Spectrum_06_2021
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LES PENSÉES DE...
Illustrations Lukas Lauener
Toxische Küsse
Text Maria Papantuono
Unsere Finger ertasten die Schönheit der Welt, die kurvigen Konturen des Menschen.
Langsam gleiten sie über die Oberflächen. Doch sie zeigen auch auf andere, auf eine
bösartige Weise. Sie definieren. Unsere Hände, das Wunder der Welt haltend, sind
das Medium der Gewalt: Sie schütteln, sie schlagen, sie nehmen sich das, was nicht
ihnen gehört. Wie wohl wir uns fühlen, wenn wir umarmt werden. Die Arme um uns
geschlungen, der Kopf an die Brust gelehnt.
Doch unsere Arme sind auch müde vom Tragen fremder Lasten, sie sind kraftlos und
taub. Und da ist noch der Busen, der das Kind nährt und heranwachsen lässt. Für
manche aber doch nur eine Einladung der eigenen Wollust. Langsam erkunden wir
mit unseren Beinen die Welt, sie bringen uns wieder nach Hause in unser Zimmer,
wo wir sie vor dem Spiegel stehend kritisieren: zu kurz, zu dick, zu dünn, zu lang, zu
bleich, zu dunkel, zu haarig, zu viele Makel - zu menschlich.
Mit den Ohren hören wir die wunderschönen Zeilen einsamer Poeten und die Melodien
von Liedern, die uns in ihren Bann ziehen, die sanfte Stimme eines geliebten
Menschen. Wir hören auch die Meinung anderer, die Beleidigungen, die wir langsam
als Wahrheit akzeptieren. Die wunderschönen Augen, sie wecken die Liebe zum Detail,
erkennen die atemberaubenden Herbstfarben, lassen uns andere Personen mit
Faszination beobachten. Sie sehen das Leid, den Schmerz, die Ungerechtigkeit und
manchmal tun sie nur das: zuschauen, starren. Zarte Lippen küssen uns, Gänsehaut
am ganzen Körper. Wie nah man doch jemandem sein kann. Es sind dieselben Lippen, die uns zuvor beschimpften, anschrien, uns wertlos
fühlen liessen. Der Kopf, Schutzhülle des Geistes? Gefängnis des Verstandes? Ein Organisationstalent, ein Multitasking-Genie. Ein penetranter
Fiesling. «Du kannst nichts, du bist nichts», sagt er motzend. Schlussendlich der Körper als Gesamtheit, schlussendlich nicht mehr
widersprüchlich, wenn er daliegt, grau, kalt und leblos. Eine Hülle und nur Futter. Hört ihr die Würmer jubeln?
À toi, mon corps
Texte Lisa Schneider
À toi. À toi mon corps. Toi, qui m’enveloppes et me meus. Toi, qui me permet d’exister.
Toi, qui me permets de sentir le soleil réchauffer ma peau, la tendresse d’une
caresse et mon doigt de pied heurtant le coin d’un meuble. Toi, qui me permets de
voir les plus beaux couchers de soleil, la mer se déchaîner et l’âge se dessiner sur le
visage de mes parents. Toi, qui me permets d’entendre les oiseaux chanter, le rire des
enfants et le bruit strident d’une craie contre un tableau noir. Toi qui me permets de
sentir l’odeur du bacon grillé, du café chaud ou d’un vieux compost oublié. Toi qui me
permets d’exprimer mes sentiments. En riant, en pleurant et en parlant. Toi qui me
permets de ressentir le plaisir monter en moi jusqu’à l’orgasme et ressentir mon cœur
s’envahir de tristesse lorsque l’on me rejette. Toi que je malmène et maltraite et à qui
je fais subir toutes sortes de choses. À mon foie, qui doit subir ma soirée du vendredi
soir, doublée d’un Dafalgan le lendemain matin pour dissiper mes maux de tête. À mes
pieds, qui doivent supporter le poids de mon corps tout entier, et qui continuent tout
de même de me porter et m’amener partout où je le souhaite. À mon dos, qui supporte
des journées entières devant un ordinateur, tout comme les nuits passées à danser.
Toi que je critique et qui n’est jamais assez bien à mes yeux malgré tout ce que tu fais
pour moi. Toi que je souhaiterais toujours plus fin, plus gros, plus grand, plus petit. Tes cheveux, que je chauffe pour les rendre raides, bouclés,
ondulés, gaufrés ou juste différents. Ton visage, que j’enduis de maquillage pour cacher jusqu’à la dernière de ses imperfections. Ta peau,
que je violente en voulant me débarrasser de ces poils qui la recouvrent. Alors je les arrache, je les coupe, je les brûle au laser, pour qu’ils ne
soient plus apparents. Tes bourrelets, que je cache sous mon pull. Tes tétons qui provoquent, et qui ne doivent surtout pas être devinés sous
peine d’être utilisés comme excuse pour t’agresser et te violenter. Alors je porte un soutien-gorge, qui rend tes seins plus ronds, plus relevés
et plus désirables. Mais qui cache l’indécence d’un téton que l’on devinerait à travers un t-shirt. Ce soutien-gorge qui me lacère le buste et
qui m’oppresse. Ou peut-être n’est-ce que la société qui m’empêche de respirer. Qui m’empêche de t’aimer à ta juste valeur et de te remercier
pour tout ce que tu fais pour moi, malgré tout ce que je te fais subir, à toi.
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