Spectrum_02_2022
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SEXUALITÉ
Texte Yvan Pierri
Illustration Unsplash
La sexologie, un métier
d’avenir…
Le métier de sexologue n’est pas encore reconnu par la Confédération
suisse. Cependant, iels sont de plus en plus nombreux.
ses à l’exercer. Rencontre avec Nicole Dubois, sexologue…
icole Dubois, spécialiste en sexologie
N à Fribourg, commença sa carrière professionnelle
loin des cabinets médicaux. En
effet, après un apprentissage dans un salon
de coiffure accueillant des travailleuses du
sexe, elle ouvre son propre salon de coiffure.
Mais elle change rapidement d’orientation
à l’âge de 20 ans et se forme dans une école
d’infirmière en psychiatrie. Plus tard, elle
travaille dans une fondation vaudoise dans
un service d’admission de psychiatrie adulte
et notamment auprès de femmes souffrant
de troubles psychologiques à la suite de leur
accouchement. Cette expérience décide Nicole
Dubois à s’orienter vers la santé sexuelle.
Elle a depuis ajouté de nombreuses autres
formations qui lui ont permis de devenir
une sexologue accomplie.
Spectrum : Comment définiriez-vous
le métier de sexologue ?
Nicole Dubois : La sexologie est l'étude de
la sexualité humaine et de ses manifestations.
Elle étudie tous les aspects de la sexualité
tels que le développement sexuel, les
mécanismes érotiques, les comportements
sexuels, l’imaginaire, les désirs et les fantasmes
ou encore les relations affectives et le
sentiment amoureux. C’est une science qui
se situe au carrefour de plusieurs disciplines
intégrant des aspects physiologiques, psy-
chologiques, médicaux, sociaux, culturels,
religieux. Son innovation est de rompre
avec des perspectives trop étroitement médicales.
C’est véritablement une formation
complémentaire, une spécialisation…
Comment devient-on sexologue ?
Les portes d’entrées sont nombreuses. Certaines
personnes sont à la base médecins,
généralistes, psychiatres, gynécologues
ou encore urologues. D'autres thérapeutes
sont issu.e.s des professions de milieux
psycho-sociaux ou paramédicaux. On peut
également être psychologue, sage-femme
ou infirmières. Il existe d’ailleurs divers
courants de formation avec des caractères
spécifiques. La sexologie clinique à l’Université
de Genève adoptera un angle plutôt
médical là où l’institut JeanYves Desjardin
va développer un courant sexocorporel qui
s’est répandu en Europe axé sur les habiletés
corporelles. La société suisse de sexologie
offre, quant à elle, une plateforme de formations
complémentaires, entre autres la sexualité
positive. Nous pouvons encore citer la
sexoanalyse de Claude Crépault centrée sur
l’imaginaire érotique.
Il est à ce titre intéressant d’enrichir et définir
son approche par diverses combinaisons
de formations et de poursuivre par des
supervisions de cas cliniques régulières
Quel est le statut des sexologues en
Suisse ?
Pour ceux.elles qui sont médecins, l’assurance
maladie prend en charge les prestations
déclarées sous « entretien conseil ». Mais
pour les indépendant.e.s qui ne bénéficient
pas du titre de médecin comme moi, il n’y
pas de véritable statut malheureusement.
Ceci est dû au fait que la Confédération n’a
pas reconnu le titre malgré les efforts que la
Société suisse de sexologie déploie depuis
plus de 10 ans pour valider ce titre ! Cela
implique deux conséquences majeures. Premièrement,
les assurances ne prennent pas
en charge mes consultations. Les gens doivent
donc les payer eux-mêmes, ce qui est
évidemment discriminatoire…
Deuxièmement, puisqu’il n’y a pas de reconnaissance
du titre sur la base d‘une
formation, une personne non formée peut
se prétendre sexologue, le titre n’étant pas
protégé.
Est-ce que vous avez constaté une
évolution dans la perception de votre
métier au fil de votre carrière?
Je parlerais de changement de comportements
plutôt que d’évolution, qui sont à
mettre en lien avec des aspects sociétaux
et culturels tels que les divers mouvements
féministes, comme #Meetoo ou #Balancetonporc.
L’accès à la pornographie et sa
consommation, toutes les questions liées à
la communauté LGBTIQAA+, et l’augmentation
des relations polyamoureuses qui déconstruisent
« l’ordre hétérosexuel »
J’ai observé en revanche ce qui pourrait être
une évolution significative. Elle concerne
l’âge des personnes qui consultent. À mes
débuts en 2009, la moyenne d’âge se situait
entre 35 et 55 ans alors que depuis 4 ou 5 ans,
j’accueille des patient.e.s très jeunes et très
agé.e.s. Une tranche d’âge qui va de 18 ans
jusqu’à…77 ans ! P
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