Vente Christie's - 27 juin 2018
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Cette sculpture a une gravité particulière en raison de ses proportions
spécifques. Elle se démarque par une posture imposante, digne et
puissante. L’importance de la tête est particulièrement soulignée ici ; des
bandes de cuivre et des clous métalliques sont fchés sur le visage de la
statue. La tête piriforme est surmontée d’une corne d’antilope (chargée
de composantes magiques), la face étirée marquée par des yeux en
amande inscrits dans des orbites concaves ; un nez épaté triangulaire
et une bouche aux commissures relevées, entrouverte sur des dents
apparentes. L’arrière de la tête est recouvert d'une coife de plumes. Des
lamelles métalliques forment un diadème frontal. Elle porte un collier
à quatre rangs de perles de verre bleu. La principale caractéristique du
haut du corps est l'articulation du ventre. Le geste des mains sur le ventre
gonfé symbolise le pouvoir de protection sur le lignage. La position
des bras ajoute du volume et leur posture angulaire souligne la forme
du corps épais. La zone ombilicale a conservé sa charge magique.
Karel Plasmans mena des recherches approfondies sur la tradition
orale des Songye. Très intéressé par leur sculpture, il collecta sur le
terrain, entre 1955 et 1972, un ensemble de statues, dont celle-ci,
et de masques. Le grand collectionneur belge, Jean Willy Mestach,
utilisa son étude de terrain pour son livre Etudes Songye : Formes et
Symbolique, essai d’analyse, et acheta la présente statue de Plasmans
en 1968. Par la suite elle fut acquise par Baudoin de Grunne et plus
tard par Roger Vanthournout en 2000 avant d’entrer dans la collection
Durand-Dessert en 2006. Vanthournout était initié à l’art africain par
son ami Emiel Veranneman, designer. Le sens esthétique très aiguisé
développé par Vanthournout à travers ses acquisitions de peintures
surréalistes belges l'a conduit très vite vers la quête d’œuvres de très
grande qualité. Tout en demeurant plus restreinte que son exceptionnelle
collection d’art contemporain – de renommée internationale – sa
collection d’art africain a été construite avec la même exigence.
En 1986, Dunja Hersak a attribué la statue Durand-Dessert aux Eki,
occupant la partie occidentale du pays Songye. Selon elle, ce style se
distingue notamment par les nombreux éléments métalliques (plaques et
clous en cuivre) ornant le visage et par la coife composée de languettes
métalliques et de plumes. François Neyt (Songye, Anvers, 2004, pp.
306-313) précise que la tradition sculpturale des Songye Eki partage
avec celle des autres ateliers occidentaux un même substrat, constituant
vraisemblablement l’archétype de la grande statuaire Songye. Les
statues Songye de grandes dimensions, à l'image de celle-ci, étaient
destinées à servir l'ensemble d'une communauté et étaient liées à la
procréation, à la protection contre les maladies, la sorcellerie, et la
guerre. D'après Hersak, elles se distinguent des autres objets magiques
Songye car ce sont des instruments permettant d'interagir avec les
esprits des ancêtres. Les communautés pouvaient ainsi invoquer les
esprits de leurs aïeux à l'aide de ces efigies. Voir Neyt (op. cit.), pp.
92-93, fg. 54-55 pour deux statues Songye-Eki de style comparable.
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