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n’entre pas dans le champ sociétal à la mode, les éditeurs augmentent la
part des dessins dans le livre. Moins de mots, des mots moins riches, moins
de phrases, des phrases de plus en plus pauvres, moins de sens, des sens de
plus en plus idéologiquement orientés, moins de variétés narratives et des
récits pauvres en monde, voilà le catéchisme du progressisme.
Avec ce régime décérébral, les statistiques sur la lecture sont évidemment
devenues affligeantes : il existe de plus en plus d’illettrés, y compris dans
l’enseignement supérieur, de moins en moins de lecteurs, y compris chez les
professeurs et leurs étudiants, le grand public cultivé a disparu, il n’a pas été
remplacé par une autre catégorie, la capacité à lire des textes complexes
s’est effondrée. Quand les métiers du livre donnent leurs chiffres, afin qu’ils
semblent bons, ils parlent du livre en général, mais intègrent dans cette
catégorie le manga et la bande dessinée, le livre de développement
personnel et les livres pratiques – recettes de cuisine et bricolage,
puériculture et loisirs créatifs, tutoriels et régimes alimentaires… Quand on
a mis de côté les livres publiés par des people sous leur nom – acteurs et
comédiens, politiciens et sportifs, gens de médias et vedettes des faits
divers, mais écrits par autrui –, le livre digne de ce nom se porte très mal…
Nul besoin, comme chez saint Paul ou Savonarole dans la réalité, George
Orwell ou Ray Bradbury dans la fiction, Hitler ou Lénine dans leurs
dictatures, de brûler les livres : il suffit juste de rendre impossible le lecteur.
Dans les années 70, Barthes et Foucault avaient pourtant enseigné avec
une gourmandise non feinte la mort de l’auteur – sans aller jusqu’à refuser
les droits d’auteur qu’on leur versait pour ce genre d’ouvrages juteux…
L’intelligentsia trouvait la chose géniale. C’était une coquetterie d’auteur et
une concession faite à la démagogie du temps en vertu de laquelle l’auteur
était un furoncle et le lecteur une divinité : Proust, un sous-homme, le
lecteur de la Recherche du temps perdu, un démiurge créateur de l’œuvre
par sa lecture… Sauf que, pour ces deux-là, les droits d’auteur n’étaient pas
affectés au lecteur démiurge, mais à l’auteur furoncle… Cherchez l’erreur !
Une ristourne consentie sur le prix de vente du livre au détriment de
l’auteur rendu caduc et en faveur du lecteur tout-puissant aurait été la
preuve que les auteurs croyaient à la vérité de leur fiction. Mais, de
ristourne, il n’y eut pas…
Cette haine du livre, de la chose écrite, de l’auteur, de l’orthographe, du
style********, de la grammaire, de la syntaxe, des chefs-d’œuvre, de la