique et à l’hyperkaliémie<br />

Il y a peu de données épidémiologiques sur l’acidose<br />

métabolique et les troubles électrolytiques<br />

dans la MRC avant le stade terminal [4, 12]. La prévalence<br />

de l’acidose, définie par une concentration<br />

de CO 2 total < 22 mmol/L, variait de 1,3 à 2,3 %<br />

pour les classes de DFG supérieures à 30 mL/<br />

min/1.73 m 2 dans la population générale améri-<br />

Chapitre 14 - Vignettes<br />

186<br />

caine de NHANES III, et augmentait à 19 % pour un<br />

DFG < 30 mL/min/1.73 m 2 [4]. Dans la série <strong>des</strong> patients<br />

de NephroTest, elle était inférieure à 3 % au<br />

<strong>des</strong>sus de 60 mL/min/1.73 m 2 et augmentait de 10 à<br />

40% lorsque le DFG diminuait de 50-59 à < 20 mL/<br />

min/1.73 m 2 (Figure). Dans cette étude, l’acidose<br />

métabolique était plus fréquente chez les patients<br />

les plus jeunes comparés aux plus âgés, peut-être,<br />

comme pour l’hyperphosphatémie, en raison d’un<br />

apport protéique plus élevé [13]. Les patients avec<br />

une néphropathie tubulo-interstitielle étaient également<br />

à risque plus élevé. La prévalence de l’hyperkaliémie,<br />

définie par un potasium plasmatique<br />

> 5 mmol/L ou un traitement hypokaliémiant, était<br />

très comparable à celle de l’acidose à chaque niveau<br />

de DFG (Figure). Les hommes avaient un<br />

risque deux fois plus élevé que les femmes, et les<br />

patients traités par inhibiteurs du système rénineangiotensine<br />

un risque plus que triplé par rapport<br />

aux non traités. En population générale, la kaliémie<br />

augmentait de façon minime, mais significative<br />

avec la baise du DFG en <strong>des</strong>sous de 60 mL/min/<br />

1.73 m 2 , sans effet apparent <strong>des</strong> inhibiteurs du système<br />

rénine-angiotensine [12].<br />

En conclusion, les complications métaboliques<br />

sont fréquentes dans la MRC avant le stade terminal,<br />

mais si les anomalies endocriniennes peuvent<br />

survenir très précocément, dès les sta<strong>des</strong> 1-2, les<br />

anomalies minérales sont plus tardives, rarement<br />

avant que le DFG soit inférieur à 40 ml/min/<br />

1.73 m 2 , ceci au dépends de mécanismes de régulation<br />

précocément modifiés. Certaines personnes<br />

sont plus à risque de complications, notamment<br />

celles d’origine africaine (anémie, hyperparathyroïdie<br />

secondaire), avec un diabète (anémie), une<br />

HTA (hyperparathyroïdie) ou traitées par inhibiteurs<br />

du système rénine angiotensine (hyperkaliémie),<br />

les hommes (hyperkaliémie) et les plus jeunes (acidose<br />

métabolique, hyperphosphatémie). Un dépistage<br />

précoce de ces complications doit donc en<br />

priorité cibler ces sujets à risque. Cependant, si les<br />

étu<strong>des</strong> épidémiologiques sont de plus en plus<br />

nombreuses à montrer <strong>des</strong> associations fortes entre<br />

plusieurs de ces complications et un excès de<br />

mortalité globale ou cardiovasculaire [14], les essais<br />

thérapeutiques positifs manquent encore pour apporter<br />

la preuve du bénéfice d’une correction précoce<br />

de ces anomalies.


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factor-23 mitigates hyperphosphatemia but accentuates<br />

calcitriol deficiency in chronic kidney disease. J<br />

Am Soc Nephrol 2005 Jul;16(7):2205-2215.<br />

12. Hsu CY, Chertow GM. Elevations of serum phosphorus<br />

and potassium in mild to moderate chronic renal<br />

insufficiency. Nephrol Dial Transplant 2002 Aug;<br />

17(8):1419-1425.<br />

13. Gennari FJ, Hood VL, Greene T, Wang X, Levey AS.<br />

Effect of dietary protein intake on serum total CO2<br />

concentration in chronic kidney disease: Modification<br />

of Diet in Renal Disease study findings. Clin J Am Soc<br />

Nephrol 2006 Jan;1(1):52-57.<br />

14. Hagstrom E, Hellman P, Larsson TE et al. Plasma<br />

parathyroid hormone and the risk of cardiovascular<br />

mortality in the community. Circulation 2009 Jun<br />

2;119(21):2765-2771.


Chapitre 14 - Vignettes<br />

Comparaisons <strong>des</strong> données <strong>des</strong> registres :<br />

exemple de la durée et fréquence de dialyse<br />

Cécile Couchoud<br />

au nom du groupe de travail européen QUEST<br />

Registre REIN, Agence de la Biomédecine, Saint-Denis-La Plaine<br />

Le projet QUEST<br />

L’objectif du projet QUality European STudies<br />

(QUEST) est de promouvoir la mise au point de<br />

bases de données pour permettre aux néphrologues<br />

de se situer, selon certains critères, d’une<br />

part par rapport aux autres pays européens et,<br />

d’autre part, par rapport aux cibles <strong>des</strong> recommandations<br />

européennes (European Best Practice<br />

Guidelines - EBPG) [1]. Ces comparaisons devraient<br />

permettre à terme l’amélioration de la prise en<br />

charge <strong>des</strong> patients par la mise en place de programmes<br />

d’amélioration de la qualité.<br />

L’étude<br />

La dose optimale de dialyse pour un patient et, en<br />

particulier, l’utilisation de la clairance de l’urée exprimée<br />

par le Kt/v est toujours un sujet de controverse<br />

[2, 3]. Les EBPG recommandent que « même si les<br />

cibles d’adéquation sont atteintes, un minimum<br />

de 4 heures 3 fois par semaine est souhaitable (niveau<br />

d’évidence B) » [4].<br />

L’objectif de cette étude était de partir <strong>des</strong> données<br />

de registres européens pour décrire les différentes<br />

pratiques européennes en termes de dose<br />

d’hémodialyse (HD) au regard <strong>des</strong> recommandations<br />

européennes EBPG et également d’étudier<br />

les facteurs associés à une prescription de<br />

moins de 12 heures hebdomadaires d’HD [5].<br />

Méthode<br />

Les 38 registres de traitement de suppléance de l’in-<br />

188<br />

suffisance rénale chronique, couvrant 29 pays européens,<br />

ont été sollicités pour participer à cette étude<br />

observationnelle sur la dose d’HD <strong>des</strong> patients de<br />

plus de 15 ans en HD au 31 décembre 2005.<br />

Les variables d’intérêt étaient la durée hebdomadaire<br />

d’HD, le nombre de séances d’HD et la dernière<br />

mesure de Kt/V. Les variables d’ajustement<br />

étaient l’âge, le sexe, la date du 1 er traitement de<br />

suppléance, le poids sec, la taille, la modalité et la<br />

technique d’HD, le statut diabétique et l’accès vasculaire.<br />

Les facteurs associés à la probabilité de recevoir<br />

moins de 12 heures d’HD par semaine ont<br />

été étudiés par une régression logistique.<br />

Résultats<br />

Sept registres européens ont été en mesure<br />

de fournir les données demandées : Autriche, Belgique<br />

francophone, Macédoine, Finlande, France,<br />

Norvège et Slovénie. Au total, 26 136 patients en<br />

HD au 31 décembre 2005 ont été inclus. L’âge médian<br />

de ces patients était de 68 ans (extrêmes : 15 à<br />

99 ans), 60 % étaient <strong>des</strong> hommes, 50 % étaient<br />

traités depuis au moins 3 ans. Plus de 90 % <strong>des</strong> patients<br />

avaient 3 séances par semaine dans tous les<br />

pays sauf la Norvège où 21 % avaient moins de<br />

3 séances. La dialyse quotidienne définie par au<br />

moins 5 séances par semaine ne concernait que<br />

0,6 % <strong>des</strong> patients. La durée médiane d’une séance<br />

d’HD était de 4 heures (extrêmes 1 à 12 heures),<br />

avec cependant de gran<strong>des</strong> différences entres les<br />

pays : 21 % <strong>des</strong> patients belges francophones<br />

étaient traités par une dialyse courte (≤ 3 heures)<br />

alors que 2,6 % <strong>des</strong> patients finlandais étaient trai-


Comparaisons <strong>des</strong> données <strong>des</strong> registres : exemple de la durée et fréquence de dialyse<br />

tés par une dialyse longue (≥ 6 heures). La variable<br />

Kt/v n’a pu être analysée en raison du nombre important<br />

de données manquantes (100 % dans 3 registres<br />

et 62 % dans les 4 autres registres). 83 % <strong>des</strong><br />

patients recevaient au moins 12 heures par semaine<br />

d’HD. L’analyse multivariée a montré d’importantes<br />

différences entre les pays non expliquées<br />

189<br />

par les caractéristiques <strong>des</strong> patients prises en<br />

compte (Tableau 1).<br />

Discussion<br />

Cette étude montre que dans ces 7 pays européens,<br />

83 % <strong>des</strong> patients reçoivent au moins<br />

% de patients<br />

avec moins de OR ajusté IC 95 %<br />

12 heures / semaine<br />

Pays<br />

Autriche 18,4 1,4 [1,3 - 1,6]<br />

Belgique francophone 50,7 6,3 [5,3 - 7,4]<br />

Macédoine 4,0 0,4 [0,2 - 0,9]<br />

France 11,3 1<br />

Finlande 13,9 0,8 [0,6 - 0,9]<br />

Norvège 31,0 2,5 [2,1 - 3,0]<br />

Âge (années)*<br />

15-19 8,0 0,6 [0,2 - 1,8]<br />

20-44 8,9 1<br />

45-64 11,2 1,4 [1,2 - 1,7]<br />

65-74 15,6 2,1 [1,7 - 2,5]<br />

Plus de 75 25,7 3,6 [3,0 - 4,4]<br />

Sexe<br />

Femmes 21,1 1,8 [1,6 - 1,9]<br />

Hommes 13,7 1<br />

IMC (kg/m 2 )*<br />

30 11,8 0,5 [0,5 - 0,6]<br />

Diabète<br />

Non 17,1 1,0<br />

Oui 15,4 0,8 [0,8 - 0,9]<br />

Délai depuis le 1 er traitement<br />

de suppléance*<br />

< 1 an 22,1 1,7 [1,5 - 2]<br />

1-2 ans 17,3 1,2 [1 - 1,5]<br />

2-3 ans 16,6 1,1 [0,9 - 1,4]<br />

3-5 ans 15,2 1<br />

5-10 ans 9,9 0,7 [0,5 - 0,8 ]<br />

10-20 ans 8,9 0,7 [0,5 - 0,9]<br />

> 20 ans 8,1 0,6 [0,4 - 0,8]<br />

*p < 0,0001 pour test de tendance linéaire<br />

Tableau 1: Caractéristiques <strong>des</strong> patients associées à la probabilité de recevoir moins de 12 heures d’HD<br />

par semaine


12 heures d’HD par semaine comme recommandé<br />

par les EBPG. Elle montre cependant une grande<br />

variabilité de la dose hebdomadaire d’HD entre les<br />

pays et quelques différences de pratiques au regard<br />

<strong>des</strong> recommandations actuelles dans certains<br />

sous-groupes de patients. Nos résultats sont comparables<br />

avec d’autres étu<strong>des</strong> qui ont montré que<br />

les personnes âgées, les femmes, les patients avec<br />

un IMC bas et sans diabète ont une probabilité<br />

plus élevée de recevoir de plus faibles doses de dialyse<br />

[6-8]. Pourtant, certaines étu<strong>des</strong> suggèrent de<br />

ne pas baisser les doses chez ces patients [9-11]. Les<br />

patients recevant moins de 12 heures d’HD par semaine<br />

sont ceux ayant le plus souvent débuté leur<br />

traitement de suppléance depuis moins d’un an, ce<br />

qui suggère que les néphrologues ont peut-être volontairement<br />

adopté une stratégie de démarrage<br />

progressif pour ces patients, mais cela ne pourra<br />

être confirmé que sur une étude longitudinale de<br />

patients incidents. La comparaison entre pays doit<br />

également être prudente en l’absence de données<br />

sur la fonction rénale résiduelle.<br />

Les résultats de cette étude ne peuvent être extrapolés<br />

aux autres pays européens non participants<br />

Références<br />

1. Jager K, Zoccali C. Quality European Studies (QUEST) –<br />

a step forward in the quality of RRT care. Nephrol Dial<br />

Transpl 2005;20:2005-2006.<br />

2. Locatelli F, Manzoni C. Duration of dialysis sessions –<br />

was Hegel right ? Nephrol Dial Transplant 1999;14:<br />

560-563.<br />

3. Locatelli F, Buoncristiani, Canaud B, Köhler H,<br />

Petitclerc Th, Zuccheli P. Dialysis dose and frequency.<br />

Nephrol Dial Transpl 2005;20:285-296.<br />

4. European Best Practice Guidelines Expert Group on<br />

HD. Nephrol Dial Transpl 2002;17(Suppl 7):S16-S31.<br />

5. Couchoud C, Kooman J, Finne P, Leivestad T, Stojceva-<br />

Taneva O, Ponikvar JB, Collart F, Kramar R, de Francisco A,<br />

Jager KJ; on behalf of the QUEST working group on dialysis<br />

adequacy. From registry data collection to international<br />

comparisons: examples of haemodialysis duration and<br />

frequency. Nephrol Dial Transplant 2009;24:217-24.<br />

6. Hanson J, Hulbert-Shearon T, Ojo A, Port K, Wolfe R,<br />

Agodoa L, Daugirdas J. Prescripton of twice-weekly<br />

hemodialysis in the USA. Am J Nephrol 1999;19:625-633.<br />

7. Saran R, Bragg-Gresham J, Levin N et al. Longer<br />

treatment time and slower ultrafiltration in<br />

hemodialysis: associations with reduced mortality in<br />

the DOPPS. Kidney Int 2006;69:1222-1228.<br />

Chapitre 14 - Vignettes<br />

190<br />

mais suggèrent cependant une grande variabilité<br />

de pratiques en Europe. Notre étude montre la difficulté<br />

d’obtenir et de comparer les valeurs de Kt/V<br />

dans ces registres. Alors que cet indicateur est couramment<br />

utilisé en recherche clinique, il ne semble<br />

pas être recueilli de façon routinière dans les registres.<br />

Est-ce lié à une faible utilisation de cet indicateur<br />

en routine ou aux difficultés de standardiser sa<br />

mesure [12] ?<br />

Conclusion<br />

Les données issues de registres sont le reflet <strong>des</strong><br />

pratiques courantes, hors protocole de recherche<br />

clinique et permettent de suivre l’implémentation<br />

<strong>des</strong> recommandations, mais n’ont pas le niveau de<br />

preuve d’une étude clinique pour mesurer l’impact<br />

de ces recommandations. Elles permettent cependant<br />

aux néphrologues de comparer leurs données<br />

et de se situer par rapport aux recommandations<br />

et également de mettre en place et de<br />

suivre <strong>des</strong> procédures d’amélioration de la qualité<br />

<strong>des</strong> soins.<br />

8. Marshall M, Byrne B, Kerr P, McDonald S.<br />

9.<br />

Associations of hemodialysis dose and session<br />

length with mortality risk in Australian and New<br />

Zealand patients. Kidney Int 2006;69:1229-1236.<br />

Depner T, Daugirdas J, Greene T et al. Dialysis dose<br />

and the effect of sex and body size on outcome in<br />

the HEMO study. Kidney Int 2004;65:1386-1394.<br />

10. Lowrie E, Zhensheng L, Ofsthun N, Lazarus M. Body<br />

size, dialysis dose and death risk relationships<br />

among hemodialysis patients. Kidney Int 2002;62:<br />

1891-1897.<br />

11. Port F, Ashby V, Dhingra R. dialysis dose and body<br />

mass index are strongly associated with survival in<br />

hemodialysis patients. J Am Soc Nephrol 2002;<br />

13:1061-1<br />

12. Couchoud C, Jager KJ, Tomson Ch, Cabanne JF, Collart<br />

F, Finne P, de Francisco A, Frimat L, Garneata L,<br />

Leivestad T, Lemaitre V, Limido A, Ots M, Resic H,<br />

Stojceva-Taneva O, Kooman J. On behalf of the<br />

QUEST working group on dialysis adequacy.<br />

Assessment of urea removal in haemodialysis, and<br />

the impact of the European Best Practice Guidelines.<br />

Nephrol Dial Transplant 2009;24:1267-74.


