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(1) Michel Onfray - Théorie de la dictature-Robert Laffont (2019)

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démocratie impossible et désigner le Parti comme son gardien, oublier ce

qu’il faut oublier, puis retrouver la mémoire si nécessaire pour oublier

aussitôt ensuite. Et surtout, appliquer ce traitement au procédé lui-même :

induire l’inconscience sciemment, et refouler l’acte d’autohypnose auquel

on vient de se livrer – le comble de la subtilité. Pour comprendre le mot

“doublepenser”, encore faut-il être capable de doublepenser soi-même 47 . »

Pratiquement, le doublepenser trouve une illustration dans le « noirblanc 248

». Selon toute bonne logique, si une chose est noire, elle ne saurait être

blanche – et vice versa ; mais dans la logique illogique du Parti, noirblanc,

« comme tant d’autres vocables en néoparler, a deux sens antithétiques.

Appliqué à un adversaire, il renvoie à l’habitude de soutenir contre toute

évidence et sans vergogne que le noir est blanc. Appliqué à un membre du

Parti, il renvoie au bon vouloir qui lui fera dire que le noir est blanc si la

discipline du Parti l’exige. Mais il signifie aussi la capacité de le croire,

voire d’en être sûr, et d’oublier du même coup qu’on a pensé le contraire 248 .

»

PRINCIPE 9

DÉTRUIRE DES MOTS

« Il n’y a rien de plus beau

que la destruction des mots 65 »

Celui qui travaille aux éditions successives du dictionnaire qui permet

cette épuration linguistique argumente ainsi : « Nous sommes en train de

donner à la langue sa forme définitive, celle qu’elle aura quand plus

personne n’en parlera d’autre. Quand nous en aurons fini, les gens comme

toi devront tout réapprendre. Tu crois sans doute que l’essentiel de notre

tâche est d’inventer des mots. Mais pas du tout ! Nous détruisons des mots,

au contraire, par dizaines, par centaines, tous les jours. Nous dégraissons la

langue jusqu’à l’os 65 . »

Il faut exterminer les verbes, les adjectifs et ce qui est présenté comme du

vocabulaire superflu, comme les synonymes ou les antonymes. Puisque le

mot « bon » existe, à quoi peut bien servir « mauvais » puisqu’il suffit de

dire « inbon ». Quelle utilité également pour des mots comme « excellent »

ou « superbe » qui servent à préciser la nature du bon en question et à

effectuer des variations subtiles sur des modalités d’une réalité ? « Plusbon

» suffirait, ou bien encore « doubleplusbon » si l’on veut également. Et le

lexicographe de préciser : « Au bout du compte, la notion de bon et de

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