Une émission massive et rapide de CO2

29.09.2021 Views

Une émission massive et rapide de CO2 està l'origine de la plus grande extinction demasse de l'histoire de la TerreMorgane GillardRédactricePublié le 20/09/2021À la fin du Permien, il y a 252 millions d'années, a eu lieu la plus importante extinction de masseque la Terre ait connu jusqu'à présent. Cette crise biologique a anéanti environ 95 % des espècesmarines et 70 % des espèces terrestres. L'origine de cette catastrophe est cependant encore malconnue.[EN VIDÉO] Interview : le mystère de l’extinction des dinosaures est-il enfin élucidé ? Lesscientifiques ont bien du mal, depuis toujours, à trouver un consensus expliquantl’extinction des dinosaures. Même si la théorie la plus grandement acceptée est celle d’unemétéorite, il persiste encore aujourd’hui des zones d’ombres. Futura-Sciences a interviewéÉric Buffetaut, paléontologue, pour qu’il nous éclaire sur la question.Les enregistrements sédimentaires révèlent que la crise biologique de la fin du Permien estassociée à une importante perturbation du cycle du carbone et à une augmentation dramatiquede la température du globe.Cette crise biologique se reconnait dans les séries sédimentaires permiennes du monde entier parune excursion négative rapide d'un isotope du carbone. En effet, le carbone possède deux isotopesstables, le 12 C (majoritaire) et le 13 C (plus rare). Ce qui intéresse principalement les scientifiques,c'est la proportion relative entre ces deux isotopes (δ 13 C) ainsi que ses variations au cours dutemps. Lorsque le taux de 12 C augmente par rapport au taux de 13 C, on parle ainsi d'excursionnégative du δ 13 C.Un cycle du carbone perturbéDans un article publié dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences ofthe United States of America), Ying Cui et ses coauteurs montrent que deux excursions négativesont eu lieu au Permien et qu'elles sont corrélées avec deux phases d'extinction biologique (limitePermien-Trias et début du Trias). Les deux événements semblent donc être en lien. Mais la causede cette perturbation du cycle du carbone est encore mal comprise. Elle pourrait notamment êtreliée à l'intense activité volcanique qui a lieu au même moment au niveau des Trapps de Sibérie età la libération massive de CO 2 dans l'atmosphère terrestre.Une émission massive et rapide de CO 2 volcaniqueLes Trapps de Sibérie représentent ce que l'on appelle une Grande Province Volcanique :imaginez une surface de 6 millions de kilomètres carré en éruption ! L'activité volcanique desTrapps de Sibérie a duré environ 1 million d'années et a produit un volume gigantesque de laves,mais pas uniquement. L'activité volcanique aurait également été associée à l'émission massivede gaz, comme le SO 2 (dioxyde de soufre) et le CO 2 (dioxyde de carbone).

Une émission massive et rapide de CO2 est

à l'origine de la plus grande extinction de

masse de l'histoire de la Terre

Morgane Gillard

Rédactrice

Publié le 20/09/2021

À la fin du Permien, il y a 252 millions d'années, a eu lieu la plus importante extinction de masse

que la Terre ait connu jusqu'à présent. Cette crise biologique a anéanti environ 95 % des espèces

marines et 70 % des espèces terrestres. L'origine de cette catastrophe est cependant encore mal

connue.

[EN VIDÉO] Interview : le mystère de l’extinction des dinosaures est-il enfin élucidé ? Les

scientifiques ont bien du mal, depuis toujours, à trouver un consensus expliquant

l’extinction des dinosaures. Même si la théorie la plus grandement acceptée est celle d’une

météorite, il persiste encore aujourd’hui des zones d’ombres. Futura-Sciences a interviewé

Éric Buffetaut, paléontologue, pour qu’il nous éclaire sur la question.

Les enregistrements sédimentaires révèlent que la crise biologique de la fin du Permien est

associée à une importante perturbation du cycle du carbone et à une augmentation dramatique

de la température du globe.

Cette crise biologique se reconnait dans les séries sédimentaires permiennes du monde entier par

une excursion négative rapide d'un isotope du carbone. En effet, le carbone possède deux isotopes

stables, le 12 C (majoritaire) et le 13 C (plus rare). Ce qui intéresse principalement les scientifiques,

c'est la proportion relative entre ces deux isotopes (δ 13 C) ainsi que ses variations au cours du

temps. Lorsque le taux de 12 C augmente par rapport au taux de 13 C, on parle ainsi d'excursion

négative du δ 13 C.

