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(1) Michel Onfray - Théorie de la dictature-Robert Laffont (2019)

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entre porcs et hommes se termine sur une algarade à propos du jeu de cartes. Les animaux vont se

coucher. Demain ne sera pas un autre jour : ils ont seulement changé de maîtres.

Cette fable, bien sûr, appelle le décodage. Elle est du début jusqu’à la fin

un texte antimarxiste, antibolchevique, anticommuniste, mais aussi, et plus

largement, antitotalitaire, car ce qui marche avec Lénine, Staline et Trotski

fonctionne tout aussi bien avec Hitler, Mussolini ou Franco ou bien encore

avec tout autre dictateur quelle qu’en soit la couleur – rouge, brune sinon

aujourd’hui verte.

A : Qui ne voit par exemple que le songe de Sage l’Ancien correspond

point par point à la pensée de Karl Marx. Le discours sur la lutte des classes

permet d’opposer les humains aux animaux comme le philosophe allemand

opposait les bourgeois qui possèdent les moyens de production, ici dans la

Ferme, aux prolétaires qui n’ont rien. Ce sont les thèses du Manifeste du

Parti communiste. Avec ce discours d’un cochon, Orwell critique également

l’exploitation capitaliste et dénonce l’improductivité du bourgeois, la

confiscation de la plus-value par les propriétaires qui vivent de la rente et

non du travail, la division du travail, le salariat calculé pour assurer la seule

survie du travailleur et éviter le partage avec lui des bénéfices confisqués

par les possédants – autant d’analyses développées de façon austère dans Le

Capital.

B : Avec l’opposition entre Quatrepattes et Deuxpattes, animaux et

humains, on retrouve les attendus bien connus du marxisme, mais aussi du

marxisme-léninisme : dualisme, essentialisme, simplisme, prophétisme,

millénarisme. Précisons. Chez l’auteur du Capital, comme dans La Ferme

des animaux, on a une lecture du monde en noir et blanc – le bien d’un côté,

les animaux, le mal de l’autre, les hommes ; l’essentialisation des

catégories : tous les animaux sont du côté du bien, même quand ils font le

mal, et tous les humains sont du côté du mal, même quand ils font le bien ;

une théorie du bouc émissaire : il n’y a pas une série de causes pour

expliquer le mal, mais une seule et unique raison : les hommes bien sûr, rien

que les hommes et tous les hommes sans exception ; ce simplisme dans la

causalité se double d’un simplisme dans la solution : puisque le mal n’a

qu’une origine, les hommes, supprimons le mal, les hommes, cela suffira

pour créer l’avènement du bien ; à l’issue de cette épuration anthropique, la

promesse d’avenir est mirifique : du bonheur, de la liberté, de l’abondance,

de la prospérité, de l’égalité, de la dignité, de la justice sociale – nous

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