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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE. 89

des mêmes viandes, mais différemment accommodées ;

des volailles de toute espèce, du gibier, préparés avec

du riz et des sauces fortement épicées, du porc sous

toutes les formes, rôti, en ragoût, braisé, des poissons,

parmi lesquels figurait le fameux bar tacheté, si prisé

des Apicius chinois (voy. p 8b), des légumes, haricots

blancs ou verts, pois, lentilles, et même des pommes de

terre de Mongolie servies par attention pour nous. Aucun

mets extraordinaire, ni rat, ni chat, ni chien ne

frappa nos regards. Un chien de lait forme, assure-t-on,

un plat très-recherché dans toute la Chine méridionale,

mais je ne sache pas qu'à Pékin, les jolis petits chiens

qu'on élève comme objets de luxe aient jamais été destinés

à la casserole (voy. p. 87). Les viandes et les

poissons sans os et sans arêtes étaient, par un artifice

particulier à la cuisine chinoise, recousues dans leurs

peaux grillées et dorées au four de campagne.

" Alors commença une scène de politesse : Hen-Ki

voulant absolument nous servir, quoicpie nous eussions

préfère puiser dans les bols avec nos cuillers, enlevait

avec ses doigts la peau qui recouvrait les viandes, et y

plongeant ses bâtonnets qu'il avait déjà fourrés dans sa

bouche, mettait dans nos soucoupes un morceau de

chaque mets. J'ai oublié de dire qu'on ne nous changeait

pas de soucoupe, en sorte que, grâce à l'empressement

de notre hôte, nous eûmes en quelques minutes devant

nous une véritable pyramide de viandes, de poissons,

de légumes entremêlés, dont les sauces se disputaient

entre elles, et ne présentaient plus au goût qu'une saveur

indéfinissable. Cependant Hen-Ki était enchanté, riait,

causait et mangeait avec enlhou.'-iasme; il approchait sa

figure de son bol, et, manœuvrant ses bâtonnets avec

une rapidité incroyable, envoyait dans sa large bouche

et souvent sur sa belle robe, sur la table, et jusque sur

nous, des parcelles de viande, des grains de riz, et surtout

de larges gouttes de sauce : cette déglutition rapide

était accompagnée de phrases de politesse : Mangez donc

de ce plat, nous disait-il la bouche pleine , Je l'ai fait

faire pour vous, acceptez- en encore un peu, vous me

comblerez de bonheur..., et ainsi de suite. J'aime à

croire que le mandarin faisait franchement appel à notre

appétit, et qu'il ne ressemblait pas à ces Européennes

maîtresses de maison qui vous supplient d'accepter une

aile du perdreau non entamé, et qui vous jettent un regard

furibond quand, de guerre lasse, vous ne croyez

pas pouvoir refuser. Une corbeille de petits gâteaux à

la farine de froment, sans levain, imbibés de graisse et

rempHs de graines aromatiques avait été placée à notre

portée; on voit que Hen-Ki n'avait rien négligé pour

nous rendre son diner agréable.

« A mesure que les appétits se calmaient, la conversation

allait en se ranimant ; heureux de ne pas avoir à

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