01.12.2022 Views

syndicom magazine No.32

Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!

Depuis longtemps déjà, nous nous engageons pour les droits du travail dans les domaines Logistique, Télécommunication et Médias. De bonnes conditions de travail résultent de succès communs. Joins notre mouvement et construis ton avenir avec nous. L’union fait la force!

SHOW MORE
SHOW LESS
  • No tags were found...

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

<strong>syndicom</strong><br />

N o 32 novembre-décembre 2022<br />

<strong>magazine</strong><br />

Les prolétaires<br />

des algorithmes


Annonce<br />

Retraite: et plus tard, aurai-je aussi<br />

suffisamment d’argent?<br />

Combien coûte la retraite anticipée? Qu’impliquent les lacunes de prévoyance?<br />

Quand dois-je commencer à préparer ma retraite? Le responsable Conseil financier<br />

Rolf Blumer répond à tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur le sujet.<br />

Que recouvre une planification de la retraite?<br />

La prévoyance, les impôts, la fortune, la succession ou l’immobilier<br />

ne sont que quelques-uns des thèmes concernés. La planification<br />

de la retraite, qui englobe ces sujets et d’autres encore,<br />

met en lumière leurs implications financières et leurs interactions<br />

au fil du temps. Elle vous permet également de confronter<br />

et de comparer différentes variantes et des scénarios possibles<br />

sur les plans émotionnel et financier. En matière de retraite, il<br />

vous faudra faire de nombreux choix ayant un impact considérable<br />

sur votre situation financière future. Prenons, par exemple,<br />

le moment de prendre sa retraite: il faut savoir notamment que le<br />

fait d’arrêter de travailler un an plus tôt par rapport à la retraite<br />

ordinaire peut vite coûter un an de salaire.<br />

Pourquoi ce coût?<br />

C’est très onéreux parce que plusieurs volets sont concernés.<br />

D’une part, les préretraités renoncent à leurs revenus, ce qui réduit<br />

leur fortune. D’autre part, ils ne cotisent plus non plus à la<br />

prévoyance professionnelle, qui diminue donc elle aussi. À cela<br />

s’ajoutent des coûts qui n’étaient pas pris en compte jusqu’à présent.<br />

Un exemple typique est celui des éventuelles cotisations<br />

de personnes n’exerçant pas d’activité lucrative au titre de l’AVS,<br />

que l’on doit encore payer en sus. La décision de prendre une<br />

retraite anticipée influe donc sur la fortune, la prévoyance et,<br />

partant, sur les possibilités de placement.<br />

À quoi faut-il prêter attention avant la retraite?<br />

Presque toutes les personnes ayant une activité professionnelle ont des lacunes en matière de prévoyance. Beaucoup<br />

l’ignorent ou sous-estiment le problème. En tant que 2 e pilier, la prévoyance professionnelle, en plus de l’AVS comme 1 er<br />

pilier, a pour but de permettre de maintenir dans une large mesure le niveau de vie antérieur. Son objectif est d’atteindre,<br />

avec le 1 er pilier, un revenu sous forme de rente d’environ 60% du dernier salaire. Les lacunes en matière de retraite ont<br />

donc un impact considérable. Si vous vous en préoccupez suffisamment tôt, vous pouvez les combler, par exemple, avec<br />

un rachat dans la caisse de pension. Dans le cadre de la planification de la retraite, nous étudions quelles sont les options<br />

envisageables et si votre caisse de pension les autorise, et discutons de celles-ci ainsi que d’autres possibilités d’optimisation<br />

avec nos clients.<br />

Quand doit-on commencer à planifier sa retraite?<br />

À environ 50 ans, un premier conseil est utile. Ensemble, nous dressons un premier état des lieux et discutons des points<br />

essentiels pour les années à venir et après la retraite. Nombreux sont ceux qui n’ont pas conscience des répercussions<br />

financières d’un départ à la retraite.<br />

Définissez les conditions de votre retraite: grâce à la planification financière, vous obtenez<br />

une vision globale harmonieuse et des réponses à vos questions.<br />

Comme membre de <strong>syndicom</strong>, vous profitez de conditions spéciales attrayantes<br />

