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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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50 LE TOUR DU MONDE.

d'un épais tapis les dalles des escaliers et des avenues;

ces braves gens font dans foutes ces vieilles pierres une

abondante récolte d'excellents champignons qu'ils vont

vendre en ville. C'est, avec le logement et le chauffage,

le

plus clair de leurs appointemenls.

« L'enceinte du temple de l'Agriculture contient en

outre de vastes dépendances : on y voit la plaine, où

chaque année l'empereur et les princes t'e sa famille

viennent, à l'époque des premiers labours du printemps,

préparer de leurs mains augustes une étendue de terrain

déterminée jjar les rites religieux ' ; enfin une des

avenues conduit à des bâtiments abandonnés, entourant

une vaste cour au milieu de laquelle se trouve une tourelle

de dix mètres d'élévation. Jadis les empereurs,

montant sur la terrasse de cet édifice, y sacrifiaient des

brebis au maître du ciel, et les précipitaient la gorge

ouverte sur le parvis de la cour où les devins consultaient

leurs entrailles fumantes. Il y a bien longtemps,

(lit-on, que ces hécatombes sanglantes ont été abandonnées

, cependant on y voit encore les carcasses et

les cendres des victimes.

« Le jour louchait à sa fin, et de nombreuses bandes

de corbeaux, dont les aïeux se nourrissaient sans doute

des restes du sacrifice, et qui ont gardé l'habitude de

nicher dans cette nécropole, arrivaient en croassant se

])ercber sur les corniches : la lune, qui se levait à l'horizon,

blanchissait d'une lueur fantastique les portiques

(le marbre blanc, auxquels les rangs pressés de ces

oiseaux de mort faisaient une couronne funèbre plus

noire que la nuit!

« 11 était temps de rentrer 1 Je savais, par expérience,

qu'il n'est pas commode de circuler dans Pékin

après le coucher du soleil, et je pressai l'allure de mon

cheval, devant lequel courait mon domestique chinois

une lanterne à la main.

« A sept heures du soir, on ferme les portes de la

ville, le gong sonne le couvre-feu, et la garde va occuper

les postes désignés pour la nuit.

" L'avenue du centre présentait un spectacle tout

différent de celui auquel j'avais assisté quelques heures

auparavant : on n'y rencontrait plus que quelques passants

attardés et silencieux, pressant le pas pour regagner

leur logis, et des chiens errants cherchant une

maigre nourriture dans les tas d'immondices.

La police interdit les assemblées nocturnes, qui ne

sont pas du reste dans les mœurs de la population;

deux heures après la tombée de la nuit, tous les habitants

sont couchés, et on ne connaît ni les bals, ni les

concerts, ni les soupers. Les tribunaux, le commerce,

les

opérations financières, les affaires sérieuses s'e.'çpédient

dès le point du jour. A midi tout est terminé.

Le reste de la journée jusqu'à la nuit est consacré au

plaisir. Aux heures où l'on remarque le plus de mouvement

dans les grandes villes d'Europe, celles de

Chine jouissent du calme le plus profond; chacun est

1. J'aurai occa.sion flans un nuire chapitre do donner plus de

détails sur celle cérémonie célchre.

rentré dans sa famille, les boutiques sont fermées, les

lecteurs publics ont terminé leurs séances, les théâtres

ont fini leurs représentations.

» Toutes les ruelles qui viennent déboucher dans

l'avenue du centre étaient déjà fermées par des portes

à claire-voie, que gardait le li-pao chargé de la police

du quartier. Quand on veut rentrer ou sortir, il faut

parlementer avec lui et lui expliquer pourquoi on se

trouve dehors à cette heure indue : quelques sapèques

de gratification sont en général la meilleure explication.

« Il y a un de ces gardes de police attaché à la surveillance

nocturne de chacune des rues de la ville et il est

responsable de ce qui s'y passe ; aussi n'entend - on

presque jamais parler à Pékin de vols avec effraction

et encore moins d'attaques à main armée : il y existe

pourtant un grand nombre de coupeurs de bourse et de

filous d'une adresse étonnante.

' A chaque pas je rencontrais des gardiens de nuit :

ils se promènent en frappant sur un cylindre de bois

(jui produit un son analogue à celui d'une crécelle ; dès

qu'ils entendent du bruit, ou qu'ils voient quelque

chose de suspect, ils ont bien soin de frapper h coups

redoublés sur leur instrument, ce qui veut dire aux

voleurs et aux malintentionnés : Je suis là ! Sauvezvous

I Vous reviendrez un peu plus tard. D'ailleurs,

pour qu'on les voie de plus loin, ils portent une lanterne

allumée à la ceinture.

« Pékin n'est pas éclairé, il est vrai, mais les Chinois

ont une passion inexplicable pour les lanternes;

on ne saurait s'en passer même par

le plus beau clair

de lune. Les porteurs de chaise, les mendiants, les gardiens

de police en sont munis ; les enfants même en 6nt

qui sont proportionnées à leur taille.

« J'ai rencontré, en rentrant dans la ville mongole,

une patrouille de nuit chargée de faire la ronde. L'officier

commandant (jui la précédait à cheval faisait porter

devant lui une énorme lanterne où étaient inscrits son

nom et ses titres; cha([ue homme de la patrouille en

avait une plus jjetite ayant forme de poissons, d'oiseaux,

de chevaux. Toutes ces lumières, s'agitant dans l'obscurité,

et éclairant seulement les jambes des soldats de

police, dont le haut du corps et la tête restaient dans

l'ombre, produisaient l'effet le plus singulier.

« Malheureusement ce spectacle pittoresque fut interrompu

par un vacarme épouvantable, qui me fit

prendre le galop aussitôt : les gardiens de chaque rue

transversale, afin de reconnaître la patrouille et de

prouver qu'ils veillaient, signalaient son passage en

frappant îi tour de bras sur leurs cylindres, et en réponse

les soldats de la patrouille agitaient tous ensemble une

cliquette attachée à leurs bras.

« Ces bruits sont extrêmement incommodes, tant que

l'oreille n'y est pas habituée, et je leur al dû bien des

nuits d'insomnie dans les premiers temps de mon séjour

à Tien-lsin.

c En rentrant à la légation et dès qu'ils ont vu Je la

lumière dans ma chainbi'e, j'ai aptiçu nos deux braves

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