LA STATUE FANG GUILLAUME-MATISSECommentaire de Louis PerroisIssue du fonds du célèbre marchand PaulGuillaume dans les années trente, voilà unefgure d’ancêtre qui est la quintessence dugénie sculptural des Fang-Beti de l’Afriqueéquatoriale atlantique. Connue depuis déjàlongtemps, elle fut acquise en juin 2006 chezSotheby’s Paris par les Durand-Dessert ; ellecomplète à merveille l’ensemble rare et de qualitérassemblé par ces amateurs éclairés férus depièces africaines exceptionnelles au pedigreeprestigieux. Jean-Louis Paudrat, le rédacteur ducatalogue écrit : « Cette figure par la symbioseplastiquement réussie entre des référents que toutdevrait opposer : ‘petit homme et animal’, ‘enfantet vieillard’, constitue pour les Durand-Dessert lemodèle de cette unité perdue que l’art a le pouvoirde faire resurgir » (Catalogue, 2008, p. 12).Concernant ces remarques sur les ressemblancesimmédiates entre la morphologie globale del’efigie et certains éléments de contexte, plusou moins fantasmés, elles relèvent en fait del’étonnement des Occidentaux par rapport à lasurprenante liberté d’expression des sculpteursafricains et notamment Fang, qui n’ont pas hésitéà transposer les rapports de volumes des corpsreprésentés. On peut en efet, dans la posturemajestueuse de l’ancêtre, avec ses épauleslarges et imposantes et sa tête volumineuse,décorée d’une coife à grosses tresses, au visagemarqué d’un nez très aplati, mais aussi sesavant-bras démesurés avec les mains poséessur le haut des cuisses, et ses mollets massifs,penser à quelque réminiscence animale, celledu fameux gorille au « dos argenté » si présentdans ces contrées. Personnellement, je ne pensepas que ce lien d’ordre iconographique soitpertinent dans l’aire beti-fang, compte tenu destraditions orales connues, alors qu’il l’est chezles Kota, comme par exemple pour les masques‘emboli’ de la région de Makokou-Mékambo,une représentation d’un esprit de la forêtspécialement craint et célébré lors des initiations.Les proportions éclatées des statues FangComme je l’ai mentionné par ailleurs dans diversespublications à propos des arts du Gabon, j’aimené une recherche doctorale approfondie àpropos de la statuaire des Fang dont les résultatsont été publiés en 1972 « La statuaire des Fañ,Gabon ». « Un des éléments déterminants del’analyse, appelée ‘analyse ethno-morphologique’,a été l’étude des proportions relatives desprincipaux volumes des éléments du corpsreprésenté (la tête, le tronc, les jambes) commecaractéristique différentielle des styles et variantesidentifés. Dès les années 60, plusieurs auteursavaient réféchi à la question des « proportionsafricaines » des représentations sculptées,tels que Hans Himmelheber (« Negerkunstund Negerkunstler », Braunschweig, 1960),174Margaret Plass ou William Fagg (« AfricanSculpture.An Anthology », London, 1964). Plustard, on trouvera un long développement surce même thème dans l’ouvrage « L’art africain »de Jacques Kerchache, Lucien Stéphan etJean-Louis Paudrat (Mazenod, Paris 1988) ».Le philosophe Lucien Stéphan en efetdiscute dans cet ouvrage (p. 111-113) des «représentations des proportions et proportionsde la représentation », en évoquant ce quidiférencie la sculpture africaine, aux formessouvent étonnantes voire choquantes à nos yeuxd’Européens, de la sculpture classique occidentale(notamment des Grecs et des Romains), vouéeau naturalisme. A propos de la statuaire Fangd’ailleurs, l’auteur revient longuement surle concept de « païdomorphisme », à savoirle caractère apparemment « infantile » desproportions des efigies, qui doit être disjoint desprésupposés naturalistes. Beaucoup de statuesFang de référence, dont celle-ci 44 cm, avec satête particulièrement importante et prégnante d’unancêtre du byeri, incite à revenir sur cette notion.L’efigie évoque par ses proportions irréalistes lareprésentation d’un corps d’enfant [ôyôm ô mon](tête volumineuse et jambes de volume trapuau niveau des cuisses et des mollets) alors quele thème traité est celui d’un ancêtre, c’est-àdire,un vieillard, qui après avoir été un guerrierpuissant est devenu un chef respecté et craint. Anoter qu’aucun de mes informateurs fang, lors demes enquêtes de terrain de 1966 à 1970, ne m’aProportions relatives des trois éléments du corpsdu Fang Durand-Dessert, 44.5 cm, la tête, le tronc,les membres inférieurs : on note que dans un schéma« longiforme » (épaules larges mais tronc allongé),la masse de la tête/coife est équivalente à celle desjambes (cuisses, mollets).évoqué spontanément ce type de ressemblancede premier niveau. Il ne faut pas oublier que cessculptures sont avant tout des ensembles designes, des représentations symboliques à mettreen rapport avec l’enseignement oral des traditions.« En revanche, que certaines efigies aient destraits particuliers de vieillard (homme au visageridé ou femme aux seins tombants, c’est-à-dire desancêtres puissants et expérimentés), de guerrierviril (à la musculature soigneusement représentée)ou de femme jeune (aux seins pointus, gagede fécondité à venir), est reconnu in situ. Il mesemble, quant à moi, que l’importance donnée àla tête sculptée est plus liée au rôle central descrânes (ekokwe nlô) dans les rites du byeri qu’àtoute autre considération iconographique ».Une tête très caractéristique dela facture Fang classiqueLa tête de l’ancêtre comporte deux partiesopposées (visage et coife), juchées sur un coucylindrique surgissant du tronc allongé. De face,le visage est d’une grande économie de formes,avec un ample front arrondi en quart de sphère,d’une surface parfaitement polie (marqué d’unediscrète scarifcation axiale), et une face creusée« en cœur » comportant deux arcades sourcilièresarrondies appuyées sur un nez très aplati et largeà sa base, traité en angle (platyrhinien), d’aspectsimiesque. Les yeux sont agrémentés de pupillesen laiton (clous de tapissier, de tailles légèrementdiférentes). La bouche, très large et aux lèvresfnes, est projetée en avant, surmontant unmenton en léger retrait, l’ensemble formant unvolume prognathe, entièrement en avant du cou.La seconde partie, formant les deux tiers de cevolume, est appuyée sur le cylindre du cou : lacoife, traitée au ras du crâne, est constituéede trois tresses aplaties, à motif décoratif enchevrons, qui se déroulent vers l’arrière pourretomber en oblique sur la nuque. Sur les côtés,les tempes sont rasées, mettant en valeur lesoreilles arquées au pavillon ouvert vers l’avant.A noter que celles-ci ne sont pas tout à fait à lamême hauteur, ni de même taille, des deux côtésdes joues. En projection et de profl, on remarqueque les courbes du front et des nattes s’inscriventdans un cercle dont le centre est placé justederrière l’oreille. La tête paraît donc globalementsphérique et stylisée sans pour autant perdre enrien son expression réaliste (yeux, nez, bouche).Quelques détails de sculptureCou, torse et dosCe byeri présente un torse, un abdomen etun dos particulièrement bien traités selonun modelé d’une rare maîtrise de sculpture,évoquant d’une certaine façon une facture dignedes plus belles antiquités méditerranéennes. Lecou cylindrique est épais et puissant, marquéPHOTO : HUGHES DUBOIS
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