Vente Christie's - 27 juin 2018

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Certaines Moba sont très érodées, mais toutes nele sont pas. Pour la plus importante d’entre elles, le troncd’arbre, dressé verticalement, dans une section duquell’œuvre a été réalisée est parfaitement visible : à certainsendroits du torse, notamment, à l’avant comme à l’arrière, onpeut voir des fragments longitudinaux de l’écorce primitive,qui sont perçus comme la peau ravinée d’un ancêtre ; la tête,en forme de toupie aplatie, est marquée par une bordurecirculaire, qui bouge pas endroits comme le rebord d’unecoife, ce qui donne l’impression que l’intérieur a la souplessede la chair : ce sont ces infmes détails qui font la diférenceet qui métamorphosent un tronc d’arbre en œuvre d’art.À quelques rares exceptions près, les sculptures mobasont dépourvues de visage ; elles allient la géométrie et lagrâce. C’est en fait la seule ethnie pour laquelle nous noussommes retrouvés, au fl de l’aventure, avec un éventail assezreprésentatif de la gamme de possibilités stylistiques. L’unedes plus belles est de facture statique et assez hiératique, enforce et en rondeurs, avec la tête comme une grosse toupie ;sa forme ravinée lui donne une dimension ancestrale.Nous avons vécu l’aventure des Moba du début à lafn, avec le sentiment d’avoir connu un certain succès :vivre la sortie d’objets qui ne sont pas encore répertoriés,c’est le moment le plus passionnant car la stylistique nepeut se former qu’à partir d’un groupe, et l’on s’eforcede la discerner et de la reconstituer progressivement, partouches successives et en tâtonnant, au fur et à mesurede l’apparition des objets. Nous ne connaissons quecelles rapportées au début du siècle dans les collectionsdu musée de Berlin, et celle du Metropolitan Museum,provenant de la collection George et Julianna Feher. Onsait d’avance que le regard ne pourra être vraiment clairque de façon rétrospective. Il y a une collection de Mobaà l’intérieur de la collection, mais il ne s’agit pas d’uneaccumulation ; c’est pour des raisons à la fois conjoncturelleset esthétiques que l’ethnie est si bien représentée.Liliane et Michel Durand-Dessertn 35STATUE D‘ANCÊTRE MOBA,TCHITCHIRITOGOHauteur : 95 cm. (37Ω in.)€15,000–25,000PROVENANCEAlain de Monbrison, ParisCollection Liliane et Michel Durand-Dessert, ParisLes Moba du nord du Togo, agriculteurs et chasseurs, ont créé un artstatuaire vertical et sobre représentant les ancêtres, les tchitchiri, sans qu’ilssoient personnellement identifés à des individus précis. Ils présentifent unconcept d’ancêtres, d’hommes et de femmes d’avant. Plantée dans le sol aumilieu d’un village ou dans la concession d’un chef, la statue est appelée às’enfoncer peu à peu dans le sol et ainsi à disparaître, rongée par la base parles insectes xylophages et l’humidité, érodée par les vents chargés de sableet les pluies abondantes, cuite par le soleil implacable de la région. Autrefoisles grands chefs Moba étaient, comme les statues, enterrés verticalementdans des puits, comme elles ils disparaissaient retournant à la Terre-Mère.Leo Frobenius, accompagné des administrateurs allemands de la région,Kersting en particulier, est le premier à avoir remarqué ces objets austèresliés au culte des moissons et des grands rites de la vie. Le fruit de sescollectes est encore visible à Berlin au Dahlem Museum Fur Volkerkunde,certains objets sont publiés par Kurt Krieger dans le catalogue du musée. Cetexemplaire très ancien, sculpté dans un bois de fer, est magnifquement érodé,il représente parfaitement cet art très « premier » dans toute sa radicalité.A MOBA ANCESTOR FIGURE, TCHITCHIRI74

