Dumas de Demain: The French Literary Magazine Vol. 7
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Le soleil défie maintenant l’estompe de la brume. On voit
alors des bateaux qui tachettent l’horizon, leurs voiles visibles au
loin, légèrement ballotées par la brise matinale.
C’est un de ces matins mouillés de rosée et de lumière, où
chaque moment est une éclaboussure qui ondule dans ma mémoire.
On peut disparaître dans la douceur. Là-bas, à chaque instant-
Attends- je dois changer de film.
On peut voir un tablier de jeu de go oublié sur le sable.
C’est l’après-midi, on le voit se laisser baigner dans le soleil sans
retenue, détendu. Son corps allongé sculpte le sable chaud qui semble
presque le border.
Il y a des pots vides de kakigōri à côté. On mange comme
des gamins ; le sirop de fraise coule sur nos doigts, sur nos mains et
sur le sable blanc qu’il constelle de gouttelettes rouges. Il rit sans
cesse.
Il n’y a pas d’horloge cadré sur un mur derrière nous : le
temps, il s’écoule sur nous. Les vagues avancent furieusement sur la
plage puis se retirent, un mouvement sauvage qui nous échappe,
incontrôlable. On se laisse bercer par leur bruit, comme un vinyle
rayé qui joue sans cesse le même morceau, pas une octave plus fort,
mais qui tire sur le temps comme si c’était un fil. C’est ça, Kamakura
: les jours qui se défont comme des ricochets sur l’eau.
Le soleil se fond dans la mer, sur les flots reluisent ses
derniers éclats rouges. On arrive au bout du film.
Lui, il n’est plus là. Je ne vois plus les rivages, seulement
leurs silhouettes qui me tiennent. Le clapotis des vagues s’affaiblit, se
perd peu à peu dans les bruits de la ville qui finissent par l’anéantir.
L’odeur iodée de l’air se mêle de tabac et de café dilué de
distributeur.
Septième édition | 23