Vente Christie's - 27 juin 2018
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l’instigation de Baselitz et avec le concours des
plus actifs de Kerchache, n’aura suscité de la part
des Durand-Dessert des commentaires plus
enthousiastes. Devant les divers modes de
représentation du corps humain, illustrés par
quelque cent quarante sculptures, ils louèrent
sans réserve, outre le caractère « exemplaire » et
« novateur » d’un accrochage qui rompait avec les
scénographies convenues, le parti de regrouper
des « variantes stylistiques » ofrant à l’exemple,
parmi d’autres, d’une dizaine de statues mumuye,
« la gamme de solutions plastiques trouvées à
l’intérieur d’une même ethnie ». Ayant vécu là une
« expérience très forte », entraînant « une prise de
conscience, une vision plus claire de [leur]
engagement et de [leur] goût », ils vont assumer
dès lors véritablement leur passion.
En 1991, deux œuvres singulières s’intègrent à la
collection : une élégante fgure féminine Bassa
aux rondeurs sans mollesse, ornée au visage et
sur le buste d’un ample réseau d’incisions. Si ses
rotules ouvertes en mortaise laissent supposer à
l’origine l’insertion de jambes rapportées, ce
manque n’attente en rien à l’équilibre de la
sculpture mais en accroît, selon ses détenteurs, la
présence. S’inscrivant dans la thématique de la
gestation de l’humain que les Durand-Dessert
ont privilégiée : un heaume Keaka, aux traits
schématiquement signifés, est sommé d’un
personnage se hissant vigoureusement de la
matière terreuse.
L'art futur se fait par rapport
à l'art antérieur, il n'y a pas
vraiment coupure entre l'art
passé et l'art à venir : ce futur
que nous voyons dans l'art
"primitif" repose aussi sur un
passé archaïque.
Tout au long des années 1990 et sans que jamais
ne soit visée la représentativité historique et
didactique qui incombe à un musée, la collection
continue de s’enrichir de plusieurs vestiges des
civilisations anciennes de l’Afrique occidentale
tels que [...] ces terres cuites de Djenné, Nok et
Sokoto, ou cette tête akan estimée du XVII e
siècle, ces urnes Kalabari datées entre le X e et le
XIII e siècles ou encore ce monolithe des Ejagham
du nord-est, probablement antérieur au XVI e
siècle.
S’ajoutent, taillés dans le bois à une époque
moins lointaine, masque et statuaire qui auront
été élus à la mesure de l’inventivité dont ont fait
preuve leurs talentueux créateurs. De grande
ancienneté cependant, peut-être du XVII e siècle,
sculptée transversalement dans un tronc d’afzelia
africana, l’extrémité anthropomorphe, sillonnée
de fssures, d’un tambour Mbembe dont
autrefois, à la confuence de la Cross River et de
l’Ewayon, on perçut les battements. Révélée par
Hélène Kamer en 1974, avec dix autres « Ancêtres
M’bembé », aux visiteurs de sa galerie, elle rejoint
en 1993 toutes ces sculptures de leur collection
qui, bien que marquées parfois profondément par
l’érosion, ont conservé avec les vestiges de leur
« peau », fût-elle ravinée, leur vitalité première.
Au cours des années particulièrement riches en
évènements qui traduisent l’amplifcation de
l’intérêt du public pour l’art et les cultures
traditionnels de l’Afrique subsaharienne, les
Durand-Dessert, animés d’une insatiable
curiosité, ne manquent de visiter aucune de ces
expositions anthologiques que furent « Le grand
héritage » en 1992 au musée Dapper, « Trésors
cachés du musée de Tervuren », en 1995, « Africa:
The Art of a Continent » à la Royal Academy of
Arts à Londres en 1995-1996. Et, parmi d’autres
manifestations dont ils conservent le souvenir
précis : « À visage découvert » en 1992 à la
Fondation Cartier, la présentation en 1993 de la
collection camerounaise de Pierre Harter léguée
au musée national des Arts d’Afrique et
d’Océanie et, dans cette même institution,
« Vallées du Niger » en 1993-1994 puis, en 1997,
majoritairement constituée par les quelques deux
cent soixante-seize pièces provenant des
collections Barbier-Mueller et acquises par l’État,
« Arts du Nigeria ». Sans omettre, de plus, en
1994, au 4e Salon international des musées et
des expositions, « L’Art africain dans la collection
de Baselitz », dont Jacques Kerchache assura la
mise en espace, et, l’année suivante, pour la 5e
édition du Salon de mars, l’exposition organisée
par Philippe Guimiot de cinquante et une pièces
majeures d’Afrique et de Madagascar de la
collection Baudoin de Grunne. Dans le même
temps, reconnus pas leurs pairs, ils accèdent en
Europe et aux États-Unis aux grandes collections
privées, celles réunies, par exemple, en Amérique
par les Ginzberg, les Malcolm, les Feher, les
Dintenfass ou encore par Franyo Schindler,
William W. Brill et les Clyman ; en Belgique par
les Vanderstraete, Jean Willy Mestach,
Claude-Henri Pirat et Pierre Dartevelle ; en
France par Pierre Harter, Hubert Goldet, André
Fourquet, Michel Périnet, Hélène et Philippe
Leloup, Alain Schofel, Max Itzikovitz, Alain de
Monbrison, les Weill et les Gaillard ou encore Guy
Porré, Jean-Paul Chazal, Patrick Caput et
Dominique Lachevsky.
D’autre part, entretenant des rapports de
confance avec les diférents galeristes qui les
pourvoient et qu’ils estiment autant pour leur
compétence que pour leur personnalité propre, ils
ont cependant, sans afiliation exclusive à tel ou
tel, maintenu constantes l’indépendance de leur
jugement et la liberté de leur choix.
Entre autres achats au cours de la seconde moitié
de la décennie : en 1995, une statue tchamba
dont la dissymétrie s’accorde à la suggestion du
mouvement ; en 1997, ardemment convoitée
depuis qu’ils l’avaient admirée lors de l’exposition
« Utotombo », une statue féminine dont « émane
une intense énergie ». Sans qu’elle puisse se
conformer exactement à la typologie en usage,
elle fut attribuée par plusieurs experts qualifés
aux Baga. La même année, premier de leurs
« fétiches à clous », une sculpture beembe dont le
tronc ébauché à grands traits s’oppose vivement
à la délicatesse du rendu du visage. Se souvenant
de leur fascination pour les efigies bongo
exposées dix ans plus tôt à Cologne, provoquée
notamment par celle collectée en 1973 par
Christian Duponcheel, et qu’ils revirent à
New-York chez Francesco Pelizzi avant qu’elle ne
soit érigée dans l'une des salles du Metropolitan
Museum, les Durand-Dessert, attentifs à l’arrivée
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