à la Banque Cler. cler.ch/<strong>syndicom</strong>


Sommaire<br />

4 Brèves<br />

5 L’invité<br />

6 Dossier : les algorithmes<br />

dans le monde du travail<br />

14 Au cœur de nos métiers<br />

18 Initiative BNS<br />

20 Du côté des employeurs<br />

21 Droit au but<br />

22 Suggestions<br />

23 1000 mots<br />

26 Tranches de vie<br />

27 Mots croisés<br />

Chères lectrices, chers lecteurs,<br />

La numérisation rampante, qui gagne et modifie<br />

de nombreux domaines de notre vie, nous<br />

confronte aussi à de nouveaux défis en matière<br />

de codécision du syndicat et des représentations<br />

du personnel sur le lieu de travail. Si nous<br />

relevons ces défis et participons à leur élaboration,<br />

nous pouvons en tirer des avantages –<br />

et minimiser les risques.<br />

Jusqu’à présent, les responsables hiérarchiques<br />

et les employé-e-s des RH prenaient les<br />

décisions concernant le personnel. En conséquence,<br />

nous pouvions si nécessaire exiger<br />

que l’employeur nous explique sur quelle base<br />

elles reposaient et comment elles aboutissaient.<br />

Cette situation change si ce ne sont plus<br />

des humains qui décident sur la base de<br />

procès-verbaux, de notes et d’entretiens.<br />

Mais, à leur place, des algorithmes.<br />

Même si l’employeur nous dévoilait avec empressement<br />

l’algorithme utilisé pour la décision,<br />

comment savoir si ce dernier est équitable,<br />

s’il ne discrimine pas et avec quelles données<br />

il a été entraîné ?<br />

Lorsque des systèmes algorithmiques sont<br />

utilisés, il convient donc de donner au personnel<br />

et à ses représentant-e-s les moyens de<br />

défendre leurs droits et de leur montrer des<br />

possibilités d’action. C’est précisément l’objectif<br />

que nous poursuivons avec l’organisation<br />

AlgorithmWatch (voir page 12). Il constitue une<br />

étape supplémentaire pour façonner la numérisation<br />

en faveur des travailleurs-euses.<br />

6<br />

18<br />

20<br />

Daniel Hügli, responsable du secteur TIC


4 Brèves<br />

Cotisations syndicales \ Discrimination des femmes \<br />

Garantir l’autodétermination sexuelle \ Analyse économique \<br />

Salaires dans la branche des infrastructures de réseau \ Caisse<br />

de chômage <strong>syndicom</strong> \ Assez d’économies chez Tamedia \<br />

Cotisations <strong>syndicom</strong><br />

Le changement de système de paiement<br />

chez <strong>syndicom</strong> entraîne un décalage<br />

des dates de comptabilisation pour les<br />

débits directs et prélèvements automatiques.<br />

Désormais, la cotisation<br />

mensuelle sera débitée dans le mois en<br />

cours (vers le 10). La cotisation de décembre<br />

sera encore comptabilisée fin<br />

décembre, celle de janvier déjà autour<br />

du 10. Merci pour votre compréhension !<br />

Il est temps d’avancer en<br />

matière de salaires féminins !<br />

La discrimination des femmes dans la<br />

vie professionnelle persiste. C’est ce<br />

que montrent les derniers chiffres de<br />

l’Office fédéral de la statistique : selon<br />

l’enquête sur la structure des salaires,<br />

les salaires moyens des femmes sont<br />

toujours inférieurs de près d’un cinquième<br />

à ceux des hommes, et près de<br />

la moitié de la différence reste inexpliquée,<br />

ce qui laisse supposer une discrimination.<br />

Outre la mise en œuvre<br />

conséquente de la loi sur l’égalité, il<br />

faut maintenant des améliorations durables<br />

des salaires féminins ainsi que<br />

des progrès en matière de conciliation<br />

de la vie professionnelle et de la vie<br />

familiale.<br />

Seul un oui est un oui<br />

<strong>syndicom</strong> soutient avec Amnesty et de<br />

nombreuses organisations nationales la<br />

campagne « Seul un oui est un oui »,<br />

exigeant que ce principe soit inscrit<br />

dans la loi et qu’il s’applique en matière<br />

de droit pénal suisse pour garantir un<br />

droit à l’autodétermination sexuelle.<br />

Tous les actes sexuels sans consentement<br />

doivent être reconnus comme viol,<br />

quels que soient le genre ou le corps de<br />

la personne concernée. Le droit suisse<br />

doit enfin reconnaître la réalité des violences<br />

sexuelles !<br />

Analyse économique USS<br />

Depuis 20 ans, la politique injuste en<br />

matière d’impôts et de taxes tient les<br />

petits revenus en laisse, alors que les<br />

hauts revenus ont été structurellement<br />

favorisés. Avec le choc actuel des prix<br />

dans le secteur de l’énergie, les augmentations<br />

de loyer et la hausse très<br />

prochaine de 6,6 % des primes d’assurance<br />

maladie, les pertes seront douloureuses.<br />

Des réductions de primes<br />

plus élevées, des accords salariaux de<br />

4 % ainsi qu’un salaire minimum de<br />

4500 francs ne sont donc pas un luxe,<br />

mais une nécessité immédiate.<br />

Meilleurs salaires dans<br />

l’infrastructure de réseau<br />

Les négociations salariales dans la<br />

branche des infrastructures de réseau<br />

se sont achevées avec succès. Les<br />

salaires minimaux sont relevés d’au<br />

moins 220 francs et tous les salaires<br />

soumis à la CCT étendue augmentent<br />

d’au moins 140 francs. Une électricienne<br />

de réseau CFC avec trois ans<br />

d’expérience professionnelle recevra<br />

désormais au moins 4920 francs en<br />

13 mois de salaire. La masse salariale<br />

totale sera augmentée d’au moins 2,8 %.<br />

La caisse de chômage<br />

<strong>syndicom</strong> dans le top 3 suisse<br />

Le Secrétariat d’Etat à l’économie a récemment<br />

soumis les caisses de chômage<br />

à une évaluation indépendante.<br />

Et <strong>syndicom</strong> fait partie des trois meilleures<br />

caisses de Suisse ! Cette décision<br />

a été accueillie avec beaucoup de<br />

fierté et nous souhaitons féliciter l’ensemble<br />

des collaboratrices et collaborateurs<br />

de la caisse de chômage <strong>syndicom</strong><br />

pour leur excellent travail.<br />

Tamedia poursuit ses coupes<br />

Cela ne peut pas continuer ainsi ! Tamedia,<br />

la plus rentable des maisons<br />

d’édition suisses, continue de supprimer<br />

des postes de manière insidieuse<br />

et silencieuse, des secteurs entiers<br />

sont économisés pour des raisons économiques.<br />

Les retraites anticipées<br />

sont imposées, les postes vacants ne<br />

sont pas repourvus. Tamedia doit corriger<br />

d’urgence sa politique d’entreprise<br />

et réinvestir enfin dans le journalisme.<br />

Agenda<br />

Décembre<br />

jusqu’au 23.7.23<br />

« Planetopia »<br />

Changement climatique, disparition<br />

des espèces, météo extrême : avec<br />

« Planetopia », le Musée de la communication<br />

de Berne met l’accent sur<br />

l’environnement et la vie responsable.<br />

14.12.22<br />

Remise de la pétition Poste<br />

Venez en uniforme ! Nous remettons au<br />

CEO de La Poste les signatures de la<br />

pétition « Prix en hausse ! Idem pour<br />

les salaires ! ». Plus nous serons<br />

nombreux­ses, plus notre délégation<br />

de négociation aura du poids. A 11h à<br />

Berne­Wankdorf.<br />

Janvier<br />

10.1.23<br />

Rentes de retraité­e : conférence<br />

de politique sociale<br />

Le groupe des retraité­e­s <strong>syndicom</strong><br />

organise une conférence spéciale, en<br />

présence d’expert­e­s, sur le futur des<br />

rentes de prévoyance vieillesse face à<br />

la hausse des prix et la diminution du<br />

pouvoir d’achat. ig.<strong>syndicom</strong>.ch<br />

jusqu’au 13.1.23<br />

« L’écriture »<br />

Les nouvelles techniques d’écriture<br />

envahissent notre quotidien. Dans<br />

l’exposition « L’écriture, entre stylo,<br />

clavier et reconnaissance vocale », la<br />

Bibliothèque nationale à Berne revient<br />

sur la plume d’oie et la machine à<br />

écrire et teste une intelligence artificielle.<br />

21.1.23<br />

Intelligence artificielle<br />

Visite guidée d’une exposition interactive<br />

grand public au Musée de la<br />

Main à Lausanne, pour comprendre ce<br />

qu’est l’intelligence artificielle et se<br />

questionner sur les enjeux sociétaux<br />

de cette technologie. Entre expériences<br />

scientifiques et œuvres d’art.<br />

<strong>syndicom</strong>.ch/agenda


L’invité<br />

Le monde progresse, tout comme<br />

la technologie que nous utilisons pour nous<br />

faciliter la vie. L’une des avancées les plus récentes<br />

concerne l’intelligence artificielle, ou IA.<br />

De nombreuses personnes pensent que l’IA<br />

finira par remplacer les professionnel-le-s des<br />

médias. Cependant, je suis ici pour vous dire<br />

que ce n’est pas le cas. En fait, il n’y aura pas<br />

de pertes d’emplois du tout ! Tout ira très bien.<br />

Les prophètes de malheur prétendent que l’IA<br />

entraînera un chômage de masse parce qu’elle<br />

automatisera de nombreux emplois. Mais c’est<br />

ignorer le fait que l’automatisation existe depuis<br />

des siècles et qu’elle a toujours conduit à la<br />

création de nouveaux et meilleurs emplois. Par<br />

exemple, l’invention de l’automobile a conduit à<br />

la création de nouveaux emplois dans la fabrication<br />

et la réparation de voitures.<br />

Bien sûr, l’IA peut faire certaines choses que<br />

font les journalistes et les professionnel-le-s<br />

des médias. Elle peut rassembler des données<br />

et compiler des informations. Mais c’est à peu<br />

près tout. L’IA ne peut pas remplacer l’élément<br />

humain dans le journalisme et les médias. Elle<br />

ne peut pas fournir l’analyse critique et l’interprétation<br />

que seuls les humains peuvent fournir.<br />

Elle ne peut pas écrire avec le même niveau de<br />

clarté et de style que les humains. Et elle ne<br />

peut certainement pas générer du contenu<br />

original comme le font les humains.<br />

Enfin, il est important de se rappeler que le<br />

journalisme ne se limite pas aux faits. Il s’agit<br />

de raconter des histoires qui trouvent un écho<br />

auprès des gens et de donner une voix aux<br />

sans-voix. C’est quelque chose que l’IA ne pourra<br />

jamais remplacer. Alors ne vous inquiétez<br />

pas, journalistes et professionnel-le-s des médias.<br />

Vos emplois sont en sécurité. L’IA ne va pas<br />

vous remplacer. Tout ira bien.<br />

Note : le texte ci-dessus a été généré par ordinateur<br />

au travers d’un modèle d’IA appelé GPT-3.<br />

Tout ira bien<br />

Simon Felix (39 ans) a grandi à Klingnau<br />

(Argovie). Après un apprentissage d’informaticien,<br />

il a suivi une formation<br />

d’ingénieur informaticien et bricole désormais<br />

des algorithmes. Le spécialiste<br />

de l’intelligence artificielle a fondé en<br />

2016 l’entreprise de logiciels Ateleris.<br />

Il a notamment développé des logiciels<br />

pour la sonde « Solar Orbiter » de l’ESA,<br />

en orbite autour du soleil depuis 2018.<br />

Felix donne des conférences à la Haute<br />

école spécialisée du Nord-Ouest de la<br />

Suisse sur les algorithmes, l’intelligence<br />

décisionnelle, la science des<br />

données et l’infographie.<br />

5


Dossier<br />

8 Comment l’IA régit de plus en plus nos vies<br />

11 Les oligopoles high-tech et la dictature des algorithmes<br />

12 Protéger les travailleurs-euses en contrôlant les algorithmes


Les nouveaux<br />

dieux


8<br />

Dossier<br />

Des algorithmes transparents pour un<br />

meilleur travail<br />

Si les machines ont autrefois remplacé la<br />

force physique des hommes et transformé les<br />

travailleurs-euses en personnel de contrôle,<br />

c’est désormais le rôle de contrôle lui-même<br />

qui est menacé par les systèmes d’IA. Que se<br />

passera-t-il si le phénomène s’accentue ?<br />

Texte : Oliver Fahrni<br />

Illustrations : DALL-E, Micha Dalcol et autres (voir p. 12)<br />

Zeus, Apollon et les autres habitant-e-s de l’Olympe formaient<br />

une bande de fêtard-e-s querelleurs-ses et incestueux-ses.<br />

Et ils ont créé le monde. Odin, le vieux Germain,<br />

les engraissait avec le sang des trolls, monté sur un cheval<br />

à huit pattes. Et le terrible Yahvé, père des juifs-ves et des<br />

chrétien-ne-s, a, en un mot, noyé (presque) toute l’humanité<br />

pour en créer une meilleure (1 er livre de Moïse).<br />

Il s’agissait de dieux. Nous devons nous contenter d’algorithmes.<br />

Le concept est ancestral. Les algorithmes<br />

portent le nom d’un mathématicien persan et arabe du<br />

XVIII e siècle. Même une simple description de trajet (« allez<br />

tout droit et tournez à droite, puis continuez 100 mètres<br />

tout droit, tournez enfin à gauche ») sont des algorithmes<br />

simples, c’est-à-dire des instructions claires pour accomplir<br />

une tâche. A un moment donné, ils ont été traduits en<br />

langage informatique et ont alimenté les machines.<br />

L’homme, appendice de la machine<br />

Ils ne sont devenus vraiment dangereux pour nous qu’au<br />

cours des 15 dernières années, lorsqu’il a été possible de<br />

rassembler des quantités de données en croissance exponentielle<br />

dans de super ordinateurs aux calculs toujours<br />

plus rapides. Et d’utiliser des programmes algorithmiques<br />

de plus en plus complexes pour construire des<br />

outils informatiques capables de programmer des robots<br />

autonomes, de contrôler la consommation et le comportement<br />

de milliards de personnes et de manipuler les élections.<br />

La numérisation, nous le savions, est une révolution<br />

industrielle. Ainsi, elle ne bouleverse pas seulement l’économie,<br />

mais toute notre vie. A commencer par le travail.<br />

Déjà en 2013, une étude de l’Université d’Oxford prévoyait<br />

la perte de 47 % des emplois aux Etats-Unis à cause des<br />

algorithmes, des robots et de l’intelligence artificielle.<br />

Tout d’abord, dans le « tertiaire », c’est-à-dire précisément<br />

dans le secteur des services qui avait soutenu la croissance<br />

des dernières décennies.<br />

C’est alors que l’expression « personnes superflues »<br />

est soudainement apparue. De telles prévisions sont entachées<br />

d’incertitudes et, bien sûr, les groupes technologiques<br />

ont demandé des contre-expertises. Tout va pour le<br />

mieux dans le capitalisme ? Nous allons rapidement nous<br />

en rendre compte. Car l’utilisation massive des nouvelles<br />

technologies ne fait que commencer, et s’accélère désormais<br />

brutalement. En observant comment les grands<br />

groupes de données de la Silicon Valley ont détruit plus de<br />

200 000 emplois depuis mars 2022, nous pouvons être<br />

sceptiques.<br />

Les travailleurs-euses vivent déjà le bouleversement<br />

profond du monde du travail provoqué par la «gestion<br />

algorithmique», également connue sous le nom de « taylorisme<br />

numérique ». Ce qui a d’abord été testé dans les<br />

centres d’appels s’immisce sur les lieux de travail : surveillance<br />

étroite des cadences de travail et contrôle permanent<br />

du comportement individuel (par exemple via les<br />

mouvements du clavier, l’analyse de la voix ou des mouvements<br />

des yeux), intervention automatisée de la machine<br />

dans le travail lui-même, systèmes d’évaluation opaques,<br />

sanctions immédiates. Donc, du stress, une perte de<br />

contrôle accrue et l’isolement.<br />

Nous vivons un changement d’époque radical. Alors que<br />

les révolutions industrielles précédentes avaient remplacé<br />

la force physique des travailleurs-euses par la force<br />

mécanique, les systèmes algorithmiques exercent aujourd’hui<br />

de plus en plus un contrôle total. La décision est<br />

sous-traitée à « ADM », un système d’aide à la décision automatisée,<br />

ce qui n’a rien d’anodin.<br />

L’homme est en train de perdre ce qu’il a déclaré être<br />

le cœur de son être depuis trois siècles sous les intitulés<br />

« explication », « science » et « progrès ». L’homme pensait<br />

et agissait de manière rationnelle de son propre chef, sans<br />

intervention divine. Mais si la machine prend le relais,<br />

c’est plus qu’une « insulte numérique », comme disent les<br />

philosophes. L’être humain tend à devenir une fonctionnalité,<br />

un prolongement de la machine.<br />

Que se passe-t-il exactement ? Un algorithme est un<br />

programme qui fonctionne initialement selon le principe<br />

« si, alors ». Si des travaux sont effectués dans la rue X, alors<br />

les feux de circulation doivent être réglés de manière à ce<br />

que la circulation soit redirigée vers les rues Y et Z. Ce qui<br />

se répercute ensuite à plusieurs endroits… Compliqué. Un<br />

algorithme informatique peut le faire mieux et plus rapidement.<br />

Mais uniquement si, au préalable, vous avez programmé<br />

le plan de la ville et les milliers d’options et leurs<br />

conséquences. Les ordinateurs de jeux d’échecs gagnent<br />

contre les pros parce que leurs algorithmes ont préalablement<br />

été alimentés avec d’innombrables parties jouées.<br />

Les systèmes de traduction automatique s’appuient sur de<br />

vastes bases de données de textes traduits, tels que les<br />

textes consultatifs de l’UE.<br />

Les algorithmes sont voraces. Ainsi, pour les systèmes<br />

de reconnaissance faciale qui peuvent être achetés pour<br />

une poignée de francs, toutes les images de Facebook,<br />

TikTok, Instagram, etc. sont régulièrement soutirées illégalement.<br />

Pour ce faire, les groupes emploient des armées<br />

Nous<br />

sommes de<br />

plus en plus<br />

contrôlés à<br />

distance.