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Certaines Moba sont très érodées, mais toutes ne

le sont pas. Pour la plus importante d’entre elles, le tronc

d’arbre, dressé verticalement, dans une section duquel

l’œuvre a été réalisée est parfaitement visible : à certains

endroits du torse, notamment, à l’avant comme à l’arrière, on

peut voir des fragments longitudinaux de l’écorce primitive,

qui sont perçus comme la peau ravinée d’un ancêtre ; la tête,

en forme de toupie aplatie, est marquée par une bordure

circulaire, qui bouge pas endroits comme le rebord d’une

coife, ce qui donne l’impression que l’intérieur a la souplesse

de la chair : ce sont ces infmes détails qui font la diférence

et qui métamorphosent un tronc d’arbre en œuvre d’art.

À quelques rares exceptions près, les sculptures moba

sont dépourvues de visage ; elles allient la géométrie et la

grâce. C’est en fait la seule ethnie pour laquelle nous nous

sommes retrouvés, au fl de l’aventure, avec un éventail assez

représentatif de la gamme de possibilités stylistiques. L’une

des plus belles est de facture statique et assez hiératique, en

force et en rondeurs, avec la tête comme une grosse toupie ;

sa forme ravinée lui donne une dimension ancestrale.

Nous avons vécu l’aventure des Moba du début à la

fn, avec le sentiment d’avoir connu un certain succès :

vivre la sortie d’objets qui ne sont pas encore répertoriés,

c’est le moment le plus passionnant car la stylistique ne

peut se former qu’à partir d’un groupe, et l’on s’eforce

de la discerner et de la reconstituer progressivement, par

touches successives et en tâtonnant, au fur et à mesure

de l’apparition des objets. Nous ne connaissons que

celles rapportées au début du siècle dans les collections

du musée de Berlin, et celle du Metropolitan Museum,

provenant de la collection George et Julianna Feher. On

sait d’avance que le regard ne pourra être vraiment clair

que de façon rétrospective. Il y a une collection de Moba

à l’intérieur de la collection, mais il ne s’agit pas d’une

accumulation ; c’est pour des raisons à la fois conjoncturelles

et esthétiques que l’ethnie est si bien représentée.

Liliane et Michel Durand-Dessert

n 35

STATUE D‘ANCÊTRE MOBA,

TCHITCHIRI

TOGO

Hauteur : 95 cm. (37Ω in.)

€15,000–25,000

PROVENANCE

Alain de Monbrison, Paris

Collection Liliane et Michel Durand-Dessert, Paris

Les Moba du nord du Togo, agriculteurs et chasseurs, ont créé un art

statuaire vertical et sobre représentant les ancêtres, les tchitchiri, sans qu’ils

soient personnellement identifés à des individus précis. Ils présentifent un

concept d’ancêtres, d’hommes et de femmes d’avant. Plantée dans le sol au

milieu d’un village ou dans la concession d’un chef, la statue est appelée à

s’enfoncer peu à peu dans le sol et ainsi à disparaître, rongée par la base par

les insectes xylophages et l’humidité, érodée par les vents chargés de sable

et les pluies abondantes, cuite par le soleil implacable de la région. Autrefois

les grands chefs Moba étaient, comme les statues, enterrés verticalement

dans des puits, comme elles ils disparaissaient retournant à la Terre-Mère.

Leo Frobenius, accompagné des administrateurs allemands de la région,

Kersting en particulier, est le premier à avoir remarqué ces objets austères

liés au culte des moissons et des grands rites de la vie. Le fruit de ses

collectes est encore visible à Berlin au Dahlem Museum Fur Volkerkunde,

certains objets sont publiés par Kurt Krieger dans le catalogue du musée. Cet

exemplaire très ancien, sculpté dans un bois de fer, est magnifquement érodé,

il représente parfaitement cet art très « premier » dans toute sa radicalité.

A MOBA ANCESTOR FIGURE, TCHITCHIRI

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