Un cycle du carbone perturbé

Dans un article publié dans la revue PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of

the United States of America), Ying Cui et ses coauteurs montrent que deux excursions négatives

ont eu lieu au Permien et qu'elles sont corrélées avec deux phases d'extinction biologique (limite

Permien-Trias et début du Trias). Les deux événements semblent donc être en lien. Mais la cause

de cette perturbation du cycle du carbone est encore mal comprise. Elle pourrait notamment être

liée à l'intense activité volcanique qui a lieu au même moment au niveau des Trapps de Sibérie et

à la libération massive de CO 2 dans l'atmosphère terrestre.

Une émission massive et rapide de CO 2 volcanique

Les Trapps de Sibérie représentent ce que l'on appelle une Grande Province Volcanique :

imaginez une surface de 6 millions de kilomètres carré en éruption ! L'activité volcanique des

Trapps de Sibérie a duré environ 1 million d'années et a produit un volume gigantesque de laves,

mais pas uniquement. L'activité volcanique aurait également été associée à l'émission massive

de gaz, comme le SO 2 (dioxyde de soufre) et le CO 2 (dioxyde de carbone).


Des perturbations environnementales sévères qui auraient causé la disparition de la

quasi-totalité des espèces vivants à cette époque

Des quantités énormes de gaz à effet de serre auraient ainsi été relarguées dans l'atmosphère,

engendrant un réchauffement climatique important, une diminution du taux d’oxygène dans les

océans (anoxie) et une acidification des environnements terrestres et marins. Des perturbations

environnementales sévères qui auraient causé la disparition de la quasi-totalité

des espèces vivants à cette époque.

L'émission massive de CO2 volcanique serait à l'origine de la crise biologique du Permien.

© PaleoFactory, Sapienza Université de Rome

L'origine et les détails de cet enchainement d'événements restent cependant encore peu

contraints. En particulier, la source, la vitesse de l'augmentation et la quantité totale de CO 2 émis

durant cette période sont mal connus. Dans leur étude, Ying Cui et ses coauteurs ont ainsi tenté

de quantifier cette émission de CO 2 et d'apporter la preuve de son origine volcanique.

L'analyse chimique de sédiments d'âge permien corrélée à une modélisation complexe montre que

les Trapps de Sibérie ont libéré une importante quantité de CO 2 volcanique dans l'atmosphère,

environ 36.000 gigatonnes de carbones, sur une durée de 168.000 ans. Le taux d'émission

maximum aurait été de 4,5 gigatonnes de carbone par an, ce qui représente la moitié du taux

d'émission de carbone actuel.

Un déséquilibre menant à une hausse spectaculaire de la

température

Le taux de CO 2 dans l'atmosphère a ainsi été très rapidement multiplié par 13, engendrant une

hausse spectaculaire de la température globale de 25 à 40 °C.

L'augmentation massive et rapide de gaz à effet de serre dans l'atmosphère a ainsi fortement

déséquilibré le système terrestre et induit des changement environnementaux extrêmes, comme

l'acidification des océans et une hausse spectaculaire de la température, menant à une extinction

de masse majeure.


La compréhension de ces événements climatiques du passé peut également nous aider à mieux

comprendre l'évolution du climat dans le futur, et notamment l’impact des émissions de

CO 2 actuelles, d'origine anthropique cette fois.

POUR EN SAVOIR PLUS

Ce sont des rejets massifs de gaz à effet de serre qui ont

mené à la plus grande extinction de masse sur Terre

Article de Nathalie Mayer, publié le 23 octobre 2020

La Terre a déjà connu cinq extinctions de masse. Au moment où elle est en train d'en subir

une sixième, des chercheurs se penchent sur le plus important épisode d'extinction de toute

son histoire. Celui qui s'est joué il y a 252 millions d'années, entraînant la disparition de 90

% de la vie sur notre planète. Ils nous livrent aujourd'hui les détails du scénario catastrophe.

À cinq reprises déjà dans son histoire, la Terre a connu ce que les scientifiques appellent

une extinction de masse. Alors que la biodiversité avait trouvé sa voie, la majorité des espèces a

disparu, changeant le cours de l'évolution. La plus importante de toutes ces extinctions a eu lieu il

y a environ 252 millions d'années, marquant la fin du Permien et le début de Triasique. En

seulement quelques milliers d'années, 75 % de la vie a été balayée de la surface de notre planète.