entières d’ouvriers-ères du clic dans des conditions déplorables.<br />

Mais ce qui est crucial, c’est que les algorithmes<br />

sont aujourd’hui conçus pour apprendre par eux-mêmes.<br />

L’ordinateur qui a battu les maîtres du jeu de go si complexe<br />

a appris à jouer en s’affrontant lui-même des millions<br />

de fois à une vitesse vertigineuse. C’est là que commence<br />

l’intelligence artificielle.<br />

Sommes-nous encore des êtres humains ou déjà des<br />

avatars ?<br />

C’est encore plus clair avec des algorithmes tels que ceux<br />

utilisés par Google (en fait, il n’y a pas d’algorithme Google<br />

unique, le groupe utilise une structure complexe d’algorithmes<br />

imbriqués qui sont constamment mis à jour). Ils<br />

vous observent, enregistrent vos recherches, vos utilisation<br />

d’internet, vos commandes, vos lectures, vos activités<br />

sur les médias sociaux, le trafic de vos e-mails, vos cartes<br />

de crédit et bien plus encore. Puis, ils en tirent leurs<br />

propres conclusions. Ce qui est surprenant, c’est que vous<br />

formez vous-même le système algorithmique chaque fois<br />

que vous utilisez internet. Vous travaillez pour Google. Si<br />

vous combinez ces données avec d’autres ensembles de<br />

données, tels que mon dossier médical ou des données de<br />

mouvement du téléphone portable, vous vous créez alors<br />

un profil détaillé.<br />

Aujourd’hui, les dix plus grands groupes informatiques<br />

en savent plus sur 70% de la population mondiale<br />

que les gens eux-mêmes. Pourtant, de tels systèmes algorithmiques<br />

sont encore considérés comme une « faible intelligence<br />

artificielle ». Mais ils me livrent déjà commercialement<br />

et me rendent vulnérable à la manipulation<br />

politique, comme l’a montré ces dernières années la manipulation<br />

des votations et des élections, par exemple par<br />

le groupe Cambridge Analytica. Aujourd’hui, la percée<br />

vers une « IA forte » est imminente. Et avec des programmes<br />

comme le « Deep Coder » de l’Université de Cambridge,<br />

l’IA devrait à l’avenir inventer elle-même une nouvelle IA<br />

plus efficace, sans intervention humaine. Elon Musk, le<br />

Si tu t’appelles Leila,<br />

tu ferais mieux de ne<br />

pas te confronter à un<br />

algorithme.<br />

multimilliardaire des algorithmes, en est persuadé : nous<br />

vivons déjà tous dans un monde virtuel, comme des<br />

ombres impuissantes (avatars) de nous-mêmes, manipulées<br />

par des robots intelligents. Il appelle l’intelligence artificielle<br />

« la menace la plus meurtrière pour l’humanité ».<br />

Musk veut fuir vers Mars. C’est pour ça qu’il a créé le<br />

groupe SpaceX. L’homme est sans aucun doute un agitateur<br />

d’extrême droite, mais ses fusées lancent actuellement<br />

des centaines de satellites dans l’espace et il connaît<br />

bien l’IA : la matière première de sa société Twitter, ce<br />

sont nos vies, et il les exploite avec des algorithmes particulièrement<br />

sournois. Comparé à Musk, Dirk Helbing<br />

paraît serein. Le professeur dirige le département des<br />

sciences sociales à l’ère informatique de l’EPF Zurich.<br />

« Nous sommes de plus en plus contrôlés à distance »,<br />

constate M. Helbing, « ce que nous pensons être notre<br />

propre volonté est depuis longtemps prédéterminé par les<br />

algorithmes. » Il l’a prouvé par des dizaines d’études au<br />

cours de ses années de recherche. Désormais, M. Helbing<br />

s’inquiète, car le « fascisme numérique » est imminent.<br />

Les êtres humains ne sont plus que des algorithmes, selon<br />

la nouvelle « science de la vie ». Ainsi, les gens peuvent aussi<br />

être piratés, conclut le célèbre historien Yuval Noah<br />

Harari (« Une brève histoire de l’humanité ») : « Les entreprises<br />

et les Etats y travaillent. L’humanité n’a jamais été<br />

confrontée à un défi comparable. » Le temps presse, dit<br />

M. Harari, car l’innovation biotechnologique pourrait


10 Dossier<br />

bientôt donner naissance à une nouvelle espèce qui asservira<br />

l’ancien Homo sapiens.<br />

Des algorithmes néolibéraux et racistes ?<br />

Nous préférons ignorer ces visions en les rejetant comme<br />

« dystopiques », grâce à une vieille astuce. Peu importe que<br />

nous comprenions ou non quelque chose à propos de ces<br />

techniques, nous disons avec un air savant : les algorithmes<br />

et le Big Data, l’intelligence artificielle et les réseaux<br />

neuronaux, la robotique et le profilage sont des opportunités,<br />

mais ils comportent aussi des risques.<br />

Ce n’est pas faux, bien sûr, et c’est pourquoi cette<br />

phrase est terriblement stupide. Car tout dépend de qui<br />

contrôle ces technologies, de ce qu’ils en font et des règles<br />

sociales qui s’appliquent. Dans un monde capitaliste, aux<br />

mains de groupes mondiaux comme les GAFAM et de gouvernements<br />

répressifs, ce sont des armes de destruction<br />

massive.<br />

En d’autres termes, un algorithme n’est pas raciste par<br />

essence. Mais il peut être programmé pour l’être. C’est ce<br />

qu’ont découvert des dizaines de milliers de familles néerlandaises,<br />

dont l’existence a été anéantie par un algorithme<br />

les accusant de fraude à l’aide sociale. C’était manifestement<br />

faux dans 94 % des cas, comme il s’est avéré<br />

des années plus tard, mais cela s’est traduit par des ordonnances<br />

de condamnation automatiques et des demandes<br />

de paiement monstrueuses, qui ont immédiatement mis<br />

fin aux allocations pour enfant, aux contributions aux<br />

Les êtres humains<br />

ne sont plus que des<br />

algorithmes.<br />

loyers, aux indemnités journalières, aux allocations chômage,<br />

à l’aide sociale, etc. Des familles ont perdu leur toit,<br />

d’autres ont été déchirées. Et puis il s’est avéré que les migrant-e-s<br />

et les mères isolées avec des noms à consonance<br />

africaine ou arabe ont été particulièrement touchés. Si<br />

vous êtes confronté à un algorithme, mieux vaut ne pas<br />

vous appeler Leila. Les objections ont été durement rejetées,<br />

l’algorithme a toujours raison, parce qu’il s’agit de<br />

mathématiques. Des dettes fictives ont été impitoyablement<br />

recouvrées. Des victimes se sont suicidées. Cet adversaire<br />

est invisible, il ne se bat pas avec vous, il n’a rien<br />

à prouver. Kafkaïen.<br />

Lorsque le scandale est finalement arrivé au Parlement,<br />

le gouvernement a parlé d’« erreurs de programmation<br />

». Un cas particulier regrettable, peut-être même dû à<br />

un programmeur malveillant ? Absurde. Au contraire, des<br />

centaines d’évènements de ce type, dans de nombreux<br />

pays et dans tous les domaines, révèlent une logique systémique.<br />

La moitié inférieure de la société et les migrant-e-s<br />

sont régulièrement discriminés par des algorithmes<br />

en matière de candidatures, de crédit, de sursis à<br />

l’exécution d’une peine, d’attribution de places d’études<br />

et de formation, de travail policier préventif et d’assurance<br />

sociale. Apparemment, l’IA telle qu’elle est actuellement<br />

déployée est un véritable reflet de la politique néolibérale.<br />

Aujourd’hui, c’est un immense défi pour la société.<br />

L’AI peut être utile. Pour les soins médicaux. Pour éviter<br />

les catastrophes écologiques. Pour toutes les formes<br />

d’égalité. Pour un service public efficace. Même pour un<br />

meilleur travail. Mais pour cela, les algorithmes devraient<br />

être plus transparents et arrachés aux seuls bénéfices des<br />

multinationales.<br />

Le dossier spécial de <strong>syndicom</strong><br />

sur l’intelligence artificielle


Dossier<br />

Apprendre et agir avec courage<br />

face à l’IA<br />

11<br />

Seule une alliance de syndicats et d’organisations<br />

de la société civile pourra aider à contrer<br />

la dictature des pieuvres avides de données.<br />

Texte : Oliver Farhni<br />

Illustrations : DALL-E, Micha Dalcol et autres (voir p.12)<br />

Il n’est peut-être pas trop tard. La révolution de l’intelligence<br />

artificielle (IA) ne fait que commencer. Mais elle<br />

progresse déjà à toute allure. Les ventes d’algorithmes<br />

d’apprentissage, de réseaux neuronaux et de gestion algorithmique<br />

ont explosé de plus de 40 pour cent en 2021. Le<br />

nombre de brevets d’IA double tous les 15 mois et alors<br />

que sept des dix plus grands groupes au monde gagnent<br />

maintenant leur argent dans le secteur informatique,<br />

« l’or des données » remplace désormais le pétrole en tant<br />

que matière hautement stratégique.<br />

Si les organisations des travailleurs-euses n’entrent<br />

pas très vite dans cette révolution, de nombreux acquis sociaux<br />

et sociétaux seront bientôt révolus. Le Big Data, les<br />

algorithmes et l’IA pourraient être de puissants outils<br />

pour freiner le gaspillage des ressources et de l’énergie,<br />

pour apporter plus de transparence dans les flux financiers,<br />

pour lutter contre les épidémies ou pour promouvoir<br />

un travail meilleur et qualifiant.<br />

Le « jumeau » est un outil décrit par l’auteur scientifique<br />

Niels Boeing dans la « Technology Review » : le sidérurgiste<br />

Tata, un groupe mondial, a utilisé l’IA pour créer<br />

une réplique exacte de sa production et y a simulé de manière<br />

algorithmique sa production d’acier à l’identique.<br />

Résultat : de nombreux processus améliorés, des coûts<br />

énergétiques plus bas et la prise de conscience du fait que<br />

les systèmes automatisés sans le savoir empirique des travailleurs<br />

font souvent de mauvais choix. Tata parle désormais<br />

d’« intelligence hybride », la synergie de l’homme et<br />

de la machine.<br />

Cela ne fait pas encore de Tata un groupe social et la<br />

réalité capitaliste est brutale. Les nouvelles techniques<br />

sont utilisées en amont pour soumettre les travailleurs-euses<br />

et la société à un contrôle biométrique plus<br />

strict, pour contrôler le comportement et la consommation<br />

de milliards de personnes. Presque tous les algorithmes<br />

disponibles dans le commerce discriminent les<br />

femmes, les personnes de couleur, les minorités et les<br />

personnes socialement défavorisées, exacerbant ainsi<br />

l’inégalité des chances.<br />

Si le monde syndical est conscient de ces dangers, les<br />

actions concrètes des organisations pour apprivoiser le<br />

monde de l’IA sont compliquées.<br />

Tout d’abord, personne ne sait exactement où sont utilisées<br />

les techniques. Les évaluations automatisées et algorithmiques<br />

de gestion des ressources humaines en sont<br />

un exemple frappant. Certains groupes pharmaceutiques<br />

et certaines grandes banques admettent utiliser l’IA pour<br />

le recrutement et le contrôle des performances. Mais<br />

d’après les ventes élevées de logiciels de gestion de personnel<br />

basés sur des algorithmiques prédéfinis, nous devons<br />

en conclure que beaucoup d’entreprises les utilisent.<br />

Seule la transparence peut nous sauver. Donc la divulgation<br />

obligatoire. Tout d’abord, la transparence doit être<br />

inscrite dans la CCT, en plus d’autres règles visant à protéger<br />

ou à faire respecter la souveraineté numerique des<br />

travailleurs-euses. Ici, les syndicats doivent surmonter un<br />

deuxième obstacle : l’intelligence artificielle est un domaine<br />

spécialisé extrêmement vaste, technique et donc<br />

compliqué à maîtriser. Dès lors, seule une alliance avec<br />

des organisations spécialisées de la société civile peut<br />

donc faire avancer les choses. Ces dernières années, un<br />

grand nombre de chercheurs et de personnalités de premier<br />

plan ont tourné le dos à l’industrie pour s’engager<br />

dans ces ONG. <strong>syndicom</strong> franchit aujourd’hui une première<br />

étape par le biais d’un projet commun avec l’organisation<br />

AlgorithmWatch (voir page 12). Mais dans tous<br />

les cas, il sera nécessaire pour les syndicats de redoubler<br />

d’efforts en termes de formation afin de toujours mieux<br />

comprendre et contrôler toute la complexité des algorithmes.<br />

Car, comme dit l’ancien dicton paysan : « seuls<br />

ceux qui ont creusé eux-mêmes un sillon savent quel goût<br />

a vraiment la pomme de terre ».


12<br />

Dossier<br />

La défense du travail passe par<br />

le contrôle des algorithmes<br />

Un projet commun entre <strong>syndicom</strong> et<br />

AlgorithmWatch ouvre un nouveau chapitre<br />

du travail syndical en Suisse<br />

Texte : Mattia Lento<br />

Illustrations : DALL-E, Micha Dalcol et autres (voir p.12)<br />

Autrefois, c’était le patron ou le chef d’entreprise, des personnes<br />

en chair et en os, qu’il fallait parfois ramener à<br />

l’ordre par le biais de la lutte syndicale. Aujourd’hui, les<br />

employeurs et les dirigeants n’ont certes pas disparu,<br />

mais le monde du travail s’est complexifié. Il arrive de plus<br />

en plus souvent que des algorithmes soient utilisés pour<br />

contrôler les activités des travailleuses et travailleurs. On<br />

pourrait s’opposer aux nouvelles technologie et au progrès,<br />

mais l’histoire du travail en Occident a montré à<br />

maintes reprises que cette attitude est erronée, voire<br />

contre-productive. Une autre possibilité consiste à gérer<br />

intelligemment l’innovation et la numérisation, donc à<br />

veiller aux droits du travail et aux questions sociales.<br />

Pour cette raison, <strong>syndicom</strong> a décidé de mener un projet<br />

commun avec l’ONG AlgorithmWatch Suisse. L’objectif<br />

consiste à donner aux employé-e-s les moyens de<br />

défendre leurs droits et d’en déduire des possibilités<br />

concrètes d’action lorsque des algorithmes sont utilisés<br />

sur leur lieu de travail. Pour Angela Müller, directrice<br />

d’AlgorithmWatch Suisse, la collaboration avec le syndicat<br />

représente une étape importante pour son organisation<br />

: « AlgorithmWatch dispose de sites à Berlin et Zurich.<br />

Dans notre organisation sœur à Berlin, nous échangeons<br />

déjà depuis longtemps avec les syndicats. Mais c’est la<br />

première fois que nous coopérons à long terme et de façon<br />

si structurée avec un syndicat sur un projet commun. Il en<br />

résulte de nombreux avantages pour les deux parties.<br />

Nous apportons notre expertise professionnelle, tandis<br />

que <strong>syndicom</strong> nous donne accès aux entreprises, aux représentations<br />

du personnel et aux employé-e-s et nous<br />

permet d’obtenir un aperçu des pratiques entrepreneuriales<br />

et du partenariat social. Ainsi, nous développons<br />

ensemble des supports d’information orientés vers la<br />

pratique à destination du personnel et de leurs représentant-e-s<br />

et pouvons utiliser les résultats du projet pour<br />

notre travail politique. »<br />

Documenter les algorithmes pour mieux les évaluer<br />

Pour créer la transparence lors de l’utilisation d’algorithmes,<br />

l’ONG suisse a l’intention de « miser sur des registres<br />

publics, dans lesquels seront publiées des informations<br />

fondamentales sur les algorithmes, le but de leur<br />

utilisation et leurs logiques de décision ». Il s’agit d’une<br />

exigence fondamentale pour faciliter la surveillance et le<br />

contrôle publics des fonctions algorithmiques : « Ce n’est<br />

que lorsque nous savons où, pour quoi et par qui les algorithmes<br />

sont employés que nous pouvons également vérifier<br />

si leur utilisation est dans l’intérêt des travailleurs-euses.<br />

» Au travers de ce contrôle, il est par exemple<br />

aussi possible d’évaluer « si l’utilisation d’un système a<br />

des conséquences discriminatoires ou d’autres effets négatifs<br />

sur les droits fondamentaux des personnes concernées<br />

». Pour Angela Müller, il est important « d’inscrire les<br />

intérêts des employé-e-s dans le processus décisionnel<br />

des algorithmes et d’en tenir compte au moment d’utiliser<br />

les algorithmes eux-mêmes ». Cette collaboration nous<br />

permettra d’améliorer nos connaissances sur les rapports<br />

entre le numérique et les droits du travail et elle nous fournira<br />

surtout les instruments pour nous défendre non pas<br />

contre la technologie, mais contre l’utilisation abusive de<br />

la technologie par le capital. Angela Müller conclut :<br />

« Notre objectif ne consiste pas à combattre les algorithmes,<br />

mais à concevoir leur utilisation de sorte qu’elle<br />

soit bénéfique à toutes et tous. »<br />

Illustrations<br />

Pour lire le communiqué<br />

de presse officiel<br />

A quoi ressemblera le monde du travail de demain face aux<br />

algorithmes ?<br />

Nos visuels ont été presque intégralement réalisés par des<br />

systèmes d’intelligence artificielle à qui nous avons soumis<br />

cette question comme instruction. Presque, car une illustration<br />

produite par un artiste humain, avec la même consigne,<br />

s’est glissée dans le dossier. Saurez-vous la reconnaître ?<br />

Réponse en page 27.<br />

Si les systèmes présentent aujourd’hui des limites évidentes,<br />

notamment en termes de capacité à interpréter<br />

correctement, et avec subtilité, une consigne plutôt abstraite<br />

comme celle que nous avons soummise, la rapidité et<br />

facilité d’utilisation de ces systèmes posent de nombreuses<br />

questions sur le futur du travail dans la branche graphique,<br />

auxquelles <strong>syndicom</strong> s’attellera à répondre.<br />

Micha Dalcol travaille comme illustrateur de livres et de <strong>magazine</strong>s,<br />

notamment dans le secteur de l’enseignement et de<br />

l’école. Il travaille aussi comme graphiste et coordonne les<br />

Œuvre Suisse des Lectures pour la Jeunesse. dalcolmicha.ch


Qu’est-ce qu’un algorithme?<br />

Le terme remonte au nom du mathématicien persan al-Khwarizmi qui, vers 825, a exposé de<br />

manière systématique les méthodes de calcul écrites avec les chiffres arabes. Un algorithme<br />

est une suite ordonnée d’instructions simples et clairement définies. Aujourd’hui,<br />

