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Vente Christie's - 27 juin 2018

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© Christine Fleurent

Des objets futurs

ou archaïques, à jamais

contemporains.

Liliane et Michel Durand-Dessert lors du montage de l’exposition Michel Parmentier, février 1978.

en 1999 et 2000 d’une seconde vague de ces

poteaux funéraires du Sud Soudan, en réunissent

une série dont quatre, bongo, belanda et

morokodu, [sont reproduits ici]. Lesquels, avec les

Moba et les sculptures dagara des régions

frontalières du Ghana et du Burkina Faso

acquises en 2000, constituent un répertoire de

formes qui, tout en étant aménagées au plus près

de la souche initiale, combinent les audaces de

l’abstraction à la maîtrise d’une fguration par

endroits réaliste.

Obtenus en 2001, les seuls à représenter dans la

collection la production pourtant prolifque des

Senufo et des Baoule, d’une part, un kafgeledjo,

objet de conjuration menaçant, à la vêture

grossièrement tissée à laquelle s’accroche une

accumulation de cartouches, et, d’autre part, une

statuette asiè usu qui afiche, sans mièvrerie, une

ferme beauté.

Au printemps 2001 se tient dans le vaste espace

à deux niveaux qu’ils occupent rue de Lappe

depuis 1991, « Africa », exposition d' « Œuvres de

Pino Pascali et des Ejagham ». Pour l’unique fois

dans leur galerie vouée exclusivement à la

défense de l’art contemporain seront montrées,

et de surcroît en nombre, des productions

traditionnelles de l’Afrique subsaharienne :

vingt-huit panneaux et deux cimiers, emblèmes

de la société du Léopard, ainsi que deux

monolithes atal, provenant tous de la culture

ejagham. À l’étonnement des visiteurs, car en

surplomb, aux cimaises de la mezzanine, étaient

fxées quelque soixante-dix peintures sur papier

de l’un des artistes majeurs de l’Arte povera.

Confron tation qui, cependant, ne devait rien à

l’insolite.

Le titre de l’exposition, « Africa », est emprunté à

celui d’un flm réalisé par Pascali en 1966 pour la

télévision italienne à partir d’illustrations

détachées de publications diverses et qui,

rephotographiées et retouchées, seront peintes,

pour certaines, d’un médium bitumeux accusant

le contraste avec les plages claires laissées en

réserve. Ainsi, par l’homogénéité du traitement,

l’« Africa » de Pascali, celle de sa faune sauvage,

de ses danseurs, de ses masques et de ses

totems, de ses chasseurs et pasteurs rupestres,

se détourne d’une imagerie pittoresque attendue

pour former une représentation unifante d’un

univers en lequel, sans prédominance de l’une sur

l’autre, fusionnent nature et culture.

Un entretien de Pascali avec Carla Lonzi,

enregistré un an avant la disparition de l’artiste en

1968, sera multigraphié à l’intention du public de

l’exposition, Liliane en cite ici quelques brefs

extraits. Lesquels sufisent à légitimer

pleinement la mise en regard de ces deux

ensembles convergents. À lire dans leur

intégralité les déclarations de Pascali, on

comprend que ses conceptions de l’art africain

animées de cette « ardeur qui préside à la

création d’une civilisation » aient rencontré la

pleine adhésion des Durand-Dessert.

En 2003, Jean-Claude Ménioux sollicite leur

participation à l’exposition qu’il organise de mai à

janvier à la Halle Saint Pierre. Entre autres pièces

marquantes, comme l’Idoma à charge frontale, le

masque à la statuette coifée d’un reliquaire ou le

danseur tchamba, ils joignent à leur prêt deux des

panneaux et les cimiers ejagham présentés à

l’exposition « Africa ». En ce même lieu, « Liaisons

africaines » permit en 2005 de revoir les travaux

de Pascali mais aussi tous les Ejagham montrés

rue de Lappe en 2001.

À l’initiative de Guy Tosatto, son directeur, le

musée de Grenoble, à l’été 2004, ouvrait

largement ses salles aux Durand-Dessert pour

une manifestation d’importance, « L’art au futur

antérieur », qu’ils concevront en deux expositions

bien distinctes mais complémentaires. Ici,

« L’engagement d’une galerie » qui, avec quelque

cent trente œuvres contemporaines, restituait les

jalons de l’intense activité qui s’y déploya de 1975

à 2004. Là, dans la tour de l’Isle fanquant le

bâtiment, face à quatre-vingts sculptures,

africaines pour la plupart, les visiteurs étaient

conviés à partager avec leurs possesseurs « Un

autre regard ». À la jonction cependant des deux

espaces, une transition aura été ménagée : un

Richter, un Alighiero e Boetti, un Pascali côtoyant

un chambranle de porte kanak et une haute

sculpture paiwana encerclaient un long tambour

bamileke en forme de bovidé. « Chacune de ces

œuvres imposantes y gardait sa spécifcité et y

jouissait de sa respiration propre, tout en réalisant

une harmonie avec les autres. » Cette

consonance, que souligne Liliane dans un

dialogue avec les rédacteurs d’Arearevue)s(,

publié sous le titre « Futurs ou archaïques, à

jamais contemporains », se trouve afirmée à

plusieurs reprises au cours des entretiens avec

Guy Tosatto et avec Germain Viatte, reproduits

respectivement dans l’un et l’autre des

catalogues de Grenoble. À travers ces échanges

s’énonce, selon les Durand-Dessert, le temps de

l’Art : le prospectif ne saurait se conjuguer sans

considération du rétrospectif.

De 2005 à 2008, leur collection s’élargit. En

attestent près d’une cinquantaine de pièces

fgurant dans cet ouvrage, dont une dizaine, en

2006 et 2007, ont été obtenues par adjudication.

Cet accroissement est corrélatif à l’amplifcation

de l’ofre dans les aires culturelles de leur

prédilection, mais traduit aussi une ouverture à

des styles que jusqu’alors ils n’avaient pas

explorés ou, la cote en étant trop élevée, qu’ils

n’eurent pas les moyens d’acquérir.

Aux inépuisables ressources créatives du Nigéria

et de ses confns orientaux, ils conservent leur

faveur. Ainsi, par exemple, plusieurs sculptures

Mumuye parmi celles collectées par Jean-Michel

Huguenin en 1967 devenant accessibles, les

Durand-Dessert saisissent l’opportunité d'en

constituer un ensemble de variantes.

Arman, New York, 1977. Photo de Renate Ponsold.

« Arman fut également celui qui, par la médiation de son

propre travail et de son engagement, nous aura permis

d’accéder à la sculpture africaine accumulative ».

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