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Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12

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6<br />

Judaïsme<br />

ZARATHOUSTRA À JÉRUSALEM<br />

(NIETZSCHE ET LES JUIFS.<br />

LES JUIFS ET NIETZSCHE) 1<br />

LA SEULE ÉVOCATION DU NOM DE NIETZSCHE 2 IN-<br />

QUIÈTE. UNE ODEUR DE SOUFFRE ACCOMPAGNE « LE<br />

PHILOSOPHE AU MARTEAU » QUI PROCLAMAIT LA MORT<br />

DE DIEU ET PRÔNAIT UNE VERTIGINEUSE SUBVERSION<br />

DES VALEURS TRADITIONNELLES. PIRE ENCORE, ON L’A<br />

DIT ANTISÉMITE VOIRE INSPIRATEUR DU NAZISME. SA<br />

THÉORIE DU « SURHOMME » ANTICIPERAIT LES PLUS<br />

DRAMATIQUES THÉORIES ARYENNES.<br />

Mais à y regarder de près, on découvre le père de Zarathoustra<br />

plutôt philosémite. Plus inattendu encore, il est<br />

possible d’envisager des passerelles entre le nietzschéisme<br />

et la pensée talmudique. Quoi qu’il en soit et si surprenant<br />

que cela puisse paraître, nombre de sages juifs parmi les<br />

plus brillants ont été des lecteurs attentifs de l’œuvre de<br />

Nietzsche. Pour ne citer qu’un exemple des plus improbables,<br />

évoquons la figure de Rabbi Leibel Weisfich. Ce<br />

leader ultra-orthodoxe appartenant au très controversé<br />

courant hassidique hongrois Nétouré Karta, scribe à Méa<br />

Shéarim, parlait (non sans provocation) de Nietzsche hakadoch<br />

(« le saint Nietzsche») ! Il rêvait de créer, à Jérusalem,<br />

un « Beit Nietzsche » (la « maison de Nietzsche ») : centre<br />

international d’étude de l’œuvre du maître… Il alla jusqu’à<br />

déclarer : « La seule chose que Nietzsche adorait, c’était<br />

le judaïsme et les Juifs. Il l’a compris mieux que les plus<br />

grands <strong>rabbin</strong>s !»<br />

Après avoir clarifié, dans les grandes lignes, la position générale<br />

de Nietzche à l’égard des Juifs et du judaïsme, nous<br />

formulerons quelques hypothèses sur ce qui peut éclairer,<br />

dans l’œuvre du penseur allemand, quiconque s’intéresse à<br />

la pensée juive.<br />

SUR L’ANTISÉMITISME DE NIETZSCHE. À ses débuts,<br />

Nietzche n’échappe pas à la pensée comm<strong>une</strong> et à l’antisémitisme<br />

ambiant. L’époque de la publication de son<br />

premier ouvrage (La naissance de la tragédie), moment de<br />

son amitié avec Wagner, n’échappe pas à quelques déclarations<br />

scandaleuses à l’égard des Juifs, qu’il faut toutefois<br />

replacer dans un contexte général où l’antisémitisme était<br />

dans l’air du temps. Mais la pensée de Nietzsche est trop<br />

exigeante pour rester figée. Elle évolue, s’affine, se veut<br />

toujours plus suspicieuse à l’égard des lieux communs. Le<br />

moment de la rupture arrive donc : le philosophe rompt<br />

radicalement avec Wagner et abandonne son éditeur du<br />

fait de l’antisémitisme de ce dernier. Certains textes témoignent<br />

désormais tout à la fois d’<strong>une</strong> horreur pour le nationalisme<br />

allemand et d’<strong>une</strong> vraie admiration pour les Juifs.<br />

Dans Aurore, on peut lire : « Les ressources spirituelles et<br />

intellectuelles des Juifs d’aujourd’hui sont extraordinaires<br />

(…) Tout Juif trouve dans l’histoire de ses pères et de ses<br />

ancêtres <strong>une</strong> mine d’exemples du sang-froid et de la ténacité<br />

les plus inébranlables au milieu de situations terribles,<br />

des ruses les plus subtiles pour tromper le malheur et le<br />

hasard en en tirant profit ; leur courage sous le couvert<br />

d’<strong>une</strong> soumission pitoyable, leur héroïsme (…) surpassent<br />

les vertus de tous les saints (…) Ils n’ont jamais cessé euxmêmes<br />

de se croire voués aux plus grandes choses, et les<br />

vertus de tous les êtres souffrant n’ont jamais cessé de les<br />

embellir (…) Et cette abondance de grandes impressions<br />

accumulées que constitue l’histoire juive, cette abondance<br />

de passions, de vertus, de décisions, de renoncements,<br />

de combats, de victoires de toutes sortes – à quoi devraitelle<br />

aboutir, sinon finalement à de grands hommes et à de<br />

grandes œuvres intellectuelles. »<br />

Dans Par delà le Bien et le Mal, NIETZSCHE VILIPENDE<br />

LES ANTISÉMITES QUI CHERCHENT À LIMITER L’IMMI-<br />

GRATION JUIVE en Allemagne et témoigne d’<strong>une</strong> certaine<br />

fascination à l’égard du peuple juif: « ‘Pas un Juif de plus !<br />

Portes closes pour les Juifs, avant tout à l’Est et aussi en<br />

Autriche !’ Tel est le vœu instinctif d’<strong>une</strong> nation dont le type<br />

ethnique est encore faible et indécis et qui craint qu’<strong>une</strong><br />

race plus forte ne vienne l’effacer ou l’éteindre. Or les Juifs<br />

constituent sans aucun doute la race la plus forte, la plus<br />

résistante et la plus pure qui existe actuellement en Europe<br />

; ils savent s’imposer même dans les conditions les<br />

plus dures grâce à de mystérieuses vertus qu’on voudrait<br />

maintenant qualifier de vices, grâce surtout à <strong>une</strong> foi décidée<br />

qui n’a pas à éprouver de honte en présence des idées<br />

modernes. »<br />

LE MALENTENDU SUR LE PRÉTENDU ANTISÉMITISME DE<br />

NIETZSCHE doit beaucoup à sa sœur, Élisabeth. Mariée à<br />

un antisémite militant, elle a, après la mort du penseur, trahi<br />

la pensée de son frère et a même offert à Hitler la canne<br />

du philosophe. Nietzsche ne s’est pourtant jamais caché du<br />

dégoût que lui inspiraient les agissements de sa sœur. En<br />

1887, il lui écrit: « Tu as commis là <strong>une</strong> grosse bêtise – tant

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