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verneurs de provinces, d'où elle arrive de degré en
degré jusqu'aux cliefs de famille dont l'ensemble forme
la nation. On n'aborde le fils du ciel qu'avec une extrême
servilité dans les ormes extérieures, mais sa
puissance est très-contenue, dans une certaine limite,
par les règles et les lisages. Quand on approche de
son trône, on frappe neuf fois la terre du front; mais il
ne peut choisir un sous-préfet que sur une liste de candidats
dressée par les lettrés, et s'il négligeait, le jour
d'une éclipse, de jeûner et de reconnaître les fautes du
ministère, cent mille pamphlets autorisés viendraient
lui enseigner ses devoirs et le rappeler à l'observation
des antiques usages.
Deux institutions, le coqis des lettrés et l'office des
censeurs, font ou devraient faire contrepoids
au despotisme impérial.
Le corps des lettrés forme une véritable
aristocratie qui n'est pas le résultat
des hasards de la naissance, mais
qui se renouvelle perpétuellement par les
examens et les concours. Cette institution,
qui est la noblesse du talent, a contribué
puissamment à la longue durée
de l'empire, et a seule la puissance de
le maintenir encore sur ses bases ébranlées.
Les titres héréditaires n'y sont pas
reconnus, sauf pour les descendants du
célèbre Gonfucius, mais on y donne des
titres rétrogrades qui ennoblissent les
ancêtres de l'homme illustre que l'on
veut récompenser, marque d'honneur à
laquelle les Chinois attachent un grand
prix. Tous les magistrats, officiers civils
et employés, qui font partie exclusivement
de la classe des lettrés, sont
désignés par la qualification générique
de Kouancj-Tou, qu'on a traduit mal à
propos par le mot mandarin. On n'arrive
aux emplois supérieurs de l'administration
qu'en se faisant recevoir
aux premiers grades des lettrés. Les
LE TOUR DU MONDE.
i
uns sont la conséquence absolue des plan UU CLMETIERE Kn.lNÇAIS, A PEKIN
D'après M. le capitaine Bouvier.
autres. Les mandarins sont divisés en
neuf ordres qu'on distingue les uns des autres par des
boutons de la grosseur d'un œuf de pigeon qui se vissent
au - dessus du chapeau officiel. Les trois premiers
ordres ont le bouton rouge, le plus élevé est
en corail uni , le second est vermillon ciselé , le troisième
couleur ponceau ; le quatrième et le cinquième
ont le bouton bleu opaque (en lapis-lazuli) et bleu
transparent (en verre bleuj, le sixième est blanc opaque
(en jade blanc), le septième en cristal de roche, le huilièmc
et le neuvième en cuivre doré et ouvragé. Telle
est l'organisation de ce remarquable corps des lettrés,
qui, sans la fraude dans les examens et sans la corruption
dans la pratique, formerait la plus rationnelle
des institutions gouverncmenlales qu'on puisse citer chez
aucun peuple du monde.
L'office des censeurs, analogue à ce qu'on voyait chez
les Romains, se compose de magistrats qui, sans aucune
autorité directe jouissent du droit de remontrances
,
dans toute son étendue. Les censeurs exercent leur inspection
sur les mœurs et la conduite des mandarins,
des ministres, des princes et de l'empereur même. On
a trouvé au Palais d'été quelques-unes de ces remontrances
à propos d'abus de pouvoir qui montrent jusqu'à
quel point les empereurs sont ou consentent à paraître
justiciables de leur contrôle.
Le gouvernement suprême se compose, outre l'office
des censeurs :
1° Du conseil privé (Nei-Ko), dont sont membres huit
Tchoung-tang ou grands lettrés, quatre Mandchous et
quatre Chinois. Le conseil privé est
chargé , suivant le livre officiel des statuts,
de mettre en ordre et de manifester
la pensée de l'empereur dans les
formes administratives ; c'est une sorte
de conseil d'État.
2° Du conseil des ministres, composé
des huit membres du Nei-Ko et des présidents
et vice-présidents des six cours
souveraines ou ministères. Le conseil
des ministres délibère avec l'empereur
sur toutes les affaires politiques.
3° De la eour de cassation où entrent
tous les membres des ministères et les
censeurs ; elle statue sur les appels en
matière criminelle et sur les sentences
de mort ; ses décisions doivent être rendues
à l'unanimité ;
dans le cas contraire,
c'est l'empereur qui juge en dernier ressort.
ÎjCS six cours souveraines ou ministères
sont : le Li-pou ou cour des emplois
civils, qui correspond à notre ministère
de l'intérieur ;
le Ilou-pou ou cour des
revenus publics (ministère des finances);
le Ly-pou ou cour des rites ,
qui est h
la fois le ministère des aflaires étrangères
et celui des beaux-arts'; le Ping-pou ou
ministère de la guerre et de la marine,
le Hing-pou, cour des châlimenls (ministère de la justice),
et enfin le Kining-poa ou le ministère des travaux
publics.
L'administration supérieure comprend en outre: l'office
des colonies, chargé de la surveillance des Mongols,
des Tliibétains et des tribus mahométanes de la
frontière occidentale, l'académie des Han-lin (han-lin
youen, la forêt de pinceaux), qui partage avec la cour des
rites la direction de l'instruction publique , et enfin le
conseil dadrainistralion du palais, chargé de toutes les
affaires de la maison de l'empereur.
Tels sont les principaux ressorts du gouvernement
chinois ; ressorts usés par trois mille ans de frottements.
1. Ce minisltre a été scindé en deux depuis 1862. 11 y a maintenant
à l'ékiu un véritable ministère des afTaires étrangères.