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70 LE TOUR DU MONDE.
une rare habileté : il ne iaut pas trop s'aCdiger en les
regardant; s'il faut en croire un mandarin de la ))olice,
à l'heure où ils sont enfermés dans leurs bouges, les
aveugles voient, les paralyiii[ues marchent, les manchots
retrouvent leur bras, les bossus perdent leur bosse, les
lépreux reprennent leur teint naturel.
C'est le long des murailles de la ville chinoise que
sont confinés les mendiants : ils habitent là de misérables
huttes en torciiis et des cabanes construites avec
des matériaux de démolition ; leur quartier est séparé
de la ville par des portes où veillent des soldats de police.
Tous ceux ([ui sont trouvés la miit dans Pékin reçoivent
la bastonnade.
Il existe en dehors de la porte de Tchi-houu, dans les
faubourgs de la ville tartare, un établissement philanthropique
encore plus curieux. C'est la maison aux
plumes de poule. Qu'on se figure deux vastes hangars
eu bois, construits avec des poutres non équarries et couverts
de lattes cimentées avec de la houe. Le sol , soigneusement
battu , est couvert d'une couche épaisse de
plumes de volailles achetées par l'entrepreneur dans
tous les marchés et les restaurants de Pékin. Aussitôt
que le couvre-feu a sonné , les bandes de mendianis se
précipitent dans cet asile, où, moyennant un sapèquc
qu'ils payent en entrant, ils reçoivent l'hospitalité pour
la nuit. Tout le monde étant rentré, le gardien abaisse,
au moyen d'une mécanique , une grande pièce de feutre
de la dimension de la salle : cette couverture publique
reste suspendue à quelques pouces au-dessus de la tète
des dormeurs qu'elle défend contre le vent, contre la
fioiduredes hivers rigoureux et contre la pluie, qui passe
facilement à travers le.s trous de la fragile toiture. La
plume et la concenlration de tous ces corps humains
suffisent pour entretenir dans ces établissements une
chaleur suffocante. Le soir, lorsque les soldais de police
amènent dans ce taudis les mendiants retardataires,
il faut avoir vu grouiller, se démener, se tordre cette
cohue forcenée, pour comprendre ce que peut être la
maison aux plumes de poule. Les rayons des lanternes
venant à tomber dans ce trou profond sans horizon, où
s'agitent, comme dans un boyau de mine , des centaines
de créatures, on se croirait à l'entrée d'une bouche de
l'enfer. C'est un entassement de bras, de jambes, de
têtes. On y voit toules les infirmités, tous les âges et tous
les seses, et quand les malheureux que les soldais y
poussent à coups de fouet et de bâton y sont brusquement
jetés, ils sont accueillis dans celle géhenne par
un tonnerre de huées et de blasphèmes! Ou dirait alors
que tout va s'écrouler, et on se précipite vers la porte,
heureux d'échapper ;i des odeurs instipportables, à la
vue et aux clameurs de ce pandemonium humain : on
se demande après si on n'a jias rêvé. (A'oy. ji. 73.)
Les incendies sont excessivement communs dans le
nord de la Chine ;
la mauvaise disposition des cheminées
etdes/can,'/, dont les briques ne sont pas assez épaisses
et communiquent, en rougissant, le feu aux poutres sur
lesquelles elles s'appuient, l'usage si habituel des pétards
et des pièces d'artilice qu'on tire sans précaulion jusque
dans les maisons, enfin et surtout les matériaux inflammablesdes
habitations chinoises, construites entièrement
en bois verni, avec des châssis en papier, expliquent suffisamment
la fréquence des sinistres.
11 ne se passe presque pas de nuit à Pékin qu'on n'entende
le cliquetis précipité des crécelles et les cris des
veilleurs de nuit qui annoncent le feu, tandis qu'au loin
résonnent sourdement les tambours et les gongs du guet.
Les mugissements entrecoupés de ces gigantesques bassins
de cuivre sont d'un effet encore plus sinistre que le
tocsin.
Dès qu'un incendie est signalé, on voit sortir de
chacun des quartiers de la ville les brigades de pompiers
courant au pas gymnastique. Les pompes, aspirantes et
refoulantes, très-lourdes et d'une grande force, sont
placées sur des traverses en bambou que tiennent dix
ou douze porteurs. Les points d'appui et d'équilibre
sont si bien ol)servés dans ces transports à bras ,
que la
rapidité extrême de la marche n'en est pas retardée.
Les porteurs sont précédés et suivis du reste de la
brigade, armée de haches, d'outils de démolition et de
lanternes. Chaque quartier de la ville a sa brigade de
pompiers et sa pompe : ces pompiers
,
qui n'ont pas
d'uniformes, composent une milice spéciale et sont tenus,
sous peine de châtiments sévères ,
d'accourir au premier
signal. Quant aux pompes qui paraissent être une imitation
des nôtres, elles ont la forme de dragons ou de
serpents marins et on leur en donne le nom.
Les soldats de police éloignent les voleurs, trop disposés
à profiter du désordre, font la chaîne, remplissent
d'eau les cuves où s'alimentent les pompes, et montent
la garde autour des objets mobiliers qu'on enlève aux
flammes; les pompiers arrachent les poutres de bambou,
enfoncent les portes, montent sur les toits pour
jeter de l'eau, et font la part du feu avec une libéralili'
qui fait
le désespoir des propriétaires, dont on démolit
les habitations, souvent éloignées de plus de cent mètres
du foyer de l'incendie. En somme, l'organisation générale
est bonne, mais elle manque de direction et d'unité ;
les chefs ne savent ni commander, ni se faire obéir'.
Une chose étonnante, c'est la rapidité avec laquelle
on reconstruit les maisons détruites. Il est vrai que les
matériaux ne sont ni onéreux, ni difficiles à transporter.
Organisation patriarcale de la famille. — Re<ipecl pour les vieillarils.
— Le culte des ancêtres. — La fête des morls. — Rigueur
du deuil impérial. — Passion des Cliinois pour les cercueils. —
C(5rémonic des funérailles. — Les cimetières. — Condition servile
des femmes. — La polygamie. — Les veuves ne doivent
pas se remarier. — Les fiançailles. — Fête du mariage. — Lii
dame, — la jeune fille, — les petits pieds. — Urncments et objets
de toilette,
elc.
Nous avons dit comment les législateurs chinois avaient
appuyé l'autorité de l'empereur sur le respect patriarcal
si puissant en Chine. La vénération pour la vieillesse
est aussi une loi de l'Etat. On rencontre souvent dans
1. Au nioinoiit de meltre sous presse, nous lisons dans les Jhnales
de la l'iopagalion de la foi, que le beau monument de IVtliang,
dont nous avons donné la description, page 41 de ce volume,
a été en grande partie détruit par les llammes, le 9 janvier l8tJ/4.