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(1) Michel Onfray - Théorie de la dictature-Robert Laffont (2019)

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Winston s’aventure dans des quartiers périphériques, loin du centre réservé aux classes dirigeantes.

L’un des quartiers populeux s’est fait bombarder. En fait, le pouvoir envoie lui-même les bombes afin

de faire croire à un état de guerre qui désigne des ennemis utiles pour fédérer la population. Il entre

dans un bar crasseux où les gens jouent au loto. La salle n’a pas de télécran. Winston questionne les

anciens sur la vie d’avant : il ne leur reste que des bribes de souvenirs personnels qui s’avèrent

complètement inutiles. Il entre dans un magasin de vieilleries : des meubles, une brocante. On a

construit des musées de la Propagande dans d’anciennes églises. On lui fait voir des gravures de

l’époque d’avant… Il croise une femme du service littérature. Il craint qu’elle ne soit une espionne. Il

envisage de la tuer, n’en fait rien, rentre chez lui et boit du mauvais gin.

Quatre jours plus tard, il la rencontre à nouveau. Elle a le bras en écharpe. Elle tombe ; il se

précipite pour l’aider à se relever, elle part, non sans avoir eu le temps de lui glisser un billet sur

lequel est écrit : « Je t’aime. » Il est fou de désir – et de crainte. Au réfectoire, ils parviennent

difficilement à se donner rendez-vous. Ils se retrouvent dans un bois, y font l’amour puis se séparent.

Elle s’appelle Julia ; elle a vingt-six ans ; elle parle du Parti avec des mots grossiers ; elle lui offre du

vrai chocolat acheté au marché noir ; elle confesse faire souvent l’amour, avec des gens du Parti, et

adorer le sexe ; elle travaille à La Boîte à foutre 155 , où elle fabrique des romans pornographiques…

pour ainsi dire à la queue leu leu ; elle dit détester le Parti ; elle avoue être « corrompue jusqu’à

l’os 149 ». Ils se retrouvent régulièrement, elle prend l’initiative des rendez-vous, des lieux, des

circonstances et des occasions.

Winston loue une chambre pour la rencontrer. Il s’attache à elle. Elle apporte du vrai sucre, du vrai

pain et de la vraie confiture, du vrai lait et du vrai café, du vrai thé – car les membres du Parti de

l’Intérieur ne manquent de rien. Elle se farde, se parfume, porte robe et talons, bas de soie et rouge à

lèvres. Des rats grouillent partout…

Winston rencontre O’Brien, le lexicographe, un intellectuel donc, à son domicile. Il est membre du

Parti de l’Intérieur. Son appartement est celui d’un privilégié. Odeurs de cuisine fine, domesticité en

tenue blanche, vins précieux. Mais le plus étonnant est qu’il dispose d’un interrupteur qui lui permet

d’éteindre le télécran : ils ne sont donc ni vus ni entendus… O’Brien sert du vin, une rareté dans le

régime, et porte un toast à l’Ennemi Public Emmanuel Goldstein. Winston est donc convaincu qu’il a

en face de lui un membre de la Fraternité, le mouvement d’opposition à Big Brother. O’Brien lui

offre des cigarettes – une autre rareté ; il lui donne les principes de la Fraternité puis le fameux

ouvrage de Goldstein : Théorie et pratique du collectivisme oligarchique. Il a quinze jours pour le

lire. Il se retrouve avec Julia qui lui demande de lui en lire des passages à haute voix. Ils sont dans la

chambre qu’ils louent.

C’est alors qu’une voix sort du mur et leur dit qu’ils sont morts. La maison est encerclée, puis

envahie par les policiers. Julia est frappée et Winston conduit en prison.

Winston ne sait combien de temps il a passé dans une cellule étroite, crasseuse, puante. Il doit faire

face à la promiscuité, à la corruption, au favoritisme, à l’homosexualité, à la prostitution, au racket, à

la contrebande d’alcool. Les postes de confiance sont donnés à des droits communs. Il est

régulièrement passé à tabac. Il est malade. Il a le crâne rasé. Il a des traces de piqûres sur le corps. Et

c’est l’intellectuel O’Brien qui torture Winston…

O’Brien dit : « Nous ne supportons pas qu’une pensée erronée existe où que ce soit dans le monde,

si secrète et si vaine soit-elle 298 . » Puis il théorise la torture : il veut que l’aveu soit total et véritable et

non de façade ou de convenance. Puis il apprend à Winston que ce livre d’Emmanuel Goldstein, il a

contribué à sa rédaction, car c’est le pouvoir qui contrôle jusqu’à l’opposition…

On le place devant un miroir : Winston a vieilli prématurément, il est crasseux, galeux, il a perdu

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