Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12

Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12 Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12

26.12.2012 Views

26 Lectures LES CHOIX DE JIPÉA Les prophètes, les enfants et les fous, études bibliques et talmudiques, par Sébastien Allali Pour son quatrième ouvrage, le rabbin Sébastien Allali, poursuivant sa quête spirituelle à travers la connaissance des textes essentiels du judaïsme, se penche sur la prophétie, dont le Talmud enseigne qu’elle a été transmise aux enfants et aux fous. Étonnante association que celle qui réunit les sages, les innocents et les simples d’esprit. C’est que, nous explique l’auteur, l’esprit rebelle du prophète, la curiosité de l’enfant et la dérision du fou sont autant de conditions requises, selon la tradition juive, pour se mesurer aux textes afin de poser sur eux un regard neuf et singulier. Tout au long de ce bel ouvrage à la lecture très agréable et très enrichissante, Sébastien Allali utilise les anecdotes les plus savoureuses pour nous permettre de pénétrer les arcanes de la Bible et du Talmud. Ainsi, un enseignement midrashique, le « Yalkout Réouvéni », qui affirme que « aux temps messianiques, le porc sera cacher car sa nature changera et il deviendra ruminant ». Et, pour en revenir à l’étymologie et aux manipulations lexicographiques, le mot « ‘hazir », porc, vient de « ‘hazara », qui signifie « revenir ». On apprend donc qu’à la fin des temps, le porc redeviendra autorisé. Il convient surtout retenir de cet étonnant enseignement une morale essentielle : il ne faut jamais se contenter de voir les défauts d’autrui, mais chercher au contraire ses qualités et ne pas porter de jugement hâtif. Passionnant. Éditions Lichma. 1er trimestre 2010. 168 pages. 15,90€ Ailleurs par Micheline Herc (*) € Le bâton et l’eau chaude - Voyage d’un Juif italo-tunisien, par Robert Modigliani «El assa oul mê chkhoune». Originaire de Tunis, fils d’un Juif livournais et d’une Juive tounsia, Robert Modigliani a choisi cette délicieuse expression judéo-tunisienne qui se traduit littéralement par « Le bâton et l’eau chaude » comme titre de son premier roman. Expression régulièrement assénée par les parents juifs tunisiens à leurs enfants chaque fois qu’ils étaient amenés à affronter les dures réalités de la vie, notamment à chaque rentrée scolaire. Un peu comme pour leur dire que les vacances, c’était bien fini, qu’il fallait définitivement replier les chaises-longues, dégonfler les matelas pneumatiques, remiser les ballons de volley-ball, reprendre le T.G.M. (Tunis - Goulette - Marsa) en sens inverse vers la capitale, abandonner le sable fin, la brise marine, le chameau du Saf-Saf et se préparer à échanger les cahiers de vacances de Loulou et Babette pour les tabliers d’écolier réglementaires, les plumes Sergent-Major et les récipients blancs emplis d’encre violette de l’école de la République. À travers les tribulations d’un petit Juif italien de Tunis, ce qu’on appelle un Guerni, c’est tout un art de vivre qui nous est offert. L’auteur nous propose, tout au long des pages, un véritable florilège d’expressions locales aussi pimentées qu’ensoleillées : Mektoub, bien sûr, mais aussi, Bléchi (Tant pis), Mabrouk (Félicitations) Meskine (Le pauvre) ou encore Euchkeutt, ya rkika (Tais-toi, espèce de lourde). Et des dizaines d’autres vocables chatoyants. C’paspordjire, mais on fait un kif à chaque page. C’est très frais et très agréable à lire. Une lecture que ne vient entraver ni le bâton, ni l’eau chaude. Un régal. Éditions L’Harmattan. Juillet 2009. 238 pages. 23,50€ € C’est une histoire véritablement extraordinaire que nous raconte le docteur Micheline Herc, neuropsychiatre de son état. Il s’agit d’une histoire vraie, celle de sa propre jeunesse, le récit de l’errance d’une enfant juive de Varsovie au Kazakhstan en passant par les coins les plus reculés de Sibérie. Avant même de naître, Micheline Herc, encore dans le ventre de sa mère, a déjà un avant-goût des difficultés de la vie. Au septième mois de grossesse, sa mère est victime d’une crise d’éclampsie et tombe dans le coma. Contre toute attente on parvient à sauver la mère et la fille qui naît prématurée à sept mois et demi et pèse 1kg200. Nous sommes à Varsovie, en 1937, au sein d’une famille juive qui vit, au quotidien, l’antisémitisme rampant qui règne alors en Pologne. La famille Herc décide de fuir. Vers le Nord, vers la Scandinavie. Les voici à Bialystok puis à Vilna, en Lituanie. Hélas, les Soviétiques envahissent la région et décrètent que les Polonais prendront la nationalité de l’URSS ou seront déportés en Sibérie. L’ingénieur Herc et son épouse ne veulent pas entendre parler d’un passeport soviétique. Comme des centaines d’autres Polonais, ils sont transférés à Arkhangelsk. « C’est ainsi, raconte Micheline Herc, que nous nous sommes enfuis en chariot en direction de la Chine. » Mais l’entreprise a tourné court. Et la famille se retrouve en Ouzbékistan puis au Kazakhstan. La petite Micheline, est curieuse de tout, elle observe ces Asiates mongols qui vivent dans des yourtes. En 1946, enfin, ils peuvent regagner la Pologne. Les lieux de l’enfance ne sont plus que des ruines. Il n’est plus question de demeurer à Varsovie ou à Lodz. Les Herc, apatrides, gagnent Paris. Une nouvelle vie commence pour la petite sauvageonne. Elle a neuf ans, ne parle pas le français, mais elle a la vie devant soi. Ce récit édifiant et passionnant se lit d’une traite. Éditions Delatour France. Janvier 2010. 200 pages. 20€

