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Vente Christie's - 27 juin 2018

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La Bamana est caractéristique de ces sculptures taillées

dans le fl du bois : or c’est le ravinement qui donne au cou

et aux bras cette élongation d’une élégance si particulière ;

par ailleurs, l’enfant a l’air d’avoir six membres, parce que les

avant-bras de sa mère se confondent avec les siens, dans une

osmose qui paraît naturelle, et c’est le ravinement qui le fait

apparaître comme une grosse araignée accrochée au ventre

maternel ; il a pourtant conservé les restes d’un visage, avec

des yeux, un nez, une bouche que l’on peut distinguer, de

profl, à gauche. Ainsi, au lieu de les séparer, l’érosion les

a soudés l’un à l’autre ; elle a, par ailleurs, exalté les traits

spécifques de la femme. Avec sa coife en cimier, le visage

volontaire, les sourcils froncés, les yeux rapprochés et la

bouche légèrement avancée qui lui donnent un caractère

impérieux, une détermination absolue, elle a l’allure générale

d’une guerrière ou d’une amazone ; or, et c’est là qu’est

la réussite, si le sommet du corps concentre des traits

viriloïdes, la partie inférieure exalte l’essence de la féminité :

le ventre, marqué par un nombril en forme de losange, a

un arrondi plein de grâce, et la sensibilité dont il témoigne

contraste avec la rigueur austère de l’ensemble ; il en va de

même pour les pieds, rentrés en dedans, qui complètent

l’assise en formant un siège, mais dont la position

inhabituelle, bien qu’elle soit dans la logique d’une économie

de sculpteur, donne à l’ensemble une douceur presque

domestique. Ce n’est sans doute pas sans cause si le

sculpteur a choisi pour base la circonférence presque entière

du tronc d’arbre initial. Conjuguant dans la plus parfaite

harmonie des traits antithétiques en apparence, cette

maternité donne, par sa seule existence, la preuve formelle

qu’il est possible à chaque être humain de réaliser avec

bonheur l’intégration de sa double polarité. Il en résulte une

impression fascinante d’unité et d’autonomie. Tout prouve

qu’elle est en mesure de défendre son enfant seule, envers

et contre tout ; mieux, l’enfant est son invincible bouclier ; on

comprend qu’il est inamovible, soudé à son corps comme

l'« Araignée de la Grande Espèce » dont parle Lautréamont

pour évoquer le Tout-Puissant ; il devient l’arme avec laquelle

elle peut triompher du monde et il fait d’elle une vraie Vierge

Mère. Notre culture nous en donne des représentations

plus édulcorées et, par suite, moins convaincantes. La

Grèce ancienne semble avoir ignoré le mythe de la Mère en

majesté : Aphrodite joue avec Éros, Artémis chasse dans

les forêts, Athéna règne sur les esprits. Tout est dissocié.

Courbet nous montre peut-être l’Origine du monde ; la

Bamana, elle, nous enseigne la Genèse de l’Homme.

Liliane et Michel Durand-Dessert

n 9

MATERNITÉ BAMANA

MALI

Hauteur : 91 cm. (35æ in.)

Fin XVIII e - Début XIX e siècle - TEST C14

€150,000–250,000

PROVENANCE

Galerie 62, Paris

Collection Liliane et Michel Durand-Dessert, Paris

EXPOSITION

Grenoble, Musée de Grenoble, L’Art au futur antérieur. Liliane et Michel

Durand-Dessert, un autre regard, 10 juillet - 04 octobre 2004

Zürich, Rietberg Museum, Bamana : Afrikanische Kunst aus Mali, 9

septembre - 9 décembre 2001

Paris, La Monnaie de Paris, Fragments du Vivant : sculptures africaines dans

la collection Durand-Dessert, 10 - 24 septembre 2008

BIBLIOGRAPHIE

Colleyn, J.P., Bamana, The Art of existence in Mali, New York, 2001, p. 130,

n° 122

Tosatto, G. et Viatte, G., L’Art au futur antérieur. Liliane et Michel Durand-

Dessert, un autre regard, Grenoble, 2004, n° 9

Paudrat, J.L. et al., Fragments du Vivant : sculptures africaines dans la

collection Durand-Dessert, Paris, 2008, n° 25

Empreinte de noblesse et de hiératisme, cette statue de Faro représente

dans le panthéon Bamana Do Ba la mère de Do. Plus qu’une maternité, elle

est un symbole du pouvoir des mères dans la société Bamana, ce qui est

souligné par le siège sur lequel elle est assise, et sa coifure symbolique,

denba tulu signifant "la mère à l’enfant", ou tulu saba signifant "trois

tresses" (2009, Salia Malé, La Collection) et aussi apparentée aux

bonnets des hommes de la société des chasseurs. Lors des cérémonies

du Gwan de la société initiatique du Jo elle est présentée aux femmes

stériles qui lui font de nombreuses ofrandes d'aliments et de bijoux.

Plusieurs exemples de ce style de Ségou sont présents dans les collections

du Metropolitan Museum de New York (Delange, Y. et Leiris, M., Afrique

noire. La création plastique, 1967, n° 65, p. 62) et au Musée du quai Branly-

Jacques Chirac à Paris (inv. n° 731965.8.1, La Collection, 2009, n° 12).

Sculptées par des membres de la caste des forgerons, très redoutés

et dotés de pouvoirs magiques puisqu’ils transmutent la matière ; ces

statues fabriquées dans un bois dense étaient parfois abandonnées pour

des raisons religieuses ou après le décès de leur dépositaire, elles étaient

alors jetées dans la brousse où les insectes xylophages se chargeaient

de les faire peu à peu disparaître. C’est probablement ce qui est arrivé

à cet exemplaire très érodé mais ayant conservé toute sa majesté.

A BAMANA MATERNITY FIGURE

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