«algorithme» est souvent synonyme, par simplification, d’«intelligence artificielle» ou de<br />

système d’auto-apprentissage.<br />

Le cloud computing au service des algorithmes<br />

Au même rythme que la vitesse des ordinateurs ont augmenté ces dernières décennies, la miniaturisation<br />

des prix de stockage de données et leur disponibilité à distance via les serveurs cloud ont rendu possible<br />

la prolifération de systèmes algorithmiques qui stockent et interprètent (presque) toutes nos actions en ligne<br />

1956<br />

1 Go = 26 000 000 CHF<br />

Le RAMAC 305 est le<br />

premier disque dur. Il a<br />

une capacité de 5 Mo et<br />

la taille de 2 gros frigos.<br />

1995<br />

1 Go = 800 CHF<br />

Les disques durs<br />

dépassent une capacité<br />

d’1 Go et le CD permet<br />

de stocker 700 Mo.<br />

2015<br />

1 Go = 0,05 CHF<br />

Les disques durs<br />

peuvent atteindre 10 To.<br />

1980<br />

1 Go = 100 000 CHF<br />

Le premier disque dur<br />

5′1/4 fait son apparition.<br />

Il a une capacité de 5 Mo.<br />

Les disquettes 5′1/4 ont<br />

elle une capacité de 1 Mo.<br />

2002<br />

1 Go = 2 CHF<br />

Les disques de 100 Go<br />

deviennent la norme.<br />

Source: Le Monde<br />

Les algorithmes spécialisés sont aujourd’hui omniprésents dans notre quotidien.<br />

Ils dictent le rythme et le déroulement de l’activité pour de nombreuses professions.<br />

LOGISTIQUE<br />

Le distributeur de colis qui est dirigé<br />

par son scanner.<br />

MÉDIAS EN LIGNE<br />

Dans le domaine des médias en ligne,<br />

ce sont également des algorithmes qui<br />

évaluent les habitudes de lecture et en<br />

déduisent des propositions adaptées.<br />

POSTFINANCE<br />

Les banquiers de PostFinance utilisent<br />

des algorithmes pour prendre des décisions<br />

de placement.<br />

PRESSE<br />

Des nouvelles sportives d’importance<br />

locale sont déjà produites par l’IA, des<br />

algorithmes fonctionnent également dans<br />

le journalisme de données pour l’analyse de<br />

grandes quantités de données.<br />

COMMERCE DU LIVRE<br />

Dans le commerce du livre, il existe des<br />

algorithmes pour recommander des livres<br />

à la clientèle en fonction de ses habitudes<br />

de lecture.<br />

SWISSCOM<br />

Chez Swisscom, des employé-e-s ont<br />

entraîné la reconnaissance de langage<br />

pour les télécommandes de la box TV &<br />

Internet<br />

Source: secteurs <strong>syndicom</strong><br />

Machine Learning: les machines qui<br />

apprennent (de nous)<br />

L’apprentissage automatique (Machine Learning ou ML) désigne<br />

les processus par lesquels des algorithmes informatiques apprennent<br />

à partir de données et d’actions effectuées par un être<br />

humain, entre autres. En ligne, par exemple, près de 6 millions<br />

de demandes sont formulées chaque minute sur Google et<br />

immédiatement interprétées par ses algorithmes.<br />

6 millions<br />

Source: LocaliQ


14<br />

Au cœur de<br />

nos métiers<br />

Prévoyance et climat – les jeunes<br />

s’inquiètent de leur avenir !<br />

Le Baromètre de la jeunesse 2022 montre une réalité sombre.<br />

Jamais encore, depuis le premier baromètre réalisé il y a dix<br />

ans, les jeunes adultes n’ont été aussi peu confiants en leur<br />

avenir ni en celui de la société.<br />

Depuis la première enquête menée il y<br />

a dix ans, la confiance des jeunes est<br />

au plus bas en ce qui concerne leur<br />

avenir et celui de la société. Chaque<br />

année, Credit Suisse publie le baromètre<br />

de la jeunesse. Aux USA, à Singapour,<br />

au Brésil et en Suisse, un millier<br />

de jeunes gens entre 16 et 25 ans ont<br />

été interrogés sur leurs préoccupations<br />

et leurs soucis.<br />

Génération réalisme<br />

L’optimisme de ces dernières années<br />

cède au réalisme. Les plus de mille<br />

jeunes interrogés en Suisse ont peu<br />

d’espoir en l’avenir. Cette tendance se<br />

dessine depuis le tout premier baromètre<br />

: les valeurs baissent d’année en<br />

année. Seulement 44 % des personnes<br />

interrogées sont « plutôt confiantes »<br />

en l’avenir. Les jeunes sondés sont encore<br />

plus pessimistes concernant<br />

l’avenir de la société.<br />

Les jeunes Suisses et Suissesses<br />

s’inquiètent de leur avenir. Alors que<br />

la crise du coronavirus était en tête<br />

de leurs préoccupations ces deux<br />

dernières années, elle est désormais<br />

supplantée par la prévoyance vieillesse.<br />

Intéressé-e-s mais pas engagé-e-s ?<br />

L’inquiétude face au changement climatique<br />

arrive en deuxième position,<br />

suivie de la hausse des prix de l’essence<br />

et du pétrole et des préoccupations<br />

pour la sécurité énergétique. Les<br />

thèmes liés à l’égalité préoccupent<br />

toutefois aussi les jeunes Suisses. L’inclusion<br />

et un sens aigu de la justice,<br />

pour l’égalité et contre le racisme et la<br />

xénophobie, voilà ce qui intéresse la<br />

jeunesse. Rien d’étonnant donc à ce<br />

qu’une grande importance soit accordée<br />

à ces préoccupations. Il est en revanche<br />

d’autant plus surprenant que<br />

l’engagement pour le climat et l’égalité<br />

entre les femmes et les hommes ait<br />

légèrement reculé.<br />

Notons toutefois que la question a<br />

été mal posée – la motivation à descendre<br />

dans la rue pour défendre ces<br />

sujets a baissé. Aujourd’hui encore,<br />

40 % des jeunes se sentent concernés<br />

par le mouvement pour le climat et<br />

pensent qu’il faut s’engager pour cette<br />

cause. Cette génération n’est pas indifférente<br />

à l’avenir et elle ne doit pas<br />

être sous-estimée.<br />

Jane Bossard, secrétaire de la jeunesse<br />

Le DFI a récemment publié une<br />

étude sur les jeunes en politique<br />

Nous avons qu’une seule planète à disposition : il faut agir pour le climat. Voilà ce que défendent les jeunes, entre autres. (© Markus Spiske / unsplash)


« Cet événement permet aussi de rencontrer des jeunes<br />

professionnel-le-s pour leur présenter notre rôle» Melina Schröter, secrétaire régionale<br />

15<br />

Guichet fermé pour la journée<br />

romande de la typographie<br />

Après une annulation en 2021 en raison de la crise sanitaire, la<br />

18 e édition de la JRT a pu avoir lieu le 1 er octobre dernier dans les<br />

murs d’UNI Global, à Nyon. Et le succès était au rendez-vous.<br />

Large (et jeune) public pour une édition réussie après la pandémie. (© Virginie Zürcher)<br />

Organisée conjointement par l’association<br />

professionnelle SGD (Swiss<br />

Graphic Designers) et <strong>syndicom</strong>, cette<br />

nouvelle édition de la manifestation<br />

biennale a été l’occasion pour le public<br />

d’assister aux présentations passionnantes<br />

et diversifiées de quatre<br />

conférencières et conférenciers de<br />

renommée internationale dans la<br />

branche : Félicité Landrivon (Brigade<br />

Cynophile, France), André Baldinger<br />

(André Baldinger-Vu-Huu, Suisse et<br />

France) – dont c’était la deuxième participation<br />

à la Journée romande de la<br />

typographie –, Ian Party (newglyph,<br />

Suisse) et Emilie Rigaud (A is for fonts,<br />

France). La traditionnelle exposition<br />

accompagnant l’événement accueillait<br />

cette année la sélection des « Plus<br />

beaux livres suisses » de 2021, primés<br />

par un concours organisé chaque année<br />

par l’Office fédéral de la culture.<br />

Le programme varié et de qualité<br />

proposé par le comité de la Journée de<br />

la typographie a séduit puisque les<br />

200 places proposées ont trouvé preneurs-ses.<br />

Comme les années précédentes,<br />

une partie importante du<br />

public était composé d’étudiant-e-s en<br />

communication visuelle venus de<br />

toute la Suisse romande. Ce qui a été<br />

l’occasion pour <strong>syndicom</strong> d’aller à la<br />

rencontre de ces jeunes pofessionnel-le-s<br />

afin de leur présenter le rôle<br />

important de notre syndicat dans<br />

leurs futures conditions de travail.<br />

Ce millésime 2022 a également été<br />

l’occasion d’inaugurer un tout nouveau<br />

site internet sur lequel on peut<br />

retrouver le programme et la description<br />

des conférences 2022, mais également<br />

les archives de toutes les éditions<br />

précédentes (voir QR code).<br />

Organisée pour la première fois en<br />

1990 – à l’époque à l’Ecole romande<br />

des arts graphiques – la Journée de la<br />

typographie fait partie du travail de<br />

mise en réseau et de soutien à la formation<br />

que notre syndicat mène au quotidien,<br />

particulièrement dans la branche<br />

de la communication visuelle au sein<br />

de laquelle les membres, souvent indépendant-e-s,<br />

apprécient ces occasions<br />

de se rencontrer. Le comité d’organisation<br />

se réjouit déjà de se mettre au travail<br />

pour la 19 e édition en 2024.<br />

Melina Schröter<br />

Pour découvrir le nouveau<br />

site internet de la JRT<br />

La convention OIT<br />

n° 190 doit être<br />

ratifiée !<br />

Daniel Hügli, responsable du secteur TIC<br />

Le 21 juin 2019, la Conférence internationale<br />

du travail a adopté à Genève la<br />

Convention n° 190. Elle protège les<br />

personnes exerçant une activité lucrative<br />

contre la violence (aussi celle fondée<br />

sur le genre) et le harcèlement sur<br />

le lieu de travail, mais s’applique aussi<br />

pendant les trajets entre le domicile et<br />

le travail. Par ailleurs, elle protège<br />

contre les effets de la violence domestique,<br />

par exemple en télétravail.<br />

En Suisse, sa ratification n’a été<br />

débattue que le 19 septembre 2022 au<br />

Conseil des Etats et les parlementaires<br />

proches des employeurs ne sont pas<br />

entrés en matière sur l’avant-projet,<br />

faute de pouvoir évaluer ses conséquences.<br />

Mais de quelles conséquences<br />

parle-t-on exactement ?<br />

En cas de ratification, un Etat est<br />

tenu de respecter, de promouvoir et de<br />

réaliser le droit de toute personne à un<br />

monde du travail sans violence ni harcèlement.<br />

Avec la participation des<br />

travailleuses-eurs ainsi que de leurs<br />

représentations, les dangers doivent<br />

être identifiés et les risques évalués, et<br />

des mesures doivent être prises pour<br />

les prévenir et les contrôler. A cela<br />

s’ajoute également le droit de se retirer<br />

d’une situation de travail en cas de<br />

danger, sans subir d’inconvénients.<br />

La violence et le harcèlement sont<br />

donc des aspects de la sécurité au travail<br />

et de la protection de la santé, ce<br />

qui implique que le personnel doit<br />

disposer de droits ad hoc de consultation.<br />

Le Conseil des Etats s’oppose-t-il<br />

vraiment à des mesures efficaces qui<br />

ont un coût pour les employeurs et<br />

qu’ils doivent élaborer démocratiquement<br />

dans l’entreprise en collaboration<br />

avec les employé-e-s ? Il appartiendra<br />

au Conseil national de rectifier<br />

cette triste décision erronée du<br />

Conseil des Etats.