Grisha Bruskin, Alefbet, tapisserie, 2006 Collection de l’artiste ©Grisha Bruskin Du côté des Arts et Spectacles MAYA SHANE Le 10 juin à l’alhambra. Chanteuse française d’origine tunisienne, Maya Shane a le don de ranimer le patrimoine judéo-arabe. Digne héritière d’une longue tradition franco-orientale, Maya Shane tente dans ses concerts de sublimer sa fièvre musicale en nous la déclinant en chanson d’amour et de bonheur. Ses chansons se suivent mais ne se ressemblent pas, une seule obsession qui apparaît comme un fil conducteur. Un voyage entre l’orient et l’occident, entre rythme et douceur, dont la voix va nous réchauffer le cœur a l’Alhambra le jeudi 10 juin 2010 à 20h30 Réservations au 01 40 20 40 25 Au Musée d’art et d’histoire du Judaïsme Hôtel de Saint-Aignan 71, rue du Temple - 75003 Paris Tél. : 01 53 01 86 48 RADICAL JEWISH CULTURE - SCÈNE MUSICALE DE NEW YORK du 9 avril au 18 juillet 2010 Dans le New-York bouillonnant des années 1980 et 1990, des artistes – musiciens, poètes, vidéastes – se réapproprient un héritage politique, intellectuel et culturel juif jadis extrêmement florissant et dont les traces disparaissent alors au rythme des changements intervenant dans le paysage urbain. Très présents sur le terrain des musiques traditionnelles, tout autant que sur les scènes alternatives du rock, du punk, du jazz et de la musique contemporaine, ces musiciens, parmi lesquels on trouve des figures centrales de l’avant-garde musicale et de la world music, redécouvrent un répertoire, celui des musiques juives d’Europe orientale désigné sous le terme de klezmer, organisent des festivals, participent à des projets artistiques mêlant musiques et arts visuels. Cette exposition, première à présenter cette scène, associée à une programmation musicale, fera découvrir de nombreux documents sonores, visuels (prises inédites de concerts) et des textes largement inédits. GRISHA BRUSKIN ALEFBET - UNE TAPISSERIE du 9 avril au 29 août Grisha Bruskin est né en 1945 à Moscou dans une famille juive. Son œuvre s’est constituée entre deux traditions, celle du communisme soviétique et celle du judaïsme, qu’il a redécouverte. Il fait ses études à l’École d’art de Moscou puis à l’École des arts décoratifs. Il part pour New York, où il vit et travaille depuis 1988. Il a réalisé le triptyque La Vie par-dessus tout pour le Reichstag restauré à Berlin, en 1999. Les tapisseries de Grisha Bruskin constituent un nouveau versant d’une œuvre qui conjugue peinture, sculpture, dessin, porcelaine, écriture, installations et performances. FRANK LONDON – LORIN SKLAMBERG Mardi 6 juillet 2010 à 20 h Frank London, trompette, harmonium, clavier, Lorin Sklamberg, accordéon, chant Pablo Aslan, contrebasse, Brandon Seabrook, guitare Au cœur du Klezmer Revival et de la scène des nouvelles musiques juives, Frank London et Lorin Sklamberg à l’origine des formations les plus dynamiques de ces vingt dernières années, nous proposent un programme inédit en Europe, tiré de leur dernier album paru sur Tzadik, Tsuker-zis (“doux-amer” en yiddish), fortement inspiré par les mélodies des fêtes hassidiques. ISABELLE DURIN: ROMANTISME HÉBRAÏQUE le 30 mai 2010 à 17h00 «La musique hébraïque est étroitement liée à l’histoire du peuple juif, à ses errances, ses traumatismes, ses douleurs, en un mot à son destin tragique. Elle me renvoie à une part de mon identité, et me touche particulièrement.» déclare Isabelle Durin. Après des études aux conservatoires de Sceaux-Bourg-la-Reine et du VIème arrondissement de Paris, Isabelle Durin obtient un premier prix de violon Médaille d’or au C.N.R. de Versailles, dans la classe du violoniste Alexandre BRUSSILOVSKY, suivi en 1996, d’un premier prix de musique de chambre et d’un premier prix d’honneur de violon, dans la classe de Antoine Goulard. En 1997, elle obtient un premier prix de Perfectionnement de musique de chambre, et un premier prix au concours de musique de chambre du Lions’Club de Mantes (Val-de-Seine). Isabelle Durin dont nous avions parlé dans un précédent numéro donnera un concert à l’espace Rachi 39 rue Broca 75005 Paris - Tarif plein: 20€ - Tarif réduit: 15€ Frank London ©DR 27