Nouvelles recommandations dans le traitement <strong>des</strong> bactériémies à germes Gram positif en hémodialyse<br />

Nouvelles recommandations dans le<br />

traitement <strong>des</strong> bactériémies à germes Gram<br />

positif en hémodialyse<br />

Laura Labriola*<br />

Service de Néphrologie, Cliniques Universitaires Saint-Luc, Université Catholique de Louvain,<br />

Bruxelles, Belgique<br />

Introduction<br />

Le sepsis est la deuxième cause de mortalité en<br />

dialyse, juste après les maladies cardiovasculaires :<br />

il est responsable de 12-36 % <strong>des</strong> décès dans cette<br />

population [1]. La mortalité liée au sepsis chez les<br />

patients dialysés est 100-300 fois plus élevée que<br />

dans la population générale [2]. Parmi les facteurs<br />

de risque d’infection chez les patients en dialyse<br />

qui ont été identifiés, le type d’accès vasculaire est<br />

le plus important : les fistules AV natives sont associées<br />

à un risque d’infection moins important<br />

que les fistules prothétiques (RR 1,47), et nettement<br />

inférieur aux cathéters tunnellisés (RR 8,49) et<br />

non tunnellisés (RR 9,87) [3]. La pluspart <strong>des</strong> bactériémies<br />

chez les patients hémodialysés sont provoquées<br />

par <strong>des</strong> germes Gram positif, dont Staphylococcus<br />

aureus est le représentant le plus<br />

fréquent, quel que soit le type d’accès vasculaire.<br />

Plus d’un tiers <strong>des</strong> cas, selon les différentes séries,<br />

sont provoqués par cette bactérie, dont les complications<br />

métastatiques, le taux de récidive et la<br />

mortalité sont très élevés. L’apparition de souches<br />

résistantes à la méthicilline a conduit à l’utilisation<br />

croissante de vancomycine et d’antibiotiques antistaphylococciques<br />

nouveaux. Les nouveaux aspects<br />

dans le traitement <strong>des</strong> bactériémies à Gram<br />

positif en hémodialyse comprennent essentiellement<br />

la gestion <strong>des</strong> bactériémies liées au cathéter<br />

de dialyse tunnellisé et le traitement antibiotique<br />

proprement dit.<br />

* Correspondance : laura.labriola@uclouvain.be<br />

191<br />

Prise en charge <strong>des</strong> bactériémies à Gram<br />

positif en hémodialyse<br />

L’Infectious Diseases Society of America (IDSA) a récemment<br />

publié dans le journal Clinical Infectious<br />

Diseases une actualisation <strong>des</strong> guidelines pour le<br />

diagnostic et le traitement <strong>des</strong> infections intravasculaires<br />

liées aux cathéters [4]. Même si la plus<br />

grande partie de ce texte fait référence aux cathéters<br />

en général, une section est consacrée aux cathéters<br />

d’hémodialyse. Ces recommandations viennent<br />

d’être revues et adaptées à la situation<br />

européenne par l’European Renal Best Practice,<br />

dépendante de l’European Renal Association -European<br />

Dialysis and Transplantation Association (ERA-<br />

EDTA), et seront prochainement publiées. Les recommandations<br />

de l’IDSA se concentrent sur le<br />

diagnostic et le traitement <strong>des</strong> bactériémies liées<br />

aux cathéters (BLC), mais elles ne couvrent pas l’aspect<br />

préventif.<br />

1- Diagnostic de BLC<br />

Pour poser le diagnostic définitif de BLC dans la population<br />

générale il faut, en principe, <strong>des</strong> hémocultures<br />

positives au même germe, prélevées simultanément<br />

par le cathéter et une veine périphérique,<br />

avec un gradient du nombre de colonies cinq fois<br />

supérieur dans le sang prélevé par le cathéter par<br />

rapport à celui de la veine périphérique, chez un patient<br />

symptomatique sans source alternative d’infection.<br />

Cependant, chez les patients en dialyse, les


veines périphériques sont rares, et il faut souvent<br />

les préserver pour <strong>des</strong> accès vasculaires futurs. En<br />

plus, si la fièvre apparaît après l’initiation de la<br />

séance de dialyse par le cathéter, lorsque le sang<br />

circule par le cathéter, on peut imaginer qu’il n’y a<br />

pas de différence significative entre les résultats<br />

<strong>des</strong> cultures du sang prélevé dans le circuit de dialyse<br />

et celui prélevé par une veine périphérique. La<br />

culture du sang d’une veine périphérique devient<br />

ainsi redondante.<br />

2 - Que faire avec le cathéter tunnellisé ?<br />

Le retrait du cathéter tunnellisé est recommandé vivement<br />

dans les situations suivantes :<br />

• Complications sévères : signes de gravité du sepsis<br />

(instabilité hémodynamique), infection métastatique<br />

(endocardite, arthrite), thrombophlébite<br />

suppurée.<br />

• BLC avec tunnellite concomitante.<br />

• Persistance <strong>des</strong> hémocultures positives ou de la<br />

fièvre malgré 48-72 heures de traitement antibiotique<br />

intraveineux adéquat.<br />

• Hémocultures positives à <strong>des</strong> germes difficiles à<br />

éradiquer : S. aureus, P. aeruginosa, germes multirésistants,<br />

fungi.<br />

• Repositivation <strong>des</strong> hémocultures une semaine<br />

après la fin du traitement antibiotique intraveineux<br />

adéquat.<br />

Un cathéter temporaire sera posé sur un autre site,<br />

en attendant la disparition de la fièvre et la négativation<br />

<strong>des</strong> hémocultures avant de mettre un nouveau<br />

cathéter tunnellisé. Une alternative, si le patient<br />

devient afébrile dans les 2-3 jours de<br />

traitement intraveineux, est de remplacer le cathéter<br />

tunnellisé par transcathétérisation. Ceci permet<br />

d’épargner les sites d’accès vasculaires. Des étu<strong>des</strong><br />

rétrospectives ont montré un taux de guérison avec<br />

le remplacement du cathéter par transcathétérisation<br />

similaire à celui du remplacement délayé [5].<br />

La stratégie à adopter devra tenir compte du fait<br />

que chez les patients hémodialysés les sites alternatifs<br />

pour <strong>des</strong> accès vasculaires peuvent être très<br />

limités.<br />

3 - Les verrous antibiotiques dans le traitement<br />

<strong>des</strong> BLC<br />

Dans tous les autres cas, la sauvegarde du cathéter<br />

tunnellisé peut être envisagée. Cette stratégie, as-<br />

Chapitre 14 - Vignettes<br />

192<br />

sociée à <strong>des</strong> antibiotiques intraveineux seuls, ne<br />

permet la guérison de l’infection que chez 32-37 %<br />

<strong>des</strong> cas [6]. Dans la plupart <strong>des</strong> cas, les essais de<br />

sauvegarde du cathéter sont associés ainsi à la récidive<br />

de la bactériémie à l’arrêt <strong>des</strong> antibiotiques.<br />

Ceci est dû à la persistance du biofilm bactérien sur<br />

la surface interne du cathéter. C’est pour ceci que<br />

l’IDSA recommande l’adjonction d’un verrou antibiotique<br />

à la fin de chaque séance d’hémodialyse<br />

pendant toute la durée du traitement antibiotique<br />

intraveineux. Avec cette approche, le taux de succès<br />

de la sauvegarde du cathéter en cas de S. aureus<br />

est bas (40 %) [7] et donc elle doit être envisagé<br />

seulement dans <strong>des</strong> cas problématiques<br />

(absence d’autre accès vasculaire), comme indiqué<br />

plus haut. Le taux de succès pour S. epidermidis<br />

est environ 75 %, et plus élevé pour les Gram négatif<br />

(87 %). Ces différences épidémiologiques<br />

peuvent donc influencer fortement le taux de succès<br />

<strong>des</strong> protocoles avec <strong>des</strong> verrous antibiotiques.<br />

Choix, dose et durée <strong>des</strong> antibiotiques<br />

intraveineux<br />

Le régime antibiotique empirique optimal en cas<br />

de suspicion de BLC doit tenir compte de l’épidémiologie<br />

locale (prévalence de MRSA dans le pays<br />

et l’unité de dialyse) et de facteurs liés au patient<br />

(portage de MRSA, hospitalisation dans <strong>des</strong> unités<br />

à risque comme les USI). Il doit inclure dans tout les<br />

cas une couverture anti-staphylococcique (céfazoline<br />

ou vancomycine selon la prévalence de MRSA),<br />

associée éventuellement à une couverture anti-<br />

Gram négatif (céphalosporine de 3 e génération ou<br />

éventuellement aminosi<strong>des</strong>). Il faut préférer les antibiotiques<br />

avec un profil pharmacocinétique permettant<br />

leur administration après chaque séance<br />

de dialyse seulement. Le schéma empirique sera<br />

adapté en fonction de l’antibiogramme : en particulier<br />

la vancomycine sera remplacée par la céfazoline<br />

en cas de S. aureus sensible à la méthicilline. La<br />

durée du traitement antibiotique devra être de<br />

3 semaines, en l’absence de complications.<br />

Lorsque la MIC pour la vancomycine excède<br />

2 mcg/ml, d’autres alternatives doivent être envisagées,<br />

comme la tygécycline, la daptomycine (pas<br />

encore disponible en Europe) ou le linézolide.


Nouvelles recommandations dans le traitement <strong>des</strong> bactériémies à germes Gram positif en hémodialyse<br />

Antibiotiques intraveineux<br />

dose effets secondaires<br />

céfazoline 20 mg/kg après chaque séance hypersensibilité, leucopénie,<br />

thrombopénie, neurotoxicité<br />

vancomycine dose de charge : 20 mg/kg infusée ototoxicité, réactions cutanées,<br />

pendant la dernière heure thrombopénie immune, neutropénie<br />

de la dialyse après : 500 mg hépatotoxicité, intolérance en cas<br />

(cible plasmatique = 15-20 mcg/ml) perfusion trop rapide<br />

ceftazidime 1 g après chaque séance hypersensibilité, diarrhée, vomissements<br />

neurotoxicité<br />

gentamycine 1 mg/kg après la séance ; ototoxicité, néphrotoxicité<br />

ne pas dépasser 100 mg<br />

linézolide 600 mg 2x/j ; toxicité cumulative anémie/thrombopénie centrales,<br />

après 2 semaines d’usage<br />

Antibiotiques intraveineux<br />

acidose lactique, neurotoxicité<br />

périphérique/optique, r. cutanées<br />

dose effets secondaires<br />

tigécycline 50 mg 2x/j vomissements, diminution de la<br />

clairance de la warfarine<br />

daptomycine 4 mg/kg 1 jour sur 2 céphalées, diarrhée, myotoxicité<br />

Références<br />

1. Nassar GM, Ayus JC. Infectious complications of the<br />

hemodialysis access. Kidney Int 2001;60:1-13.<br />

2. Laupland KB, Gregson DB, Hawley CM et al. Severe<br />

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Crit Care Med 2004;32:992-997.<br />

3. Taylor G, Gravel D, Johnston L et al. Incidence of<br />

bloodstream infection in multicenter inception cohorts<br />

of hemodialysis patients. Am J Infect Control<br />

4.<br />

2004;32:155-160.<br />

Mermel LA, Allon M, Bouza E et al. Clinical practice<br />

guidelines for the diagnosis and management of<br />

intravascular catheter-related infection: 2009 update<br />

by the Infectious Diseases Society of America. Clin<br />

Infect Dis 2009;49:1-45.<br />

193<br />

5. Tanriover B, Carlton D, Saddekni S et al. Bacteremia<br />

associated with tunneled dialysis catheters: comparison<br />

of two treatment strategies.<br />

6. Marr KA, Sexton DJ, Conlon PJ et al. Catheter-related<br />

bacteremia and outcome of attempted catheter<br />

salvage in patients undergoing hemodialysis. Ann<br />

Intern Med 1997;127:275-280.<br />

7. Poole CV, Carlton D, Bimbo L et al. Treatment of<br />

catheter-related bacteremia with an antibiotic lock<br />

protocol: effect of bacterial pathogen. Nephrol Dial<br />

Transplant 2004;19:1237-1244.