16<br />

Le monde<br />

du travail<br />

« Le manifeste est un appel aux infographistes à ne pas se<br />

laisser aveugler par leur amour du métier. » Anna Stahl, secrétaire régionale<br />

Nous disons stop !<br />

Les infographistes à leur compte demandent ce qui devrait être<br />

une évidence : une prévoyance vieillesse appropriée, une assurance<br />

perte d’activité et une meilleure protection des travailleuses-eurs<br />

indépendant-e-s. Car cette profession, qui semble<br />

de prime abord attrayante, doit offrir plus que le minimum vital.<br />

Les professions les plus créatives doivent aussi être protégées. (© Keystone-ATS)<br />

Tout a commencé par une question<br />

aussi simple qu’existentielle : que vaut<br />

mon travail ? Cinq infographistes indépendant-e-s<br />

ont cherché des réponses.<br />

Le résultat parle de lui-même :<br />

dans un manifeste enflammé, ils-elles<br />

montrent ce qui va mal dans leur<br />

branche, ce qui doit changer et ce<br />

qu’ils-elles veulent obtenir. Leurs revendications<br />

sont déjà aujourd’hui<br />

une réalité pour un grand nombre<br />

d’employé-e-s : un avenir sans pauvreté<br />

liée à l’âge, avec une rente adaptée<br />

qui suffise pour en vivre. Une assurance<br />

qui procure un filet de sécurité<br />

lorsque les commandes viennent à<br />

manquer. Et un revenu qui permette<br />

de constituer des réserves, de se verser<br />

un 13 e salaire ou de prendre parfois<br />

aussi des vacances.<br />

Réunir pour mieux agir<br />

Les changements socio-politiques ont<br />

besoin de temps, mais surtout de la<br />

force du grand nombre. Avec leur manifeste,<br />

les infographistes du groupe<br />

professionnel de <strong>syndicom</strong> donnent le<br />

coup d’envoi à une organisation durable<br />

et bien établie au sein de leur<br />

branche. Ce n’est qu’une fois que ce<br />

noyau de cinq personnes aura fait<br />

émerger un mouvement de grande<br />

ampleur que des changements réels et<br />

profonds seront possibles.<br />

C’est pourquoi la mise en réseau<br />

avec les collègues de la profession est<br />

aussi une requête centrale du groupe<br />

professionnel afin d’éviter que chacun-e<br />

reste seul-e dans son atelier face<br />

à ses questions et problèmes récurrents.<br />

En particulier la relève trouve<br />

un point d’ancrage au travers de l’organisation<br />

syndicale dans les situations<br />

où l’association de classe sert de<br />

réseau aux étudiant-e-s jusqu’à la fin<br />

de leur formation. Car une fois leur diplôme<br />

en poche, il leur arrive bien trop<br />

souvent de se retrouver seuls du jour<br />

au lendemain sans (encore) disposer<br />

du savoir-faire nécessaire pour s’orienter<br />

dans les méandres de l’indépendance.<br />

Enfin, et surtout, le manifeste est<br />

un appel à tous les infographistes<br />

pour ne pas se laisser aveugler par leur<br />

amour de l’artisanat, de la créativité et<br />

de la liberté. Pour une simple et bonne<br />

raison : des conditions de travail équitables<br />

et la sécurité sociale sont et<br />

doivent être possibles pour toutes et<br />

tous.<br />

Anna Stahl<br />

Le compte instagram de la branche<br />

graphique <strong>syndicom</strong><br />

Une « CCT » pour les<br />

indépendant-e-s<br />

Michael Moser, secrétaire central secteur Médias<br />

Le secteur Médias a négocié une<br />

« CCT » pour les indépendant-e-s (voir<br />

page 20). Celle-ci est quelque peu différente<br />

des conventions s’appliquant<br />

à des personnes salariées, mais elle<br />

fonctionne de la même manière. Nous<br />

avons négocié des normes minimales<br />

en matière de conditions de travail,<br />

qui ne peuvent pas être péjorées dans<br />

les contrats individuels de travail.<br />

Dans ce cas concret, la convention<br />

règle la collaboration entre la maison<br />

d’édition de BD Edition Moderne et<br />

les auteur-e-s qu’elle publie. Par ailleurs,<br />

nous avons convenu que<br />

nous renégocierons chaque année la<br />

convention de base et que nous l’améliorerons<br />

si possible. Le fait que les indépendant-e-s<br />

s’organisent collectivement<br />

n’est pas nouveau. Transposer<br />

les outils du partenariat social entre<br />

employé-e-s et employeurs aussi sur<br />

les indépendant-e-s élargit toutefois le<br />

champ des améliorations possibles.<br />

Ainsi, les indépendant-e-s peuvent bénéficier<br />

des expériences et des acquis<br />

des collègues salarié-e-s. Et lorsque les<br />

conditions de travail sont améliorées<br />

pour les personnes à leur compte, le<br />

personnel employé en tire lui profit.<br />

Avec la flexibilisation toujours plus<br />

grande des formes de travail, il est plus<br />

important que jamais d’éviter que les<br />

contrats de travail « classiques » ne se<br />

transforment en contrats de freelances<br />

pour la simple raison que le<br />

paiement des cotisations sociales n’y<br />

est pas inclus, que la protection est lacunaire<br />

ou que les revenus sont tout<br />

simplement plus bas en général.


« Pour 2023, des objectifs réalistes et une meilleure conduite<br />

s’imposent à presque tous les niveaux. » David Roth, secrétaire central logistique<br />

17<br />

La folle course aux objectifs<br />

À La Poste, des objectifs de vente surréalistes débouchent sur<br />

de graves échecs de conduite. <strong>syndicom</strong> veille au grain.<br />

Les timbres ne suffisent pas et la Poste pousse pour la vente d’autres produits et services. (© Keystone-ATS)<br />

Imaginons un instant que RéseauPostal<br />

souhaite vendre des machines à<br />

écrire et qu’il assigne à toutes ses<br />

équipes l’objectif d’en vendre dix<br />

pièces par jour. Six mois plus tard,<br />

faute d’acquéreurs en nombre suffisant,<br />

elles ont pris la poussière. Les<br />

responsables de région et de secteur<br />

ainsi que tous les autres responsables<br />

se retirent pour délibérer et chercher<br />

une solution au problème. Leur idée<br />

géniale : remplacer désormais les objectifs<br />

d’équipe par des objectifs individuels.<br />

Et via les panneaux d’affichage,<br />

les tableaux excel ou le<br />

teamchat, tout le monde verra qui a atteint<br />

ses objectifs. Aussi absurde que<br />

cela paraisse , cette situation se rapproche<br />

de celle que l’on rencontre encore<br />

dans de nombreuses équipes de<br />

RéseauPostal. Certes pas avec des machines<br />

à écrire, mais avec les produits<br />

financiers de PostFinance. Peu importe<br />

qui on a interrogé : tout le monde<br />

a rapporté que les objectifs avaient été<br />

largement manqués.<br />

<strong>syndicom</strong> a signalé très tôt en début<br />

d’année que les objectifs étaient<br />

irréalistes, mais son appel a été ignoré.<br />

Il n’y a pas eu de correctifs et la<br />

pression a été fermement maintenue<br />

sur les responsables d’équipe et le personnel<br />

de conseil à la clientèle.<br />

Certains responsables de région<br />

ou d’équipe ont logiquement été dépassés<br />

par la situation et ont cédé à<br />

cette pression inacceptable. On a ainsi<br />

vu apparaître des méthodes de mesure<br />

absurdes, notamment des listes de<br />

compétition internes. Dans ce<br />

contexte, des humiliations ont parfois<br />

été infligées à des collègues supposé-e-s<br />

moins performant-e-s. <strong>syndicom</strong><br />

a recueilli plus d’une centaine<br />

d’exemples de telles méthodes de<br />

conduite problématiques et choquantes.<br />

Il a alors protesté auprès de<br />

la direction nationale. Les discussions<br />

à ce sujet ont débuté en mai déjà, mais<br />

leurs effets restent timides.<br />

Aujourd’hui, certaines équipes se<br />

voient encore imposer des pratiques<br />

similaires. Parfois même, des avertissements<br />

sont inscrits aux dossiers<br />

lorsque les objectifs ne sont pas remplis.<br />

Nous devons nous y opposer. Il<br />

faut pouvoir influencer et mesurer les<br />

objectifs. La vente dans les offices de<br />

poste est un travail d’équipe, et les secrétaires<br />

régionaux-ales de <strong>syndicom</strong><br />

travaillent avec les équipes qui continuent<br />

à dénoncer des cas d’objectifs<br />

individuels. Mais le problème n’est<br />

pas uniquement local. Il s’étend à tous<br />

les niveaux et il semble temps d’adresser<br />

un avertissement à RéseauPostal.<br />

Pour 2023, des objectifs réalistes et<br />

une meilleure conduite s’imposent à<br />

presque tous les niveaux.<br />

David Roth<br />

Un automne<br />

mouvementé<br />

Urs Zbinden, secrétaire central secteur Logistique<br />

Depuis quelques semaines, le monde<br />

syndical suisse est en ébullition : à Genève,<br />

les chauffeurs et chauffeuses des<br />

TPG et les fonctionnaires ont battu le<br />

pavé avec succès pour exiger plus de<br />

salaire, les ouvriers-ères de chantier<br />

ont protesté haut et fort contre les détériorations<br />

de leur CCT, et à l’aéroport<br />

de Zurich, des grèves du personnel<br />

de Swissport et des pilotes de Swiss<br />

ont été évitées de justesse grâce à de<br />

meilleures CCT. Ces moments forts en<br />

Suisse s’inscrivent dans une tendance<br />

internationale à voir se multiplier les<br />

conflits du travail.<br />

Cette tendance s’affirme également<br />

dans les entreprises privées de la<br />

logistique en Suisse. Au cours des derniers<br />

mois, le personnel de Planzer<br />

KEP et Quickpac a contacté <strong>syndicom</strong>.<br />

Chez Planzer, il en va du respect des<br />

dispositions légales, des journées de<br />

travail à rallonge, de la planification<br />

du travail à brève échéance et de la sécurité<br />

au travail (véhicules surchargés).<br />

Trois quarts du personnel appuie<br />

les revendications formulées au dépôt<br />

de Zurich Altstetten. De même, chez le<br />

concurrent Quickpac, une très grande<br />

majorité des dépôts de Winterthour et<br />

Dietikon soutient les revendications<br />

pour un 13 e mois de salaire, contre des<br />

jours d’attente en cas de maladie et<br />

contre des déductions forfaitaires en<br />

cas de dommages au véhicule.<br />

Les négociations sur la CCT Logistique<br />

posent une base importante<br />

pour réguler la branche des prestataires<br />

postaux privés. Les mouvements<br />

collectifs en augmentation dans les<br />

entreprises montrent toutefois que<br />

cette CCT doit constituer non pas un<br />

objectif final, mais un point de départ<br />

pour des améliorations supplémentaires.


