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Vente Christie's - 27 juin 2018

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Michel Durand-Dessert

avec Gerhard Richter.

Chronique

de l’émergence

d’une passion

Par

À

l’origine de la collection d’art

« primitif » formée en près de vingt

années par Liliane et Michel

Durand-Dessert, une quinzaine de

pièces de Nouvelle-Guinée achetées en

septembre 1982 à l’occasion d’un voyage

professionnel de Michel en Australie. Ils s’en

dessaisiront, à l’exception de deux avants de

pirogue du Sépik, lorsque leur conversion

africaniste se fera plus impérieuse.

Préludant dans ce domaine aux premières

acquisitions, leur fréquentation d’expositions

temporaires et de musées spécialisés s’intensife.

Ainsi, le Ier juillet 1984, à l’issue du parcours des

collections de Ménil présentées au Grand Palais,

Liliane mentionne sur son éphéméride l’intérêt

particulier que l’un et l’autre ont porté à une

sculpture Mboye, de taille humaine et datée du

XV e siècle. L’année suivante, la visite du Museum

of Mankind puis, en 1986, celle de l’aile Michael C.

Rockefeller du Metropolitan Museum of Art et de

l’exposition « African Aesthetics : The Carlo

Monzino Collection », au Center for African Art

cristallisent cette passion naissante. En

décembre 1986, les Durand-Dessert franchissent

le pas et se procurent, à quelques jours

d’intervalle, sur le stand d’Adonis (sic) aux Puces

de Clignancourt : « un petit serpent djenné lové

sur lui-même » et « une maternité de terre cuite

lobi ». Feuilletant par suite les récentes livraisons

Jean-Louis

Paudrat

du magazine Arts d’Afrique noire, ils découvrent à

travers les encarts publicitaires la profusion d’une

ofre qui, entre autres, abonde en pièces

exhumées du Mali et du Nigeria, en masques,

cimiers et statuaire issus de la boucle du Niger, de

son vaste estuaire, des vallées de la Bénoué et

des frontières occidentales du Cameroun. Tout

cet univers de formes et de matières, souvent

insoupçonnées, avive leur convoitise et déjà

s’esquissent les orientations majeures de leur

collection.

Ainsi, parmi les œuvres qu’ils acquièrent en 1987,

[et dont une dizaine sont ici reproduites], on doit

citer une altière Mère à l’enfant bamana ravinée,

[...] une statue Mambila ingambe, comme saisie

dans l’instantané d’un mouvement

chorégraphique, ou encore une fgure féminine de

terre cuite mise au jour au nord du delta intérieur

du Niger, et qui n’est pas sans parenté avec celle,

masculine, qui appartint à Baudouin de Grunne.

Cette dernière ouvrant en 1988 à Bruxelles

« Utotombo », exposition qui leur révéla l’ampleur

et la haute qualité de « L’art d’Afrique noire dans

les collections privées belges ».

Peu après, par le truchement amical de Philippe

Guimiot, les Durand-Dessert rencontrèrent

Baudouin de Grunne dans sa demeure de

Wezembeek. On peut imaginer que ce grand

collectionneur réitéra devant eux, en quelque

façon, les propos qu’il tint à un journaliste en

1974 : « J’ai une préférence pour [les objets] qui

ont subi l’usure du temps, qui sont légèrement ou

fort ravinés et acquièrent un caractère vénérable

et une grande beauté du fait d’un début d’érosion

que révèle leur bois pétrifé, strié, crevassé. […] La

seule chose qui compte, c’est la beauté formelle

de l’objet en même temps que le sentiment qui

s’en dégage, quelque chose de profondément

vrai, d’essentiel, de vital. »

Se trouvent caractérisés par ces deux phrases

non seulement le goût que les Durand-Dessert

développeront d’emblée pour des œuvres qui,

altérées par le temps, auraient conservé l’énergie

du geste créateur, mais aussi le sens même de

leur quête : accéder par la médiation d’une

esthétique aux valeurs fondatrices de la relation

de l’Homme au monde.

Illustrés dans ce livre, un ensemble de masques

et de cimiers provenant de Côte d’Ivoire, du

Nigeria et de Tanzanie, ainsi que quelques

œuvres peu communes de la statuaire Nok,

Mende, Lobi, Waja et Mambila auront été obtenus

en 1988. D’autre part s’engage, cette même

année, la réunion, qui ne s’achèvera que deux ans

plus tard, de près d’une trentaine de ces

panneaux quadrangulaires, emblèmes de la

société Ekpe des Ejagham. Entre également à ce

moment dans la collection une puissante fgure

féminine curieusement surmontée de cornes

d’antilope et d’un agglomérat de fers entremêlés,

attribuée par Arnold Rubin aux Idoma, et dont il

n’est pas indiférent d’indiquer qu’elle appartint à

Arman. Présentée à l’exposition « African

Accumulative Sculpture » à la Pace Gallery en

1974, elle le sera de nouveau, en 1989, à Paris,

entre un Morellet, un Charlton et le Portrait de

Birgit Polke par Gerhard Richter, dans le stand

que la galerie Durand-Dessert occupe au premier

Salon de mars.

En 1989 et 1990 s’accroissent les acquisitions,

négociées le plus souvent auprès de galeristes

parisiens ou bruxellois, exceptionnellement en

vente publique, comme ce sera le cas en février

1989 pour une statue Idoma Anjenu sculptée par

un maître identifé, Onu Agbo. Au nombre des

œuvres les plus marquantes, en raison de leur

surprenante étrangeté, d’une part, collecté en

1942 aux confns de la Côte d’Ivoire, de la Guinée

et du Liberia, un grand masque sur lequel

s’adosse, traitée en haut relief, une statuette

reliquaire et, d’autre part, ayant conservé en

partie sa polychromie, une statue Ibo

monumentale fgurant, comme rarement, un

personnage masqué.

Si le rassemblement des emblèmes ejagham se

poursuit au cours de ces deux années, débute,

depuis leur apparition à l’été 1990 chez

Jean-Michel Huguenin, ce qui fut pour les

Durand-Dessert « l’aventure des Moba ». Leur

goût des variantes les amènera à réunir une

vingtaine de ces sculptures issues des régions

septentrionales du Ghana et du Togo. [...]

Signataires du manifeste qui enjoignait en mars

1990 les autorités culturelles de l’État d’ouvrir le

Louvre aux arts « premiers », ils connaissaient son

initiateur, Jacques Kerchache, non seulement

comme l’auteur de la somme iconographique

qu’il avait consacrée à L’Art africain mais aussi, et

plus directement, pour l’attention qu’il porta dans

leur galerie aux œuvres de Giuseppe Penone.

Aucune autre exposition que « Sculpture

Africaine. L’invention de la fgure », organisée en

1990 à Cologne au Ludwig Museum, à

6

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