Et c'est même jusqu'à 95 % de la vie dans les océans qui a disparu.

VOIR AUSSIExtinction du Trias-Jurassique : l’hypothèse des volcans renforcée

Activité volcanique ou libération massive de méthane prisonnier des fonds marins. Les chercheurs

ont longtemps débattu de la cause de cette extinction. Aujourd'hui, une équipe

internationale menée par l'Institut Leibniz d'océanographie (Allemagne) présente une

reconstruction concluante de la cascade d'événements qui a mené, à cette époque, à la perte de

presque toute la vie sur Terre.

Pour arriver à ce résultat, les chercheurs ont analysé une archive jusqu'alors négligée :

les coquilles de brachiopodes fossiles. Ces organismes ressemblent à des palourdes et ils vivent

sur Terre depuis plus de 500 millions d'années. Dans les Alpes du Sud, les chercheurs en ont

trouvé des échantillons particulièrement bien conservés, déposés au fond des mers peu profondes

du plateau continental de l'océan Tethys il y a 252 millions d'années. Ils ont gardé en mémoire les

conditions environnementales juste avant et au début de l'extinction massive.


Dans le nord de l’Italie, le mont Sass de Putia abrite des sections Permien-Trias uniques,

riches d’assemblages marins incluant des brachiopodes fossiles qui ont enregistré les

derniers moments de la vie paléozoïque. © Renato Posenato, Université de Ferrare

Émissions de CO 2 volcanique

Ce sont plus exactement des mesures de haute précision de différents isotopes de

l'élément bore qui ont permis aux chercheurs de retracer l'évolution du pH dans l'océan. Ce pH

étant étroitement lié à la concentration de CO 2 dans l'atmosphère, ils ont pu également en déduire

ces valeurs. Et retracer même clairement jusqu'à l'activité volcanique. « La dissolution des hydrates

de méthane, qui avait été suggérée comme une cause potentielle supplémentaire, apparait

hautement improbable », indique Marcus Gutjahr, chercheur, dans un communiqué de l’Institut

Leibniz d’océanographie.

Pour préciser un peu plus ce qui s'est joué, il y a 252 millions d'années, les chercheurs ont injecté

ces données et celles d'autres études basées sur les isotopes du carbone dans un modèle

géochimique simulant les processus de la Terre à ce moment-là. Résultat : dès le début de la

phase d'extinction, le réchauffement et l'acidification des océans associés à l'immense injection de

CO 2 volcanique dans l'atmosphère étaient déjà mortels pour les organismes marins calcifiants.

Un effondrement « domino » a conduit à l’étendue catastrophique de cette extinction de

masse.

Le rejet massif de CO 2 dans l'atmosphère a aussi mené à une augmentation des températures

mondiales causée par l'effet de serre. De quoi altérer chimiquement les terres de notre planète.

Pendant des milliers d'années, des quantités croissantes de nutriments ont atteint les

océans via les rivières et les côtes. Des océans qui se sont retrouvés surfertilisés. Avec pour

conséquence fâcheuse : un appauvrissement en oxygène à grande échelle et la modification de

cycles élémentaires entiers. « Cet effondrement "domino" des cycles et processus interconnectés

de maintien de la vie a finalement conduit à l'étendue catastrophique observée de l'extinction de

masse à la frontière permien-triasique », résume Hanna Jurikova, auteur principale de l'étude.

La combustion du charbon a accentué la plus grande

extinction de masse de tous les temps

Il y a 250 millions d'années, la Terre connaissait sa plus importante extinction de masse.

Les chercheurs pensent aujourd'hui qu'elle a pu être le résultat d'un réchauffement

climatique causé par la combustion d'une quantité colossale de charbon.

Article de Nathalie Mayer paru le 28/06/2020


Des chercheurs de l’université de l’État de l’Arizona (États-Unis) présentent des preuves

de la combustion d’une quantité colossale de charbon à l’époque où a eu lieu la pire des

extinctions de masse sur notre Terre. © Dmitriy, Adobe Stock

Il y a environ 250 millions d'années, celle que les chercheurs connaissent sous le nom d'extinction

massive Permien-Trias faisait disparaître jusqu'à 96 % des espèces marines et 70 %

des vertébrés qui peuplaient alors la Terre. Le résultat, probablement, d'une activité volcanique

soutenue, provoquant un réchauffement climatique qui, à l'Équateur, a fait monter les températures

de l'océan jusqu'à plus de 40 °C. Un réchauffement climatique qui pourrait avoir été causé par la

combustion d'une quantité colossale de charbon.