26<br />

Lectures<br />

LES CHOIX DE JIPÉA<br />

Les prophètes, les enfants et les fous,<br />

études bibliques et talmudiques,<br />

par Sébastien Allali<br />

Pour son quatrième ouvrage, le <strong>rabbin</strong><br />

Sébastien Allali, poursuivant sa quête<br />

spirituelle à travers la connaissance<br />

des textes essentiels du judaïsme, se<br />

penche sur la prophétie, dont le Talmud<br />

enseigne qu’elle a été transmise<br />

aux enfants et aux fous. Étonnante association<br />

que celle qui réunit les sages,<br />

les innocents et les simples d’esprit.<br />

C’est que, nous explique l’auteur, l’esprit<br />

rebelle du prophète, la curiosité<br />

de l’enfant et la dérision du fou sont autant de conditions<br />

requises, selon la tradition juive, pour se mesurer aux textes<br />

afin de poser sur eux un regard neuf et singulier.<br />

Tout au long de ce bel ouvrage à la lecture très agréable<br />

et très enrichissante, Sébastien Allali utilise les anecdotes<br />

les plus savoureuses pour nous permettre de pénétrer les<br />

arcanes de la Bible et du Talmud. Ainsi, un enseignement<br />

midrashique, le « Yalkout Réouvéni », qui affirme que « aux<br />

temps messianiques, le porc sera cacher car sa nature<br />

changera et il deviendra ruminant ». Et, pour en revenir à<br />

l’étymologie et aux manipulations lexicographiques, le mot<br />

« ‘hazir », porc, vient de « ‘hazara », qui signifie « revenir ».<br />

On apprend donc qu’à la fin des temps, le porc redeviendra<br />

autorisé. Il convient surtout retenir de cet étonnant enseignement<br />

<strong>une</strong> morale essentielle : il ne faut jamais se contenter<br />

de voir les défauts d’autrui, mais chercher au contraire<br />

ses qualités et ne pas porter de jugement hâtif.<br />

Passionnant.<br />

Éditions Lichma. 1er trimestre 2010. 168 pages. 15,90€<br />

Ailleurs<br />

par Micheline Herc (*)<br />

€<br />

Le bâton et l’eau chaude - Voyage<br />

d’un Juif italo-tunisien,<br />

par Robert Modigliani<br />

«El assa oul mê chkho<strong>une</strong>». Originaire<br />

de Tunis, fils d’un Juif livournais<br />

et d’<strong>une</strong> Juive tounsia, Robert<br />

Modigliani a choisi cette délicieuse<br />

expression judéo-tunisienne qui se<br />

traduit littéralement par « Le bâton<br />

et l’eau chaude » comme titre de<br />

son premier roman. Expression régulièrement<br />

assénée par les parents<br />

juifs tunisiens à leurs enfants chaque<br />

fois qu’ils étaient amenés à affronter<br />

les dures réalités de la vie, notamment<br />

à chaque rentrée scolaire.<br />

<strong>Un</strong> peu comme pour leur dire que les vacances, c’était bien<br />

