Spectrum_06_2021
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PAGE VERTE
Texte et Photos Maxime Staedler
Leçon de philosophie au jardin
Le Jardin de la Lépiote, microferme en permaculture
située à Le Vaud, est une association qui promeut une
agriculture alternative. Rencontre avec Valérian Giauque.
Justine Zbinden et Valérian Giauque,
co-créateur·trice·s du Jardin de la Lépiote
e Jardin de la Lépiote est une microferme
en permaculture, située au pied du
L
Jura vaudois. En arrivant sur les lieux, on est
vite saisi par le charme qui se dégage de ce
jardin en cuvette, « terrain pas évident » selon
Valérian Giauque, co-créateur de l'association
Le Jardin de la Lépiote. Un premier
élément frappe. Il n’y a aucune des machines
agricoles que l’on s’attendrait à trouver
dans une ferme conventionnelle: « On essaie
de travailler le plus possible à la main, sans
énergie fossile, parce que je me dis bien qu’à
un moment donné, si on continue comme ça
il n’y en aura plus », affirme le jeune agriculteur
avec pragmatisme et en accord avec la
vision globale du projet.
Un autre détail marquant est la présence de
nombreux insectes, même en cette fin d’automne.
Rien d’étonnant, si l’on considère le
premier des trois objectifs du jardin de la
Lépiote : la préservation et la création de
biodiversité.
Le partage de connaissance et la pédagogie
sont au centre du deuxième axe. Avec
Justine Zbinden, compagne de Valérian, et
co-créatrice de l’association, ils tentent de
transmettre leur expérience et leur savoir,
notamment aux enfants : « On a eu une
classe d’école qui est venue l’année passée,
on a eu un très bon retour. J’ai aussi un jeune
homme à l’assurance invalidité (AI) qui
vient faire du jardinage, c’est sa passion, ça le
fait sortir et ça lui fait avoir une vie sociale»,
raconte Valérian : « Je suis plutôt dans des
valeurs d’amour, d’altruisme, de partage.
C’est l’exemple que les arbres m’apprennent».
Une approche centrée sur la biodiversité
Le partage se retrouve implicitement dans
le troisième axe, qui vise à l’autonomie et à
la production de denrées alimentaires saines
sur sol vivant: « Nous produisons d’abord
pour nous, pour notre propre autonomie. Et
si on a plus, on partage équitablement ». Il
joint le geste à la parole en faisant goûter des
framboises jaunes à l’auteur de ces lignes, un
vrai délice !
«Ça paraît un peu
bizarre de dire ça, mais
je trouve que tout dépend
vraiment des sols.»
Valérian Giauque
La bonne santé du substrat est essentielle
pour Valérian : « On n’a pas compris ce que
le sol voulait nous dire. Ça fait très longtemps
qu’on fait faux, et ça fait très longtemps
qu’on épuise nos sols. » Il saisit une
poignée de sa terre pour illustrer son propos.
Il relève notamment la porosité de celle-ci
et indique la présence d’organismes: «
Le sol nous parle, nous envoie des signaux. »
Il faut savoir que ce sont les vers de terre
qui rendent la terre perméable, ce qui va
lui permettre de pouvoir capter l’eau correctement,
d’avoir un bon pH ainsi que des
nutriments qui seront à la disposition des
plantes. Dans un mètre cube de terre il y a
cinq kilomètres de champignons, dix millions
de bactéries dans un sol vivant : « Alors
que dans un champ si tu trouves trois vers
de terre t’es content », ironise Valérian.
Son constat est sans appel : « Devant la vision
d’un champ travaillé et non couvert, c’est
le désert qui nous attend ! Le travail du sol
entraîne la dégradation d’une vie biologique
dont tout être vivant dépend. »
De meilleurs lendemains ?
À l’heure où les défis climatiques et ceux liés
à la production de denrées alimentaires sont
de plus en plus prégnants, Valérian laisse peu
de place à l’optimisme : « La nature voit bien
que l’humanité commence à prendre le dessus
sur tout, mais on va vite se faire calmer
je pense. Il nous reste peut-être vingt ans à
vivre si on continue comme ça tellement ça
se dégrade rapidement au niveau du climat
et des récoltes. Les gens ne s’en rendent pas
compte parce qu’ils ne sont plus du tout en
lien avec l’agriculture. »
Le jeune agriculteur n’exclut toutefois pas
l’espoir : « La nature nous apprend qu’il y
a des symbioses, une collaboration qui est
importante pour que cet équilibre reste et
soit conservé, et que les espèces perdurent.
Les solutions je crois qu’on les a, mais on
est gouverné par des gens qui ne sont pas
du tout dans cette réalité-là. Les politiques
doivent maintenant explorer une nouvelle
compréhension de la nature. » Valérian et
Justine, eux, ont déjà commencé. P
Le sol vivant de Valérian et Justine
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