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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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LE TOUR DU MONDE 51

veilleurs de nuit, car il y en a dans toutes les grandes

maisons de Pékin. Ils ont soin d'accourir dès qu'ils sont

bien sûrs qu'il y a quelqu'un, et alors ils font assaut

de zèle.

« Je riais en moi-même de voir la manière fanfaronne

avec laquelle l'un d'eux agitait ses bras d'un air

terrible, en indiquant les coins obscurs du jardin à

l'autre qui les fouillait tour à tour avec son trident de

fer, comme s'il eût voulu transpercer tous les voleurs.

S'ils en avaient aperçu un, comme ils auraient pris

la fuite !

a Dieu merci, nos veilleurs de la légation, quoiqu'ils

portent à leur ceinture le tam-tam et la crécelle, insignes

de leurs fonctions, n'en font pas usage à leur grand

regret comme leurs confrères de la rue. Ce vacarme

nocturne leur a été expressément défendu, i

La province de Petche-li, dans laquelle se trouve Pékin

et qui est la plus septentrionale delà Chine proprement

dite, se divise en neuf départements dont chacun

a sa ville capitale. Nous avons eu occasion de parcourii

celui dont Tkn-tsin est le chef-lieu ; le département de

Pékin est moins fertile encore; bordé au nord-ouest par

une chaîne de petites montagnes qui le séparent de

Suan-hoa-fou , il ne se compose guère que de grandes

plaines sablonneuses arrosées par les rivières Pei-ho et

li f !(-/io,

dont les vallées seules possèdent une richesse

naturelle. Mais, si la nature a refusé ses dons aux environs

de Pékin, l'industrie humaine en a changé complètement

l'aspect, à force de travail. Les irrigations, les

transports de terre végétale, l'abondance des engrais ont

formé un sol artificiel ; aux environs du village de

Haiien, les empereurs, en bouleversant le terrain à force

de bras, ont placé un paysage pittoresque au milieu

d'une plaine nue et aride : des collines rocailleuses,

de plantureux vallons, des forêts d'arbres magnifiques,

des lacs, des cascades, toutes les créations de l'art secondé

par le temps y ont avantageusement remplacé

la nature.

Ces immenses travaux de terrassements s'étendent à

plus de quarante kilomètres au nord-ouest de Pékin. Au

nord de la capitale, se trouvent des champs de blé, de

sorgho et d'orge; au sud, d'immenses marais et des rivières

alimentées par les eaux du Wcu-ho ; et enfin,

c'est à l'est que vient aboutir la chaussée de Pa-li-kiao,

sur laquelle est assise la ville de Tong-cheou, que nous

avons décrite précédemment.

Quand on débouche de la capitale par la porte de Piiitse,

on se trouve sur la grande roule du nord-ouest qui

conduit aux ruines du Palais d'été. Au pied des murailles,

une enceinte plantée de grands arbres renferme

l'ancien cimetière portugais , où ont été déposés les

corps des victimes de l'attentat de Tong-cheou et du

général Colliueau.

A quelques kilomètresplus loin, on rencontre le cime,

tière français, qui contient le monument consacré à lamémoire

des officiers et soldats morts pendant la campagne

de Chine. Rien de plus triste que l'aspect de cette nécropole

! On y arrive par une porte dégradée, entourée

de murs qui tombent en ruine ; un frère catholique,

qui est à la fois gardien du cimetière et maître d'école,

y habite une mauvaise masure entourée d'une haie de

sorghos; derrière s'étend un jardin maraîcher, où de

maigres légumes croissent dii'ficilement au milieu des

gravats et des vieilles pierres moussues qui encombrent

le sol.

Après le potager, viennent les tombes. Elles sont alignées

à une distance égale et toutes construites sur le

même modèle adopté jadis par les missionnaires : ce

sont des carrés égaux coiffés d'une demi-sphère avec un

rebord ; on dirait de vastes chapeaux ronds. Ces pierres

blanches sont lugubres à voir dans la monotonie de leur

forme et dans la régularité de leur position. Devant chaque

tombe, un monolithe dressé sur un socle contient

les inscriptions funéraires. Au loin, par les brèches de

la muraille, on aperçoit au-dessus de la plaine les pics

bleuâtres des montagnes. Le sol du cimetière est recouvert

d'une mousse noire toute desséchée par le soleil;

on n'y voit d'autres arbres que d'humbles mélèzes

nouvellement plantés dans les intervalles des tombes, et

qui végètent à peine dans ce terrain ingrat.

Le monument expiatoire élevé à l'armée française par

les soins du capitaine Bouvier se trouve près de l'entrée :

il est carré, plus haut que large, et très-simplement orné;

une grille en fer en entoure la base et en défend l'approche;

devant est l'aigle impérial, derrière deux épées

en croix avec la Légion d'honneur en sautoir. L'un des

côtés porte cette inscription : a A la mémoire des officiers

et soldats morts pendant la campagne de Chine.

— 1860. » Sur l'autre, on lit les noms des victimes de

l'attentat de Tong-cheou et des officiers tués en combattant.

A quelques pas plus loin, une large pierre tumulaire

est posée à plat sur le sol : c'est là qu'a été transporté

le

corps du lieutenant de Damas, tombé au combat de

Tehang-Kia-ouang.

Il y a une mélancolie saisissante dans cet humble cimetière,

où reposent, à quatre mille lieues de la patrie,

quelques-uns des glorieux enfants de la France. Aucun

bruit n'y rappelle le pays natal, et le nasillement des

écoliers chinois, c[ui répètent leurs leçons, vient seul

en interrompre le morne silence.

Le cimetière français est situé à l'ouest-nord-ouest,

à huit kilomètres de Pékin, dans un vallon aride; plus

loin, en avançant vers le village de Hai-tien, on aperçoit

vers la droite le célèbre temple de la Cloche.

L'architecture religieuse des Chinois ne ressemble en

rien à la nôtre. Nous, cherchant à mettre en harmonie

le mystère imposant dont s'entourent nos cérémonies

sacrées avec l'ensemble d'édifices voués au recueillement

et à la prière, nous personnifions la majesté

de Dieu par des églises grandioses, fermées de toute

part, d'un style grave, un peu sombre et mélancolique.

La dévotion des bouddhistes est moins exigeante, et

s'accommode de constructions analogues à celles des

particuliers. Aussi les Chinois choisissent-ils, pour

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