18 Politique<br />

La fortune populaire de la<br />

BNS pour renforcer l’AVS<br />

Tandis que la Banque nationale suisse continue à amasser des<br />

milliards de bénéfices, les caisses de pension traversent une<br />

crise due aux intérêts négatifs. Leur rendement est en chute<br />

libre et les rentes ne suffisent plus pour vivre. Dans le même<br />

temps, le Conseil fédéral et le Parlement poursuivent leur projet<br />

visant à relever l’âge de la retraite. Mais il existe une autre<br />

solution : renforcer l’AVS avec les bénéfices de la BNS. C’est précisément<br />

ce que veut l’initiative sur la BNS, lancée par l’USS.<br />

Nous en discutons avec Sarah Wyss, conseillère nationale PS<br />

de Bâle-Ville et membre du comité de l’initiative.<br />

Texte : Federico Franchini<br />

Image : Keystone-ATS et Michael Waser (portrait de Sarah Wyss)<br />

Le franc a été l’un des produits les<br />

plus exportés par la Suisse au cours<br />

des dix dernières années : il a même<br />

supplanté les exportations des produits<br />

de la branche pharmaceutique<br />

! Le monde entier voulait acheter<br />

des francs, notamment à cause<br />

de l’insécurité de la zone euro. La<br />

Banque nationale suisse (BNS) en a<br />

émis plus que jamais et les a vendus<br />

aux investisseurs du monde entier<br />

contre des euros et des dollars. Par<br />

ailleurs, elle a engrangé des bénéfices<br />

sur ces transactions. L’ordre de<br />

grandeur de ces ventes de francs est<br />

astronomique. Entre 2016 et 2021,<br />

cette politique monétaire a permis<br />

à la BNS de réaliser un bénéfice de<br />

plus de 26 milliards de francs en<br />

moyenne par an. L’actuelle convention<br />

de distribution conclue avec la<br />

BNS (valable jusqu’à 2025) stipule<br />

que tout au plus 6 milliards de<br />

francs peuvent être distribués à la<br />

Confédération et aux cantons, ce<br />

pour autant que le « bénéfice porté<br />

au bilan » de la BNS se monte à au<br />

moins 40 milliards de francs. L’initiative<br />

sur la BNS propose qu’une<br />

partie des bénéfices de la BNS soit<br />

distribuée à l’AVS en cas de bénéfices<br />

et de réserves de distribution<br />

élevés.<br />

Madame Wyss, pourquoi cette<br />

initiative est nécessaire ?<br />

Il est clair pour tout le monde que<br />

nous avons un problème lié au financement<br />

de l’AVS. Il ne se pose<br />

pas aujourd’hui ni même demain,<br />

mais nous y serons confrontés dans<br />

une dizaine d’années. Nous disposons<br />

donc d’assez de temps pour réfléchir<br />

à la manière de garantir dans<br />

le futur le financement additionnel<br />

du premier pilier. L’initiative est par<br />

conséquent nécessaire, car elle propose<br />

une solution concrète et efficace<br />

à ce problème. Les lacunes<br />

financières de l’AVS pourront être<br />

résorbées grâce aux bénéfices de la<br />

BNS. Et cela sans entamer le pouvoir<br />

d’achat par de nouvelles retenues<br />

sur les salaires : la distribution des<br />

bénéfices de la BNS à l’AVS renforce<br />

la prévoyance vieillesse sans grever<br />

le porte-monnaie des travailleuses-eurs.<br />

Cette année toutefois, la Banque nationale<br />

a annoncé de lourdes pertes.<br />

Il est même probable qu’elle ne<br />

réalise aucun bénéfice. Le timing<br />

semble peu propice à l’initiative.<br />

Qu’en est-il ?<br />

En effet, le timing n’est pas idéal.<br />

Mais 2021 était une année exceptionnelle<br />

pour la BNS. L’année dernière,<br />

la Banque nationale avait réalisé<br />

un bénéfice de 21 milliards de<br />

francs. L’analyse des dernières années<br />

montre que la BNS a versé à la<br />

Confédération environ 2 milliards<br />

de francs par an – un chiffre faible<br />

dû au fait que la redistribution des<br />

bénéfices est plafonnée. Les bénéfices<br />

étant très stables, on peut supposer<br />

qu’à long terme, la Banque<br />

nationale continuera à dégager des<br />

résultats positifs et donc à verser de<br />

l’argent dans les caisses de la Confédération.


« La majorité du Parlement veut que l’excédent versé<br />

par la BNS soit utilisé pour réduire la dette publique.<br />

Cela ne me semble pas une bonne idée, vu que le taux<br />

d’endettement est déjà très bas en Suisse. Il est inutile<br />

de le réduire avec les gains supplémentaires de la BNS<br />

alors qu’investir cet argent dans le premier pilier avantagerait<br />

en revanche l’ensemble de la population. »<br />

Sarah Wyss, conseillère nationale PS de Bâle-Ville et<br />

membre du comité de l’initiative BNS<br />

Que se passe-t-il aujourd’hui avec<br />

cet argent ?<br />

En principe, deux tiers des bénéfices<br />

sont redistribués aux cantons<br />

et un tiers est attribué à la Confédération.<br />

La convention stipule un<br />

plafond de 6 milliards de francs. Sur<br />

la somme distribuée à la Confédération,<br />

un tiers est affecté au budget<br />

ordinaire et deux tiers au budget extraordinaire.<br />

Cette part sert actuellement<br />

à réduire la dette. Or ce n’est<br />

pas une bonne idée, car l’endettement<br />

en Suisse est déjà très faible.<br />

Il est donc inutile de réduire la dette<br />

avec les gains de la BNS. Il serait<br />

plus judicieux d’investir cet argent<br />

dans le premier pilier, ce qui avantagerait<br />

concrètement toute la population.<br />

Pour cette raison, je pense que<br />

cette initiative pourrait avoir des<br />

chances devant la population.<br />

En effet, les sondages prédisent<br />

qu’une majorité en Suisse pourrait<br />

soutenir ce projet. Comment l’expliquer<br />

?<br />

La discussion sur AVS 21 a clairement<br />

fait émerger en Suisse un besoin<br />

de réformer l’AVS d’ici à 2035.<br />

La situation est aujourd’hui vraiment<br />

exceptionnelle, et il convient de se<br />

pencher sur la santé financière de<br />

l’AVS à long terme. Cette idée est désormais<br />

acceptée par la population :<br />

tout le monde est conscient du fait<br />

qu’un financement additionnel s’impose.<br />

Or les solutions n’affluent pas.<br />

D’aucuns proposent d’autres<br />

solutions, comme relever l’âge de<br />

la retraite…<br />

Une chose est sûre : le financement<br />

de l’AVS doit être renforcé d’ici une<br />

dizaine d’années. La récente votation<br />

sur AVS 21, malheureusement<br />

acceptée, fait passer l’âge de la retraite<br />

des femmes de 64 à 65 ans.<br />

Le résultat serré montre cependant<br />

que l’augmentation de l’âge de la retraite<br />

n’aura pas la vie facile devant<br />

le peuple. Une autre solution<br />

consiste à augmenter les retenues<br />

sur les salaires. L’important est que<br />

nous ayons un projet – sous forme<br />

d’initiative populaire – sur la table<br />

une fois venu le moment de débattre<br />

de ce sujet. Les Jeunes Libéraux-Radicaux<br />

ont déposé une initiative<br />

populaire visant à augmenter<br />

progressivement l’âge de la retraite<br />

à 66 ans pour les hommes et les<br />

femmes. Ce projet affaiblira le premier<br />

pilier. D’autant que de nombreuses<br />

personnes prennent aujourd’hui<br />

déjà une retraite anticipée.<br />

Un relèvement de l’âge de la retraite<br />

pénaliserait donc les personnes<br />

touchant de bas salaires, qui ne<br />

peuvent pas se permettre une préretraite.<br />

Notre solution, liée aux bénéfices<br />

de la BNS, nous paraît plus intéressante<br />

et plus appropriée. A nos<br />

yeux, il est clair qu’il faut renforcer<br />

les rentes, et pas augmenter l’âge de<br />

la retraite.<br />

Les détracteurs du projet affirment<br />

qu’il est dangereux de lier l’AVS aux<br />

bénéfices de la BNS, car cela reviendrait<br />

à faire dépendre le premier pilier<br />

de la politique monétaire suisse.<br />

Que répondez-vous ?<br />

J’ai du mal à comprendre cet argument.<br />

Le texte de l’initiative est modéré.<br />

Il ne concerne pas la politique<br />

monétaire et laisse intacte la part<br />

distribuée aux cantons qui ont droit<br />

à 4 milliards par an. Il me semble<br />

normal que la Confédération puisse<br />

décider comment elle entend disposer<br />

des 2 milliards que la BNS lui<br />

verse. Cela n’a aucun rapport avec<br />

la politique de la Banque nationale.<br />

Aujourd’hui, cet argent sert à éponger<br />

la dette publique. Mais il pourrait<br />

tout aussi bien être employé<br />

pour l’AVS. Faute de quoi, il serait<br />

également problématique de financer<br />

les budgets cantonaux avec les<br />

bénéfices de la BNS. Mais personne<br />

ne s’est encore jamais préoccupé de<br />

cette question. Selon moi, le seul<br />

problème est celui où la BNS ne<br />

verserait pas de bénéfices, comme<br />

cette année. Mais les valeurs<br />

moyennes précédentes et les perspectives<br />

d’avenir nous indiquent<br />

que cela adviendra uniquement<br />

dans des années exceptionnelles.<br />

Nous avons parlé du financement de<br />

l’AVS. Mais un autre gros problème<br />

est celui des rentes de vieillesse.<br />

Là aussi, la gauche a déjà lancé une<br />

initiative populaire – pour une<br />

13 e rente AVS –, qui a abouti. Pourquoi<br />

est-il important d’agir sur les<br />

deux fronts ?<br />

Pour la gauche, il est très important<br />

d’agir sur deux fronts – financement<br />

et augmentation des rentes – en<br />

apportant nos solutions à la plus<br />

importante assurance sociale de la<br />

Suisse. Tout le monde reconnaît que<br />

les rentes sont trop basses. Selon la<br />

Constitution, elles devraient être<br />

suffisantes pour vivre de manière<br />

décente. Ce n’est actuellement pas<br />

le cas. Le financement est important,<br />

bien sûr. Il en est question<br />

dans l’initiative sur les bénéfices de<br />

la BNS. Mais il faut aussi agir au<br />

niveau des rentes. A cet effet, nous<br />

avons lancé l’initiative pour une<br />

13 e rente AVS. Elle vise à donner un<br />

peu plus d’oxygène à celles et ceux<br />

qui dépendent avant tout du premier<br />

pilier. En particulier aux<br />

femmes. Car un tiers des retraitées<br />

n’ont pas d’autre revenu que celui<br />

de l’AVS.<br />

La prévoyance professionnelle<br />

(deuxième pilier) sera également<br />

bientôt débattue au Parlement.<br />

Quelles sont les prochaines étapes ?<br />

Il faut trouver une solution pour les<br />

faibles taux d’occupation et pour les<br />

personnes avec plusieurs emplois<br />

sans couverture sociale. Mais je rappelle<br />

que nous devons continuer à<br />

nous concentrer sur le renforcement<br />

du premier pilier. Car il s’agit<br />

d’un accord intergénérationnel et<br />

d’un projet de solidarité entre hauts<br />

et bas revenus. Pour les syndicats,<br />

il importe avant tout de renforcer<br />

l’AVS et donc de faire aboutir l’initiative<br />

sur les bénéfices de la BNS.<br />

Pour signer et obtenir plus<br />

d’informations sur l’initiative


20 Du côté des<br />

employeurs<br />

Une « CCT » sur mesure<br />

pour les indépendant-e-s<br />

Marie-France Lombardo, Julia Marti et Claudio Barandun<br />

dirigent la maison d’édition Edition Moderne avec passion –<br />

et depuis peu avec une « convention de base ».<br />

l’euro : nous opérons à l’échelle<br />

internationale, notre principal<br />

marché est l’Allemagne. Une discussion<br />

fondamentale s’impose sur ce<br />

qu’apporte à notre société une<br />

culture du livre vivante. Et il faut<br />

une volonté politique pour la soutenir.<br />

Le soutien à l’édition de l’Office<br />

fédéral de la culture (dont bénéficie<br />

également Edition Moderne pendant<br />

la période de financement<br />

2021-2024) y contribue, mais c’est<br />

malheureusement aussi le seul de<br />

ce genre.<br />

Questions : Michael Moser<br />

Photo : Anne Morgenstern<br />

<strong>syndicom</strong> et Edition Moderne<br />

viennent de signer une convention<br />

de base. De quoi s’agit-il ?<br />

Avec la convention de base, le syndicat<br />

<strong>syndicom</strong> et Edition Moderne<br />

comptent améliorer conjointement<br />

les conditions de travail des auteure-s<br />

de bandes dessinées. Les deux<br />

parties veulent montrer que le travail<br />

de création et de publication de<br />

bandes dessinées doit et peut être<br />

aménagé équitablement, et cela<br />

dans l’intérêt de toutes les parties le<br />

long de la chaîne de création de valeurs.<br />

La convention de base procure<br />

à Edition Moderne un important<br />

instrument de médiation, qui<br />

clarifie aussi pour l’avenir ce que<br />

nous apportons en tant que maison<br />

d’édition.<br />

Que contient l’« accord sur la<br />

co opération future » inclus dans la<br />

convention de base ?<br />

Cet accord définit nos objectifs<br />

communs. Il prévoit qu’Edition Moderne<br />

et <strong>syndicom</strong> puissent prolonger<br />

chaque année la convention de<br />

base, la renégocier en fonction de<br />

notre marche des affaires ou y<br />

mettre un terme. En tant qu’employeur,<br />

nous nous engageons à<br />

communiquer les conditions de la<br />

convention négociée avant le début<br />

des négociations et à ne pas les péjorer<br />

ensuite lors des négociations<br />

individuelles.<br />

Qui est Edition Moderne ?<br />

Edition Moderne est la seule maison<br />

d’édition de BD et de romans graphiques<br />

en Suisse alémanique et la<br />

plus ancienne dans l’espace germanophone.<br />

Elle s’engage à éditer des<br />

livres de grande qualité en termes<br />

de contenu et design, qui sont pertinents<br />

sur le plan politique : même<br />

des voix et des thèmes marginaux<br />

reçoivent une plateforme. En 2021,<br />

nous avons obtenu le Swiss Design<br />

Award pour la « médiation » et avons<br />

été désignés maison d’édition<br />

suisse de l’année.<br />

Le marché du livre est très tendu<br />

actuellement. Quels sont selon vous<br />

les principaux défis ?<br />

La pénurie de papier, la rupture des<br />

chaînes de livraison et l’explosion<br />

des prix menacent également la survie<br />

d’Edition Moderne. Mis à part le<br />

temps englouti dans la recherche de<br />

papier, il y a un déséquilibre des<br />

prix, car le renchérissement ne peut<br />

pas être répercuté intégralement.<br />

A cela s’ajoutent la baisse du pouvoir<br />

d’achat et le faible cours de<br />

Depuis 2020, les illustrateur-rices<br />

sont organisé-e-s chez <strong>syndicom</strong>.<br />

Quelles sont vos observations<br />

concernant ce processus ?<br />

Avant que nous nous lancions dans<br />

l’édition, Julia et Claudio travaillaient<br />

comme illustratrice et illustrateur<br />

et graphistes, et Marie- France<br />

dans la promotion du design – nous<br />

connaissons bien la situation des<br />

personnes qui travaillent à leur<br />

compte et font cavaliers seuls. Nous<br />

sommes heureux que la branche de<br />

l’illustration soit parvenue à s’organiser<br />

collectivement chez <strong>syndicom</strong>,<br />

ce qui permet de stimuler le discours<br />

sur la création de valeur de ce<br />

travail.<br />

Dans quelle mesure cela correspond-il<br />

aux valeurs d’Edition<br />

Moderne et à la culture du livre que<br />

vous défendez ?<br />

D’abord gérée d’une seule main,<br />

notre maison d’édition s’est transformée<br />

en une petite structure collective<br />

– constituée de nous trois et<br />

notre apprenti Manuel – au cours<br />

des deux dernières années. Malgré<br />

un pourcentage modeste de postes<br />

(220 %), nous voulons réaliser de<br />

beaux livres et créer un climat de<br />

travail valorisant et inspirant. Nous<br />

accompagnons souvent les livres du<br />

premier « storyboard » jusqu’à leur<br />

conception, fabrication et distribution.<br />

Plus que jamais, nous sommes<br />

convaincus de la valeur du médium<br />

livre : le « monde de dehors » en<br />

pleine transition suscite des incertitudes.<br />

L’univers des livres peut nous<br />

aider à aborder le monde extérieur<br />

de manière plus réfléchie, avec davantage<br />

de sérénité et un peu plus<br />

d’humour. Nous y consacrons toute<br />

notre énergie.


