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LE TOUR DU MONDE. 79
Cependant, telle est la force de l'habitude, que les jeunes
filles jouent à cloche-pied des journées entières, exécutent
les postures de danse les plus difficiles et renvoient
avec une adresse merveilleuse le volant sur le revers de
leurs petits brodequins, qui leur servent de raquettes.
Avoir les ongles des mains très-longs est encore un
genre de beauté fort estimé. Les dames riches y attachent
une extrême importance, et, dans la crainte de les casser,
elles y adaptent des étuis en argent qu'elles emploient en
même temps comme cure-oreilles.
La coiffure des femmes varie dans chaque ville ;
voici
les plus usitées à Pékin : les jeunes filles laissent tomber
leurs cheveux en touffes sur leur front et de chaque côté
de la figure ;
par derrière ils sont divisés en une multitude
de tresses ornées de rubans et de fleurs artificielles
;
lorsqu'elles sont fiancées, elles relèvent leurs cheveux à
la chinoise, et les retiennent avec l'épingle d'argent en
signe de leur engagement; enfin, le jour de leur mariage,
on leur fait subir l'opération du kai-micn, qui consiste
à leur raser le front j usqu'à une certaine hauteur,
puis à enrouler leurs longues nattes sur un coussinet
en carton doublé en soie noire posé sur la nuque ; ce
coussinet, qui supporte les fleurs artificielles en pierres
précieuses non taillées, en plumes d'oiseaux, ou simplement
en papier et en verre coloré, suivant le rang
et la fortune, est attaché aux cheveux par la grande
épingle en argent d'un pied de long qui traverse tout
le chignon et qui a la même signification en Chine que la
bague d'alliance en Europe.
Outre le fard dont elles se peignent, le noir qui teint
leurs sourcils, leurs cils et le tour de leurs yeux, lesChi-*
noises mettent deux larges mouches de taffetas noir sur
chacune des tempes ; cette mode, qui est également sui-
\ie par quelques hommes, a une raison médicale, les
médecins indigènes considérant que ce taffetas entretient
sur la peau une irritation favorable à la santé.
Leur costume se compose d'une tunique ou robe de
dessous descendant jusqu'à mi-jambe, et d'un caleçon de
soie serré à la taille dont l'extrémité est plissée comme
des manchettes etnouéeavec un ruban. Elles portent des
Pieds mutilés et
brodequins de dames. — Dessin de St.ial.
bas fabriqués d'étoffes différentes cousues ensemble,
piquées et doublées en coton. Une robe longue, fendue
sur le côté, peu ample, formant une sorte de
fourreau qui s'adapte au corps, recouvre entièrement les
vêtements de dessous; les manches sont larges et pendantes,
le collet, qui monte très-haut, est très-étroit et
s'attache par des agrafes ainsi que les revers de la robe
qui se croisent sur la poitrine de manière à en dissimuler
les contours. Userait aussi indécent pour une dame
chinoise de laisser voir ses mains que de montrer ses
pieds ; aussi ses manches lui servent-elles à la fois de
gants et de manchon.
Quelque temps avant le départ de madame de Bourboulon
pour la Sibérie, les chrétiens de la province de
Pe-tclie-li lui firent hommage d'une robe de princesse
impériale : des broderies exquises, représentant le dragon
à cinq grifles, des animaux et des fleurs fabuleuses,
encadrées dans des passementeries en soie blanche sur
fond écarlale et terminées par une étofl'e rayée des couleurs
de l'arc-en-ciel et doublée en brocart d'or, enrichissent
ce beau spécimen de l'industrie chinoise (voy.
p. 80). Les dames de haut parage exécutent elles-mêmes
presque tous les objets nécessaires à leur toilette, surtout
les broderies et les fleurs artificielles. C'est leur principale
occupation au fond du harem où les confine la
jalousie de leurs époux. Elles passent le reste du temps à
se parer, à cultiver les fleurs dans des jarres de porcelaine,
à jouer avec des chiens et des oiseaux privés , et à
se faire représenter les ombres chinoises, distraction qui
passionne ces malheureuses privées de tout commerce
d'esprit.
Ce qui donne un caractère particulier au costume des
habitants du Céleste Empire, ce sont les accessoires de
toilette, c'est-à-dire les éventails, les parasols, les pipes,
les tabatières, les blagues à tabac, les étuis à lunettes, les
bourses. Tout cet attirail de petits objets usuels dont les
Chinois ne se séparent jamais est suspendu à leurs ceintures
par des cordons de soie ; il faut y ajouter les montres
d'or que les mandarins et les riches marchands recherchent
beaucoup et sont fiers de montrer en toute occasion.
L'usage de l'éventail est général dans les deux sexes et
dans toutes les conditions : hommes femmes, enfants.