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Un art autre et au-delà

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Michel Tapié <strong>et</strong> Georges Mathieu en 1959<br />

© Archives galerie Rodolphe Stadler –<br />

les Abattoirs Musée-Frac Occitanie Toulouse France<br />

Le vide chez ses peintres laisse en eff<strong>et</strong> l’espace libre à l’action pure<br />

<strong>et</strong> dynamique, <strong>au</strong> mouvement, <strong>au</strong> changement. On peut donner deux<br />

illustrations à c<strong>et</strong>te idée. Ce vide perm<strong>et</strong> une respiration visuelle,<br />

dans la peinture chinoise par exemple. Celle-ci ne remplit pas la toile<br />

pour laisser <strong>au</strong> spectateur de l’espace pour qu’il fasse lui-même<br />

son propre chemin. François Cheng dans son traité sur la peinture<br />

chinoise intitulé Vide <strong>et</strong> plein explique ainsi : « Le Vide (xu) vise la<br />

plénitude. Le Plein (shi) fait le visible de la structure, mais le vide<br />

structure l’usage ».<br />

Ainsi, quand Zao Wou-Ki déclare qu’il vit en France, mais qu’en<br />

pensée il se sent profondément chinois, on comprend que toute c<strong>et</strong>te<br />

philosophie habite profondément sa peinture <strong>et</strong> c’est le cas. Ce vide<br />

<strong>et</strong> ce plein complémentaires, il en parle d’ailleurs très justement<br />

lorsqu’il déclare :<br />

Kazuo Shiraga dans son atelier en 1960<br />

© Amagasaki Cultural Center<br />

« Je peins ma propre vie mais je cherche <strong>au</strong>ssi à peindre un espace invisible,<br />

d’un lieu où l’on se sent toujours en harmonie, même dans des formes agitées<br />

de force contraires ».<br />

C’est un <strong>art</strong>iste qui va, tout comme Mathieu, fusionner la gestuelle<br />

de l’abstraction lyrique <strong>et</strong> la liberté du pince<strong>au</strong> chinois. Le vide<br />

n’est donc pas l’absence occidentale mais bien le souffle qui vient<br />

structurer l’œuvre.<br />

Enfin, la liberté du pince<strong>au</strong> chinois, va venir s’incarner dans le<br />

corps de Kazuo Shiraga puisque le pince<strong>au</strong> c’est lui. En eff<strong>et</strong>, il a<br />

une pratique performative de la peinture. L’<strong>art</strong>iste se suspend <strong>au</strong>dessus<br />

de ses toiles, il se balance d’avant en arrière, s’élance dans<br />

le vide <strong>et</strong> vient peindre la toile avec ses pieds recouverts de peinture.<br />

On est alors dans un rapport corporel encore plus intense que chez<br />

Mathieu. Il y a davantage de charge émotionnelle puisque le corps est<br />

impliqué avec davantage d’engagement physique. Se dégage ainsi<br />

une certaine forme de violence tant dans la pratique picturale que<br />

dans le rendu plastique. La peinture de Shiraga ouvre donc en ce<br />

sens sur les pratiques actionnistes <strong>et</strong> corporelles à venir.<br />

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