Chapitre 14 - Vignettes<br />

Perte d’albumine en hemodiafiltration en<br />

ligne<br />

Caroline Créput et Thierry Petitclerc<br />

AURA, Paris<br />

Les techniques d’hémodialyse (HD) sont en<br />

constante évolution afin de diminuer la morbidité<br />

liée à la dialyse et d’améliorer la qualité de vie <strong>des</strong><br />

patients. L’hémodiafiltration (HDF) avec production<br />

"en ligne" du liquide de substitution apparaît actuellement<br />

comme la meilleure option thérapeutique<br />

[1]. Les nouvelles membranes de haute<br />

perméabilité utilisées pour cette technique ont <strong>des</strong><br />

performances exceptionnelles en terme d’extraction<br />

de la b2m, mais compte tenu de la maîtrise imparfaite<br />

<strong>des</strong> nanotechnologies (en termes de régularité<br />

de la taille <strong>des</strong> pores), les pertes d’albumine<br />

augmentent avec l’épuration de la b2m. Pour le<br />

moment, aucun consensus ne définit le taux de<br />

perte d’albumine maximum acceptable en HDF<br />

[2].<br />

L’étude, encore en cours actuellement, que nous<br />

avons mise en place et dont nous rapportons ici les<br />

résultats préliminaires, a pour but d’évaluer le retentissement<br />

de la perte d’albumine en HDF "en<br />

ligne" sur l’état clinique du patient et sur les paramètres<br />

biologiques de nutrition. Nous avons également<br />

tenté d’apprécier l’épuration de l’homocystéine<br />

prise comme traceur <strong>des</strong> molécules<br />

liées à l’albumine [3].<br />

Patients et Métho<strong>des</strong><br />

Il s’agit d’une étude prospective randomisée<br />

monocentrique. Dix-sept patients âgés de<br />

plus de 18 ans, hémodialysés 3 fois par semaine<br />

depuis 7 ans en moyenne et débutant<br />

un traitement par HDF en ligne ont été<br />

inclus dans l’étude. Ont été exclus les pa-<br />

194<br />

tients ayant une espérance de vie estimée à moins<br />

de 6 mois, aux antécédents d’atteinte hépatique<br />

ou présentant une néoplasie, ainsi que les femmes<br />

enceintes et les patients avec une CRP supérieure<br />

à 10 mg/L ou une albuminémie inférieure à 38 g/L<br />

en moyenne sur les 6 derniers mois.<br />

Les patients ont été randomisés par tirage au sort<br />

en trois groupes selon le type de dialyseur initialement<br />

utilisé (groupe 1 : patients débutant l’étude<br />

avec un dialyseur à faible perte d’albumine ; groupe<br />

2 : patients débutant l’étude avec un dialyseur à<br />

perte intermédiaire d’albumine ; groupe 3 : patients<br />

débutant l’étude avec un dialyseur à forte perte<br />

d’albumine). Les caractéristiques <strong>des</strong> patients ne<br />

diffèrent pas significativement (p > 0.05) suivant les<br />

groupes (tableau I).<br />

L’étude est conduite en "cross over" avec changement<br />

de dialyseur au quatrième mois. Au bout de<br />

4 mois, les patients <strong>des</strong> groupes 1 et 2 ont été switchés<br />

sur le dialyseur à forte perte d’albumine tandis<br />

que les patients du groupe 3 ont été switchés sur le<br />

Groupe 1 Groupe 2 Groupe 3<br />

Nombre 5 6 6 ns<br />

Age 55,4 55,6 53,5 ns<br />

Sexe (M/F) 5/0 5/1 6/0 ns<br />

Durée en HD (ans) 7,4 7,3 8,6 ns<br />

Tableau I : caractéristiques <strong>des</strong> patients


dialyseur à faible perte d’albumine. La perte d’albumine<br />

par séance est estimée tous les deux mois<br />

chez tous les patients à partir du recueil continu<br />

pendant la séance d’un échantillon représentatif du<br />

dialysat.<br />

Les paramètres nutritionnels sont mesurés au début<br />

et à la fin de chaque période, ce qui permet<br />

d’apprécier le retentissement clinique (indice de<br />

masse corporelle, paramètres recueillis par impédancemétrie<br />

à l’aide du moniteur de composition<br />

corporelle BCM <strong>des</strong> Laboratoires<br />

Fresenius) et biologique (albuminémie, préalbumine,<br />

nPCR, cholestérolémie) de la perte<br />

d’albumine. La surveillance de l’albuminémie<br />

est effectuée de façon plus rapprochée<br />

(hebdomadaire) afin de dépister rapidement<br />

les patients hypoalbuminémiques et<br />

tout patient dont l’albuminémie devenait<br />

inférieure à 30 g/L était sorti de l’étude. Le<br />

dosage de l’homocystéine est effectué tous<br />

les 4 mois. Des sérothèques sont effectuées<br />

après consentement écrit <strong>des</strong> patients afin<br />

de pouvoir éventuellement doser ultérieurement<br />

les molécules liées aux protéines.<br />

Les séances d’HDF en ligne sont effectuées<br />

en mode post-dilution sur les générateurs Formulatherapy<br />

(Laboratoire Bellco) et 5008 (Laboratoires<br />

Fresenius). Le débit total de dialysat (débit dans le<br />

dialyseur + débit de réinjection) est fixé à 800 mL/<br />

min et le débit sanguin dans le dialyseur compris<br />

entre 350 et 400 mL/min.<br />

Résultats<br />

Cette étude est actuellement encore en<br />

cours et nous rapportons ici les résultats<br />

préliminaires obtenus à la fin de la première<br />

période de quatre mois. Onze patients sont<br />

sortis de l’étude : 7 patients en raison de<br />

l’apparition d’une hypo-albuminémie inférieure<br />

à 30 g/L (survenue uniquement pendant<br />

la phase de traitement avec le dialyseur<br />

à forte perte d’albumine), 2 patients en<br />

raison d’une transplantation rénale, 1 patient<br />

en raison de son départ vers un autre<br />

centre et 1 patient qui a changé de modalité<br />

de traitement.<br />

Perte d’albumine en hemodiafiltration en ligne<br />

195<br />

Les séances de dialyse ont été regroupées en 3 séries<br />

: la série 1 regroupe les dialyses effectuées<br />

avec le dialyseur à faible perte d’albumine, la série<br />

2 celles effectuées avec le dialyseur à perte intermédiaire,<br />

la série 3 celles effectuées avec le dialyseur<br />

à forte perte d’albumine. Les paramètres de séance<br />

(durée de la séance, débit sanguin dans le dialyseur,<br />

volume total de dialysat ré-infusé et index<br />

Kt/V) ne sont pas significativement différents entre<br />

les séries (tableau II).<br />

Série 1 Série 2 Série 3<br />

Qs (ml/mn) 387 388 396 ns<br />

Temps (mn) 238 238 237 ns<br />

Vol Inf (l) 23.2 19.9 21.6 ns<br />

Kt/V 1,8 ± 0.27 1,8 ± 0.14 1,7 ± 0.19 ns<br />

Perte d’albumine 1,34 ± 0,47 5,9 ± 4,0 19,6 ± 7,6 p


Avec le dialyseur à forte perte d’albumine, l’albuminémie<br />

<strong>des</strong> patients a chuté significativement<br />

alors qu’elle est restée stable avec les dialyseurs à<br />

perte faible ou modérée d’albumine.<br />

Le tableau III montre l’évolution <strong>des</strong> paramètres cliniques<br />

de l’état nutritionnel. Quel que soit le dialyseur<br />

utilisé, il n’y a eu de variation significative ni du<br />

poids, ni du pourcentage de masse maigre (LTM) ni<br />

du pourcentage de masse grasse (FAT). Par contre,<br />

l’index de masse corporelle (BMI) a augmenté dans<br />

les groupes dialysés avec le dialyseur à perte d’albumine<br />

faible ou modérée, ainsi que cela est attendu<br />

lorsque le patient passe de l’hémodialyse<br />

conventionnelle à l’hémodiafiltration [4], mais il a<br />

diminué dans le groupe dialysé avec le dialyseur à<br />

perte d’albumine élevée.<br />

Chapitre 14 - Vignettes<br />

196<br />

Le tableau IV montre l’évolution <strong>des</strong> paramètres<br />

biologiques de l’état nutritionnel. Quel que soit le<br />

dialyseur utilisé, il n’y a eu aucune variation significative<br />

(p > 0,1) <strong>des</strong> différents paramètres (b2m, cholestérol,<br />

nPCR, homocystéine), hormis une diminution<br />

juste significative de la pré-albumine dans le<br />

groupe dialysé avec le dialyseur à perte modérée<br />

d’albumine.<br />

Les molécules liées à l’albumine sont les plus difficiles<br />

à épurer quelle que soit la technique utilisée<br />

[5]. Nous avons pris comme référence l’homocystéine<br />

plasmatique qui est liée à 75 % à l’albumine.<br />

Le taux d’homocystéine baisse nettement, mais<br />

cependant de façon non significative, dans le<br />

groupe dialysé avec le dialyseur à forte perte d’albumine.<br />

Série 1 p Série 2 p Série 3 p<br />

T0 T4mois T0 T4mois T0 T4mois<br />

BMI 23,9 24,9 0,003 25,3 25,9 0,05 25,7 25,3 ns<br />

D BMI +1,07 0,01 (vs3) +0,63 0,06 (vs3) -0,38<br />

Poids (kg) 66,2 67,7 ns 69,1 69,6 ns 74,4 4,1 ns<br />

D poids (kg) +1,5 ns +0,5 ns -0,3 ns<br />

LTM (%) 64,2 59,4 ns 57,7 66,4 ns 60,4 62 ns<br />

D LTM (kg) +3,0 ns -7,2 ns -1,9 ns<br />

FAT (%) 24,9 28,1 ns 28,7 22,2 ns 26,2 25,1 ns<br />

D FAT (kg) -3,6 ns +4,5 ns +2,2 ns<br />

Tableau III : Evolution <strong>des</strong> paramètres cliniques<br />

Série 1 p Série 2 p Série 3 p<br />

T0 T4mois T0 T4mois T0 T4mois<br />

b2m (mg/l) 29,6±13 24,4±7 ns 26,8±7,7 23,8±8 ns 29,1±8 31,3±3 ns<br />

Cholestérol 4,2±1,6 4,5±1,4 ns 4,2±1,0 4,1±0,88 ns 4,4±1,2 4,8±1,4 ns<br />

(mmol/L)<br />

Pré-albumine (g/l) 0,32±0,05 0,31±0,04 ns 0,38±0,1 0,34±0,1 0,04 0,36±0,07 0,34±0,04 ns<br />

nPCR (g/kg) 1,17±0,43 0,95±0,35 ns 0,97±0,15 0,90±0,13 ns 1,02±0,17 0,89±0,17 ns<br />

Homocystéine 24,6±5 23±7 ns 20,7±3,5 21,3±4 ns 23,6±8 18,7±10 ns<br />

(µmol/l)<br />

Tableau IV : Evolution <strong>des</strong> paramètres biologiques


Conclusion<br />

Les résultats préliminaires de cette étude semblent<br />

mettre en évidence un retentissement important à<br />

court terme d’une forte perte d’albumine (de l’ordre<br />

de 20 g / séance) sur l’albuminémie. Bien qu’il n’y<br />

ait pas, sur une durée de 4 mois, d’effets délétères<br />

sur les paramètres nutritionnels autres que l’albuminémie,<br />

il paraît prudent de ne pas utiliser en hémodiafiltration<br />

un dialyseur présentant une perte de<br />

Références<br />

1. Canaud B, Chenine L, Henriet D, Leray H. Online<br />

hemodiafiltration: a multipurpose therapy for<br />

2.<br />

improving quality of renal replacement therapy.<br />

Contrib Nephrol 2008;161:191-8.<br />

Krieter DH, Canaud B. High permeability of dialysis<br />

membranes: what is the limit of albumin loss? Nephrol<br />

Dial Transplant 2003;18:651-4.<br />

3. Vanholder R, De Smet R et al. Review on uremic<br />

toxins: classification, concentration, and interindividual<br />

variability. Kidney Int 2003;63:1934-43.<br />

Perte d’albumine en hemodiafiltration en ligne<br />

197<br />

cet ordre. Par contre, une perte d’albumine de l’ordre<br />

de 5 g par séance sur une durée de 4 mois n’a<br />

pas de retentissement sur l’albuminémie, suggérant<br />

une augmentation de la synthèse permettant<br />

de compenser la perte. En augmentant l’épuration<br />

de l’homocystéine et donc <strong>des</strong> toxines urémiques<br />

liées à l’albumine, la perte d’albumine, si elle reste<br />

modérée et compensée par une augmentation de<br />

la synthèse, pourrait présenter un effet bénéfique<br />

pour le patient, mais ce point reste à démontrer.<br />

4. Savica V, Ciolino F et al. Nutritional status in<br />

hemodialysis patients: options for on-line convective<br />

treatment. Kidney Int 2006;16:237-40.<br />

5. Krieter DH, Hackl A et al. Protein-bound uraemic toxin<br />

removal in haemodialysis and post-dilution haemodiafiltration.<br />

Nephrol Dial Transplan 2009 Sept;[Epub<br />

ahead of print].


Chapitre 14 - Vignettes<br />

Apports <strong>des</strong> tests de quantification de<br />

libération de l’interféron gamma dans le<br />

diagnostic de la tuberculose chez les<br />

patients insuffisants rénaux chroniques<br />

Jérôme Tourret<br />

Service de Néphrologie. Groupe Hospitalier Pitié-Salpêtrière<br />

Introduction<br />

La tuberculose est la maladie infectieuse bactérienne<br />

la plus mortelle au monde. En 2009, l’OMS<br />

l’estimait responsable de deux millions de morts et<br />

de huit millions de nouveaux cas dans le monde.<br />

Les objectifs de santé publique vis-à-vis de l’infection<br />

tuberculeuse sont différents selon que l’on se<br />

situe en zone de forte endémie (le plus souvent<br />

dans les pays de moindre développement sanitaire)<br />

ou au contraire de faible endémie (dans les<br />

pays comportant <strong>des</strong> structures sanitaires efficaces).<br />

Dans le premier cas, la priorité est de détecter<br />

et de traiter efficacement les cas de maladie tuberculeuse<br />

clinique. Le diagnostic est assez souvent<br />

facile sur un faisceau d’arguments cliniques, radiologiques<br />

et bactériologiques. En revanche, dans<br />

un pays de faible endémie, il est important de pouvoir<br />

détecter les cas d’infection tuberculeuse latente<br />

(ITL). Des nouveaux tests basés sur la libération<br />

d’interféron gamma (IFNg) par <strong>des</strong> lymphocytes<br />

sensibilisés par Mycobacterium tuberculosis<br />

ont été développés afin de tenter d’identifier ces<br />

patients.<br />

Discussion<br />

Principales étapes de l’évolution naturelle de<br />

la tuberculose<br />

Après un contage tuberculeux, une réponse immunitaire<br />

se met en place. Elle est initiée par les<br />

macrophages alvéolaires pulmonaires qui migrent<br />

dans les ganglions lymphatiques et présentent les<br />

antigènes de M. tuberculosis aux lymphocytes T4.<br />

198<br />

L’activation de ces derniers est responsable d’une<br />

réponse de type Th1 dont les principales cytokines<br />

sécrétées sont l’IFNg, le TNFa et l’interleukine 2.<br />

Celle-ci permet le plus souvent de contrôler l’infection<br />

mais pas toujours d’éradiquer totalement le bacille<br />

de l’organisme qui peut survivre à l’état quiescent<br />

dans les macrophages. On parle alors d’infection<br />

tuberculeuse latente (ITL). Environ 10 % <strong>des</strong> patients<br />

porteurs d’une ITL développent ensuite une<br />

maladie tuberculeuse. Le plus souvent celle-ci survient<br />

dans les deux premières années après le<br />

contage, mais elle peut parfois survenir bien plus<br />

tard. Des facteurs liés à l’état immunitaire de l’hôte<br />

ont été identifié comme favorisant ce passage de<br />

la latence à la maladie. Parmi ceux-ci on note l’infection<br />

par le VIH, le diabète, les traitements immunosuppresseurs<br />

(utilisés pour une greffe d’organe ou<br />

de moelle ou pour le traitement de maladies inflammatoires<br />

chroniques), les chimiothérapies anticancéreuses,<br />

le recours à l’épuration extra-rénale, le<br />

tabagisme, la dénutrition et les traitements par<br />

inhibiteur du TNFa.<br />

Finalement, il y a donc deux grands groupes de<br />

personnes à haut risque de maladie tuberculeuse :<br />

les personnes vivant en zone de forte endémie (à<br />

haut risque de contage) et les personnes immunodéprimées<br />

dans les zones de faible endémie (à<br />

haut risque de réactivation tuberculeuse). Dans les<br />

pays dont le développement sanitaire est élevé,<br />

c’est cette seconde catégorie de personne qu’il<br />

faut dépister et éventuellement traiter pour lutter<br />

contre la tuberculose.<br />

Le problème est alors que le diagnostic d’ITL est


Apports <strong>des</strong> tests de quantification de libération de l’interféron gamma dans le diagnostic de la tuberculose<br />

très difficile puisqu’il n’existe aucun moyen de prouver<br />

avec certitude la persistance de bacilles vivants<br />

dans l’organisme. Depuis plus d’un siècle, l’intradermo-réaction<br />

(IDR) à la tuberculine est un <strong>des</strong><br />

moyens d’identifier ces patients. Cependant, son<br />

manque de sensibilité et de spécificité, surtout<br />

dans les pays où la vaccination par le Bacille de Calmette<br />

et Guérin (BCG) a été largement utilisée en<br />

fait un outil très imparfait. Les tests de quantification<br />

de la libération de l’IFNg par les lymphocytes T<br />

sensibilisés (TIGRA pour T-cell Interferon-gamma<br />

release assays en anglais) ont été développés pour<br />

pallier ses défauts.<br />

Les tests de quantification de la libération<br />

d’interféron gamma par les lymphocytes T<br />

sensibilisés (TIGRA)<br />

Le séquençage du génome de M. tuberculosis a<br />

permis d’identifier <strong>des</strong> régions chromosomiques<br />

spécifiques absentes de la plupart <strong>des</strong> autres mycobactéries<br />

