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Spectrum_06_2021

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a dysmorphie corporelle est une pathologie

définie dans le Diagnostic and Sta-

L

tistical Manual of Mental Disorders (DSM-5)

comme un état dans lequel une personne est

excessivement préoccupée par plusieurs défauts

physiques qui ne sont pas apparents

pour d’autres personnes. Cette pathologie

peut également être vécue comme une insatisfaction

générale envers son corps. Aussi

référencée comme dysmorphophobie- traduction

de dismorfofobia terme utilisé par le

psychiatre italien Enrico Morselli en 1891-

elle peut être décrite comme une peur anxieuse

persuadant l’esprit que le corps est

difforme, sans qu’il ne le soit.

Cette phobie se distingue d’un complexe

de par son aspect obsessionnel mais aussi

de par son exagération imaginée. Pour notre

témoin Maxime* 20 ans: «Un complexe,

c’est voir quelque chose qui ne nous plaît pas

alors que la dysmorphie corporelle pousse

à imaginer des choses qui ne reflètent

pas la réalité». Ce décalage avec la réalité

peut créer une angoisse constante. Dans le

DSM-5 la dysmorphie corporelle est classée

parmi les troubles obsessionnels-compulsifs

et connexes. Un trouble devient pathologique

quand il y a un comportement obsessionnel

qui empêche de penser à autre chose,

au point d’affecter le quotidien de la personne

qui en souffre. Il devient alors impossible

d’exécuter la moindre tâche sans que les

méninges ne soient occupées à imaginer

comment le corps est perçu par les autres

et par soi-même.

Le conseil de Loris: relativiser

Selon le dictionnaire Larousse, relativiser

signifie faire perdre à quelque chose son

caractère absolu en le replaçant dans un ensemble,

un contexte. Loris, 24 ans, a à cœur

de sensibiliser la population à cette pathologie

qui est selon ses termes «oubliée et incomprise».

N’étant guère connue, elle peut

donc être plus difficile à reconnaître que

d’autres troubles, tels que ceux en rapport

avec l’alimentation par exemple.

L’amateur de fitness décrit une focalisation

constante sur une partie du corps spécifique.

Il raconte avoir eu de la peine à apprécier et

parfois même à reconnaître ses résultats à

la salle. Il essayait alors tant bien que mal

de changer une partie de son corps, mais en

restait éternellement insatisfait. C’est grâce

aux expériences de camarades de fitness et

aux réseaux sociaux que Loris a compris

qu’il souffrait de dysmorphie corporelle. Il

explique son vécu: «Il y a des moment où

tu ne vas vouloir que travailler là-dessus.

Tu veux trouver des solutions pour corri-

* Prénom d'emprunt

ger ça alors qu'en fait il n'y a rien à corriger.

J’ai appris à m’accepter et à me forcer à ne

plus me focaliser là-dessus», confie-t-il. Sa

résilience l’aide à déconstruire cette vision

altérée qu’il a de lui-même. Il a dû s’habituer

à prendre de la distance face aux progrès

physiques des autres athlètes, que ce soit

ses proches où des influenceurs derrière un

écran.

Par rapport à ces derniers, Loris reste lucide:

«Il faut penser que c’est leur boulot,

qu’ils font ça toute la journée. Ils n’ont pas

de travail ou d’ études à côté, ils sont suivis

par des médecins, des diététicien·ne·s et

même par des coachs sportifs. Toute leur

vie est dédiée à leur physique.» Une dévotion

qui ne peut pas être du ressort de monsieur-tout-le-monde.

Loris rappelle qu’il y

a des prédispositions génétiques à prendre

en compte mais que l’honnêteté joue également

un rôle important. Une prise de médicaments,

du dopage, un montage photoshop

ou encore de la chirurgie esthétique, qui sait

ce qui se cache vraiment derrière une photo

qui semble parfaite? Loris aime à rappeler

qu’il est souhaitable d’essayer de rester connecté

à la réalité le plus possible, et surtout

de rester humain.

Le conseil de Maxime: normaliser

Le Robert définit le verbe "normaliser" par

faire devenir ou redevenir normal. Maxime

est également concerné par la pathologie et

confie que c’est un sujet qu'iel a déjà abordé

avec sa psychologue.

À la demande de ce qu’un proche a la possibilité

de faire ou dire pour faciliter la vie

de quelqu’un souffrant de dysmorphie corporelle,

Maxime conseille d’éviter les commentaires

sur le physique, les compliments

y compris. Iel développe en nous rappelant

que, malgré une bonne intention, un compliment

peut provoquer un sentiment de

mal-être. «Je n'aime pas recevoir de commentaires

sur mon corps, surtout que généralement

ça ne va pas dans le bon sens. Ce

que les gens pensent être un compliment ce

n’est pas du tout quelque chose que je veux»,

explique Maxime. Iel propose donc de concentrer

les compliments sur la personnalité

ainsi que sur les aspects physiques contrôlables

tels que le style vestimentaire. Maxime

avise également les proches de personnes

souffrant de dysmorphie corporelle à faire la

part des choses. Les patient.es ne cherchent

pas toujours des conseils et veulent parfois

juste exprimer leur frustration.

Pour les gens qui ont de la peine à apprécier

leur corps, les conseils de Maxime sont:

«Passer du temps à poil et avoir un max de

miroirs. Cela peut contribuer à banaliser

son propre corps et à le reconnaître pour ce

qu’il est. »

Le cas des modifications corporelles

Spectrum a interrogé Loris et Maxime sur la

chirurgie esthétique et l’aide qu’elle pourrait

apporter dans un cas de dysmorphie corporelle.

Tous deux ont répondu qu’ils n’y voyaient

pas une solution pour eux personnellement.

Ils y voient tout de même du potentiel

dans un cas où le patient reconnaîtrait les

limites de cette possibilité. Loris mentionne

le risque de création d’un cercle vicieux :

«Ça peut être bénéfique jusqu'à un certain

point mais ce n'est pas la solution. La première

chose à faire c'est de travailler sur son

esprit», précise-t-il. Maxime rappelle que de

nos jours l’aspect potentiellement traumatisant

des opérations chirurgicales a tendance

à être oublié: «Banaliser, glorifier mais aussi

capitaliser sur des opérations chirurgicales

pour en faire des modes… C’est vraiment

malsain.» soupire-t-iel.

Les piercings et autres tatouages devenant

de plus en plus communs dans la société

contemporaine occidentale, il peut être

sage de se rappeler que des moyens moins

radicaux existent pour se réapproprier son

corps. C’est la liberté de chacun.e que de

choisir les moyens de cette réappropriation...

P

Ressources

N’oubliez pas cher.e.s lecteur.

rice.s que le conseil psychologique

aux étudiant.e.s se porte à votre

disposition via l’adresse e-mail

conseilpsychologique@unifr.ch .

Vous trouverez plus d’informations

sur le site de l’UNIFR sous les onglets

“organisations” et “conseil psychologique

aux étudiant.e.s”.

La dysmorphie corporelle est à différencier

de la dysphorie de genre,

commune aux personnes dont l’identité

sexuelle n’est pas cisgenre. Elle

décrit la détresse et l’inadéquation

qu’une personne peut ressentir entre

son identité de genre et le genre

assigné à la naissance. L ’American

Psychiatric Association (APA) insiste

sur le fait que la non-conformité de

genre n’est pas un trouble mental.

Elle peut être cela dit caractérisée

par une souffrance clinique significative,

ce qui lui donne de la pertinence

dans l'étude des psychopathologies.

12.21

spectrum

19

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