Des chercheurs de l’université de l’État de l’Arizona (États-Unis) pensent aujourd'hui en avoir la

preuve. Ils l'ont trouvé dans les roches volcanoclastiques des trapps de Sibérie. Près de huit

millions de kilomètres carrés de roches basaltiques. Un paysage justement formé par les éruptions

volcaniques massives qui ont eu lieu à l'époque dans la région.


Un bloc de charbon dans les basaltes de Sibérie. © Scott Simper, Université de l’État de

l’Arizona

Du charbon dans les roches volcaniques

Sur le terrain comme dans les échantillons collectés -- plus de 450 kg -- et analysés ensuite en

laboratoire, les chercheurs ont découvert des fragments de bois et de charbon. « Le fait que

les magmas des trapps sibériens incorporent ce type de matériau nous apporte la preuve que de

grandes quantités de charbon et de matière organique ont brûlé au moment de l'éruption »,

explique Lindy Elkins-Tanton, chercheur, dans un communiqué.

Combustion de charbon et d'hydrocarbures, pluies acides, destruction de l'ozone. Les

changements observés lors de l'extinction Permien-Trias présentent décidément des parallèles

troublants avec ce qui se joue actuellement sur Terre. « Cela devrait nous donner

un élan supplémentaire pour agir rapidement », conclut Lindy Elkins-Tanton.

La pire extinction massive de l'Histoire serait bien liée au

volcanisme

Du mercure prisonnier de sédiments datés de plus de 250 millions d'années fournit une

nouvelle preuve de l'implication d'un volcanisme soutenu dans l'extinction du Permien-

Trias, la pire crise biologique enregistrée depuis que la vie s'épanouit sur Terre.

Article de Floriane Boyer paru le 22/04/2019


L'extinction massive du Permien-Trias il y a 252 millions d'années s'inscrit comme la plus

grande catastrophe biologique de notre planète. Le volcanisme à l'origine de la formation

des trapps de Sibérie est accusé d'avoir mis le feu aux poudres. © Illustration/Margaret

Weiner/UC Creative Services

Moins populaire que la crise Crétacé-Tertiaire marquant la fin du règne des dinosaures il y a 65

millions d'années (Ma), l'extinction massive du Permien-Trias il y a 252 millions d'années (Ma) est

cependant la plus grave de tous les temps, ayant rasé 95 % des espèces marines et 70 % des

espèces terrestres en 10.000 à 100.000 ans. Des chercheurs chinois et américains, menés par

Jun Shen de l'université des Géosciences de Chine, apportent une preuve convaincante en faveur

de la théorie la plus largement acceptée pour expliquer cette hécatombe, celle d'un volcanisme

prolongé et intense à l'origine des trapps de Sibérie.

Dans des roches sédimentaires datées de la frontière Permien-Trias réparties un peu partout à

travers tout l'hémisphère Nord, les chercheurs ont observé un pic de mercure, avec des taux 3 à 8

fois plus élevés par rapport aux niveaux précédant la crise. Il a d'abord été injecté sous forme de

vapeur dans les airs, à très haute altitude, ce qui suggère un lien avec l'activité volcanique

d'ampleur qui a formé à cette époque les trapps de Sibérie. L'étude a été publiée dans Nature

Communications.

Un pic de mercure dans les sédiments marins

Des preuves géologiques d'un lien entre les trapps de Sibérie et l'extinction Permien-Trias, certes

pas inexistantes, restaient jusque-là sporadiques. Des recherches précédentes ont déjà fait état

d'un pic de mercure sur quelques sites en Chine et au Canada. Pour cette nouvelle étude, Jun

Shen et ses collègues montent d'un cran en analysant 391 échantillons de sédiments prélevés sur

une dizaine de sites en Hongrie, aux États-Unis, au Japon, en Chine. Le pic de mercure se

reproduit sur l'ensemble de ces lieux, témoignant du caractère global des retombées du volcanisme

des trapps de Sibérie.

Le saviez-vous ?