appelées régions de différences (RD1 à<br />

RD16). RD1 est une région chromosomique comportant<br />

<strong>des</strong> gènes codant pour <strong>des</strong> protéines sécrétées<br />

lors de la réplication in vitro et in vivo de M. tuberculosis.<br />

De façon très intéressante, <strong>des</strong> expériences<br />

sur <strong>des</strong> modèles expérimentaux ont montré<br />

que deux de ces protéines, ESAT-6 et CFP-10,<br />

sont sécrétées de façon corrélée à la virulence de<br />

la souche tuberculeuse et sont la cible <strong>des</strong> lymphocytes<br />

T CD4. Deux tests mesurant la sécrétion<br />

d’IFNg <strong>des</strong> lymphocytes T isolés de patients après<br />

stimulation in vitro par ESAT-6 et CFP-10 ont été développés.<br />

Il s’agit du QuantiFERON-TB Gold (QTF-G,<br />

commercialisé par la firme Cellestis, Victoria, Australie)<br />

[1] et du T-SPOT-TB (parfois aussi appelé ELIS-<br />

POT-TB, commercialisé par Oxford Immunotech,<br />

Oxford, GB) [2]. Dans les deux cas, les lymphocytes<br />

provenant d’un prélèvement sanguin sont incubés<br />

(après purification pour le TSPOT-TB et dans le sang<br />

total pour le QTF-G) à 37°C en contact <strong>des</strong> protéines<br />

immunogènes ESAT-6 et CFP-10. Dans le<br />

QTF-G, la production d’IFNg est ensuite dosée dans<br />

le surnageant. Dans le cas du TSPOT-TB, c’est le<br />

nombre de cellules T sécrétant de l’IFNg qui est<br />

compté (technique ELISPOT). Des contrôles internes<br />

positif et négatif sont réalisés en parallèle sur le<br />

même prélèvement sanguin. Le contrôle négatif<br />

est la production d’IFNg par les lymphocytes T du<br />

même prélèvement sans exposition aux antigènes<br />

de M. tuberculosis. Le contrôle positif est la production<br />

d’IFNg par les lymphocytes du patient après ex-<br />

199<br />

position à un mitogène. Des valeurs seuils ont été<br />

définies pour chacun <strong>des</strong> tests. Trois résultats sont<br />

possibles. Un test est positif lorsque la production<br />

d’IFNg dépasse une valeur seuil dans le tube où les<br />

lymphocytes ont été exposés aux antigènes mycobactériens.<br />

La positivité du test signe la présence<br />

de M. tuberculosis se répliquant dans l’organisme<br />

du patient testé. Comme ESAT6 et CFP-10 sont absents<br />

du BCG et de la plupart <strong>des</strong> mycobactéries<br />

non tuberculosis, le quantiféron est très spécifique<br />

de l’infection tuberculeuse. Seules les mycobactéries<br />

atypiques M. kansasii, M. marinum, M. szulgai,<br />

et M. flavescens peuvent donner <strong>des</strong> réactions<br />

croisées du fait qu’elles portent ces antigènes. Inversement,<br />

lorsque la production d’IFNg est inférieure<br />

à cette valeur seuil, le test est négatif. Enfin,<br />

le test peut être indéterminé lorsque la production<br />

d’INFg est basse aussi bien dans le test avec les antigènes<br />

mycobactériens qu’avec le mitogène. Ceci<br />

se produit en cas d’anergie <strong>des</strong> lymphocytes T résultant<br />

le plus souvent soit d’une maladie tuberculeuse<br />

grave soit d’une immunodépression.<br />

Sensibilité et spécificité <strong>des</strong> TIGRA chez les<br />

patients porteurs d’une maladie tuberculeuse<br />

Un <strong>des</strong> intérêts recherché <strong>des</strong> TIGRA est de permettre<br />

le diagnostic d’infection tuberculeuse latente.<br />

Cependant, comme cela a été dit plus haut, il<br />

n’existe aucun test de référence permettant de poser<br />

le diagnostic d’ITL avec certitude. Ces tests ont<br />

donc d’abord été étudiés chez les patients porteurs<br />

d’une maladie tuberculeuse et comparés à<br />

l’IDR à la tuberculine. En l’absence d’immunodépression,<br />

<strong>des</strong> méta-analyses récentes [3, 4] montrent<br />

que la sensibilité <strong>des</strong> différents TIGRA est très<br />

bonne : 70-80 % pour le QTF-G et jusqu’à 90 %<br />

pour le T-SPOT-TB. La valeur prédictive négative<br />

est aussi très bonne de sorte que les TIGRA sont<br />

probablement d’excellents moyens de diagnostiquer<br />

les patients infectés dans l’entourage d’un<br />

cas de tuberculose (intérêt en médecine du travail,<br />

par exemple). La spécificité <strong>des</strong> TIGRA est encore<br />

meilleure, supérieure à 95 % pour tous les<br />

tests chez les patients vaccinés par le BCG comme<br />

chez les patients non-vaccinés. Si l’IDR à la tuberculine<br />

chez ces mêmes patients présente une sensibilité<br />

comparable de 77 %, sa spécificité n’est élevée<br />

(97 %) que chez les patients non-vaccinés.<br />

Chez les patients vaccinés, la spécificité de l’IDR<br />

chute à 59 %.<br />

Il est à noter que la sensibilité <strong>des</strong> TIGRA est moins<br />

bonne dans les cas de maladie tuberculeuse extra-


pulmonaire (jusqu’à 43 % seulement dans les cas<br />

de tuberculose osseuse).<br />

Étu<strong>des</strong> chez les patients dialysés<br />

L’insuffisance rénale chronique (IRC) est responsable<br />

d’une immunodépression. Les patients hémodialysés<br />

sont à risque de maladie tuberculeuse<br />

et il serait intéressant de pouvoir dépister les cas<br />

d’ITL chez les patients hémodialysés afin de pouvoir<br />

leur proposer un traitement antituberculeux<br />

préventif. Quelques rares étu<strong>des</strong> ont comparé les<br />

TIGRA et l’IDR chez les patients hémodialysés. Dans<br />

l’une d’elles [5], cent patients d’un centre de dialyse<br />

américain où un cas de maladie tuberculeuse avait<br />

été diagnostiqué ont été testés par IDR, QTF-G et<br />

T-SPOT-TB. Il y avait une bonne corrélation entre les<br />

TIGRA et le contage avec le cas index. Au contraire,<br />

il n’y avait pas de différence dans le taux d’IDR positives<br />

entre les patients en contact et les patients<br />

qui n’avaient pas été en contact avec le cas de tuberculose.<br />

Ceci permettait donc de conclure indirectement<br />

que l’immunosuppression <strong>des</strong> patients hémodialysé<br />

affectait moins les TIGRA que l’IDR. Dans<br />

une autre étude [6], 32 patients hémodialysés et 32<br />

patients sains appariés sur l’âge ont été testés par<br />

IDR, QTF-G et T-SPOT-TB. Les taux de positivités de<br />

ces trois tests étaient plus élevés chez les patients<br />

dialysés que chez les contrôles, mais la différence<br />

n’était significative que pour les TIGRA : de l’ordre de<br />

40 % vs. 12,5 % pour les TIGRA (p=0,01) et 62 % vs.<br />

Références<br />

1. Desem N, Jones SL. Development of a human<br />

gamma interferon enzyme immunoassay and<br />

2.<br />

comparison with tuberculin skin testing for detection<br />

of Mycobacterium tuberculosis infection. Clin Diagn<br />

Lab Immunol 1998;5:531-536.<br />

Lalvani A, Pathan AA, McShane H, Wilkinson RJ et<br />

al. Rapid detection of Mycobacterium tuberculosis<br />

infection by enumeration of antigen-specific T cells.<br />

Am J Respir Crit Care Med 2001;163:824-828.<br />

3. Mori T. Usefulness of interferon-gamma release<br />

assays for diagnosing TB infection and problems<br />

with these assays. J Infect Chemother 2009;15:143-<br />

155.<br />

Chapitre 14 - Vignettes<br />

200<br />

47 % pour l’IDR (p=0,23). Les TIGRA apparaissaient<br />

plus spécifiques pour détecter les cas d’ITL chez<br />

les patients dialysés que l’IDR.<br />

Aucune étude n’est disponible sur la sensibilité ni la<br />

spécificité <strong>des</strong> TIGRA chez les patients présentant<br />

une IRC mais n’étant pas hémodialysés.<br />

Enfin, la prévalence de l’IRC augmente avec l’âge.<br />

Il est donc utile de savoir que si le taux de positivité<br />

<strong>des</strong> TIGRA chez les patients tuberculeux de 60-69<br />

ans est supérieur à 95 %, il n’est que de 80 % pour<br />

les patients de plus de 80 ans [7].<br />

Conclusion<br />

Pour simplifier, les TIGRA peuvent être considérés<br />

comme <strong>des</strong> « IDR in vitro ». Ils offrent de plus <strong>des</strong><br />

avantages sur l’IDR : plus grande spécificité pour M.<br />

tuberculosis, pas de nécessité de revoir le patient à<br />

72 h pour une relecture, présence de contrôles internes<br />

positif et négatif et absence de subjectivité<br />

de la part de l’opérateur. Si la sensibilité et la spécificité<br />

<strong>des</strong> TIGRA sont très élevées chez les individus<br />

immunocompétents, elles diminuent chez les patients<br />

immunodéprimés tels que les patients hémodialysés<br />

mais elles restent plus élevées que celles<br />

de l’IDR. Certains auteurs proposent donc de substituer<br />

les TIGRA à toutes les indications de l’IDR, notamment<br />

pour la recherche d’une ITL.<br />

4. Pai M, Zwerling A, Menzies D. Systematic review: Tcell-based<br />

assays for the diagnosis of latent<br />

5.<br />

tuberculosis infection: an update. Ann Intern Med<br />

2008;149:177-184.<br />

Winthrop KL, Nyendak M, Calvet H, Oh P et al.<br />

Interferon-gamma release assays for diagnosing<br />

mycobacterium tuberculosis infection in renal dialysis<br />

patients. Clin J Am Soc Nephrol 2008;3:1357-1363.<br />

6. Lee SS, Chou KJ, Su IJ, Chen YS et al. High prevalence<br />

of latent tuberculosis infection in patients in endstage<br />

renal disease on hemodialysis: comparison of<br />

QuantiFERON-TB GOLD, ELISPOT, and tuberculin skin<br />

test. Infection 2009;37:96-102.


Apports <strong>des</strong> tests de quantification de libération de l’interféron gamma dans le diagnostic de la tuberculose<br />

7. Mori T, Sakatani M, Yamagishi F, Takashima T et al.<br />

Specific detection of tuberculosis infection: an<br />

interferon-gamma-based assay using new antigens.<br />

Am J Respir Crit Care Med 2004;170:59-64.<br />

8. Interferon gamma release assays for latent<br />

tuberculosis infection. An Advisory Committee<br />

Statement (ACS). Can Commun Dis Rep 2007;33:1-18.<br />

201<br />

9. Beauvillain C, Jeannin P, Renier G, Chevailler A.<br />

Apport <strong>des</strong> tests de quantification de la libération<br />

d'interféron gamma par les lymphocytes T<br />

sensibilisés pour le diagnostic <strong>des</strong> infections<br />

tuberculeuses. Revue francophone <strong>des</strong> laboratoires<br />

2009;410:33-41.<br />

Pour <strong>des</strong> revues générales sur les TIGRA, se reporter<br />

à 8, 9.


203<br />

Chapitre 15<br />

Séance AFUF<br />

<strong>SUN</strong>-J -<br />

Points de<br />

controverse<br />

en urologie


Chapitre 15 - Séance AFUF <strong>SUN</strong>-J - Points de controverse en urologie<br />

Quel traitement en cas d’échec d’une BSU<br />

pour IUE ?<br />

2 e BSU versus sphincter/ballons ACT ?<br />

Jean-François Hermieu, François Haab<br />

Paris<br />

Une analyse de la littérature fait apparaître un taux<br />

de succès <strong>des</strong> bandelettes sous-urétrales (BSU)<br />

compris entre 77 et 95 % pour la voie rétropubienne<br />

et entre 80 et 92 % pour la voie transobturatrice.<br />

Par simple déduction, le taux d’échec de ces techniques<br />

est compris entre 5 et 23 %. Si plusieurs dizaines<br />

de milliers de femmes sont opérées par<br />

cette technique, chaque opérateur doit être capable<br />

de gérer l’échec de cette intervention.<br />

L’échec peut provenir de la persistance ou de la récidive<br />

de l’incontinence urinaire d’effort féminine<br />

(IUEF) ou de l’apparition d’urgenturies avec ou sans<br />

fuites urinaires. La recherche <strong>des</strong> différentes causes<br />

possibles répond à un bilan systématique. Il ne<br />

faut pas répondre à cette situation par le réflexe facile<br />

de décider d’implanter une deuxième bandelette<br />

sans réflexion. C’est, au contraire, rendre plus<br />

difficile encore la prise en charge ultérieure.<br />

Le bilan clinique est fondamental (interrogatoire, calendrier<br />

mictionnel, recherche d’érosion ou de fistule,<br />

recherche de fuites à la poussée et à la toux et<br />

résultat <strong>des</strong> manœuvres de soutènement du<br />

col vésical et de l’urètre moyen, recherche de prolapsus<br />

génital, calibrage de l’urètre). Ce bilan sera<br />

complété par <strong>des</strong> examens complémentaires en<br />

fonction de chaque situation : bilan urodynamique,<br />

échographie introïtale, urétro-cystographie mictionnel,<br />

IRM, examen cyto-bactériologique <strong>des</strong><br />

urines, cystoscopie.<br />

La récidive d’une IUEF peut correspondre à plusieurs<br />

mécanismes :<br />

204<br />

• bandelette non efficace car mal positionnée (trop<br />

distale ou trop près du col vésical) ou insuffisamment<br />

tendue,<br />

• bandelette posée sur un urètre non mobile ou<br />

non compliant,<br />

• bandelette posée chez une patiente ayant<br />

une insuffisance sphinctérienne connue en alternative<br />

à d’autres solutions plus invasives<br />

(sphincter artificiel).<br />

La persistance d’une hypermobilité urétrale avec<br />

<strong>des</strong> manœuvres de soutènement de l’urètre positives<br />

est la seule situation où l’implantation d’une<br />

BSU itérative est indiquée, à condition que la vidange<br />

vésicale soit correcte.<br />

Un urètre fixé avec <strong>des</strong> manœuvres de soutènement<br />

de l’urètre négatives conduit à envisager<br />

un sphincter artificiel avec les précautions et<br />

informations d’usage. Des solutions moins invasives<br />

sont actuellement en cours d’évaluation.<br />

Les ballonnets Pro-ACT positionnés de chaque<br />

coté du col vésical et de l’urètre proximal, pouvant<br />

être plus ou moins gonflés en fonction de<br />

chaque situation clinique, semblent conduire à<br />

<strong>des</strong> résultats prometteurs sous réserve de séries<br />

publiées, encore peu nombreuses avec un recul<br />

insuffisant.<br />

L’échec sous la forme de fuites par urgenturie<br />

concerne environ 5 % <strong>des</strong> patientes. Les mécanismes<br />

en cause peuvent être :<br />

• une épine irritative locale (infection urinaire, érosion<br />

urétrale ou vésicale),


Quel traitement en cas d’échec d’une BSU pour IUE ? 2 e BSU versus sphincter/ballons ACT ?<br />

• une obstruction (bandelette serrée, prolapsus<br />

sous-estimé), une béance cervico-urétrale en<br />

amont,<br />

• l’aggravation d’une hyperactivité vésicale préexistante.<br />

Si une obstruction est identifiée, il faut la traiter en<br />

priorité. En raison de la fibrose fixant les tissus, il est<br />

souvent nécessaire de réséquer la portion sousurétrale<br />

de la BSU, ce qui lève l’obstruction mais ne<br />

fait pas toujours disparaître les signes irritatifs vésicaux.<br />

Cette résection conduit à une récidive de l’incontinence<br />

d’effort une fois sur trois.<br />

205<br />

En l’absence d’obstacle, un traitement anti-cholinergique,<br />

éventuellement associé à <strong>des</strong> techniques<br />

de rééducation mettant en jeu les réflexes d’inhibition<br />

du détrusor, doit être tenté. En cas d’échec, on<br />

discutera une section de la BSU possiblement à<br />

l’origine de ces urgenturies. Si <strong>des</strong> contractions détrusoriennes<br />

existaient en pré-opératoire, on pourra<br />

proposer une neuromodulation sacrée. Les injections<br />

détrusoriennes de toxine botulique (indication<br />

hors AMM) sont en cours d’évaluation dans cette<br />

indication.


