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LE
TOUR DU MONDE.
et les admettait tous sans distinction de castes aux fonctions
sacerdotales et civiles ainsi qu'aux récompenses de la
vie future. Celte religion de douceur et de fraternité était
trop en opposition avec les tradiiions aristocratiques des
bralimanes pour qu'ils pussent l'accepter sans résistance.
Ils lui opposèrent toutes les armes dont ils pouvaient
disposer, spirituelles , temporelles , même les invasions
barbares, et finirent par en triompher après une lutte de
mille ans. Refoulé au nord et à l'est de l'Himalaya,
le bouddhisme est encore aujourd'hui la religion qui
compte le plus de sectateurs sur la surface du globe.
Il commença à pénétrer en Chine vers le premier siècle
de notre ère, et y fit bientôt de grands progrès parmi
le
peuple dont ses pompes religieuses séduisirent l'imagination.
Les Chinois, par une mutilation du nom de
Bouddha, ont appelé le bouddhisme la religion de Fô.
Mais une nouvelle réforme se produisit, il y a quehjues
siècles, au sein même du bouddhisme, dans la Tartarie
Chinoise. Vers 1400, un prophète appelé Tsong-Kaba
changea l'ancienne liturgie et introduisit dan.s les cérémonies
du culte des innovations qui présentent une analogie
frappante avec certains rites du catholicisme. La
réforme de Tsong-Kaba triompha rapidement dans tous
les pays compris entre les monts Hiraaiayas, les frontières
russes et la Grande Muraille ; la Chine, le Japon
et toute rindo-Chine restèrent attachés au culte primitif.
Les lapas ou prêtres réformés adoptèrent le bonnet et
les vêtements jaunes, les bonzes gardèrent le bonnet
rouge et les habits gris. Les deux sectes, d'abord rivales,
vivent aujourd'hui dans un parfait accord, et se regardent
comme étant de la même famille. Cependant elles
ont des temples ditVérents, et ne confondent pas leurs
rites.
Les Mongols et les Mandchoux, étant tous du cuite
réformé, ont plusieurs temples à Pékin, entre autres le
célèbre couvent des Mille-Lamas, mais on compte dans
cette ville un plus grand nombre d'établissements religieux
appartenant aux bonzes. Nous laisserons raconter
à Mme de Bourboulon la visite qu'elle fit au commencement
de l'anuée 1861 au temple des Mille-Lamas :
I L'entrée de la lamasserie est remarquable par la
profusion de statues qui entourent le péristyle du temple
principal : on y voit des lions, des tigres et des éléphants
accroupis sur des blocs de granit. Les grandes
rampes qui bordent les escaliers sont également ornées
de mille figures bizarres représentant des dragons, des
cliimères, des licornes et autres animaux fabuleux. Dès
qu'on a monté les degrés qui mènent à la porte d'honneur,
on arrive sur un vaste perron, et on a devant soi
une des façades du temple bâtie tout entière en bois
verni et sculpté. D'énormes charpentes soutiennent le
bâtiment dont l'intérieur est éclairé par des châssis de
papier. Chaque poutre, chaque panneau, chaque morceau
de bois a été ciselé, taillé, fouillé à jour. C'est un
entrelacement inouï de feuilles, de fruits, de fleurs, de
branches mortes, de papillons, d'oiseaux, de serpents!
Au milieu de celte végétation luxuriante en bois sculpté
et pour former repoussoir, un monstre à tête humaine
apparaît parfois ouvrant une large bouche et laissan
voir avec une affreuse grimace ses longues dents
pointues.
eûmes « Lorsque nous pénétré dans l'intérieur du
sanctuaire, nos yeux furent quelque temps à s'habituer
à l'obscurité mystérieuse qui nous enveloppait. Les
châssis de papier éclairent encore moins que les fenêtres
à vitraux coloriés de nos églises. La cérémonie religieuse
avait commencé, et le coup d'oeil était vraiment imposant.
.-\u fond, en face de nous, sur une espèce d'autel
qui a la forme d'un cône renversé est assise la trinité
bouddhique, environnée d'une foule de demi-dieux et
de génies, ses satellites ordinaires. La statue du Bouddha,
en bois doré, est gigantesque : elle a, dit-on,
soixante-dix pieds de haut. La figure du dieu est belle et
régulière, et, à part la longueur démesurée des oreilles,
rappelle bien le tyjie caucasique. Les lamas mongols, à
qui appartient ce temple, ont mieux conservé les traditions
religieuses que leurs rivaux les bonzes, et savent
bien que le prophète Bouddha venait des pays d'Occident.
« Devant les statues des dieux, est une table sur laquelle
sont des vases, des chandeliers, et des brûle-parfums
en bronze doré. L'intérieur du temple est orné de
sculptures et de tableaux ayant rapport à la vie du
Bouddha et aux transmigrations de ses plus fameux disciples.
Dans les chapelles latérales, formées par des pilastres
carrés sans corniches ni moulures, sont les images
des dieux inférieurs : des gradins, ornés de vases de
cuixTe en forme de coupe pour les offrandes, et decassolettes
où brûlent sans cesse des parfums, et conduisent
jusqu'aux pieds des idoles. De riches étoffes en soie chargées
de broderies d'or forment sur la tête de tous les
dieux comme de grands pavillons d'où pendent des banderoles
couvertes d'inscriptions et des lanternes en papier
peint ou en corne fondue.
1 Sur un siège doré, en face de l'autel, est assis le
grand lama, chef de la communauté; son costume touche
de très-près à celui des évoques catholiques : il
porte dans la main droite un long bâton en forme de
crosse, sur sa tète est une espèce de mitre jaune, et ses
épaules sont couvertes d'une chape violette retenue sur
la poitrine par une agrafe. Les simples lamas sont accroupis
symétriquement dix par dix sur des nattes qui
recouvrent de larges planches presque au niveau du sol ;
entre chaque rang de ces divans est ménagé un espace
vide pour qu'on puisse circuler librement. Les prêtres
sont tous coiffés d'un chapeau en peluche jaune orné
d'une chenille de la même couleur, chapeau qui ressemble
beaucoup à un casque de carabinier. Ils ont tous la
longue robe jaune, la ceinture de soie rouge, et les pieds
nus, car, en signe d'humilité, ils ont laissé leurs bottes
de velours écarlate sous le vestibule. Chacun d'eux est
tourné vers le chœur, assis les jambes croisées au rang
que lui assigne sa dignité.
Mais voici que résonne le gong, qui appelle au recueillement
et il la prière ! Le grand lama s'agenouille
sur le coussin de crin qui lui a été préparé devant son