Atelier 1 4 Ecoledoctorale Catherine DESOS Catherine GOURIOU Catherine KERN Myriam LOUVIOT Salle 25 Identité et altérité
Catherine DESOS Sciences historiques Introduction : L'année 1700 marque l'avènement du premier Bourbon sur le trône de l'Espagne, mettant fin ainsi à près de deux siècles de domination habsbourgeoise dans la Péninsule. Cet événement fut à l'origine de la Guerre de Succession d'Espagne (1700-1715) dans laquelle tous les pays européens prirent parti. Du fait de ce contexte politique difficile et surtout de l'inexpérience du nouveau roi, Philippe V, qui n'a que 17 ans, Louis XIV, son grand-père, lui donna un entourage français chargé de le conseiller à Madrid et qui allait former là-bas un microcosme sans cesse en ébullition. La question est de savoir si les Espagnols, qui ont été les artisans de ce changement dynastique, sont prêts à accueillir en même temps que leur nouveau roi, son entourage et à plus forte raison les réformes que celui-ci voudra engager. D'un autre côté, il faudra nous demander de quelle manière les Français ont appréhendé la culture espagnole et s'il y eut volonté d'intégration de leur part. ❖ Les forces en présences L'entourage français sur les 24 premières années du règne de Philippe V était peu nombreux mais placé aux postes influents. Il y avait d'une part des officiers subalternes, formant la casa francesa, qui recréaient, au sein même de la Cour, l'esprit français tel qu'ils l'avaient connu à Versailles et, d'autre part, des personnages de haute qualité (ambassadeurs, généraux, financiers), chargés de missions ponctuelles, allant de quelques mois à quelques années, dans un souci de restauration du royaume. Philippe V se montrait très attaché dans sa vie quotidienne à tout cet entourage français. Le regard de l'étranger Français et Espagnols autour de Philippe V d'Espagne (1700-1724) Face à lui, se trouvaient les Grands d'Espagne, noblesse prestigieuse qui, sous les règnes précédents, avait accaparé les postes clefs de la Cour, mais qui était alors en pleine décadence. Aussi bien, durant la période, la présence française ne fit que s'accroître à la cour madrilène. Du fait de la guerre notamment, Philippe V avait besoin de cadres dirigeants efficaces que l'Espagne ne pouvait lui fournir. ❖ Regards croisés Les Espagnols du début du XVIIIème siècle connaissaient des difficultés nombreuses tant sur le plan politique qu'économique. En choisissant pour roi un prince d'origine française, ils pensaient garantir l'intégrité du royaume en le plaçant sous la "protection" de Louis XIV, célébré en 1701 comme "l'ange tutélaire" de l'Espagne. Rappelons que le modèle politique et administratif français est alors le plus prestigieux d'Europe. Cependant, la pénétration française au sein de tous les rouages de la monarchie sera de plus en plus mal supportée jusqu'à susciter d'importants mouvements francophobes à Madrid (notamment en 1709 et 1715). Les Français, quant à eux, arrivent en terra incognita ; la cour de Versailles n'était pas hispanisante et les Français partent à Madrid avec des préjugés nombreux sur le caractère espagnol. Citons le marquis de Montviel, proche de Philippe V qui constate "que l'Espagne quoique contigüe à la France (est) le pays de l'Europe que le commun des Français connaissait le moins." Cette ignorance augure mal des relations entre les deux nations. ❖ Le choc des cultures Pour les Français qui arrivent à Madrid c'est un véritable choc culturel qui entraîne beaucoup d'incompré- hension de leur part. Ils se trouvent confrontés à des mœurs très différentes de celles qu'ils ont connues à Versailles, auxquelles ils ont du mal à s'habituer et qu'ils voudront réformer. Cela suscite des tensions nombreuses avec les Espagnols, qui se sentent froissés dans leur orgueil national. Le regard critique des Français s'exerce dans tous les aspects de la vie quotidienne mais aussi au niveau politique. Dans ce dernier domaine, l'action française, soutenue par le pouvoir royal, ira toujours dans un sens d'unification et de centralisation, ne tenant compte ni des forts particularismes des nombreuses Provinces formant la Péninsule, ni de l'opposition des Grands, plus occupés à préserver leurs privilèges qu'à réformer et moderniser leur pays. Conclusion : Les rapports entre Français et Espagnols autour de Philippe V ont très vite évolué en affrontements. D'une part les Espagnols, quoique réclamant une aide extérieure pour se rétablir politiquement et économiquement, ont mal supporté l'influence française de plus en plus importante dans leurs affaires ; d'autre part, les Français n'ont pas véritablement senti le besoin de s'intégrer et sont demeurés, pour la plupart, étrangers à tout ce qui concernait la culture espagnole. Force est de constater, cependant, que l'apport français à la civilisation espagnole a été non négligeable, et même s'il a souvent été imposé, il n'en a pas moins contribué à ouvrir l'Espagne sur l'Europe du XVIII ème siècle. 5 Ecoledoctorale