Chapitre 15 - Séance AFUF <strong>SUN</strong>-J - Points de controverse en urologie<br />

Place de la prostatectomie totale dans le<br />

cancer de la prostate au stade localement<br />

avancé<br />

Michel Soulié 1 et Pierre Richaud 2<br />

1. Service d’Urologie, d’Andrologie et de Transplantation Rénale, CHU Rangueil, Toulouse<br />

2. Département de Radiothérapie, Institut Bergonié, Bordeaux<br />

Résumé<br />

Parmi les différentes thérapeutiques du cancer de<br />

la prostate localement avancé, la prostatectomie<br />

totale est une modalité peu utilisée en France car<br />

son rôle est controversé et mal codifié. Le principe<br />

d’un traitement associatif multimodal est soutenu<br />

par les résultats de l’association radiothérapie et<br />

hormonothérapie de longue durée qui reste le traitement<br />

de référence dans cette situation clinique.<br />

L’impact de la chirurgie sur le risque de progression<br />

et de récidive locale est important pour <strong>des</strong> patients<br />

sélectionnés avec <strong>des</strong> tumeurs de faible<br />

grade et de petit volume tumoral. Le bilan d’extension<br />

basé sur les données cliniques, histologiques<br />

et de l’imagerie reste fondamental pour la décision<br />

à prendre en RCPO. Les résultats <strong>des</strong> séries chirurgicales<br />

récentes montrent une survie spécifique<br />

à 10 ans de 85 % et à 15 ans de 75 %. De plus,<br />

20 à 30 % <strong>des</strong> patients opérés pour une tumeur cT3<br />

présentent en fait une tumeur reclassée pT2. La<br />

morbidité chirurgicale est identique à la prostatectomie<br />

totale <strong>des</strong> tumeurs localisées en dehors <strong>des</strong><br />

séquelles sexuelles du fait d’une préservation nerveuse<br />

plus réduite. La prostatectomie totale élargie<br />

couplée à un curage ganglionnaire étendu peut<br />

être considérée comme une alternative à l’hormono-radiothérapie<br />

chez <strong>des</strong> patients avec une<br />

longue espérance de vie présentant une tumeur<br />

classée cT3 à fort risque d’évolution locale et de<br />

risque métastatique faible. Les traitements combinés<br />

et comparatifs intégrant la prostatectomie totale<br />

sont à évaluer dans <strong>des</strong> essais cliniques prospectifs<br />

en termes de résultats carcinologiques et de<br />

qualité de vie.<br />

206<br />

Introduction<br />

Le traitement du cancer de la prostate localement<br />

avancé (CPLA) est complexe et la stratégie optimale<br />

reste à définir clairement pour toutes les situations<br />

rencontrées à ce stade. En effet, il existe une grande<br />

hétérogénéité <strong>des</strong> tumeurs classées T3-T4 caractérisées<br />

par l’extension de la maladie au-delà de la<br />

capsule prostatique. Malgré une migration spectaculaire<br />

<strong>des</strong> sta<strong>des</strong> cliniques moins évolués depuis l’utilisation<br />

du PSA dans le dépistage individuel du cancer<br />

de la prostate, 15 à 20 % <strong>des</strong> patients<br />

nouvellement diagnostiqués présentent un CPLA<br />

qui peut permettre de proposer la prostatectomie totale<br />

(PT) dans <strong>des</strong> cas bien sélectionnés [1-4].<br />

L’objectif du traitement optimal du CPLA est d’augmenter<br />

la survie par le contrôle local et du risque<br />

métastatique. Le contrôle local est d’autant plus important<br />

que la tumeur est extirpable et que le<br />

risque métastatique et ganglionnaire est faible (absence<br />

de grade 4 prédominant, absence d’atteinte<br />

<strong>des</strong> vésicules séminales). Les patients présentant<br />

un CPLA ont un risque plus élevé de décès spécifique<br />

imputable à la récidive de la tumeur qu’à une<br />

autre cause [5].<br />

Le traitement de référence du CPLA est l’association<br />

de la radiothérapie externe et d’une hormonothérapie<br />

de longue durée. La PT est rarement<br />

réalisée dans cette indication en France, comparativement<br />

à d’autres pays européens (Allemagne,<br />

Autriche, Italie) ou à certains centres aux USA, de<br />

par le manque d’arguments tranchants en termes<br />

de survie comparativement aux alternatives non


Place de la prostatectomie totale dans le cancer de la prostate au stade localement avancé<br />

chirurgicales. Lorsque la PT est réalisée dans un<br />

CPLA, la technique doit être adaptée à la situation<br />

carcinologique avec une exérèse élargie aux tissus<br />

péri-prostatiques sans préservation <strong>des</strong> bandelettes<br />

neuro-vasculaires et systématiquement associée<br />

à une lymphadénectomie étendue [6]. Les résultats<br />

carcinologiques et fonctionnels de la PT<br />

rapportés depuis 10 ans sont difficiles à analyser du<br />

fait de l’hétérogénéité <strong>des</strong> étu<strong>des</strong> non comparatives<br />

émanant de grands centres nord-américains<br />

ou européens. En l’absence de séries comparatives<br />

et randomisées, les résultats de la PT avec ou sans<br />

traitement adjuvant sont superposables à ceux de<br />

l’association radiothérapie-hormonothérapie en<br />

termes de survie sans récidive biologique et de<br />

survie spécifique et globale [3-5, 7-9]. La morbidité<br />

de la PT dans le CPLA semble comparable à celle de<br />

la PT pour les tumeurs localisées, lorsqu’elle est<br />

réalisée par un chirurgien expérimenté [3, 5, 7-11].<br />

Il est important que les résultats carcinologiques et<br />

fonctionnels sur la qualité de vie soient validés par<br />

<strong>des</strong> essais (si possible) randomisés comparant la<br />

prostatectomie totale à l’hormono-radiothérapie.<br />

1. Définition du cancer de la prostate<br />

localement avancé<br />

La définition habituelle du CPLA comprend les tumeurs<br />

qui ont envahi les tissus péri-prostatiques à<br />

travers la capsule, les vésicules séminales, l’urèthre<br />

et le col vésical sans envahissement ganglionnaire<br />

ou métastases à distance identifiés (T3-T4 N0 M0)<br />

[12].<br />

Dans la classification TNM 2002, le stade clinique T3<br />

(cT3) est défini comme une tumeur palpable étendue<br />

en dehors de la capsule prostatique : T3a extension<br />

extra-capsulaire, T3b extension aux vésicules<br />

séminales. Le terme d’extension extraprostatique<br />

a été validé à la Conférence de Consensus<br />

International sur le cancer de la prostate [13].<br />

Sous l’appellation de CPLA sont comprises <strong>des</strong> tumeurs<br />

hétérogènes se situant entre les tumeurs localisées<br />

et les tumeurs métastatiques, dont le<br />

risque d’atteinte ganglionnaire varie de 30 à 50 %<br />

et le risque de progression vers un stade métastatique<br />

est de l’ordre de 40 % à 5 ans et de 65 %<br />

à 10 ans [13].<br />

207<br />

2. Résultats carcinologiques de la<br />

prostatectomie totale dans le cancer<br />

de la prostate localement avancé<br />

Classiquement, la PT seule n’est pas un traitement<br />

adapté pour envisager de guérir un CPLA de par le<br />

volume tumoral souvent important et par l’incidence<br />

élevée de l’atteinte ganglionnaire. Aussi, <strong>des</strong><br />

résultats rapportés par quelques séries montrent<br />

de faibles taux de survie à long terme avec un<br />

risque de récidive biochimique à 5 ans de l’ordre de<br />

70 % [7, 10, 11, 14]. Cependant, la PT seule peut être<br />

envisagée dans <strong>des</strong> cas très sélectionnés, notamment<br />

pour un stade cT3a avec un score de Gleason<br />

inférieur à 8 sur les biopsies et une valeur initiale de<br />

PSA inférieure à 15 ng/ml, chez <strong>des</strong> patients jeunes<br />

en bonne santé et/ou en cas de symptômes obstructifs<br />

urinaires associés [4, 5, 7, 10, 11].<br />

De plus, dans <strong>des</strong> séries récentes de PT réalisées<br />

pour <strong>des</strong> sta<strong>des</strong> cT3, une surévaluation du stade clinique<br />

a été retrouvée dans 20 à 30 % <strong>des</strong> cas ; les<br />

patients présentaient en fait une tumeur classée<br />

pT2 après analyse anatomo-pathologique de la<br />

pièce opératoire. En revanche, dans la plupart <strong>des</strong><br />

séries récentes de PT pour sta<strong>des</strong> localisés T1-T2, 30<br />

à 40 % <strong>des</strong> cas sont finalement classés pT3 après<br />

analyse anatomo-pathologique [3-5, 7, 15].<br />

Les résultats carcinologiques de la PT dans le CPLA<br />

rapportés dans la littérature sont hétérogènes car<br />

les séries sont rétrospectives et souvent monocentriques<br />

(Tableau 1).<br />

De plus, il n’est pas toujours clairement mentionné<br />

si un traitement adjuvant ou de rattrapage (radiothérapie<br />

et/ou hormonothérapie) a été réalisé dans<br />

le suivi <strong>des</strong> patients [14-16]. Une revue de 8 étu<strong>des</strong><br />

internationales datant de plus de 10 ans a montré<br />

une survie globale à 5 ans de 64 à 86 % et à 10 ans<br />

de 36 à 70 %. La survie spécifique à 5 et 10 ans variait<br />

respectivement de 83 à 92 % et de 72 à 82 %<br />

[10]. Dans la plus importante série de tumeurs cT3<br />

traitées dans une même institution (Mayo Clinic,<br />

USA), environ 60 % <strong>des</strong> patients n’ont pas présenté<br />

de récidive biochimique à 15 ans de la chirurgie et<br />

seulement 16 % <strong>des</strong> patients sont décédés du cancer<br />

de la prostate [3]. Environ 75 % <strong>des</strong> patients<br />

avaient reçu un traitement complémentaire (radiothérapie<br />

et/ou hormonothérapie) avec un délai<br />

moyen de 4,3 ans, ce qui est un biais dans l’analyse<br />

du rôle réel de la chirurgie. Dans une autre série de


Chapitre 15 - Séance AFUF <strong>SUN</strong>-J - Points de controverse en urologie<br />

tumeurs cT3 traités par hormonothérapie, une PT<br />

préalable était associée à une diminution significative<br />

du risque de décès par cancer de la prostate<br />

comparativement aux patients qui n’avaient pas eu<br />

de PT [17]. Les plus récentes séries de patients sélectionnés<br />

et traités par PT pour un CPLA ont montré<br />

<strong>des</strong> taux de survie peu différents de ceux obtenus<br />

par l’association hormono-radiothérapie qui<br />

est le traitement le plus communément réalisé à ce<br />

stade de la maladie. Dans ces séries de patients sélectionnés,<br />

la survie spécifique rapportée après PT<br />

variait respectivement de 85 à 99 % à 5 ans, de 72 à<br />

92 % à 10 ans et de 76 à 84 % à 15 ans [2, 4, 5, 18].<br />

Dans l’essai EORTC 22863 de Bolla, la radiothérapie<br />

associée à une hormonothérapie de 3 ans améliorait<br />

les taux de survie sans récidive clinique de 74 %<br />

versus 40 % et les taux de survie globale de 78 %<br />

versus 62 % avec un suivi moyen de 5,5 ans [19].<br />

Certains auteurs ont proposé <strong>des</strong> indications étendues<br />

de la PT couplée à un traitement adjuvant immédiat.<br />

Une étude italienne monocentrique a<br />

montré d’excellents taux de survie globale et spécifique<br />

à 7 ans (77 % et 90,2 % respectivement)<br />

pour <strong>des</strong> patients présentant <strong>des</strong> tumeurs T3-4,<br />

N0-1 traités par PT avec un traitement adjuvant immédiat<br />

(radiothérapie ou hormonothérapie) réalisé<br />

dans 89,5 % <strong>des</strong> cas [20]. Une étude nord-américaine<br />

non randomisée a comparé <strong>des</strong> patients<br />

présentant un CPLA de stade cT4 traités soit par PT,<br />

soit par radiothérapie seule, hormonothérapie<br />

seule ou hormono-radiothérapie associée. Une survie<br />

comparable a été retrouvée entre le groupe PT<br />

n pT2 N+ VS+ Ma+ Tt Adj.<br />

Lerner SE (15) 812 17 % 33 % 18 % - 50 %<br />

Gerber GS (13) 298 9 % 31 % 11 % - 40 %<br />

Van den Ouden D (10) 83 18 % 12 % 40 % 66 % 0 %<br />

Van Poppel H (7) 158 13 % 11 % 16 % 60 % 30 %<br />

Ward JF (3) 842 27 % 27 % - 56 % 76 %<br />

Carver BS (5) 176 30 % 19 % 34 % 30 % 36 %<br />

Xylinas E (11) 100 21 % 17 % 26 % 61 % -<br />

Résultats carcinologiques dans le stade cT3a - 47 patients de Van Poppel (7)<br />

— N+ : 10 %<br />

— VS+ : 6 %<br />

— Ma+ : 53 %<br />

Légende : VS+ : vésicules séminales envahies, Ma+ : marges positives, Tt Adj. : traitement<br />

Tableau 1 - Résultats pathologiques de la prostatectomie totale dans le stade cT3<br />

