Vente Christie's - 27 juin 2018
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Cette statue archaïque peut être considérée comme la
plus belle œuvre de Kartinhé Kambiré (vers 1850 - vers
1910), maître fondateur du style dit de Tinkhiero et un des
plus grands artistes Lobi. Son travail fut célébré pendant
l’exposition Les Maîtres de la sculpture de Côte d'Ivoire au
Musée Rietberg à Zürich et plus tard au Musée du quai
Branly-Jacques Chirac à Paris en 2015. Une autre efigie
d’ancêtre (thilkotin) de Kambiré de la collection François
et Marie Christiaens fut décrite par Daniela Bognolo
dans le catalogue de l’exposition (p. 193, fg. 264).
Les thilkotina sont des représentations anthropomorphes
destinées à personnifer la puissance de l’ancêtre protecteur
du village. Leur création a joué un rôle déterminant dans le
développement stylistique de la statuaire Lobi : c’est par
l’aspect et l’esthétique de ces grandes efigies que chaque
lignage exprime l’origine de sa propre identité culturelle. Elles
sont placées dans la chambre-autel de la maison (thilduu),
où, au fl des générations, le culte des ancêtres est perpétué.
Karinthé Kambiré serait né dans les années 1850 à Tinkiro,
village où sa famille orginaire de Malba se serait installée
et où il aurait vécu jusqu’à sa mort vers 1910. Sculpteur de
grand talent aux gestes prestes, son savoir-faire fut très
tôt sollicité par les lignages Kambou-Kambiré implantés
à l’est de Kampti, et pour lesquels Karinthé travailla toute
sa vie durant. Après sa mort, son fls Jiarmorko Hien
perpétua le style – déjà dit de Tinkhiero – à Yolingira (sud de
Kampti) où il s’était rendu et où il vécut jusqu’à sa mort. La
renommée du père allait pousser de nombreux aspirants
sculpteurs Lobi et Teésè des alentours à venir s’initier
auprès de Jiarmorko, ce qui favorisa la difusion du style.
Comme l'écrit Bognolo : « Par leur allure quasi martiale,
fgées en position de "garde-à-vous", les statues de style
de Tinkhiero refètent parfaitement l’austérité que les
Lobi recherchent pour leurs supports cultuels : rigidité et
massivité de la fgure, épaules carrées et remontées, traits
stéréotypes du visage à l’air plutôt maussade. » La délicate
rondeur des volumes est magnifquement rendue par l’allure
corporelle de cette majestueuse fgure féminine, portant des
labrets aux deux lèvres. La tête est joliment modelée et les
proportions du visage soigneusement respectées. Les yeux
taillés en amande sont soulignés par des paupières fnement
ourlées surmontées de sourcils convergeant vers un nez
cassé. Une telle physionomie donne au visage une expression
à la fois douce et austère, qui émane également d’une tête
Lobi de Kambiré publiée par Bognolo (op. cit., p. 194,
fg. 265). Une statue masculine pouvant être
attribuée au même sculpteur et appartenant à la
collection William A. McCarty-Cooper fut publiée
en 1981 par Piet Meyer dans Kunst und Religion der
Lobi (Zürich, Museum Rietberg, p. 58, n° 5).
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