Droit au but !<br />

21<br />

Cher service juridique,<br />

J’ai travaillé pendant plus de 30 ans dans<br />

une imprimerie. Lorsqu’elle a dû fermer,<br />

je me suis inscrite auprès de la caisse de<br />

chômage. Dans un cours qu’elle proposait,<br />

j’ai appris à établir un dossier de candidature<br />

actuel. Malgré de nombreuses candidatures,<br />

je ne reçois que des refus. Je sais<br />

qu’il est difficile de trouver un emploi à<br />

mon âge (55 ans), surtout dans ma profession.<br />

Or je viens de découvrir que beaucoup<br />

de grandes entreprises ne lisent plus<br />

elles-mêmes les CV, mais qu’un algorithme<br />

s’en charge. Est-ce que c’est vrai ?<br />

Lors du cours de techniques de recherche<br />

d’emploi, ce sujet n’a pas évoqué. Je ne<br />

sais pas d’avance si c’est un algorithme ou<br />

le département du personnel qui examinera<br />

mon dossier, et quels critères sont utilisés<br />

pour la sélection. Est-il possible<br />

d’adapter mon dossier de candidature en<br />

conséquence et d’omettre d’indiquer mon<br />

âge et ma nationalité ?<br />

Si cette méthode s’applique, je n’ai quasiment<br />

aucune chance de trouver un emploi.<br />

L’utilisation d’un algorithme est pourtant<br />

discriminante. Puis-je me défendre en<br />

justice ?<br />

La réponse du service juridique :<br />

Oui, les algorithmes sont utilisés de plus en plus souvent<br />

dans le monde du travail. En particulier lors du processus<br />

de candidature, des critères sont prédéfinis (via des<br />

mots-clés) pour pouvoir occuper le poste vacant au mieux.<br />

Si ton CV ne remplit pas certains critères, ton dossier est<br />

automatiquement écarté. Lors de la recherche d’un emploi,<br />

ce processus augmente le risque de discrimination<br />

fondée sur l’âge, le genre, la nationalité, la situation familiale<br />

(marié-e, enfants), etc.<br />

Il n’existe en principe aucune disposition en la matière.<br />

Mais ces données peuvent revêtir une certaine importance<br />

pour l’employeur. Les algorithmes cherchent en<br />

fonction de mots-clés prédéfinis. Or s’ils manquent dans<br />

les dossiers, la candidature est éliminée. Si tu ajoutes une<br />

photo à ton CV, l’algorithme peut en déduire ton âge à<br />

l’aide de la reconnaissance faciale automatisée. Ce logiciel<br />

est de plus en plus utilisé, bien que l’on sache qu’il ne<br />

reconnaît que des stéréotypes et n’est donc pas pertinent.<br />

En fin de compte, l’algorithme reprend les préjugés des<br />

personnes qui définissent les critères. Et un algorithme<br />

ne reconnaît que les données dont il dispose. Moins il y<br />

en a, plus le processus de sélection est subjectif.<br />

Conformément à l’article 28 du Code civil (CC), tu peux<br />

faire valoir une atteinte à la personnalité. Celle-ci doit<br />

avoir un caractère illicite et elle dépend donc de savoir<br />

si l’employeur potentiel peut avancer ou non un intérêt<br />

prépondérant. Même si tu es en mesure de prouver que le<br />

refus découle uniquement de ton âge, tu ne peux pas prétendre<br />

à un engagement. Tu as uniquement la possibilité<br />

d’exiger une réparation pour tort moral au sens de<br />

l’art. 28a CC. Néanmoins, il n’existe encore aucun arrêt<br />

du Tribunal fédéral à ce sujet. Pour la simple raison que<br />

l’employeur n’est pas tenu d’indiquer le motif de son<br />

refus. Une discrimination est par conséquent difficile à<br />

prouver.<br />

Toutes les rubriques<br />

Droit au but !


22 Loisirs<br />

Suggestions<br />

© Cyril Schäublin<br />

© mieux!<br />

Le programme Movendo 2023<br />

est en ligne !<br />

Movendo, l’institut de formation<br />

des syndicats, propose en 2023 un<br />

nouveau programme de cours riche<br />

et varié. La forte demande de formation<br />

continue de cette année démontre<br />

l’importance de ces rencontres<br />

syndicales et de se former<br />

tout au long de la vie. Dès aujourd’hui,<br />

vous pourrez vous inscrire<br />

aux cours du nouveau programme<br />

2023 sur movendo.ch<br />

Le programme 2023 présente<br />

une offre de formation variée sur<br />

l’économie, la politique, le droit du<br />

travail, les assurances sociales, la<br />

communication, l’organisation de<br />

la vie privée et professionnelle, la<br />

collaboration, l’informatique et les<br />

instruments de travail pratiques.<br />

Parmi les nouveautés du programme<br />

figurent, entre autres, un<br />

cours d’introduction à l’écologie politique,<br />

un cours sur la conciliation<br />

de sa fonction de proche aidant-e et<br />

sa vie professionnelle, une formation<br />

destinée à booster son employabilité<br />

ou une formation sur le<br />

fonctionnement des assurances<br />

chômage et invalidité.<br />

De plus, divers webinaires gratuits<br />

sont également proposés tout<br />

au long de l’année. Les cours Movendo<br />

sont ouverts à toute personne<br />

intéressée. Certaines formations<br />

s’adressent spécifiquement aux<br />

membres de représentations du personnel<br />

ou aux militant-e-s. Chaque<br />

membre de <strong>syndicom</strong> a droit à un<br />

cours Movendo gratuit par année.<br />

Nous prenons en charge les frais de<br />

cours, de repas, de voyage en train et<br />

payons selon le cours les frais de<br />

nuitée. Alors n’hésitez plus à<br />

consulter le nouveau programme !<br />

Movendo<br />

Unrueh de Cyril Schäublin<br />

La plupart des gens associent surtout<br />

l’anarchisme à une chose :<br />

le bruit, la protestation et la résistance.<br />

Ce n’est pas le cas du film de<br />

Cyril Schäublin. Il raconte en<br />

images douces l’histoire des horlogers-ères<br />

jurassien-ne-s de la fin du<br />

XIX e siècle, qui ont marqué de manière<br />

irréversible l’anarchiste Piotr<br />

Kropotkin. Tout à fait dans l’esprit<br />

de l’anarchisme, le film suit un<br />

mode de narration décentralisé : il<br />

n’y a pas d’intrigue à proprement<br />

parler et les personnages se<br />

tiennent généralement sur les bords<br />

de l’image. Bien qu’il s’agisse d’un<br />

film historique, la thématique est<br />

difficilement égalable en termes<br />

d’actualité. Quel travailleur-euse ne<br />

peut pas s’identifier aux horlogers-ères<br />

dont la productivité est<br />

mesurée par leurs supérieurs à<br />

l’aide d’un chronomètre ? La critique<br />

silencieuse du capitalisme<br />

sous la forme de montres qui font<br />

tic-tac traverse tout le film. Ainsi,<br />

l’horloge de l’usine horlogère<br />

avance toujours de huit minutes, ce<br />

qui peut être interprété comme une<br />

métaphore de la croissance économique<br />

sans frein. La solidarité entre<br />

eux, même avec les anarchistes<br />

d’autres régions du monde, rompt<br />

la monotonie du quotidien dans<br />

l’usine de montres et maintient la<br />

cohésion du mouvement. Grâce à<br />

une narration ralentie, le film laisse<br />

beaucoup de place à la réflexion personnelle.<br />

Unrueh est l’anarchisme<br />

dans sa forme la plus pure, à une<br />

époque de progrès technologique<br />

où les rêves d’un monde meilleur<br />

semblaient encore possibles.<br />

Catalina Gajardo<br />

Mieux !, le média romand<br />

engagé<br />

Fondé en 2019, le média romand<br />

Mieux ! est né d’un simple constat :<br />

si la France regorge de youtubeurs<br />

et de youtubeuses engagé-e-s sur la<br />

thématique du climat, le paysage<br />

médiatique suisse en est lui grandement<br />

dépourvu. Mais la question<br />

climatique n’est pas la seule en<br />

manque d’un traitement médiatique<br />

franc, recherché et progressiste.<br />

Il en va également ainsi des<br />

sujets féministes, de la communauté<br />

LGBTQIA+ ou encore des personnes<br />

racisées mises à nouveau<br />

en lumière par le mouvement Black<br />

Lives Matter. mieux ! questionne ces<br />

multiples thèmes au travers de<br />

contenus digitaux. Ce médias engagé<br />

ne croit pas à l’objectivité dont se<br />

revendiquent les journalistes des<br />

mass-médias. Toute personne est<br />

dotée de biais cognitifs desquels il<br />

faut se méfier, elle en premier. C’est<br />

la raison pour laquelle nous revendiquons<br />

une position engagée qui<br />

fait la part belle à la transparence.<br />

Cette position engagée n’empêche<br />

pas ces jeunes passionnés d’effectuer<br />

un travail journalistique de<br />

qualité basé sur des sources vérifiées<br />

de qualité dans la conscience<br />

de nos propres biais cognitifs. Et<br />

bonne nouvelle, le format « Ça raisonne<br />

» constitué de longues interviews<br />

ayant pour but de faire résonner<br />

la voix de celles et ceux qui<br />

raisonnent est disponible aussi en<br />

podcast sur les plateformes habituelles.<br />

mieux !<br />

Par ici pour consulter le<br />

nouveau programme Movendo<br />

Actuellement dans plusieurs<br />

salles de cinéma suisses<br />

A découvrir en ligne sur mieux.media


1000 mots<br />

Ruedi Widmer<br />

23


24 Evènements En cette fin d’année, <strong>syndicom</strong> poursuit son travail sur le terrain. Participation à<br />

des manifestations, des formations, des visites d’entreprises, des conférences<br />

de presse et même des excursions. Pendant que la collecte de signatures pour la<br />

pétition « Prix en hausse ! Idem pour les salaires » bat son plein.<br />

1<br />

2<br />

3<br />

4<br />

5<br />

6


1-6. Dans le cadre de la collecte de signatures pour la pétition « Prix en hausse ! Idem pour les salaires », de nombreuses visites d’entreprises ont eu lieu<br />

dans le secteur de la logistique. (© <strong>syndicom</strong>)<br />

7. Conférence de presse de l’USS avec Matteo Antonini (Responsable du secteur logistique chez <strong>syndicom</strong>, à gauche), Pierre-Yves Maillard<br />

(Président USS) et Daniel Lampart (Premier secrétaire et économiste en chef USS) pour la campagne salariale de l’automne. (© USS)<br />

8. Patrizia Mordini, responsable des groupes d’intérêt, lors de la conférence de Digital Nomads Switzerland le 1 er octobre à Berne. (© <strong>syndicom</strong>)<br />

9. Séminaire TIC de la section de Zurich. (© <strong>syndicom</strong>)<br />

10. Des coursiers-ères à vélo remettent une pétition à l’entreprise FWG à Zurich. (© <strong>syndicom</strong>)<br />

11. Photo de groupe pour la sortie de la section rhétique à Valle di Lei aux Grisons. (© <strong>syndicom</strong>)<br />

