CG 95 EDITION FINALE (21 × 29.7 cm) 19 juillet

Histoire
Sur les traces des Templiers à Gimbrède
Au nord-est du Gers se niche un village qui doit beaucoup
à l'ordre du Temple et à des passionnés plus contemporains.
Gimbrède a un charme fou et une histoire séculaire mais... vivante. Photo Laurent Lainé.
Avant la fin du XIIe siècle, il
n’y avait rien à Gimbrède.
Aucune trace de vie, d’invasion,
une étendue quasi désertique, peutêtre
des champs. C’est l’ordre des
Templiers qui y plante son
oriflamme, un jour de 1160. Ils
s’installent, établissent une
commanderie, et la vie s’organise.
Ces moines-soldats créent une
cellule de base, une sorte de centre
administratif. Ici, à Gimbrède, les
héroïques défenseurs de Jérusalem
vont se livrer à des activités
pacifiques, cultiver de vastes biens
agricoles, élever une haute ceinture
de remparts, bâtir la maison du
commandeur, une église, et même
une impressionnante tour de 16 m
de haut.
La chute de l'ordre en 1312
Dans ce pays reculé de Gascogne,
ils apportent protection et
spiritualité. La chute de l’ordre,
décidée en 1312 par Philippe le
Bel, ne change pas grand-chose à
Gimbrède, devenu en deux petits
siècles un village très vivant, avec
sa foire annuelle, un marché
hebdomadaire et cinq tavernes, car
il fallait bien déguster le vin
produit par la commanderie.
L'église accueille en même temps
chevaliers et habitants, fait rare.
faute de place, l'édifice n'est pas
tourné vers l'Orient. Quatre
consuls administrent Gimbrède,
nomment le recteur et perçoivent
la dîme. Une charte des coutumes a
été octroyée. La sécurité des
habitants est assurée par la
présence de deux prisons.
Toutefois, à la fin du XVe siècle,
un incendie ravage une grande
partie du construit et fait partir en
flammes tous les documents écrits.
Exit le passé de Gimbrède…
L'irruption d'une archéologue
Pas tout à fait, car une jeune
archéologue, responsable de
l’association Grottes et
Archéologie, s’est prise de passion
pour ce lieu unique. Pauline
Ramis, fille d’un compagnon
tailleur de pierre, va publier un
mémoire approfondi, entamer une
campagne de fouilles.
Plusieurs pistes sont révélées, dont
l’emplacement du château des
chevaliers, des vestiges du mur
d’enceinte, les restes de la petite
tour-prison. Même les plus jeunes
sont embarqués dans l’aventure.
Des adolescents s’activent au
montage d’une vidéo, qu’on
devrait voir sur la chaîne YouTube
Arkeoflix.
Le Gimbrède d’aujourd’hui reste
un village très pittoresque, avec
son étonnante place de l’église
bordée de maisons à colombages,
un vrai décor de théâtre.
Exceptionnel ensemble, ces
demeures à pans de bois sont
vivantes, occupées. Jocelyne, par
exemple, réside dans les restes de
la maison du commandeur qui
jouxte l'église Saint-Georges, le
patron des Templiers. « Je
souhaitais quitter Paris. Une petite
maison m’aurait suffi. Puis j’ai
découvert la Gascogne, et cette
grande demeure à colombages du
XVIe siècle, pas vraiment dans
mes moyens. Le coup de cœur a
fait le reste. Et me voilà soudain
dans une maison chargée
d’histoire. Et avec un tourbillon
d’amis qui me proposent
spontanément leur aide. Des
artisans spécialistes de l’ancien
s’attellent aux travaux. Dans les
murs, il faut des hourdis entre les
pans de bois, ajouter du torchis, de
la paille, du sable, de la chaux,
entre autres ».
Une cheminée du XIe siècle, incroyable !
Soucieuse de conserver la belle
épaisseur des structures, Jocelyne
fait restaurer à ses frais la plus
grande partie de l’enceinte
médiévale, sur laquelle s’appuie le
côté sud de la maison. Elle a
sollicité un architecte du
Patrimoine pour tester la solidité
de l’ensemble. Il l’a rassurée, ou
presque. Extraordinaire charpente,
animée par le jeu complexe des
pans de chêne taillés par ces mains
d’autrefois. Partout, on découvre
les veines, les artères, une ossature
séculaire, dans les lieux le plus
imprévus. Un langage caché.
Jocelyne habite un corps vivant, il
lui parle.
Ingrid Carlander
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