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animaux se rappelaient les avoir adoptées : ou du moins ils croyaient en avoir gardé le souvenir 54 . »
Les quatre gorets déjà réfractaires à la suppression des assemblées par Napoléon manifestent leur
réticence : les molosses les menacent, ils renoncent. Les moutons scandent les slogans, Napoléon fait
savoir que les autres animaux n’auront pas besoin d’être en contact avec les humains et qu’il s’en
chargera, lui.
Brille-Babil prend le relais et fait son travail : il convainc que jamais, au grand jamais, il n’a été
question d’interdire le commerce avec les humains et l’usage d’argent à la Ferme ! Le croire est une
affabulation, un rêve, ou souscrire à une désinformation ourdie par Boule de Neige. D’ailleurs, il
demande si quelqu’un dispose d’un document attestant cette prétendue décision. Il n’y en a aucun ?
Alors… Dès lors, les animaux sont convaincus de s’être trompés !
Un humain vient tous les lundis et commerce avec Napoléon. Les Deuxpattes qui ont longtemps
cru que la ferme autogérée s’effondrerait ont changé d’avis : elle vit encore, certes, ils la haïssent
toujours, mais ils ne répugnent pas à commercer avec elle.
Dans le même temps, les cochons s’installent dans la maison de Jones. Les animaux rappellent que
c’était interdit ; Brille-Babil réactive sa rhétorique habituelle : « Il est d’une absolue nécessité,
expliqua-t-il, que les cochons, têtes pensantes de la ferme, aient à leur disposition un lieu paisible où
travailler. Il est également plus conforme à la dignité du chef (car depuis peu il lui était venu de
conférer la dignité de chef à Napoléon) de vivre dans une maison que dans une porcherie 56 . » Les
porcs mangent donc dans la cuisine, ils ont transformé le salon en salle de jeux et dorment dans des
lits ! Malabar n’y voit rien à redire, selon le principe qui était le sien que « Napoléon ne se trompe
jamais », mais sa compagne, Douce, se rend avec la chèvre Edmée au fond de la grange pour y lire
les Sept Commandements qui y avaient été peints jadis. Le quatrième dit : « Aucun animal ne
dormira dans un lit avec des draps 57 »…
Brille-Babil explique qu’aucun règlement n’a proscrit les lits pour les cochons, aucun, jamais.
L’interdiction n’a jamais porté sur le lit puisqu’une litière en est un, mais sur les draps seulement…
Or les cochons dorment sans draps, entre deux couvertures. Et les camarades cochons qui travaillent
dur pour la communauté ont besoin d’un sommeil réparateur : qui le leur refuserait ? Si d’aventure ils
ne pouvaient se reposer correctement, la Ferme péricliterait, ce qui ramènerait Jones sur ses terres, ce
que personne, bien sûr, ne souhaite ! L’affaire est ainsi close. Quelques jours plus tard, les cochons
décident qu’ils se réveilleront une heure plus tard que les autres.
Le Moulin avance bien ; Malabar va y travailler de nuit ; les animaux sont fiers du travail accompli
– sauf Benjamin qui « se refusait à l’enthousiasme, sans toutefois rien dire que de répéter ses
remarques sibyllines sur la longévité de son espèce 58 ». Mais la tempête le détruit dans la nuit.
Napoléon accuse Boule de Neige de sabotage et décrète sa condamnation à mort. La reconstruction
est décidée.
Le travail s’avère plus pénible encore ; l’hiver est rude ; le froid et la faim sévissent ; les pommes
de terre gèlent. La Ferme des Animaux cache l’état réel des choses au monde extérieur ; quand un
humain vient commercer, on le désinforme en lui racontant que tout va bien et que les rations ont été
augmentées alors qu’elles ont été diminuées… Les moutons sont convoqués pour répandre les
fausses informations. Napoléon fait remplir des coffres de sable et les recouvre avec une pellicule de
grains et de farine, le tout est négligemment exhibé devant l’humain qui rapporte qu’il dispose des
preuves de l’abondance à même de faire pièce aux calomnies et aux malveillances des ennemis de la
Ferme des Animaux W .
Napoléon ne sort plus, sinon avec force décorum et escorté par ses molosses ; il ne s’exprime plus
et laisse le soin de sa communication aux autres cochons en général et à Brille-Babil en particulier.