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furent
dévidoir
60 LE TOUR DU MONDE.
dorades aux ('cailles d'or et d'argent se jouent à la surface
de l'eau et sautent pour attraper les mouches luisantes
qui forment des chœurs aériens ; de temps en
temps des tortues, efTrayées par notre passage, se laissent
tomber dans le lac, semblables à de grosses pierres
qui roulent ; des petits oiseaux gazouillent sur les longues
branches de saules pleureurs et des peupliers argentés.
Le spectacle de ce paysage enchanteur me fit une
vive impression
;
je ne crois pas avoir vu dans aucun autre
pays du monde un parc où la nature, secondée par
l'art, se soit présentée à moi sous des dehors aussi séduisants.
« Une réception amicale m'attendait : on me fit entrer
dans la salle des visiteurs,
et l'on plaça devant moi
tous les rafraîchissements
compatibles avec les règles
du jeûne bouddhique
Je passai le reste du jour à
visiter les jardins et les
nombreux édifices qu'ils
renferment ;
puis, la nuit
venue, on me .servit à souper
dans la chambre vaste
et commode qu'on m'avait
assignée.
«t Le lendemain j'assistai
à un service religieux,
pendant lecpiel je fus frappé
de l'ensemble et de
l'harmonie des chants sacrés.
Parmi les cinquante
bonzes gui faisaient partie
de la communauté, il y
avait des enfants qui n'avaient
pas quinze ans et des
vieillards plus qu'octogénaires
: ces fraîches voix
de soprano mêlées à des
basses caverneuses produisaient
une psalmodie assez
mélodieuse ,
quoique un
peu monotone. J'assistai
aussi dans le temple à une
cérémonie bizaiTe , où de
vieilles dévotes vinrent offrir des bâtons de parfums
|
Bonze se torlurant dans un temple. — Dessin de MeUais
d'après une peinture chinoise.
« Je visitai ensuite des grottes, où vivent cinq ou six fanatiques
devenus complètement étrangers au monde extérieur
et qui, absorbés dans leurs niches par une conversation
intime avec le Bouddha, ne paraissent jamais
que dans les postures de la dévotion la plus outrée. Ce
sont les saints de la communauté, dont la présence lui assure
la vénération des fidèles. Deux d'entre eux s'étaient
infligé volontairement des supplices ridicules : l'un avait
suspendu h sa poitrine et à son bras gauche, au moyen
de deiLx crochets de fer qui paraissaient s'enfoncer dans
ses chairs saignantes, des lampes à trois et à cinq becs,
qu'il faisait briîler pour la rédemption des hommes;
l'autre était debout, les deux bras et les deux jambes
écartés, retenus dans cette
position gênante par de
lourdes chaînes attachées
au plafond. Il devait rester
ainsi trois mois durant.
Je ne fus pas dupe de ces
prétendues mortifications :
le bonze aux lampes avait
collé sur son front un morceau
de peau couleur de
chair, dans lequel était fixé
le crochet, et le sang qui
découlait n'était probablement
que du sang de poulet;
quant à celui qui faisait
rX, je le reconnus dan.s
la foule des bonzes qui me
reconduisirent à mon départ;
ses trois mois de position
forcée n'avaient pas
duré longtemps. Je n'en
parus pas moins admirer
le dévouement dont faisaient
preuve les deux patients
pour racheter nos
péchés, et je déposai, pour
ma part, dans lo bassin des
aumônes une généreuse offrande.
CI Deux choses m'élonnèrent
encore pins que ces
jongleries religieuses : ce
le moulin à prières et le mode de sépulture
et des cierges à l'idole du Bouddha. I-e grand prêtre adopté par les bonzes. Le moulin à prières ou la prière
leur fit l'imposition des mains, pendant qu'elles allu- tournante, comme on l'appelle, ressemble assez à un
maient leurs offrandes et se prosternaient en frappant
j
; on y attache des banderoles d'étoffe ou de
le parvis du front. Ces cierges, que j'oxaniinai après papier, sur lesquelles sont imprimées les prières qu'on
coup, sont faits avec de la bouse de vache mêlée avec veut adresser au ciel; puis le postulant fait tourner
de la cire et des résines odoriférantes; ils se composent
d'une sébile de bois, au fond de laquelle sont attachés
trois bâtons de cire, un perpendiculaire et deux autres
l'ormaul l"e cône; trois plus petits bâtons sont placés horizontalement,
de manière que le cierge se compose de
sept becs de flamme alimentés par des mèciies nitrées:
ou dirait tiii if en miniature..
le moulin de sa main droite, tandis que la gauche est
appuyée sur son cœur. Au bout d'un quart d'heure
de cet exercice, quand il a été fait avec la contrition
et la rapidité suffisantes, on s'est acquis, à ce qu'assurent
les bonzes, les indulgences divines. Il existe
d'autres moulins encore plus ingénieux et plus commodes
pour les paresseux qui peuvent rester couchés et