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entre porcs et hommes se termine sur une algarade à propos du jeu de cartes. Les animaux vont se
coucher. Demain ne sera pas un autre jour : ils ont seulement changé de maîtres.
Cette fable, bien sûr, appelle le décodage. Elle est du début jusqu’à la fin
un texte antimarxiste, antibolchevique, anticommuniste, mais aussi, et plus
largement, antitotalitaire, car ce qui marche avec Lénine, Staline et Trotski
fonctionne tout aussi bien avec Hitler, Mussolini ou Franco ou bien encore
avec tout autre dictateur quelle qu’en soit la couleur – rouge, brune sinon
aujourd’hui verte.
A : Qui ne voit par exemple que le songe de Sage l’Ancien correspond
point par point à la pensée de Karl Marx. Le discours sur la lutte des classes
permet d’opposer les humains aux animaux comme le philosophe allemand
opposait les bourgeois qui possèdent les moyens de production, ici dans la
Ferme, aux prolétaires qui n’ont rien. Ce sont les thèses du Manifeste du
Parti communiste. Avec ce discours d’un cochon, Orwell critique également
l’exploitation capitaliste et dénonce l’improductivité du bourgeois, la
confiscation de la plus-value par les propriétaires qui vivent de la rente et
non du travail, la division du travail, le salariat calculé pour assurer la seule
survie du travailleur et éviter le partage avec lui des bénéfices confisqués
par les possédants – autant d’analyses développées de façon austère dans Le
Capital.
B : Avec l’opposition entre Quatrepattes et Deuxpattes, animaux et
humains, on retrouve les attendus bien connus du marxisme, mais aussi du
marxisme-léninisme : dualisme, essentialisme, simplisme, prophétisme,
millénarisme. Précisons. Chez l’auteur du Capital, comme dans La Ferme
des animaux, on a une lecture du monde en noir et blanc – le bien d’un côté,
les animaux, le mal de l’autre, les hommes ; l’essentialisation des
catégories : tous les animaux sont du côté du bien, même quand ils font le
mal, et tous les humains sont du côté du mal, même quand ils font le bien ;
une théorie du bouc émissaire : il n’y a pas une série de causes pour
expliquer le mal, mais une seule et unique raison : les hommes bien sûr, rien
que les hommes et tous les hommes sans exception ; ce simplisme dans la
causalité se double d’un simplisme dans la solution : puisque le mal n’a
qu’une origine, les hommes, supprimons le mal, les hommes, cela suffira
pour créer l’avènement du bien ; à l’issue de cette épuration anthropique, la
promesse d’avenir est mirifique : du bonheur, de la liberté, de l’abondance,
de la prospérité, de l’égalité, de la dignité, de la justice sociale – nous