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LE TOUR DU MONDE 1864 viaje a españa

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(1 A

42 LE TOUR DU MONDE.

cavaliers européens el deux Tin{/-tchai\ ce (fui prouve

le degré de sécurité dont on jouit maintenant à

Pékin.

« Qui eût pu prévoir cela , il y a deux ans, alors que

l'entrée de cette ville mystérieuse était interdite sous

peine de mort aux Européens !

i La curiosité de la population commence à s'émousser;

on nous regarde, on se retourne pour nous voir

plus longtemps, mais nous ne sommes plus suivis par

une masse de peuple, ce (jui est un progrès véritable, et

rend ces longues promenades plus faciles et plus

agréables.

« Nous sommes sortis de la Ville Mongole par la

porte de Tien, et suivant la large chaussée qui sépare

les deux villes, cous avons fait notre entrée dans la Ville

Chinoise par la porte de Tchoaen-Tche.

I Nous avons débouché alors sur l'avenue de l'Est qui

est d'une assez belle largeur et régulièrement bâtie : de

nombreuses boutiques de marchands de soieries, de porcelaines

et de laques s'étalent des deux côtés de la rue ;

chaipje marchand a devant sa porte une planche haute de

dix à douze pieds soigneusement vernie et dorée, sur laquelle

sont indicpiées en gros caractères les marchandises

qu'il débite : cette suite de pilastres, placés de

part et d'autre le long des maisons et à égale distance,

jiroduit la perspective la plus agréable, et donne à ces

longues rues l'apparence d'une décoration théâtrale.

L'usage de cette sorte d'écriteaux est commun à tous les

marchands des grandes villes de la Chine.

a En avançant dans l'avenue de l'Est, nous avons dû

diriger rapidement nos montures sur le côté de la

chaussée, pour éviter une formidable maciiine qui marchait

sur nous, ébranlant sur son passage les maisons et

le sol même qui tremblaient tout îi l'enloui'.

Qu'on se figure deux cents chevaux au moins attelés

en éventail avec un câble presque aussi gros que le corps

d'un enfant à un chariot sur lefjuel est placé un gigantesque

monolithe! Pour combiner la simultanéité d'efforts

qui leur permet de transporter des poids énormes,

les Chinois sont d'une habileté merveilleuse; j'ai vu des

portefaix transporter à dos des pièces de fonte ou des

canons dont la pesanteur aurait fait reculer les Euro-

])écus les plus vigoureux. Ce n'est pas par la force

seulement, c'est jiar l'adresse qu'ils réussissent.

1 Rien n'était plus étonnant ijue la manière dont les

charretiers s'y prenaient pour pousser lem's chevaux;

les coups de fouet et les excitations verbales se succédaient

avec un ensemble merveilleux, et le chef du travail,

l'ingénieur sans doute, précédant la lourde machine,

devant larjuelle il marchait à reculons, faisait avec

ses bras un télégraphe animé, comme un capitaine de

navire sur son bord, lorsqu'il commande une manœuvre

difficile.

<r Nous sommes arrivés au bout de la chaussée à un

vaste carrefour formé ])ar l'avenue de l'Est ([ui s'y termine

et la grande rue qui traverse la Ville Chinoise de

I. Messagers chinois ou cavas altacliiis au service des ligalions

européennes.

l'orient à l'occident, en reliant ensemble, par une voie

directe, les portes de Conan-Tsu et de CIta-Coua.

« Ce carrefour populeux emprunte un caractère tout

particulier à la grande quantité de revendeurs de la campagne

qui viennent y étaler des viandes, du gibier et

surtout des légumes; j'y remarquai des las énormes

d'oignons et de choux qui s'élevaient jusqu'à la hauteur

des portes des maisons. Les paysans et paysannes, assis

par terre sur une natte de jonc ou sur un escabeau en

bois, fument tranquillement leurs pipes, tandis que les

vieilles mules rétives, les ânes tout pelés, qui ont servi

au transport des marchandises, errent sur le marché

au milieu de la foule, allongeant leur long cou pour

saisir au passage quelque légume ou quelque herbe

moins surveillés.

chaque pas des citadins à la démarche nonchalante

et prétentieuse, armés d'un éventail , au moyen

duquel ils protègent leur teint blême et farineux contre

les ardeurs du soleil, se rencontrent avec de robustes

campagnards au teint cui\Té , chaussés de sandales et

coiifés de larges chapeaux de paille.

" Un pavillon, placé au milieu du carrefour et garni

d'une devanture en papier huilé, contient un poste de

soldats de police chargés de maintenir l'ordre dans le

marché.

<i Nous ne savions comment guider nos chevaux au

milieu de cette cohue que les cris énergiques et les imprécations

sonores de nos Ting-tchal finirent cependant

par faire ranger , et nous gagnâmes les abords du pavillon

de police , espérant y être plus tranquilles et

voulant tenir conseil sur la direction qu'il nous fallait

suivre.

Nous que

« y étions à peine depuis quelques instants

mon cheval se mit à broncher et à renâcler énergiquement

: j'avais toutes les peines du monde h. le maintenir,

lui ordinairement si doux et si obéissant. Certainement

quelque chose l'épouvantait. Je levai machinalement la

tête, et je pensai me trouver mal devant le spectacle

horrible qui vint frapper mes yeux 1

« Derrière et tout près de nous était une rangée de

mâts, auxquels étaient fixées des traverses en bois; aux

traverses étiiient suspendues des cages en bambou, et

dans cha([ue cage il y avait des têtes de mort qui me

regardaient avec des yeux mornes tout grands ouverts;

leurs bouches se disloquaient avec d'aflVcuses grimaces,

leurs dents étaient convulsivement serrées par l'agonie

du dernier moment, et le sang découlait goutte à goutte

le long des mâts de leurs cous fraîchement coupés I

ce En un instant nous nous lançâmes tous au galop

pour nous dérober h. la vue de ce hideux charnier, auquel

je penserai longtemps encore dans mes nuits d'insomnie!

(Voy. le Tour du Monde, t. IX, p. 125.)

« Il parait (jue j'ai été heureuse de ne voir que ce que

j'ai vu! J'étais exposée, grâce à notre ignorance des lieux,

à assister â quelque cho.se de plus hideux encore !

« Les malheureux dont les têtes étaientainsi exposées

à la vindicte publique, et il y en avait plus do ciu-

(juante, appartenaient à une bando de voleurs des en-

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