fini, qu’il fallait définitivement replier les chaises-longues,<br />

dégonfler les matelas pneumatiques, remiser les ballons de<br />

volley-ball, reprendre le T.G.M. (Tunis - Goulette - Marsa)<br />

en sens inverse vers la capitale, abandonner le sable fin, la<br />

brise marine, le chameau du Saf-Saf et se préparer à échanger<br />

les cahiers de vacances de Loulou et Babette pour les<br />

tabliers d’écolier réglementaires, les plumes Sergent-Major<br />

et les récipients blancs emplis d’encre violette de l’école de<br />

la République.<br />

À travers les tribulations d’un petit Juif italien de Tunis, ce<br />

qu’on appelle un Guerni, c’est tout un art de vivre qui nous<br />

est offert. L’auteur nous propose, tout au long des pages,<br />

un véritable florilège d’expressions locales aussi pimentées<br />

qu’ensoleillées : Mektoub, bien sûr, mais aussi, Bléchi (Tant<br />

pis), Mabrouk (Félicitations) Meskine (Le pauvre) ou encore<br />

Euchkeutt, ya rkika (Tais-toi, espèce de lourde). Et des dizaines<br />

d’autres vocables chatoyants. C’paspordjire, mais on<br />

fait un kif à chaque page.<br />

C’est très frais et très agréable à lire. <strong>Un</strong>e lecture que ne<br />

vient entraver ni le bâton, ni l’eau chaude. <strong>Un</strong> régal.<br />

Éditions L’Harmattan. Juillet 2009. 238 pages. 23,50€ €<br />

C’est <strong>une</strong> histoire véritablement extraordinaire que nous raconte le docteur Micheline Herc, neuropsychiatre<br />

de son état. Il s’agit d’<strong>une</strong> histoire vraie, celle de sa propre je<strong>une</strong>sse, le récit de l’errance d’<strong>une</strong><br />

enfant juive de Varsovie au Kazakhstan en passant par les coins les plus reculés de Sibérie.<br />

Avant même de naître, Micheline Herc, encore dans le ventre de sa mère, a déjà un avant-goût des<br />

difficultés de la vie. Au septième mois de grossesse, sa mère est victime d’<strong>une</strong> crise d’éclampsie et<br />

tombe dans le coma. Contre toute attente on parvient à sauver la mère et la fille qui naît prématurée<br />

à sept mois et demi et pèse 1kg200. Nous sommes à Varsovie, en 1937, au sein d’<strong>une</strong> famille juive qui<br />

vit, au quotidien, l’antisémitisme rampant qui règne alors en Pologne. La famille Herc décide de fuir.<br />

Vers le Nord, vers la Scandinavie. Les voici à Bialystok puis à Vilna, en Lituanie. Hélas, les Soviétiques envahissent la région et<br />

décrètent que les Polonais prendront la nationalité de l’URSS ou seront déportés en Sibérie. L’ingénieur Herc et son épouse ne<br />

veulent pas entendre parler d’un passeport soviétique. Comme des centaines d’autres Polonais, ils sont transférés à Arkhangelsk.<br />

« C’est ainsi, raconte Micheline Herc, que nous nous sommes enfuis en chariot en direction de la Chine. » Mais l’entreprise<br />

a tourné court. Et la famille se retrouve en Ouzbékistan puis au Kazakhstan. La petite Micheline, est curieuse de tout, elle<br />

observe ces Asiates mongols qui vivent dans des yourtes. En 1946, enfin, ils peuvent regagner la Pologne. Les lieux de l’enfance<br />

ne sont plus que des ruines. Il n’est plus question de demeurer à Varsovie ou à Lodz. Les Herc, apatrides, gagnent Paris.<br />

<strong>Un</strong>e nouvelle vie commence pour la petite sauvageonne. Elle a neuf ans, ne parle pas le français, mais elle a la vie devant soi.<br />

Ce récit édifiant et passionnant se lit d’<strong>une</strong> traite.<br />

Éditions Delatour France. Janvier 2010. 200 pages. 20€

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!