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84 LE TOUR DU MONDE.
ivresse terrible. L'abus qu"en firent nos soldats dans la
campagne de Chine amena beaucoup de dyssenteries
mortelles dans l'armée.
Les maisons de thé vendent des liqueurs alcooliques,
mais ce sont surtout les restaurants et les auberges qui
en font un grand débit.
Nous ne parlerons pas de la pro'luclion du ihé, ni de
la vaste industrie qu'il alimente ; c'est un sujet qui appartient
en propre à la
Chine méridionale; dison.s r ~
seulement que l'usage du
thé n'est pas moins répandu 1
dans le nord que dans le
sud : entrez-vous dans une
maison? aussitôt on vous
offre le thé, c'est le signe ]
de l'hospitalité. On vous en
sert à profusion; dès que
votre tasse est vide, un serviteur
muet la remplit, et
ce n'est qu'après en avoir
avalé une certaine quantité,
qu'il vous sera permis par
votre hôte d'exposer l'objet
qui vous amène. Les maisons
de thé sont aussi multipliées
que les cafés et les
cabarets en France; l'élégance
de l'ameublement et
du service ainsi que l'élévation
des prix les distinguent
entre elles : le riche marchand
et le désœuvré élégant,
évitant de s'y rencontrer
avec l'ouvrier aux mains
noires et le rude campagnard,
ne se réunissent que
dans les maisons consacrées
par le bon ton. Les maisons
de thé se reconnaissent au
laboratoire qui occupe le
fond des salles et qui est
garni de vastes bouilloires,
de théières massives, de
ours et d'étuves alimentant
d'eau bouillante des chaudrons
monstrueux aussi
hauts qu'un homme. Une
horloge singuhère est placée
au-dessus du laboratoire :
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Carto de visite
elle se compose d'un gros bâton d'encens moulé portant
des marques à égale distance, afin que le progrès de la
combusiion de la mèche donne la mesure des heures.
C'est ainsi que ies Chinois peuvent se servir littéralement
de l'expression : consumer le temps. Le matin et le soir les
salles sont pleines d'habitués qui, moyennant deux sapèques,
prix d'entrée, viennent y parler d'aiïaires, y jouer,
y fumer, y entendre do la musique, et assister aux farces
des saltimbanques et aux tours de force des jongleurs
et des athlètes. Ces deuxsapèques donnent encore droit
à une consommation de dix tasses de thé (tasses minuscules,
il est vrai), que de nombreux garçons portent, en
courant dans toutes les directions, sur des plateaux garnis
de gâteaux et de iruits secs.
" Un jour, nous écrit M. X., officier au 101' de ligne,
5. -a- i^
chinoise.
nous avons voulu diner à la chinoise dans un restaurant
chinois ; le prix con-
^ venu d'avance par l'entremise
de nos coolies était de
deux piastres par tète, ce
qui constitue une somme
considérable, eu égard au
bon marché des denrées alimentaires.
Comme préparaiion
au diner, il nous a
fallu franchir un dédale de
ruelles peuplées de bouges
où cruu])issent, en empoisonnant
l'air de leurs exhalaisons
, des milliers de
mendiants en guenilles.
A
l'entrée du carrefour oii s'élève
le restaurant, il y a des
tas d'immondices composés
de vieilles bottes de légumes,
de charcuterie pourrie,
de chiens et de chats
morts, et dans tous les coins
des ordures aussi dosa -
gréables à l'odorat qu'à la
vue. Il faut avoir l'estomac
solide pour avoir encore
faim après avoir traversé cet
étalage peu appétissant. A
la porte de l'établissement
sont assis des buveurs de
thé et des joueurs qui paraissent
fort peu se soucier
de ce voisinage pestilentiel :
nous avons le courage d'en
faire autant, après avoir admiré
les deux lanternes
monstrueuses qui décorent
l'entrée et l'enseigne qui
porte en grosses lettres :
Aux trois vertus par excellence.
Espérons que la probité
sera une de ces trois
vertus, et que le restaurateur nous en aura donné pour
notre argent.
« Notre entrée dans la salle princij)ale excite une certaine
émotion; quelque habitués que les Chinois soient
à nous voir, notre vue excite encore chez eux une curiosité
mêlée d'eflroi, surtout dans ce quartier oii les Européens
s'aventurent rarement. On nous a préparé deux
tailles carrées entourées de bancs en bois, sur lesquels