12. Cours de formation pour la section Tessin et Moesano. (© <strong>syndicom</strong>)<br />

7<br />

8<br />

9<br />

10<br />

11<br />

12


26<br />

Tranches<br />

de vie<br />

« Je ne dors bien le soir que si j’ai pu aider<br />

les autres pendant la journée »<br />

Agé de 39 ans, Mensur Memedi est<br />

père de famille. A l’aube du nouveau<br />

millénaire, il a quitté à 19 ans la Macédoine<br />

pour immigrer en Suisse, où son<br />

père travaillait déjà depuis une décennie.<br />

Sa maturité en poche, il s’est inscrit<br />

à l’Université de Berne pour étudier<br />

les sciences politiques. Mais au<br />

sixième semestre, sa famille a rencontré<br />

des problèmes d’argent. Pour la<br />

soutenir, Mensur Memedi a cherché un<br />

job qu’il a trouvé auprès de l’employeur<br />

de son père, à La Poste Suisse. Il y a<br />

occupé plusieurs fonctions et travaille<br />

actuellement dans l’agglomération de<br />

Berne. Mensur vit dans le canton de<br />

Fribourg et est membre actif de <strong>syndicom</strong>.<br />

Texte : Basil Weingartner<br />

Photo : Alexander Egger<br />

« J’aimerais m’engager<br />

en politique »<br />

« Sans les syndicats, ça ne va pas.<br />

Car en fin de compte, toutes les entreprises<br />

veulent payer leur personnel<br />

le moins possible. Les injustices<br />

existent partout dans le monde du<br />

travail. Certaines de mes connaissances<br />

issues de la migration gagnaient<br />

beaucoup moins que leurs<br />

collègues au bénéfice d’un passeport<br />

suisse alors qu’elles exerçaient le<br />

même travail. C’est pourquoi il faut<br />

des institutions qui apportent un<br />

soutien. Dans le cas de mes connaissances,<br />

le syndicat est intervenu et<br />

a obtenu des augmentations de<br />

salaire. Je suis une personne qui<br />

cherche à aider chaque fois que c’est<br />

possible.<br />

Je ne suis pas seulement syndicaliste,<br />

mais aussi chef d’équipe à La<br />

Poste Suisse. A mes débuts en tant<br />

qu’intérimaire, j’ai pu démontrer<br />

mes compétences. Ensuite, je me<br />

suis occupé de la répartition des<br />

tournées et saisissais les souhaits de<br />

la clientèle dans le système. Très vite,<br />

j’ai été responsable de l’ensemble<br />

des tournées dans la région de Berne,<br />

en tant que responsable d’équipe<br />

adjoint avec un contrat fixe. Puis j’ai<br />

été promu au poste de teamleader.<br />

Aujourd’hui, je dirige deux groupes<br />

de 18 employée-e-s. L’un d’eux est<br />

constitué de lève-tôt. L’autre est formé<br />

du personnel en charge de la distribution<br />

des colis. En parallèle, je<br />

dirige des workshops destinés aux<br />

équipes et je suis responsable du<br />

lean management, aussi dénommé<br />

Kaizen. Il trouve son origine dans les<br />

usines automobiles de Toyota au Japon.<br />

Ce système est utilisé pour tenter<br />

d’exploiter le potentiel de l’ensemble<br />

du personnel et rendre ainsi<br />

l’entreprise prospère. Celles et ceux<br />

qui travaillent au front savent au<br />

mieux comment optimiser les processus.<br />

L’idée est la suivante : éliminer<br />

le gaspillage – non pas pour rationaliser<br />

le personnel, mais pour<br />

employer son temps de façon plus<br />

judicieuse. Le lean management est<br />

valorisant pour le personnel. Il lui<br />

donne la possibilité de s’impliquer.<br />

Et lorsque ses idées sont mises en<br />

œuvre, il en est fier. Il permet également<br />

de créer une culture constructive<br />

de l’erreur, qui autorise aussi les<br />

défaillances.<br />

Cette philosophie de l’entreprise<br />

est aussi en adéquation avec mes<br />

convictions personnelles et ma foi<br />

musulmane : je ne dors bien le soir<br />

que si j’ai pu aider les autres pendant<br />

la journée. Nous devrions toutes et<br />

tous tirer à la même corde. Chacun-e<br />

apporte quelque chose dont tu peux<br />

apprendre et profiter toi-même. C’est<br />

la seule façon de créer un monde pacifique.<br />

Avec ma famille, j’ai demandé<br />

à être naturalisé il y a quelques<br />

années. Je me suis alors rendu<br />

compte que la naturalisation en<br />

Suisse coûtait non seulement cher,<br />

mais qu’elle variait aussi beaucoup<br />

d’un canton et d’une commune à<br />

l’autre. Elle est arbitraire. J’aimerais<br />

m’engager en politique pour changer<br />

cette situation. Même les naturalisations<br />

doivent se dérouler de manière<br />

équitable. L’équité est essentielle<br />

partout. Les gens travaillent pour gagner<br />

suffisamment pour eux et leur<br />

famille. Mais beaucoup sont tout<br />

simplement exploités. Lorsqu’on<br />

s’en aperçoit, il faut les aider, sinon<br />

on se rend complice. »


Impressum<br />

Rédaction : Robin Moret et Giovanni Valerio<br />

(coresponsables), Rieke Krüger et Catalina Gajardo<br />

Hofmann<br />

Courriel : redaction@<strong>syndicom</strong>.ch<br />

Traductions : Alexandrine Bieri, Laurence Strasser et<br />

Gabriele Alleva<br />

Dessins de portrait : Katja Leudolph<br />

Layout, correction, impression : Stämpfli Kommunikation<br />

Changements d’adresse : <strong>syndicom</strong>, gestion<br />

des adresses, Monbijoustrasse 33, case postale,<br />

3001 Berne. Tél. 058 817 18 18, fax 058 817 18 17<br />

Annonces : priska.zuercher@<strong>syndicom</strong>.ch<br />

Commande d’abonnements : info@<strong>syndicom</strong>.ch<br />

Le prix de l’abonnement est inclus dans la cotisation<br />

de membre. Non-membres : Fr. 35.– (Suisse),<br />

Fr. 50.– (étranger)<br />

Editeur : <strong>syndicom</strong> – syndicat des médias<br />

et de la communication, Monbijoustr. 33,<br />

case postale, 3001 Berne<br />

Le <strong>magazine</strong> <strong>syndicom</strong> paraît six fois par année.<br />

Le numéro 33 paraîtra le 10 février 2023.<br />

L’illustration de Micha Dalcol se trouve en pages 6-7.<br />

27<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15<br />

I<br />

4 10<br />

II<br />

2<br />

III<br />

IV<br />

V<br />

VI<br />

VII<br />

11 7<br />

3<br />

5<br />

VIII<br />

IX<br />

X<br />

Mot mystère :<br />

1 8<br />

DÉFINITIONS<br />

6<br />

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11<br />

Horizontalement : I. Acétique porté sur la<br />

salade. Canards un peu vieillis. II. Mignon<br />

légume. Vin de sapin. Fut. III. A-t-il du cœur ?<br />

Bien dans son genre. Épicerie Le Pen.<br />

IV. Matheux à 10 balles. Petite perfectionniste.<br />

Grande Cyclade. V. Désigne. Matos. Exclut.<br />

VI. Réservoir. Cubitus. VII. Adresse roumaine.<br />

Pétrole distillé. Cheminerai. VIII. Mille-pattes.<br />

Réflexion. Abrasa. IX. Fin sans fin. Entrée de<br />

gamme. Citrouille. X. Conserve. Spécialiste.<br />

Verticalement : 1. Irritant. Doléance. 2. On<br />

l'aime garnie. 3. Chantée de haut en bas.<br />

Trotskistes français. 4. Résiste. Vu la lumière.<br />

5. Gagnerais. Coup de chance. 6. Voyage<br />

sans limite. Débris. 7. Sur sa faim.<br />

8. Abalourdi. Pas moi. 9. Génisse grecque.<br />

Vitupérât. 10. Reprise. Blonde. Poilé.<br />

11. Relatif au baudet. Question pipi.<br />

12. Conserve. 13. Provenance. Grippe.<br />

14. Dernier moulage. Pour soi. 15. À Fleur de<br />

peau.<br />

9<br />

Mots croisés<br />

Le-la gagnant-e, dont le nom paraîtra<br />

dans le prochain <strong>magazine</strong>, recevra un<br />

bon d’achat de notre partenaire Coop.<br />

Prière d’envoyer votre solution (le mot<br />

mystère seulement) jusqu’au 6 janvier<br />

par e-mail à admin@<strong>syndicom</strong>.ch ou par<br />

courrier à Rédaction <strong>syndicom</strong>, Monbijoustrasse<br />

33, case postale, 3001 Berne.<br />

Une seule participation possible par<br />

membre.<br />

Le gagnant du dernier mots croisés<br />

La solution du mots croisés du<br />

dernier numéro était « INFLATION ».<br />

Le gagnant est Monsieur Etienne Oreiller<br />

de Muraz. Il recevra une pièce en argent<br />

de notre partenaire la banque Cler.<br />

Chaleureuses félicitations !<br />

Annonce<br />

Yoann Provenzano<br />

Ambassadeur romand de Comundo<br />

Ensemble, apportons<br />

un vrai changement<br />

Donner plus de sens encore à ses compétences professionnelles et vivre une<br />

expérience de vie unique ? C’est possible, par le biais d’un engagement à l’étranger<br />

avec Comundo ! Sur la base de contrats d’un à trois ans, nous engageons des<br />

professionnel·le·s qualifié·e·s auprès de nos organisations partenaires en Afrique<br />

et en Amérique latine.<br />

comundo.org


28 Interactifs<br />

<strong>syndicom</strong> social<br />

Indemnisation des esclaves de la Coupe du monde<br />

Rapport choc sur Amazon<br />

13.11.2022<br />

Plus de 6500 esclaves modernes sont morts lors des<br />

préparatifs de la Coupe du monde de football, qui se déroule<br />

actuellement au Qatar. Des milliers d’ouvriers y<br />

travaillent encore dans des conditions inhumaines pour<br />

1 dollar de l’heure. La FIFA va réaliser des milliards de bénéfices,<br />

mais refuse de dédommager les travailleurs et<br />

leurs familles. Une pétition en ligne a donc été lancée, à<br />

laquelle des milliers de personnes du monde entier ont<br />

spontanément adhéré. secure.avaaz.org/page/fr<br />

07.11.2022<br />

256 articles commandés par jour, soit<br />

32 par heure, moins de deux minutes<br />

par article. Ce sont les chiffres des<br />

employés d’Amazon, publiés par L’Humanité.<br />

Des niveaux de stress insupportables<br />

avec des gestes répétitifs<br />

et épuisants. Un-e salarié-e sur 5<br />

démissionne, alors qu’Amazon recourt<br />

de plus en plus aux emplois<br />

précaires avec 42 % d’intérimaires.<br />

La commission du Conseil des Etats donne une<br />

chance à la loi sur la responsabilité des<br />

multinationales 07.09.2022<br />

Le contre-projet à l’initiative sur les multinationales<br />

responsables doit être complété par un<br />

devoir de diligence concernant le travail forcé.<br />

La porte est ainsi ouverte à une réforme globale<br />

qui permettra à la Suisse de se hisser au niveau<br />

de l’UE.<br />

La fin des voitures autonomes ? 30.10.2022<br />

Après avoir investi près de 4 milliards de dollars<br />

dans le développement de voitures autonomes,<br />

Ford et Volkswagen ont déclaré mettre un terme<br />

aux activités de leur coentreprise Argo IA.<br />

Le début de la fin de ce type de mobilité ?<br />

La liberté des médias et la démocratie en danger<br />

30.10.2022<br />

Au Chili, comme dans de nombreux pays, on observe une<br />

concentration du marché de l’édition qui conduit à un<br />

véritable monopole idéologique. La démocratie ellemême<br />

est en danger, tout comme le journal El Clarín,<br />

l’une des rares voix indépendantes. Pour le soutenir,<br />

<strong>syndicom</strong> appelle à signer la pétition :<br />

<strong>syndicom</strong>.ch/9slze<br />

L’ONU doit garantir la sécurité des médias 02.11.2022<br />

A l’occasion de la Journée internationale de la fin de<br />

l’impunité pour les crimes commis contre les journalistes,<br />

<strong>syndicom</strong> et la Fédération internationale des<br />

journalistes (FIJ) demandent à la communauté internationale<br />

de garantir enfin la sécurité et la protection<br />

des professionnels des médias par le biais d’une<br />

convention de l’ONU.<br />

<strong>syndicom</strong> est sur Mastodon !<br />

15.11.2022<br />

Nous sommes désormais aussi sur Mastodon<br />

! Pour l’instant, vous y trouverez les<br />

mêmes contenus que sur notre Twitter,<br />

mais qui sait ce que l’avenir nous réserve ?<br />

Suis-nous !<br />

@gewerkschaft<strong>syndicom</strong> @swiss.social<br />

Nouveau podcast <strong>syndicom</strong> 15.11.2022<br />

En Suisse alémanique aussi, nous<br />

avons lancé un podcast sur la Poste.<br />

Une fois par mois, Dominik Dietrich et Senol<br />

Kilic, secrétaire syndicaux chez <strong>syndicom</strong>,<br />

mettent en lumière le travail quotidien des employé-e-s<br />

de la Poste. À écouter sur Spotify !<br />

16 jours contre la violence envers les femmes :<br />

cours en ligne 08.12.2022<br />

En tant que syndicat, nous savons que les femmes<br />

sont également harcelées sur leur lieu de travail.<br />

Le 8 décembre, de 19h30 à 21h, les syndicats animeront<br />

le cours en ligne « Violence sexualisée au travail »<br />

(en allemand). Tu aimerais en savoir plus sur ce sujet ?<br />

Inscris-toi ! Tiny.cc/16tage<br />

Suivez-nous sur les<br />

réseaux sociaux !

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!