208<br />

et le groupe traitement combiné hormono-radiothérapie<br />

[21].<br />

3. Aspects techniques<br />

La technique chirurgicale de la PT pour un CPLA<br />

doit être une chirurgie élargie aux tissus péri-prostatiques<br />

et dans la majorité <strong>des</strong> cas sans conservation<br />

<strong>des</strong> bandelettes neuro-vasculaires [5-7]. Le<br />

bien-fondé de la PT pour CPLA est lié à la qualité<br />

d’exérèse <strong>des</strong> tissus environnant la glande prostatique<br />

[28]. La technique a été initialement décrite<br />

par plusieurs auteurs dont Van Poppel et Eastham,<br />

avec quelques points de détail spécifiques qui se<br />

différencient de la technique standard habituellement<br />

utilisée pour les tumeurs localisées [4, 21]. En<br />

fait, la majorité <strong>des</strong> auteurs s’accorde pour souligner<br />

que le but de l’intervention est de tout faire<br />

pour ne pas avoir de limites chirurgicales (marges)<br />

positives [4, 7, 10, 15, 22]. La dissection de l’apex est<br />

capitale et requiert une section profonde <strong>des</strong> ligaments<br />

pubo-prostatiques et l’exérèse large <strong>des</strong> tissus<br />

péri-uréthraux et <strong>des</strong> ligaments uréthraux qui<br />

fixent latéralement l’apex au sphincter strié uréthral.<br />

L’urèthre est coupé en s’aidant si possible<br />

d’un rétracteur uréthral et en ménageant une petite<br />

trompe de 2-3 mm comme marge de sécurité<br />

[22]. La majorité <strong>des</strong> CPLA correspond à <strong>des</strong> tumeurs<br />

palpables développées dans la zone périphérique<br />

de la prostate et par conséquent avec<br />

une tendance à s’étendre vers les tissus celluloadipeux<br />

postéro-latéraux et prostato-rectaux. Ainsi,<br />

les bandelettes neuro-vasculaires sont réséquées


Place de la prostatectomie totale dans le cancer de la prostate au stade localement avancé<br />

largement, surtout du côté de la lésion tumorale si<br />

elle est unilatérale. Le plan postérieur de résection<br />

chirurgicale doit être suffisamment profond, permettant<br />

d’emporter les deux couches du fascia de<br />

Denonvilliers qui se réunissent dans le muscle<br />

recto-uréthral. La dissection est menée vers le haut<br />

jusqu’au sommet <strong>des</strong> vésicules séminales totalement<br />

recouvertes du fascia. La manœuvre est facilitée<br />

par la section haute du pédicule prostatique<br />

supérieur qui est plaqué contre le col vésical et qui,<br />

une fois libéré, permet de mieux exposer le col vésical<br />

et les faces latérales de la prostate. La conservation<br />

du col vésical est réalisée en fonction de la<br />

localisation tumorale et <strong>des</strong> biopsies positives [22].<br />

La conservation nerveuse unilatérale ou bilatérale<br />

doit rester exceptionnelle dans la chirurgie du<br />

CPLA, car elle majore le risque de limites chirurgicales<br />

positives et d’exérèse incomplète de la tumeur<br />

[9]. Cependant, la conservation nerveuse est<br />

faisable chez les patients jeunes hyper-sélectionnés,<br />

désireux de conserver la fonction érectile et<br />

présentant une tumeur classée T3a de petit volume<br />

avec <strong>des</strong> critères pronostiques peu agressifs<br />

: PSA < 15 ng/ml, tumeur unilatérale au TR et sur les<br />

biopsies, < 50 % biopsies positives, pas de grade 4,<br />

aspect de T3a en IRM. Mais, cette attitude doit être<br />

exceptionnelle dans ce contexte, contrairement à la<br />

pratique dans le cancer localisé de la prostate.<br />

Compte-tenu du risque élevé d’envahissement<br />

ganglionnaire dans le CPLA, la lymphadénectomie<br />

standard limitée à la fosse ilio-obturatrice n’est pas<br />

suffisante pour définir clairement le statut ganglionnaire<br />

[6, 23]. La lymphadénectomie ilio-pelvienne<br />

étendue n’a pas d’impact démontré sur la survie,<br />

mais elle permet d’optimiser l’évaluation ganglionnaire<br />

et donc le stade pathologique par l’augmentation<br />

du nombre de ganglions prélevés et le nombre<br />

de ganglions positifs [6]. Les limites de la<br />

lymphadénectomie étendue recommandées par<br />

ses promoteurs doivent au moins emporter<br />

les ganglions ilio-obturateurs au-<strong>des</strong>sus et au-<strong>des</strong>sous<br />

du nerf, les ganglions recouvrant l’artère<br />

iliaque interne jusqu’à la bifurcation iliaque.<br />

De plus, l’évaluation du statut ganglionnaire fondée<br />

sur une lymphadénectomie étendue peut aider à la<br />

décision d’un traitement adjuvant immédiat en cas<br />

de ganglions envahis. De tels traitements adjuvants<br />

ont montré un bénéfice significatif sur la survie<br />

globale en cas d’atteinte ganglionnaire [24].<br />

209<br />

Concernant la voie d’abord chirurgicale pour le<br />

CPLA, il n’y a pas actuellement de données scientifiques<br />

suffisantes pour recommander une voie<br />

d’abord plus qu’une autre. La PT par voie rétropubienne<br />

reste la technique de référence utilisée<br />

dans la majorité <strong>des</strong> séries publiées.<br />

4. Profil <strong>des</strong> « bons » candidats pour la<br />

chirurgie dans le cancer de la prostate<br />

localement avancé<br />

Les recommandations de l’European Urological Association<br />

(EAU) pour le cancer de la prostate statuent<br />

que la PT est envisageable chez <strong>des</strong> patients<br />

jeunes présentant un CPLA avec les paramètres suivants<br />

: PSA < 20 ng/ml, ≤ T3a et score de Gleason<br />

<strong>des</strong> biopsies ≤ 8 [25]. Les recommandations de l’Association<br />

Française d’Urologie (AFU) sont plus restrictives<br />

sur les paramètres : cT3a, PSA < à 10-15 ng/ml,<br />

score de Gleason ≤ 7, N0 (niveau de preuve II) [26].<br />

L’évaluation clinique du CPLA s’appuie sur divers<br />

paramètres dont les données du TR, la valeur du<br />

PSA et l’analyse <strong>des</strong> biopsies (nombre et pourcentage<br />

de biopsies positives, longueur tumorale,<br />

pourcentage de cancer). Les patients doivent être<br />

jeunes (moins de 70 ans) et en bonne santé avec<br />

une longue espérance de vie (au moins supérieure<br />

à 10 ans). L’IRM est utile pour détecter une extension<br />

loco-régionale notamment ganglionnaire (au<br />

même titre que la tomodensitométrie) et la présence<br />

d’une extension extra-capsulaire. La scintigraphie<br />

osseuse, voire l’IRM osseuse, est ici nécessaire<br />

surtout si le PSA est > à 10 ng/ml (20 ng/ml<br />

pour l’EAU) pour détecter d’éventuelles métastases<br />

osseuses asymptomatiques [12, 25, 26]. L’évaluation<br />

du volume tumoral bénéficie <strong>des</strong> nouvelles<br />

technologies d’imagerie utilisant les antennes IRM<br />

endo-rectales, pelviennes ou mixtes pour améliorer<br />

l’évaluation de l’extension extracapsulaire, l’envahissement<br />

<strong>des</strong> vésicules séminales et <strong>des</strong> ganglions<br />

[27]. La sensibilité et la spécificité <strong>des</strong> IRM de<br />

dernière génération (3 Tesla) sont de 60 à 80 % et<br />

de 75 à 95 % respectivement [27]. De nombreux<br />

nomogrammes nord-américains ou européens intégrant<br />

les paramètres cliniques et biologiques<br />

sont disponibles aujourd’hui pour améliorer l’évaluation<br />

pré-opératoire <strong>des</strong> patients et prévoir le<br />

risque de récidive [28].<br />

Il est clair que les hommes de moins de 70 ans en<br />

excellent état général présentant un CPLA de stade


Chapitre 15 - Séance AFUF <strong>SUN</strong>-J - Points de controverse en urologie<br />

T3a avec les paramètres définis ci-<strong>des</strong>sus sont les<br />

meilleurs candidats à la chirurgie avec un risque<br />

moindre de limites chirurgicales positives et d’envahissement<br />

ganglionnaire. Il a été bien montré que<br />

dans <strong>des</strong> cas très sélectionnés avec un CPLA de<br />

stade T3a, la PT permet un très bon contrôle à long<br />

terme de la maladie. De plus, 20 à 30 % <strong>des</strong><br />

hommes opérés récemment pour une tumeur cT3<br />

ont en définitive une maladie localisée à la glande<br />

pT2 [3, 7, 10, 11, 14].<br />

5. Comment améliorer les résultats<br />

carcinologiques de la prostatectomie<br />

totale dans le cancer de la prostate de<br />

stade T3 ?<br />

a- Place de l’hormonothérapie néo-adjuvante<br />

Une hormonothérapie néo-adjuvante avant prostatectomie<br />

totale, même pour une tumeur classée<br />

cT3, n’est pas recommandée en pratique courante,<br />

aucune étude n’ayant montré un bénéfice en survie.<br />

Les étu<strong>des</strong> réalisées ont montré une sous-stadification<br />

clinique de 30 % et une sous-stadification<br />

pathologique de 25 % après examen anatomopathologique<br />

de la pièce opératoire, essentiellement<br />

pour <strong>des</strong> tumeurs localisées de la prostate<br />

T1-2 chez <strong>des</strong> hommes traités en moyenne<br />

3 mois par hormonothérapie néo-adjuvante. Mais,<br />

ce traitement n’a pas montré de différence significative<br />

en termes de survies spécifique et globale<br />

entre les hommes traités et ceux non traités [29].<br />

De nouveaux essais sont en cours dans le cancer à<br />

haut risque de progression avec un traitement hormonal<br />

néo-adjuvant plus long (6 à 9 mois).<br />

L’association de la chimiothérapie et de l’hormonothérapie<br />

néo-adjuvantes à la PT a été rapportée<br />

dans le cadre du CPLA et à haut risque [30]. Un essai<br />

en cours d’analyse en France (GETUG 12) a intégré<br />

ce schéma thérapeutique avant le traitement<br />

local par PT ou radiothérapie pour <strong>des</strong> CPLA. Ces<br />

nouvelles modalités peuvent montrer une efficacité<br />

et seront peut-être utilisées dans le futur pour améliorer<br />

les résultats carcinologiques <strong>des</strong> traitements<br />

locaux.<br />

b- Radiothérapie adjuvante et de rattrapage<br />

Les tumeurs peu différenciées dans les cancers de<br />

la prostate cT3 sont associées à <strong>des</strong> taux élevés de<br />

progression clinique et biochimique après la PT [3].<br />

210<br />

Dans ces cas, les patients peuvent bénéficier d’un<br />

traitement adjuvant après la PT [5, 10]. Des attitu<strong>des</strong><br />

identiques sont habituellement validées<br />

si l’analyse de la pièce opératoire montre une extension<br />

extra-prostatique (pT3-4), <strong>des</strong> limites chirurgicales<br />

positives (R1-2) ou un envahissement ganglionnaire<br />

(pN1).<br />

Le bénéfice de la radiothérapie adjuvante pour les<br />

sta<strong>des</strong> pT3 sur la survie sans métastase et la survie<br />

globale a été démontré dans l’essai du SWOG récemment<br />

publié [31]. La radiothérapie adjuvante à<br />

la dose de 60 à 65 Gy peut prévenir ou différer la récidive<br />

biochimique et clinique, comme cela a été<br />

démontré dans trois essais principaux récents :<br />

EORTC 22911, SWOG et l’essai allemand de WIEGEL<br />

[31-33]. Dans l’essai EORTC 22911 de Bolla, le gain en<br />

termes de survie sans récidive biochimique à<br />

5,4 ans est de + 20 % entre le groupe radiothérapie<br />

adjuvante versus le groupe surveillé [32].<br />

Dans le cas d’une récidive locale d’un cancer de la<br />

prostate traité initialement par PT, la radiothérapie<br />

de rattrapage est également une option efficace<br />

pour améliorer le contrôle local et la survie sans récidive<br />

clinique à condition de réaliser la radiothérapie<br />

avant que le PSA n’atteigne une valeur de<br />

1 ng/ml et mieux 0,5 ng/ml [25, 26].<br />

c- Traitement hormonal adjuvant<br />

Lorsqu’il existe un envahissement ganglionnaire<br />

après PT, il a été clairement démontré qu’un traitement<br />

hormonal immédiat par analogues de la LH-<br />

RH était bénéfique en termes de survie globale<br />

(72,5 % versus 49 %) et de survie spécifique (87,2 %<br />

versus 56,9 %) comparativement à un traitement<br />

hormonal différé à la progression métastatique<br />

[24].<br />

Dans l’étude EPC (Early Prostate Cancer) comparant<br />

le bicalutamide 150 mg versus placebo après traitement<br />

local, le risque de progression biochimique<br />

et clinique dans le groupe PT pour PCLA était réduit<br />

de 25 % avec un suivi moyen de 7,4 ans, mais sans<br />

impact sur la survie globale [34].<br />

d- Résultats fonctionnels<br />

Avec l’amélioration <strong>des</strong> techniques chirurgicales incluant<br />

la voie d’abord laparoscopique, les taux de<br />

complications de la PT pour CPLA sont semblables


Place de la prostatectomie totale dans le cancer de la prostate au stade localement avancé<br />

à ceux de la PT pour <strong>des</strong> tumeurs confinées à la<br />

glande T1-2, mise à part les séquelles sexuelles<br />

plus importantes du fait de l’absence de conservation<br />

nerveuse [3-5]. Les complications post-opératoires<br />

les plus fréquentes sont l’incontinence urinaire<br />

et la dysfonction érectile, qui apparaissent<br />

immédiatement après la chirurgie et s’améliorent<br />

avec le temps [4, 9]. L’évaluation rigoureuse préalable<br />

<strong>des</strong> patients, l’expertise opératoire et le volume<br />

chirurgical en cancérologie sont <strong>des</strong> facteurs<br />

qui interviennent dans la réduction de la morbidité<br />

et l’amélioration <strong>des</strong> résultats carcinologiques et<br />

fonctionnels [3, 4].<br />

Conclusion<br />

Le traitement optimal du CPLA reste controversé.<br />

La PT avec une technique adaptée est une option<br />

acceptable pour traiter les tumeurs cT3a de petit<br />

volume avec un risque élevé de progression locale.<br />

En revanche, la PT n’est pas indiquée pour une<br />

tumeur localement évoluée, de gros volume avec<br />

extension aux vésicules séminales et un risque<br />

élevé d’envahissement ganglionnaire, et donc de<br />

laisser de la tumeur résiduelle ou <strong>des</strong> micro-métastases<br />

occultes à distance. En l’absence d’essais<br />

contrôlés randomisés et comparatifs, il n’est pas aujourd’hui<br />

possible de recommander la PT comme<br />

équivalent à l’association hormono-radiothérapie<br />

dans le traitement de tous les CPLA, même si plusieurs<br />

étu<strong>des</strong> ont montré un réel bénéfice pour la<br />

chirurgie. Basée sur <strong>des</strong> critères stricts de sélection<br />

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211<br />

<strong>des</strong> patients, la PT élargie pour le CPLA peut être<br />

présentée comme une option thérapeutique pour<br />

<strong>des</strong> hommes jeunes avec une longue espérance de<br />

vie. Ces patients doivent être préalablement informés<br />

de la probabilité d’un traitement complémentaire<br />

en fonction du résultat anatomopathologique.<br />

Ce traitement est réalisé soit en adjuvant, soit en<br />

rattrapage, en utilisant la radiothérapie, l’hormonothérapie,<br />

l’hormono-radiothérapie, et dans le futur<br />

la chimio-hormonothérapie voire les thérapeutiques<br />

ciblées.<br />

Alors que l’association radiothérapie externe et hormonothérapie<br />

de longue durée reste le traitement<br />

de référence <strong>des</strong> CPLA le plus utilisé dans beaucoup<br />

de pays dont la France, la PT permet un excellent<br />

contrôle local pour <strong>des</strong> cas bien sélectionnés,<br />

avec une survie sans récidive biochimique à 10 ans<br />

de 85 % dans les récentes séries chirurgicales européennes<br />

et nord-américaines. Ces données méritent<br />

d’être confirmées par une évaluation dans le<br />

cadre d’essais cliniques multicentriques et randomisés<br />

évaluant la PT comme partie intégrante d’un<br />

traitement multimodal du CPLA. En effet, il est impératif<br />

de concevoir le traitement moderne <strong>des</strong><br />

CPLA selon une prise en charge cancérologique<br />

pluridisciplinaire où la chirurgie d’exérèse doit être<br />

intégrée et évaluée, de la même façon que cela a<br />

été démontré dans d’autres tumeurs tissulaires en<br />

cancérologie digestive ou gynécologique. Un protocole<br />

d’essai GETUG-AFU est en cours de finalisation<br />

sur ce thème.<br />

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Chapitre 15 - Séance AFUF <strong>SUN</strong>-J - Points de controverse en urologie<br />