Les trapps de Sibérie sont une province magmatique comme les trapps du Deccan en Inde, ces

derniers étant connus pour leur rôle présumé dans l'extinction Crétacé-Tertiaire (65 millions

d'années) avec l'impact d'astéroïde de Chicxulub. Les trapps de Sibérie s'étalent aujourd'hui sur

deux millions de kilomètres carrés, mais on soupçonne qu'ils recouvraient au départ plus du triple

de cette surface.

Les sédiments étudiés ont été datés à l'aide des dents fossiles de conodontes, des animaux marins

ressemblant à des lamproies disparus en masse lors de l'extinction Permien-Trias, et

des microfossiles de radiolaires, qui font partie du zooplancton. Comme l'indiquent ces restes

fossiles, les sédiments proviennent d'anciens milieux marins, allant du plateau continental peu

profond (moins de 100 mètres) aux abysses (plus de 2.000 mètres), en passant par la région


intermédiaire, le talus continental. Les chercheurs ont constaté que dans les sédiments les plus

profonds, le pic de mercure précède la limite Permien-Trias de 50.000 à 100.000 ans, tandis qu'il

survient presque simultanément dans les sédiments plus proches de la surface.

Carte du monde au commencement du Trias (250 millions d'années), peu après la crise

permienne (252 millions d'années). Les trapps de Sibérie figurent en rose, au nord de la

Pangée à l'époque. Les triangles bleus, mauves et verts représentent les dix sites

échantillonnés pour cette étude. Les différentes couleurs indiquent qu'ils proviennent de

milieux ou de lieux géographiques différents, le bleu étant utilisé par exemple pour les

sédiments issus des profondeurs abyssales de l'océan global Panthalassa entourant le

supercontinent. Les points noirs marquent des sites analysés dans des recherches

antérieures. Le pic de mercure aux environs de la limite Permien-Trias est observé pour

tous ces sites. © Jun Shen et al., Nature Communications, 2019

La formation des trapps de Sibérie a mis le feu aux

poudres

Le mercure a pu arriver dans les sédiments marins par deux voies : les airs ou le ruissellement de

surface. Une analyse isotopique des quantités de mercure 202 et de mercure 199 réalisée sur trois

des dix sites étudiés a permis de trancher, indiquant qu'il est plutôt d'origine atmosphérique. Les

chercheurs estiment qu'il a été propulsé dans l'atmosphère par des éruptions volcaniques et/ou

par la combustion de sédiments riches en matière organique, telle que le charbon. Il serait ensuite

retombé en pluie dans les océans avant d'être rapidement capté par les sédiments.

Les éruptions qui ont donné naissance aux trapps de Sibérie il y a environ 252 Ma se sont

échelonnées sur des centaines de milliers d'années avant et après l'extinction Permien-Trias. En

s'épanchant horizontalement dans le sous-sol, formant ce que l'on appelle des sills (ou

couches filon en français), les magmas ont pu rencontrer de vastes réserves de matière organique,

en l'occurrence de charbon, dont la combustion a rejeté de grandes quantités de mercure, selon

les chercheurs.


Trois millions de kilomètres cubes de cendres

En plus des vapeurs de mercure, du dioxyde de carbone et d'autres gaz à effet de serre ont été

émis dans l'atmosphère avec près de trois millions de kilomètres cubes de cendres, provoquant un

réchauffement de 10 °C, une acidification des océans ou encore leur appauvrissement en oxygène

dissous. Un scénario qui donne des frissons dans le dos puisqu'il rappelle ce que vit la Terre

actuellement, à l'heure du réchauffement climatique d'origine anthropique et à l'aube de ce que l'on

décrit parfois comme la sixième extinction de masse.

VOIR AUSSIExtinction massive du Permien-Trias : la vie étouffait dans les océans

D'après les chercheurs, cette étude encourage à désigner le manque d'oxygène dans les océans

comme principal responsable de la disparition des espèces. Elle indique que le pic de mercure, et

donc d'intensité du volcanisme au niveau des trapps de Sibérie, apparaît jusqu'à 100.000 ans avant

la crise Permien-Trias. La diminution des taux d'oxygène aurait en effet pris des milliers ou des

dizaines de milliers d'années pour se mettre en place après que les éruptions volcaniques aient

atteint leur paroxysme, expliquent les chercheurs. L'extinction des espèces marines aurait été plus

immédiate si la hausse des températures en avait été la première cause.

