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PAGE VERTE

Texte et Photos Maxime Staedler

Leçon de philosophie au jardin

Le Jardin de la Lépiote, microferme en permaculture

située à Le Vaud, est une association qui promeut une

agriculture alternative. Rencontre avec Valérian Giauque.

Justine Zbinden et Valérian Giauque,

co-créateur·trice·s du Jardin de la Lépiote

e Jardin de la Lépiote est une microferme

en permaculture, située au pied du

L

Jura vaudois. En arrivant sur les lieux, on est

vite saisi par le charme qui se dégage de ce

jardin en cuvette, « terrain pas évident » selon

Valérian Giauque, co-créateur de l'association

Le Jardin de la Lépiote. Un premier

élément frappe. Il n’y a aucune des machines

agricoles que l’on s’attendrait à trouver

dans une ferme conventionnelle: « On essaie

de travailler le plus possible à la main, sans

énergie fossile, parce que je me dis bien qu’à

un moment donné, si on continue comme ça

il n’y en aura plus », affirme le jeune agriculteur

avec pragmatisme et en accord avec la

vision globale du projet.

Un autre détail marquant est la présence de

nombreux insectes, même en cette fin d’automne.

Rien d’étonnant, si l’on considère le

premier des trois objectifs du jardin de la

Lépiote : la préservation et la création de

biodiversité.

Le partage de connaissance et la pédagogie

sont au centre du deuxième axe. Avec

Justine Zbinden, compagne de Valérian, et

co-créatrice de l’association, ils tentent de

transmettre leur expérience et leur savoir,

notamment aux enfants : « On a eu une

classe d’école qui est venue l’année passée,

on a eu un très bon retour. J’ai aussi un jeune

homme à l’assurance invalidité (AI) qui

vient faire du jardinage, c’est sa passion, ça le

fait sortir et ça lui fait avoir une vie sociale»,

raconte Valérian : « Je suis plutôt dans des

valeurs d’amour, d’altruisme, de partage.

C’est l’exemple que les arbres m’apprennent».

Une approche centrée sur la biodiversité

Le partage se retrouve implicitement dans

le troisième axe, qui vise à l’autonomie et à

la production de denrées alimentaires saines

sur sol vivant: « Nous produisons d’abord

pour nous, pour notre propre autonomie. Et

si on a plus, on partage équitablement ». Il

joint le geste à la parole en faisant goûter des

framboises jaunes à l’auteur de ces lignes, un

vrai délice !

«Ça paraît un peu

bizarre de dire ça, mais

je trouve que tout dépend

vraiment des sols.»

Valérian Giauque

La bonne santé du substrat est essentielle

pour Valérian : « On n’a pas compris ce que

le sol voulait nous dire. Ça fait très longtemps

qu’on fait faux, et ça fait très longtemps

qu’on épuise nos sols. » Il saisit une

poignée de sa terre pour illustrer son propos.

Il relève notamment la porosité de celle-ci

et indique la présence d’organismes: «

Le sol nous parle, nous envoie des signaux. »

Il faut savoir que ce sont les vers de terre

qui rendent la terre perméable, ce qui va

lui permettre de pouvoir capter l’eau correctement,

d’avoir un bon pH ainsi que des

nutriments qui seront à la disposition des

plantes. Dans un mètre cube de terre il y a

cinq kilomètres de champignons, dix millions

de bactéries dans un sol vivant : « Alors

que dans un champ si tu trouves trois vers

de terre t’es content », ironise Valérian.

Son constat est sans appel : « Devant la vision

d’un champ travaillé et non couvert, c’est

le désert qui nous attend ! Le travail du sol

entraîne la dégradation d’une vie biologique

dont tout être vivant dépend. »

De meilleurs lendemains ?

À l’heure où les défis climatiques et ceux liés

à la production de denrées alimentaires sont

de plus en plus prégnants, Valérian laisse peu

de place à l’optimisme : « La nature voit bien

que l’humanité commence à prendre le dessus

sur tout, mais on va vite se faire calmer

je pense. Il nous reste peut-être vingt ans à

vivre si on continue comme ça tellement ça

se dégrade rapidement au niveau du climat

et des récoltes. Les gens ne s’en rendent pas

compte parce qu’ils ne sont plus du tout en

lien avec l’agriculture. »

Le jeune agriculteur n’exclut toutefois pas

l’espoir : « La nature nous apprend qu’il y

a des symbioses, une collaboration qui est

importante pour que cet équilibre reste et

soit conservé, et que les espèces perdurent.

Les solutions je crois qu’on les a, mais on

est gouverné par des gens qui ne sont pas

du tout dans cette réalité-là. Les politiques

doivent maintenant explorer une nouvelle

compréhension de la nature. » Valérian et

Justine, eux, ont déjà commencé. P

Le sol vivant de Valérian et Justine

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