CG 95 EDITION FINALE (21 × 29.7 cm) 19 juillet

Recherche
Le vin de demain… se boira en 2033
Les chercheurs y travaillent d’arrache-pied,
mais les méthodes employées exigent patience et humilité.
Scène rare dans des rangs de vignes : le début de la sélection variétale... à la pince.
L
e vin a de l’avenir, certes. Mais
ce ne sera plus le même. On
sait pourquoi : entre les
conséquences du réchauffement
climatique, les exigences
écologiques en matière de produits
phytosanitaires, et l’appétence du
public pour des vins moins
alcoolisés, la filière viticole est
défiée sur ses fondamentaux.
Pour faire face, elle mobilise ses
meilleurs chercheurs, notamment
en Gascogne, afin de créer de
nouveaux cépages plus résistants
aux maladies typiques de la région,
mildiou en tête, tout en conservant
les « profils produits » des vins
d’ici, qui plaisent tant.
L’un des enjeux, si d’aventure on
trouvait ces perles rares, ce serait
de pouvoir baisser de 80 %
l’utilisation de produits
phytosanitaires, ce qui marquerait
une avancée pour une viticulture
encore plus responsable et durable,
tout en restant rentable.
L’union fait la force
La dynamique de recherche est
évidemment nationale. Chez nous,
elle réunit depuis février 2019 un
collectif de vignobles de la
Gascogne et du piémont
pyrénéen(vins IGP Côtes de
Gascogne, AOP Saint Mont, AOP
Madiran et Pacherenc du Vic Bilh
AOP Tursan, AOP Irouléguy, AOP
Floc de Gascogne et AOC
Armagnac), associés à l’Union
pour la Restructuration du
Vignoble Gersois (UARVG). Le
programme, soutenu par la Région
Occitanie et l’Union européenne,
s’intitule Gascon'Ideos
Il consiste à croiser les cépages
emblématiques de la Gascogne et
du piémont pyrénéen, le
colombard, le gros manseng et le
tannat, avec les dernières créations
variétales obtenues par l’Institut
national de recherche agronomique
(INRAE) et l’Institut français de la
vigne et du vin (IFV).
C’est au château de Mons, à
Caussens, domaine appartenant à la
chambre d’agriculture du Gers, que
l’on peut voir la parcelle dite de
sélection intermédiaire, avec ses
six rangs implantés de pieds de
vigne (180 nouvelles variétés en
sélection, soit une soixantaine en
descendance de chaque cépage
emblématique). C’est le stade 2 du
programme.
Auparavant, il a fallu en passer par
la phase hybridation, une
technique de sélection de variétés
en fonction des qualités que l’on
veut en attendre. Un travail
minutieux qui impose, entre autres
d’enlever les étamines sur des
centaines de boutons floraux, de
polliniser avec du pollen extrait
26
d’autres variétés, d’élever sous
serre dans un premier temps les
plantules issues des graines ainsi
obtenues (chaque graine étant une
nouvelle variété), d’extraire de
l’ADN (pour contrôler la
résistance aux maladies), et in fine
de récupérer du bois pour greffer
dans une vraie parcelle 6 plants de
chaque variété sélectionnée.
Un processus incertain
Trois ans auront été nécessaires
pour ce premier stade. Le
deuxième stade, au champ, exige
six années de plus d’entretien,
d’observation et de suivi
agronomique œnologique, avec de
la microvinification à partir de six
pieds de vigne. Les dix meilleurs
cépages en descendance de chaque
cépage emblématique seront
sélectionnés.
La phase 3 sera alors enclenchée,
pour encore six années, qui
aboutiront à la sélection finale,
peut-être deux ou trois « lauréats »,
et l’inscription officielle au
catalogue. Aucune manipulation
génétique dans ce processus.
L'issue ? Pas avant 2033 annoncet-on,
sans une certitude absolue sur
le résultat escompté. En faisant le 3
juin dernier le point sur le
programme dont il est le
coordinateur, Alain Desprats, par
ailleurs directeur du syndicat des
côtes de Gascogne, se disait
toutefois confiant dans la direction
prise. « Ces recherches pourraient
bien contribuer significativement à
la pérennité de nos vignobles ».
H.L.
Aux petits soins pour les vignes de demain.