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215<br />

Chapitre 16<br />

Questions<br />

ouvertes à<br />

l’urologue


Chapitre 16 - Questions ouvertes à l’urologue<br />

Prise en charge de l’hypertrophie bénigne<br />

de la prostate en <strong>2010</strong><br />

Jérôme Parra, Sarah J. Drouin et Morgan Rouprêt<br />

Service d’Urologie de l'Hôpital Pitié-Salpétrière, Assistance Publique-Hôpitaux de Paris,<br />

Faculté de Médecine Pierre et Marie Curie, Université Paris VI, Paris<br />

Introduction<br />

L’hypertrophie bénigne de la prostate (HBP) est la<br />

principale cause de troubles urinaires du bas appareil<br />

(TUBA) chez l’homme et constitue un véritable<br />

enjeu de santé publique. La prise en charge de<br />

l’hypertrophie bénigne de la prostate s’est considérablement<br />

modifiée ces dernières années.<br />

Le praticien dispose désormais de multiples options<br />

thérapeutiques autant médicales que chirurgicales,<br />

de nouvelles techniques apparaissent<br />

chaque année et, il peut être difficile de faire la<br />

part <strong>des</strong> choses entre les traitements validés et<br />

ceux en développement. Une bonne compréhension<br />

de la pathogenèse et de l’évolution naturelle<br />

de l’HBP est nécessaire pour adapter le traitement<br />

à chaque patient.<br />

Diagnostic<br />

Clinique<br />

L’interrogatoire est l’élément clef du diagnostic. Il<br />

faut rechercher <strong>des</strong> troubles obstructifs et irritatifs<br />

Les premiers sont dominés par une diminution<br />

de la puissance du jet, une miction en 2 temps nécessitant<br />

parfois une poussée abdominale et entraînant<br />

une sensation de vidange incomplète avec<br />

gouttes retardataires. Les symptômes irritatifs sont<br />

représentés par une pollakiurie diurne et nocturne,<br />

une nycturie et <strong>des</strong> impériosités. Ces troubles peuvent<br />

entraîner une incontinence, par le biais de<br />

fuites par impériosité ou de miction par regorgement.<br />

Pour compléter l’interrogatoire et évaluer au<br />

216<br />

mieux la gêne, on dispose d’un score symptomatique<br />

et de qualité de vie (IPSS, figure 1).<br />

Enfin, il convient d’éliminer les diagnostics différentiels<br />

et de rechercher d’autres affections qui pourraient<br />

expliquer la dysurie (AVC, sclérose en<br />

plaques, maladie de Parkinson, affections rachidiennes,<br />

d’un diabète).<br />

L’examen clinique repose principalement sur le<br />

toucher rectal, il donne deux types de renseignements.<br />

Il renseigne tout d’abord sur le volume de<br />

la prostate et permet d’autre part de dépister un<br />

cancer. L’examen clinique permet par ailleurs de<br />

dépister d’éventuelles complications. On doit, en effet,<br />

s’attacher à rechercher un globe vésical, L’examen<br />

doit être complété par celui <strong>des</strong> orifices inguinaux<br />

de la verge et du méat urétéral (sténose,<br />

lésions infectieuses…). Enfin, pour éliminer les diagnostics<br />

différentiels, on effectuera un examen neurologique<br />

du périnée. Pour finir, on réalisera une<br />

bandelette urinaire à la recherche de marqueurs<br />

d’infection ou d’une hématurie.<br />

Examens complémentaires<br />

Peu d’examen complémentaires sont recommandés<br />

[2], ils doivent être discutés au cas par cas. La<br />

bandelette urinaire est recommandée par tous<br />

pour éliminer une infection. Le dosage de l’antigène<br />

prostatique spécifique ne présente pas<br />

d’intérêt pour le diagnostic de l’HBP. Le dosage de<br />

la créatininémie peut être proposé à <strong>des</strong> patients<br />

présentant <strong>des</strong> facteurs de risque d’insuffisance<br />

rénale qui conduirait à modifier le traitement ou


Prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate en <strong>2010</strong><br />

Figure 1 - Score international <strong>des</strong> symptômes liés à la prostate (IPSS)<br />

chez <strong>des</strong> patients avec <strong>des</strong> symptômes anciens et<br />

d’autres complications pouvant faire craindre une<br />

atteinte du haut appareil.<br />

La débitmétrie est le seul examen permettant de<br />

quantifier objectivement la dysurie. Il s’agit d’un<br />

examen performant tant pour le diagnostic que<br />

pour le suivi <strong>des</strong> mala<strong>des</strong>. Il est par ailleurs non<br />

invasif et peu coûteux. Les autres explorations urodynamiques<br />

ne sont recommandées qu’en cas de<br />

maladie neurologique associée ou de discordance<br />

de symptomatologie.<br />

L’échographie réno-vésico-prostatique par voie<br />

sus-pubienne permet de mesurer le résidu post<br />

mictionnel, de chercher <strong>des</strong> diverticules vésicaux,<br />

un calcul vésical et de dépister une atteinte du haut<br />

appareil. L’évaluation du volume de l’adénome<br />

est meilleure quand elle est obtenue par une échographie<br />

transrectale. Les autres examens d’imagerie<br />

n’ont pas leur place dans le bilan de première intention<br />

de l’HBP.<br />

217<br />

Traitement<br />

Le seul traitement curatif de l’HBP est la chirurgie.<br />

Son recours a été largement modifié ces dernières<br />

années avec l’amélioration <strong>des</strong> traitements médicaux.<br />

Il est important de garder en mémoire que les<br />

symptômes ne sont pas proportionnels au volume<br />

de l’adénome et que le choix <strong>des</strong> thérapeutiques à<br />

entreprendre dépend <strong>des</strong> signes cliniques et de la<br />

gêne ressentie par le patient. Ainsi, il existe schématiquement<br />

trois groupes de patients : ceux qui<br />

présentent <strong>des</strong> complications et auxquels on proposera<br />

un traitement chirurgical, ceux pauci symptomatiques<br />

pour lesquels on pourra débuter par<br />

une surveillance, les derniers qui se situent entre<br />

ces deux extrêmes sont accessibles à <strong>des</strong> traitements<br />

médicaux que nous allons développer avant<br />

de définir <strong>des</strong> stratégies thérapeutiques.<br />

Pour tous, les règles hygiéno-diététiques peuvent<br />

permettre d’éviter <strong>des</strong> aggravations transitoires<br />

ou un épisode de rétention. Il faut ainsi recommander<br />

au patient une hydratation suffisante, une


activité physique régulière et une prévention de la<br />

constipation. À l’inverse, il faut déconseiller la prise<br />

d’alcool, les plats épicés et les situations assises<br />

prolongées.<br />

Abstention et surveillance<br />

Elle peut être recommandée pour les patients peu<br />

symptomatiques ou avec un faible risque de<br />

rétention aiguë d’urines (score IPSS < 7, un débit<br />

maximal > 10 ml/sec, pas de résidu post mictionnel,<br />

une prostate < 30 g) [1].<br />

Thérapeutiques médicamenteuses<br />

La phytothérapie n’est pas, comme on l’a longtemps<br />

pensé, un simple placebo et constitue un<br />

traitement efficace [3]. Elle est représentée par<br />

deux composés tous deux extraits de plantes.<br />

Le Pygeum Africanum, le Serenoa Repens (Permixon®<br />

: 1cp/j) provient, lui, <strong>des</strong> baies d’un palmier<br />

américain. Le mode d’action de ces molécules<br />

est encore mal connu. Différents mo<strong>des</strong><br />

d’action ont été évoqués : action anti-œstrogénique,<br />

anti-inflammatoire, inhibition de la 5-a<br />

réductase ou inhibition <strong>des</strong> facteurs de croissance<br />

mais aucun n’a été démontré.<br />

Les alpha-bloquants ont une action myorelaxante<br />

sur les fibres musculaires lisses et agissent sur la<br />

composante dynamique de l’obstruction sans influer<br />

sur le volume prostatique. Les a-bloqueurs<br />

de type 1 semblent être les plus efficaces. On dispose<br />

actuellement de 4 molécules : la térazosine,<br />

la doxazosine, l’alfuzosine et la tamsulosine. Aucune<br />

différence d’efficacité n’a été démontrée entre<br />

ces molécules [4]. Les premiers bénéfices de ces<br />

traitements apparaissent au bout de quelques jours<br />

et l’efficacité maximale en 3 mois. Des données<br />

récentes semblent enfin montrer que les a1bloquants<br />

ralentiraient la progression <strong>des</strong> symptômes<br />

[5].<br />

Les effets secondaires concernent 4 à 10 % <strong>des</strong><br />

patients [2]. On retiendra les céphalées, les vertiges,<br />

la tachycardie, les troubles de l’éjaculation et<br />

l’hypotension artérielle.<br />

Les inhibiteurs de la 5a-reductase. L’utilisation de<br />

cette classe de molécules repose sur le fait que<br />

l’épithélium prostatique se développe sous la stimulation<br />

androgénique de la dihydrotestostérone<br />

Chapitre 16 - Questions ouvertes à l’urologue<br />

218<br />

(DHT), produit de transformation de la testostérone<br />

par la 5a-reductase. La suppression de cette<br />

métabolisation diminue la prolifération cellulaire<br />

prostatique et relance l’apoptose. On dispose actuellement<br />

de 2 types d’inhibiteurs : le finastéride,<br />

inhibiteur sélectif <strong>des</strong> récepteurs de type II et le<br />

dutastéride, inhibiteur <strong>des</strong> récepteurs de type I et II.<br />

Ils ont tous deux prouvé leur efficacité dans l’amélioration<br />

du débit et <strong>des</strong> scores symptomatiques<br />

mais aussi dans la diminution du volume prostatique.<br />

Ainsi le PSA sera abaissé (50 %) en cas de<br />

traitement par inhibiteur de la 5a-réductase et il<br />

faudra en tenir compte en cas de suivi du PSA.<br />

Les antimuscariniques ont montré leur efficacité<br />

en 2 e intention, chez <strong>des</strong> patients présentant <strong>des</strong><br />

symptômes d’hyperactivité vésicale (irritatifs) associés<br />

aux symptômes obstructifs, après échec<br />

d’un traitement a-bloquants seuls. En cas d’échec<br />

d’une classe pharmacologique, il est possible de<br />

prescrire une bithérapie. On privilégiera l’association<br />

inhibiteur de la 5a-réductase avec les a1bloquants.<br />

Traitements invasifs non chirurgicaux<br />

Les endoprothèses urétrales sont utiles pour <strong>des</strong><br />

patients aux symptômes sévères avec contre-indication<br />

à une chirurgie conventionnelle ou à titre de<br />

test thérapeutique avant une intervention. Elles<br />

sont implantées sous anesthésie locale.<br />

Plusieurs traitements dont l’objectif était de proposer<br />

une alternative aux traitements chirurgicaux<br />

conventionnels ont vu le jour ces vingt dernières<br />

années. La plupart d’entre eux sont encore en<br />

cours d’évaluation, mais on dispose de données<br />

préliminaires encourageantes.<br />

Parmi eux le TUNA (transurethral needle ablation)<br />

utilise <strong>des</strong> on<strong>des</strong> de basse fréquence délivrées à<br />

l’aide d’aiguille par voie transurétrale. La chaleur<br />

due à la radiofréquence entraîne une nécrose <strong>des</strong><br />

tissus de l’adénome. L’intervention peut être réalisée<br />

sous anesthésie locale et permet une amélioration<br />

<strong>des</strong> symptômes de l’ordre de 50 %, surtout<br />

si l’adénome est de petite taille [6]. On ne dispose<br />

pour l’instant pas de résultats à long terme mais il<br />

semble également que les effets soient limités<br />

dans le temps.


Prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate en <strong>2010</strong><br />

Traitements endoscopiques et chirurgicaux.<br />

La résection transurétrale de prostate est la technique<br />

de référence et la voie utilisée le plus fréquemment.<br />

Elle est réalisée sous anesthésie générale<br />

ou locorégionale, par voie endoscopique.<br />

L’ablation de l’adénome se fait grâce à une anse<br />

conduisant du courant électrique par résection progressive<br />

de copeaux jusqu’à atteindre la capsule. La<br />

bonne conduction du courant dans la vessie nécessite<br />

de la remplir par du glycocolle. Le glycocolle<br />

peut être réabsorbé dans le sang et causer une hyponatrémie<br />

importante dans le cadre d’un syndrome<br />

de réabsorption (2 à 5 % <strong>des</strong> cas). Récemment<br />

<strong>des</strong> résecteurs bipolaires ont été développés<br />

et permettent de réséquer avec du serum physiologique<br />

éliminant ainsi le risque de syndrome de<br />

réabsorption.<br />

L’utilisation du laser dans le traitement de l’HBP<br />

date <strong>des</strong> années 90 mais connaît ces dernières années<br />

un grand essor en raison d’innovations technologiques<br />

importantes. Il s’agit d’une technique<br />

réalisée par voie endoscopique qui nécessite également<br />

une anesthésie (générale ou du rachis) [7].<br />

Il existe plusieurs types de laser qui diffèrent selon<br />

qu’ils vaporisent (laser Nd : YAG type Geenlight TM )<br />

ou qu’ils énucléent (laser Holmium : YAG type Versapulse<br />

TM ) l’adénome, selon le mode pulsé ou<br />

continu d’émission <strong>des</strong> on<strong>des</strong> ou selon l’angulation<br />

de la fibre ou son positionnement directement<br />

dans l’adénome [8]. Les différents lasers sont en<br />

cours d’évaluation en France, mais la RTUP reste à<br />

ce jour le traitement de référence.<br />

L’adénomectomie prostatique par voie haute est<br />

essentiellement indiquée en cas d’adénome volumineux.<br />

Il existe plusieurs techniques chirurgicales.<br />

La plus utilisée est la voie sus pubienne transvésicale.<br />

Elle consiste en une énucléation au doigt<br />

de l’adénome au contact de la capsule. Les résultats<br />

à long terme sont excellents mais il s’agit d’une<br />

technique invasive non dénuée de complications<br />

(saignement, incontinence).<br />

Stratégies thérapeutiques<br />

Il faut tout d’abord retenir qu’en l’absence de symptômes<br />

ou de complications, il n’y a pas d’indication<br />

à débuter un traitement. La présence clinique ou radiologique<br />

d’un adénome de prostate ne doit pas<br />

219<br />

faire débuter de traitement. L’évaluation <strong>des</strong> symptômes<br />

décrite précédemment va permettre de différencier<br />

deux situations.<br />

L’hypertrophie bénigne de la prostate<br />

compliquée<br />

L’existence d’une de ces complications fera proposer<br />

d’emblée un traitement chirurgical. Il s’agit de la<br />

rétention aiguë d’urines récidivant malgré l’introduction<br />

d’un traitement par alpha bloquants, de la<br />

rétention vésicale chronique, de l’atteinte du haut<br />

appareil, du calcul de vessie, de l’hématurie récidivante,<br />

<strong>des</strong> infections urinaires à répétition et du<br />

diverticule vésical rétentionniste.<br />

L’hypertrophie bénigne de la prostate non<br />

compliquée<br />

Le comité <strong>des</strong> troubles mictionnels de l’homme<br />

de l’Association Française d’Urologie a proposé en<br />

2006 un arbre décisionnel de prise en charge de<br />

l’HBP non compliquée [1] (Figure 2). Il s’agit d’un<br />

traitement médical en première intention : a-bloquants<br />

ou phytothérapie et inhibiteurs de la 5a-reductase<br />

si le poids de la prostate est supérieur à<br />

30-40g. Le traitement est réévalué à 3 ou 6 mois.<br />

En cas de succès, il convient de le poursuivre. En cas<br />

d’intolérance au médicament, il faut changer de<br />

classe pharmaceutique. En cas d’échec, plusieurs<br />

solutions s’offrent au praticien et au patient. D’une<br />

part, le choix d’une technique mini invasive ou d’un<br />

traitement chirurgical. D’autre part, la poursuite<br />

d’un traitement médical. On peut alors, remplacer<br />

une classe médicamenteuse par une autre ou instaurer<br />

une bithérapie. En cas d’échec, il conviendra<br />

de proposer un traitement chirurgical.<br />

Conclusion<br />

L’HBP est une pathologie fréquente du sujet de<br />

plus de 50 ans. Une bonne connaissance de l’ensemble<br />

<strong>des</strong> traitements médicamenteux et chirurgicaux<br />

permet au praticien de proposer le bon traitement<br />

au bon moment pour chaque patient.<br />

L’apparition de nouvelle technologie devrait prochainement<br />

permettre d’affiner encore la prise en<br />

charge de ces patients.


