Vente Christie's - 27 juin 2018
Create successful ePaper yourself
Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.
Nous croyons efectivement que les œuvres auxquelles va notre prédilection sont
celles qui célèbrent la conscience de l'unité, de l'inséparabilité de l'homme et de son
environnement. Il y a des moments où une synthèse miraculeuse se réalise comme
ce fut le cas à la grotte Chauvet ou à Lascaux. L'art pariétal est l'art le plus ancien,
et c'est aussi l'un des plus élaborés : il conjugue une économie de moyens, avec une
précision naturaliste, une sûreté dans le geste et une maîtrise dans l'exécution qui
sont exceptionnelles et presque inconcevables. L'art futur se fait par rapport à l'art
antérieur, il n'y a pas vraiment de coupure entre l'art passé et l'art à venir : ce futur que
nous voyons dans l'art "primitif" repose aussi sur un passé archaïque. Peut-on parler
d'une dimension "spirituelle" de type animiste, comme dans le chamanisme ? Certains
objets précolombiens évoquent la transformation de l'homme en jaguar, certaines
terres cuites Djenné représentent la métamorphose de l'homme en serpent : l'art y
prend une dimension plus essentielle. La métamorphose étant l'une des composantes
du réel, c'est aussi l'une des lignes de force de notre goût comme de la collection ; la
façon dont certains arts parviennent à conjuguer des traits qui relèvent de l'animal, du
végétal ou du minéral dans leur rapport à l'humain et à intégrer l'apparente altérité dans
l'humanité, au lieu de l'ignorer ou de la rejeter, est un authentique enseignement.
Liliane et Michel Durand-Dessert
Cette rare sculpture de la collection Durand-Dessert
représentant une femme agenouillée à tête de serpent est
comparable à deux fgures de la collection Barbier-Mueller,
inv. n° 1004-78 et 1004-128. Une composition mystérieuse
en terre cuite, présente aujourd'hui au Musée d'art de la
Nouvelle-Orléans, inv. n° 90.196, nous a récemment
amené à envisager les origines symboliques possibles de
cette fgure. Le test (CT) efectué par Marc Ghysels révèle,
à l'intérieur de cette dernière, sept corps de femmes
gravides et sans têtes. Kristina Van Dyke, dans l’analyse de
cette composition-sanctuaire, remarque que pour l’une de
ces fgures une tête de serpent apparaît à la place de la tête
humaine ; ceci symbolisant peut-être que le serpent l’ait
dévorée. La scène représentée ici résonne avec l’histoire
orale de l'empire Soninké du Ghana qui a disparu au XI e
siècle car le sacrifce annuel d'une femme vierge à un
serpent, nommé Bida, n'aurait pas été exécuté. Bien
qu'il soit impossible de dire si ces sculptures font
allusion au sacrifce évoqué par le récit du
serpent Bida, l’idée mérite d’être
considérée (Fagaly, W.A., Ancestors
of Congo Square, New Orleans
Museum of Art, Nouvelle-
Orléans, 2011, cat. n° 2).
29