Être rabbin : une profession ? Un sacerdoce - Tribu 12
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<strong>12</strong><br />
Société<br />
ÊTRE JUIF AUTREMENT<br />
LA COMMUNAUTÉ JUIVE DE FRANCE, SIX CENT MILLE<br />
ÂMES SI L’ON SE FIE AU CHIFFRE GÉNÉRALEMENT AD-<br />
MIS, EST LOIN D’ÊTRE MONOLITHIQUE. ELLE S’ÉTEND<br />
SUR UN LARGE SPECTRE QUI VA DES NON-CROYANTS<br />
ET AUTRES LAÏCS AUX LOUBAVITCHS EN PASSANT PAR<br />
LES TRADITIONALISTES, LES ORTHODOXES, LES LIBÉ-<br />
RAUX OU ENCORE LES MASSORTIS. CERTAINS S’AFFIR-<br />
MENT SIONISTES, D’AUTRES SE RÉCLAMENT DU BUND<br />
ET NOMBREUX SONT CEUX QUI SONT ÉTRANGERS À<br />
TOUTE ACTIVITÉ COMMUNAUTAIRE OU CULTUELLE.<br />
S’IL EST VRAI QU’AUJOURD’HUI, EN FRANCE, LE COU-<br />
RANT MAJORITAIRE S’INSCRIT DANS LE JUDAÏSME RE-<br />
PRÉSENTÉ PAR LE CONSISTOIRE CENTRAL, FORCE EST<br />
DE CONSTATER L’ÉMERGENCE ET LE RENFORCEMENT<br />
DE TOUTE UNE PALETTE D’OBÉDIENCES QUI VONT DES<br />
LIBÉRAUX AUX LOUBAVITCHS.<br />
UN JUDAÏSME<br />
QUI SE VEUT MODERNE<br />
Au 18ème siècle, avec<br />
l’émancipation des Juifs en<br />
Europe et l’émergence de ce<br />
qu’on a appelé la Haskala,<br />
l’ère des Lumières, des<br />
Juifs se sont pris à croire à<br />
<strong>une</strong> révolution dans les<br />
mœurs qui les extrairait<br />
définitivement<br />
du ghetto tout en<br />
leur permettant<br />
de conserver un lien<br />
avec leurs pratiques ancestrales. Dans cette<br />
volonté farouche de parvenir à ce qu’ils considéraient<br />
comme <strong>une</strong> forme de « normalité », les premiers<br />
théoriciens du libéralisme en milieu juif se sont<br />
parfois fourvoyés. Ainsi, lorsque Theodor Creizenach,<br />
à Francfort-sur-le-Main, prône, en 1842, l’abandon pur<br />
et simple du Talmud et de la Halakha au profit d’un spiritualisme<br />
mosaïque sublimé. Ou encore, lorsque le <strong>rabbin</strong><br />
Samuel Holdheim décrète la caducité absolue de la littérature<br />
<strong>rabbin</strong>ique. Sans oublier Orly Terquem qui voulait<br />
non seulement abolir la circoncision mais aussi transférer<br />
le chabbat du samedi au dimanche. Fort heureusement, de<br />
nos jours, le judaïsme dit « libéral » est bien loin de ces<br />
aberrations et, en réalité, tout compte fait, assez proche<br />
du judaïsme consistorial. Pour les libéraux de notre siècle,<br />
il s’agit de mettre en pratique un principe simple, à savoir<br />
que les mitsvot ne sont pas toutes de la même essence et<br />
qu’il convient de les hiérarchiser. La <strong>profession</strong> de foi du<br />
<strong>rabbin</strong> et penseur libéral Léo Baeck résume cette problématique<br />
: « Le judaïsme n’est jamais devenu <strong>une</strong> entité<br />
achevée. Auc<strong>une</strong> période de son développement ne peut<br />
devenir sa totalité. L’ancienne Révélation devient toujours<br />
<strong>une</strong> nouvelle Révélation. Le judaïsme est <strong>une</strong> expérience de<br />
continuelle renaissance ».<br />
En 1903, à sa naissance, l’<strong>Un</strong>ion Libérale Israélite de France,<br />
l’ULIF de la rue Copernic, avait pour guide spirituel <strong>une</strong><br />
autorité du Consistoire Central, le Grand <strong>rabbin</strong> Louis-Germain<br />
Lévy. Après la Guerre, l’ULIF a été relancée par le <strong>rabbin</strong><br />
André Zaoui, qui vient de disparaître, père du célèbre<br />
avocat Michel Zaoui et par Colette Kessler, responsable<br />
pédagogique. C’est au sein de cette communauté libérale<br />
que s’est illustré, lors du fameux attentat, le <strong>rabbin</strong> Michael<br />
Williams. Pour l’ULIF, le plus grand danger qui guette le judaïsme,<br />
c’est l’assimilation par le biais des mariages mixtes.<br />
C’est pourquoi, selon ses dirigeants, quelques prières en<br />
français en plus ou en moins, des femmes et des hommes<br />
assis côte à côte à la synagogue, le refus d’appliquer strictement<br />
certaines règles relatives au guet ou aux mamzerim<br />
sont des détails par rapport à l’objectif essentiel de survie<br />
du peuple juif.<br />
Autre structure libérale<br />
du paysage juif de France,<br />
le MJLF, Mouvement Juif<br />
Libéral de France. En juin<br />
1977, <strong>une</strong> poignée de familles<br />
de l’ULIF accompagne le <strong>rabbin</strong><br />
Daniel Farhi, Colette Kessler et<br />
Roger Benarrosh pour fonder<br />
le MJLF. Roger Benarrosh en<br />
sera le président fondateur.<br />
<strong>Un</strong>e synagogue verra rapidement<br />
le jour dans le<br />
quartier de Beaugrenelle<br />
dans le XVème<br />
arrondissement de<br />
Paris. Plusieurs<br />
milliers de familles appartiennent aujourd’hui<br />
à cette mouvance et plusieurs centaines<br />
d’enfants suivent les cours de son Talmud Thora. Le<br />
propre fils de Daniel Farhi, Gabriel Farhi, formé au Léo<br />
Baeck College de Londres, sera ordonné <strong>rabbin</strong> à son<br />
tour. C’est au sein du MJLF qu’émergera, en 1990, la figure<br />
de la première femme-<strong>rabbin</strong> de France, Pauline Bebe<br />
qui créera, par la suite la CJL, Communauté Juive Libérale<br />
d’Île-de-France (1). Le MJLF, on le sait, a pris <strong>une</strong> part très<br />
active dans les cérémonies de commémoration du Yom<br />
Hashoah. À ceux qui lui reprochent son éloignement de la<br />
stricte orthodoxie, le MJLF rappelle qu’<strong>une</strong> étude réalisée<br />
il y a quelques années montrait que 80% de ses membres