Chapitre 16 - Questions ouvertes à l’urologue<br />

Figure 2 - Arbre décisionnel de l’HBP non compliquée selon le CTMH de l’AFU [1]<br />

220


Références<br />

Prise en charge de l’hypertrophie bénigne de la prostate en <strong>2010</strong><br />

1. Desgrandchamps F, de la Taille A, Azzouzi AR,<br />

Fourmarier M, Haillot O, Lukacs B, Saussine C.<br />

Management of non-complicated BPH: proposition<br />

of a renewed decision tree. World J Urol 2006;24:<br />

367-70.<br />

2. de la Rosette J, Alivizatos S, Madersbacher S, Rioja<br />

Sanz C, Nordling J, Emberton M, Gravas S, Michel M,<br />

Oelke M. Guidelines on Benign Prostatic Hyperplasia<br />

In: Guidelines. arnhem: European Association of<br />

Urology 2009;p5-53.<br />

3. Carraro JC, Raynaud JP, Koch G, Chisholm GD, Di<br />

Silverio F, Teillac P, Da Silva FC, Cauquil J, Chopin DK,<br />

Hamdy FC, Hanus M, Hauri D, Kalinteris A, Marencak<br />

J, Perier A, Perrin P. Comparison of phytotherapy<br />

(Permixon) with finasteride in the treatment of<br />

benign prostate hyperplasia: a randomized international<br />

study of 1,098 patients. Prostate 1996;<br />

29:231-40;discussion 241-2.<br />

4. AUA guideline on management of benign prostatic<br />

hyperplasia (2003). Chapter 1: Diagnosis and<br />

treatment recommendations. J Urol 2003;170:530-47.<br />

221<br />

5. Roehrborn CG. Alfuzosin 10 mg once daily prevents<br />

overall clinical progression of benign prostatic<br />

hyperplasia but not acute urinary retention: results<br />

of a 2-year placebo-controlled study. BJU Int 2006;<br />

97:734-41.<br />

6. Zlotta AR, Giannakopoulos X, Maehlum O, Ostrem T,<br />

Schulman CC. Long-term evaluation of transurethral<br />

needle ablation of the prostate (TUNA) for treatment<br />

of symptomatic benign prostatic hyperplasia: clinical<br />

outcome up to five years from three centers. Eur Urol<br />

2003;44:89-93.<br />

7. Cornu JN, Roupret M. Innovations chirurgicales dans<br />

le traitement de l'hyperplasie bénigne de la prostate:<br />

vers de nouveaux standards thérapeutiques? Prog<br />

Urol 2007;17:1029-32.<br />

8. Azzouzi AR. Laser prostate : principes et présentation<br />

du matériel. Partie II : la pratique. Prog Urol - FMC<br />

2009;19:F40-F47.


Chapitre 16 - Questions ouvertes à l’urologue<br />

Le développement de l’urétéroscopie souple<br />

a-t-il modifié l’heure du recours à l’urologue ?<br />

Pierre Conort (1) et Isabelle Tostivint (2)<br />

Services d’urologie (1) et de Néphrologie (2), Hôpital Pitié-Salpétrière, Paris, France<br />

Et les spécialistes <strong>des</strong> différentes disciplines de la CLIPS (Clinique de la Lithiase- Pitié-Salpêtrière) :<br />

urologie, néphrologie, radiologie, biochimie, diététique.<br />

Les recommandations pour le traitement <strong>des</strong> calculs<br />

urinaires ont été établies par le Comité Lithiase<br />

de l’Association Française d’Urologie (CLAFU) en<br />

2004. Le CLAFU est composé d’experts provenant<br />

de toutes les spécialités concernées par la lithiase<br />

urinaire : urologie, néphrologie, radiologie, biochimie,<br />

diététique.<br />

Il est évident que la prise en charge doit être pluridisciplinaire<br />

et bien synchronisée afin de limiter les<br />

délais parfois assez longs entre les rendez-vous<br />

auprès <strong>des</strong> différents médecins. Par exemple il<br />

n’était pas rare, après un succès chirurgical urologique,<br />

de constater une récidive précoce lors de la<br />

consultation en néphrologie sous forme d’un calcul<br />

qui peut encore augmenter de taille avant le nouveau<br />

geste urologique. Ceci est particulièrement<br />

vrai pour les patients porteurs de maladie lithiasique<br />

à fort risque de récidive, comme la cystinurie,<br />

le diabète phosphaté, certaines hypercalciuries.<br />

Les traitements urologiques décrits dans les recommandations<br />

du CLAFU comprennent la Lithotripsie<br />

Extra-Corporelle (LEC), l’UrétéroRénoScopie rigide<br />

ou souple, la NéphroLithotomie PerCutanée (NLPC).<br />

La chirurgie classique (à ciel ouvert) ou la cœliochirurgie<br />

ont <strong>des</strong> indications très rares.<br />

L’UrétéroRénoScopie Souple (URSS) est une technique<br />

endoscopique rétrograde permettant d’explorer<br />

tout l’appareil urinaire jusqu’au fond de tous<br />

les calices du rein. L’URSS est apparue il y a plus de<br />

25 ans, mais la miniaturisation <strong>des</strong> outils (paniers,<br />

laser de fragmentation) et l’amélioration <strong>des</strong> vidéo-caméras<br />

et de la flexibilité de l’appareil expliquent<br />

que l’essor de cette technique a débuté en<br />

222<br />

2000. L’URSS, réalisée sous anesthésie générale,<br />

au cours d’une hospitalisation de 48 heures, permet<br />

de fragmenter (par laser) et d’extraire les calculs<br />

de l’uretère et du rein dont la taille n’excède<br />

pas, en général 15 à 20 mm. Il faut en effet 1 heure<br />

de travail dans le rein pour retirer un calcul de<br />

10 mm. Ceci explique pourquoi, actuellement, ce<br />

traitement est réservé à <strong>des</strong> calculs inférieurs à<br />

15-20 mm.<br />

Les fragments résiduels sont la source de récidives<br />

dans environ 20 % <strong>des</strong> cas après LEC. L’objectif thérapeutique<br />

est donc de ne laisser aucun calcul résiduel<br />

et si possible après un geste unique. Les indications<br />

tiennent compte de cette exigence.<br />

Ainsi, l’URSS peut être choisie comme alternative à<br />

la LEC ou à la NLPC selon la taille, la nature et la topographie<br />

du calcul. Comparée à la LEC, l’URSS a<br />

l’avantage de pouvoir retirer tous les fragments résiduels<br />

après fragmentation, à condition que leur<br />

nombre ne soit pas trop important. Les paniers<br />

permettent d’extraire <strong>des</strong> fragments de moins de<br />

1 mm.<br />

Le développement de l’URSS permet de modifier<br />

les stratégies thérapeutiques <strong>des</strong> calculs urinaires et<br />

donc l’heure du recours à l’Urologue. Plusieurs arguments<br />

sont à retenir.<br />

Premièrement, le geste de l’Urologue doit avoir<br />

comme objectif l’absence de fragment résiduel afin<br />

de donner toutes les chances de succès à la prise<br />

en charge néphro-diététique. Le bilan métabolique<br />

urinaire, 1 mois environ après l’intervention urologique,<br />

est plus pertinent si le rein est débarrassé de<br />

tout calcul et de toute source d’inflammation.


Le développement de l’urétéroscopie souple a-t-il modifié l’heure du recours à l’urologue ?<br />

L’absence de récidive sera plus logiquement à mettre<br />

au bénéfice <strong>des</strong> efforts faits par le patient, garant<br />

d’un succès à très long terme. Par contre, le<br />

fragment résiduel peut toujours être attribué soit à<br />

un geste urologique incomplet ou à une mauvaise<br />

observance du patient, sans que l’on puisse facilement<br />

progresser dans la compréhension de la maladie<br />

lithiasique. L’URSS a donc sa place pour traiter<br />

sans fragment résiduel. La tomodensitométrie à<br />

faible dose, centrée sur les reins, donc peu irradiante,<br />

permet d’affirmer la guérison.<br />

Deuxièmement, alors qu’autrefois il était assez fréquent<br />

de réaliser plusieurs LEC, parfois sur <strong>des</strong> pério<strong>des</strong><br />

de 1 an ou plus, avant de conclure à la persistance<br />

de quelques fragments, il parait logique<br />

actuellement de fixer le suivi à 3 mois après la 2 ème<br />

LEC pour proposer, en cas d’échec, une URSS pour<br />

les patients symptomatiques ou ceux à fort risque<br />

de récidive.<br />

Troisièmement, il est logique de réaliser une URSS<br />

en première intention, et assez rapidement, pour<br />

les patients multirécidivistes porteurs de calculs<br />

connus pour leur dureté. Ainsi les patients cystinuriques<br />

sont mieux traités par URSS pour extraire un<br />

calcul de 5 à 7 mm nécessitant une demi-heure<br />

opératoire que par LEC itératives, souvent peu effi-<br />

223<br />

caces sur ces calculs durs. Attendre que le calcul<br />

grossisse pour proposer alors une NLPC plus invasive<br />

n’est pas logique. La présence persistante d’un<br />

calcul rénal est facteur de récidive d’autres calculs<br />

dans le même rein et peut également contribuer à<br />

une inflammation chronique et une altération de la<br />

fonction rénale. Ainsi l’URSS a bouleversé la prise en<br />

charge de la cystinurie.<br />

L’URSS est un traitement plus invasif que la LEC<br />

mais réellement plus efficace en particulier pour les<br />

calculs aux alentours de 10-15 mm. Lorsque le calcul<br />

est potentiellement dur ou que le patient est à<br />

fort risque de récidive, l’URSS en première intention<br />

doit être proposée après concertation pluridisciplinaire<br />

afin de choisir le moment idéal dans la prise<br />

en charge globale uro-néphrologique et diététique,<br />

correspondant à un meilleur contrôle du risque lithogène<br />

(processus identifié et contrôlé). Chez les<br />

cystinuriques elle est au mieux réalisée dès l’apparition<br />

d’un calcul de 5 mm ou plus, afin de réaliser<br />

un geste très simple.<br />

L’Urologue dispose donc de toutes les techniques<br />

extracorporelles et endoscopiques. L’URSS a modifié<br />

la stratégie de la prise en charge <strong>des</strong> calculs urinaires.<br />

Les indications sont au mieux proposées<br />

en collaboration avec les différents spécialistes.


Nom Page<br />

AAFSSAPS 34<br />

Albert C. 116<br />

Ayzac L. 116<br />

Azar R. 54, 130, 170<br />

Bardou-Jacquet E. 48<br />

Bauer C. 116<br />

Baumelou A. 106<br />

Bazin D. 85<br />

Beaufils M. 143<br />

Benaicha A. 85<br />

Beruard M. 116<br />

Bonniol C. 116<br />

Bouguern D. 116<br />

Boulechfar H. 82<br />

Boulogne M. 130<br />

Bourry E. 82<br />

Brissot P. 48<br />

Brunet P. 64<br />

Cacoub P. 161<br />

Canaud G. 92<br />

Caniot E. 116<br />

CLAFU 37<br />

Conort P. 32, 37, 222<br />

Couchoud C. 188<br />

Créput C. 194<br />

Cuny P. 54<br />

Daugas E. 152<br />

Delporte P. 130<br />

Deray G. 82, 178<br />

Diab R. 116<br />

Donnadieu P. 116<br />

Dore B. 37<br />

Drouin S.J. 216<br />

Faller A.L. 85<br />

Ficheux M. 54<br />

Froissart M. 184<br />

Girard R. 116<br />

Girerd X. 106<br />

Giuliano F. 106<br />

Index<br />

Index<br />

Groupe d’experts<br />

"Indicateurs en<br />

dialyse" 112<br />

Groupe de travail<br />

de la Société de<br />

Néphrologie 14<br />

Haab F. 204<br />

Hacini S. 82<br />

Hallonet P. 116<br />

Hannedouche T. 85<br />

Hermieu J.F. 204<br />

Hertig A. 137<br />

Isnard Bagnis C. 124<br />

Issad B. 178<br />

Janus N. 8<br />

Jean G. 77<br />

Joly D. 157<br />

Joyeux V. 116<br />

Knebelmann B. 157<br />

Knefati Y. 116<br />

Krummel T. 85<br />

Kuentz F. 116<br />

Labriola L. 191<br />

Launay-Vacher V. 8<br />

Le Quintrec M. 100<br />

Leroy F. 116<br />

Lobbedez T. 54<br />

Loreal O. 48<br />

Luque Y. 69<br />

Marc J.M. 116<br />

Marraoui M. 116<br />

Martin I. 116<br />

Melander C. 157<br />

Mercadal L. 82<br />

Merel C. 116<br />

Moreau-Gaudry X. 116<br />

Nochy D. 152<br />

Parent D. 9<br />

Parra J. 216<br />

Petitclerc T. 194<br />

225<br />

Pinceaux P. 116<br />

Renard-Penna R. 24<br />

Rey J.B. 9<br />

Richaud P. 206<br />

Ridel C. 69<br />

Romanet T. 58<br />

Rondeau E. 69<br />

Rouprêt M. 24, 216<br />

Russell I. 116<br />

Ryckelynck J.P. 54<br />

Saadoun D. 161<br />

Saint-Georges M. 116<br />

Salem N. 116<br />

Sandrine A. 116<br />

Saussine C. 37<br />

Savey A. 112<br />

Sene D. 161<br />

Soulié M. 206<br />

Stengel B. 184<br />

Szumilak D. 82<br />

Taddei C. 116<br />

Testa A. 174<br />

Tetault N. 116<br />

Thariat J. 8<br />

Tostivint I. 18, 32, 222<br />

Tourret J. 198<br />

Troadec M.B. 48<br />

Trolliet P. 116<br />

Unal M. 116<br />

Uzan M. 116<br />

Venditto M. 82<br />

Verger C. 54<br />

Zaoui P. 58


www.sun-pitie.com<br />

ISBN 2-9526026-4-6<br />

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