Un volcanisme géant serait bien la cause de l'extinction

de masse du Permien

Article de Jean-Luc Goudet, publié le 07/08/2017

La plus grande extinction de masse connue a eu lieu entre le Permien et le Trias, il y a

environ 250 millions d'années. Selon une équipe américaine, elle aurait bien été provoquée

par des épanchements de lave géants, là où se trouvent aujourd'hui les trapps de Sibérie.

Il y a 252 millions d'années, la Terre a connu une catastrophe si grave que plus de 90 % des

espèces marines et au moins 70 % des espèces terrestres ont disparu durant un intervalle assez

court, peut-être de 10.000 ans, en tout cas moins de 100.000. Pour expliquer cette énorme

extinction de masse, la plus importante que l'on connaisse, plusieurs hypothèses ont été avancées.

Certains ont pensé à des champignons, qui ont effectivement connu un succès resplendissant à

cette époque, ou à des micro-organismes.


Un volcanisme géant serait bien la cause de l'extinction de masse du Permien. © James

Thew, Fotolia

Depuis longtemps, cet évènement a été rapproché d'un épisode volcanique long et puissant,

sûrement dévastateur, qui a donné naissance aux trapps de Sibérie. Cette immense région est une

« grande province ignée », ou « province magmatique », selon les expressions des géologues pour

désigner une vaste zone reposant sur un socle basaltique déposé lors d'épisodes volcaniques de

grandes durées. À la fin du Permien, au moment de l'extinction de masse, donc, cette région

sibérienne a connu de vastes épanchements de lave, à la manière des trapps du Deccan, souvent

invoqués, eux, dans la dernière grande extinction, celle qui a vu disparaître les dinosaures il y a 65

millions d'années, en concurrence, ou en complément, avec l'hypothèse de l'impact d'un astéroïde.

Les gaz libérés par ce basalte auraient produit un effet de serre ayant violemment modifié le climat

global.


L'extension des trapps de Sibérie, s'étendant sur environ deux millions de kilomètres

carrés. La carte (légendée en allemand) montre les régions où affleurent la lave (Lava), le

tuf et les tuffites (Tuffe und Tuffite). © Jo Weber, CC by-nc-sa 3.0

Un scénario en trois phases pour expliquer l'extinction

brutale

Cette explication se heurte cependant à quelques problèmes. La quantité de gaz à effet de serre

n'aurait pas été suffisante et la coïncidence du calendrier n'est pas parfaite. Ces épanchements

basaltiques ont commencé 300.000 ans avant la crise biologique. De plus, ils ont duré environ un

million d'années, alors que l'extinction s'est déroulée sur une période bien plus courte, ce qui avait

d'ailleurs conduit à l'hypothèse d'extinctions multiples. Il faut donc préciser un peu ces théories.

VOIR AUSSIUn nouveau modèle pour l'extinction du Permien-Trias

C'est ce qu'ont fait des scientifiques du US Geological Survey et du MIT, dont le travail vient d'être

présenté dans un article de Nature Communications. Selon eux, le phénomène aurait connu trois

phases et l'effet destructeur pour la vie aurait été indirect, né de la rencontre du magma avec des

couches de charbon enfouies. Dans un premier temps, expliquent-ils, à partir de -252,24 millions

d'années (Ma) et durant plus de 100.000 ans, la région connaît un volcanisme incessant, déposant

en surface les deux tiers de la lave des trapps actuels, soit un million de kilomètres cubes (Stage

1 sur le schéma ci-dessous).



Scénario des évènements qui ont conduit aux trapps de Sibérie, dans le bassin de

Toungouska, et à l'extinction de masse du Permien-Trias, selon l'équipe de Seth Burgess.

Durant la première phase (Stage 1 sur le schéma), le magma monte surtout verticalement

(formant des dykes) et déjà un peu horizontalement (les sills). Un volcanisme de surface

de grande ampleur étale en surface les laves (Lavas sur la carte du bas) et les roches

pyroclastiques (pyroclastic rocks). Durant la deuxième phase (Stage 2), le réseau de sills

se développe (sill-complex growth). La lave se déploie surtout horizontalement et

rencontre des roches sédimentaires, carbonées. Le contact produit des gaz à effet de

serre (greenhouse gas), qui s'échappent. La température globale de la Terre commence

alors à augmenter. L'émission de gaz va ensuite se réduire. Durant la troisième phase

(Stage 3), elle s'affaiblit (Waning) jusqu'à disparaître tandis que la lave poursuit sa montée,

perce le bouclier basaltique et produit à nouveau du volcanisme en surface. © Burgess et

al., Nature Communications

La chaleur du magma a libéré des gaz à effet de serre

L'étape 2 (Stage 2 sur le schéma ci-dessus), qui coïncide très bien avec le début de l'extinction de

masse, démarre à -251,907 Ma et voit la fin des épanchements en surface. Le magma remonte

toujours des profondeurs mais il a déjà commencé à s'étaler horizontalement, en profondeur, au

sein même des couches sédimentaires : ce sont des « sills », écoulements en nappes sous la

surface du sol. Ceux-ci se seraient répandus sur 1,5 million de kilomètres carrés. Au niveau des

bords du basalte refroidi, donc aux frontières de la région des trapps, la lave rencontre des

sédiments riches en carbone. Ces derniers sont tellement échauffés qu'ils produisent des gaz à

effet de serre (CO 2 et CH 4 , c'est-à-dire du dioxyde de carbone et du méthane) s'échappant à

travers le sol et s'élevant dans l'atmosphère.

C'est à cette époque que les géologues observent une élévation brutale de la température des

eaux de surface des océans (+10 °C), en même temps qu'un déséquilibre carbone 12-carbone 13,

témoin d'une dégradation des conditions environnementales. Voilà qui expliquerait la différence de

temporalité entre les épanchements basaltiques, qui ont duré en tout plus d'un million d'années, et

l'extinction massive, qui fut si brève : ce n'est que durant ce largage dans l'atmosphère de gaz à

effet de serre que la température a grimpé, très vite, bousculant les écosystèmes.

Durant l'étape 3 (Stage 3 sur le schéma ci-dessus), le magma continuant à monter sous le socle

basaltique, il finit par le percer à partir de -251,483 Ma, entamant une nouvelle phase éruptive. Et

tout s'arrête à -250,2 Ma. La vie de la planète est dévastée. Les trilobites, ces arthropodes marins

diversifiés et de tailles très variées, ne s'en remettront pas. Fougères et amphibiens sont au plus

mal. Les thérapsides disparaissent presque tous, sauf quelques lignées parmi lesquelles figurent

les ancêtres des mammifères. Mais la nouvelle ère qui s'annonce est celle des dinosaures, qui

domineront les chaînes alimentaires jusqu'à ce qu'une nouvelle grande catastrophe frappe la

Terre.

Extinction du Permien : des éruptions volcaniques en

cause ?

Article de France-Science publié le 4 février 2005

La cause de l'extinction de masse qu'ont subie 70 % de la faune vivant sur terre et 90 % de

la faune marine il y a 250 millions d'années est encore incertaine. Impact météoritique,

éruption volcanique, changement climatique ?...

Deux études, publiées dans la revue Science, livrent quelques indices supplémentaires. La

première, menée par Peter Ward, de l'université de Washington et ses collègues, porte sur des

fossiles de reptiles et d'amphibiens découverts dans le bassin de Karoo en Afrique du Sud. Grâce

au paléomagnétisme des roches, l'équipe a pu reconstituer la séquence chronologique de la

disparition des animaux ; elle s'est ainsi rendu compte que le processus a d'abord été progressif,

s'étalant sur une dizaine de millions d'années, avant de s'accélérer à la limite du Permien et du

Trias.


Selon la seconde étude, australienne cette fois, portant sur l'analyse de sédiments de la même

période prélevés au large de l'Australie et de la Chine, l'oxygène se serait raréfié dans les couches

supérieures de l'océan, avec une augmentation du nombre de cyanobactéries friandes de soufre,

l'environnement marin à la surface devenant peu à peu toxique pour les espèces marines.

Toutes ces données semblent écarter l'hypothèse d'une catastrophe ponctuelle (la chute

d'une météorite, par exemple) comme principale cause de la grande extinction du Permien-Trias

(à distinguer de la disparition des dinosaures il y a 65 millions d'années). Selon les scientifiques,

le responsable serait plutôt à chercher du côté des éruptions volcaniques de Sibérie qui auraient à

cette époque libéré suffisamment de gaz à effet de serre pour modifier radicalement l'écosystème

de la planète.

https://www.futura-sciences.com/planete/actualites/paleontologie-emission-massive-rapide-co2-

origine-plus-grande-extinction-masse-histoire-terre-5390/

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