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38 LE TOUR DU MONDE.
consigne, il recevrait une cravate de soie pour avoir laissé
pénétrer un Européen dans le sanctuaire impérial.
Le capitaine ne voulut pas se charger la conscience de
la mort d'un homme , et retourna dans la \'illc Jaune.
Il n'en était pas de même au dix-huitième siècle, alors
que les missionnaires avaient obtenu toute la confiance
de l'empereur Khang-hi; plusieurs d'entre eux furent
admis dans la Ville Impériale et en ont laissé des relations
fidèles.
Voici ce qu'en dit le P. Grosier : i Le palais de l'empereur
comprend neuf vastes cours qui se succèdent les
unes aux autres et qui se communiquent par des portes
de marbre blanc, surmontées de jiavillons sur lesquels
éclatent l'or et le vernis. Des bâtiments ou des galeries
forment l'enceinte de ces cours qui sont accompagnées
latéralement d'un grand nombre d'autres destinées aux
offices et aux écuries. La première, qui est celle d'entrée,
est très-spacieuse ; on y descend par un escalier de
marbre, orné de deux grands lions en airain et d'une balustrade
de marbre blanc qui forme le fera cheval; elle
est arrosée d'un ruisseau qui la traverse en serpentant,
et que l'on passe sur des ponts de marbre. Au fond de
cette cour s'élève une façade percée de trois portes: celle
du miheu est réservée à l'empereur; les grands passent
par les portes latérales. Les portes introduisent dans une
seconde cour qui est la plus vaste du palais ; une immense
galerie l'environne de toutes parts, et sur cette
galerie sont placés les magasins de choses précieuses qui
appartiennent en propre à l'empereur. Le premier de
ces magasins est rempli de vases et d'autres ouvrages de
différents métaux; le second renferme les plus belles
espèces de pelleteries et de fourrures ; le troisième des
habits fourrés de petit-gris, des peaux de renard, d'hermine
et de zibeline que l'empereur donne quelquefois
en présent à ses officiers; le quatrième est un dépôt de
diamants, de pierres précieuses, de marbres rares et de
perles fines pùchées sur lacûtedeTarlarie; le cinquième,
qui est à deux étages, est plein d'armoires et de coffres qui
contiennent les étoffes de soie à l'usage de l'empereur
et de sa famille; d'autres maga.sins renferment les armes,
arcs, piques, sabres, gingoUs, arquelmses enlevés à
l'ennemi ou offerts par les princes tributaires.
« C'est dans cette seconde cour que se trouve la salle
Union. Elle est bâtie au bout de cincf ten-asses placées
Impériale, appelée Tva-ho-tieii , ou salle de la Grande-
les unes sur les autres, et qui se rétrécissent graduellement
en .s'élevant. Chacune de ces ferrasses est revêtue
de marbre blanc et ornée de balustrades artistement
travaillées. C'est devant cette salle que se rangent tous
les mandarins, lorsqu'aux jours marqués ils viennent
renouveler leurs hommages et faire les cérémonies déterminées
par les lois de l'empire.
« Cette salle , rpii est presque carrée, a environ cent
trente pieds de longueur; son lambris est sculpté, vernissé
en vert et chargé de dragons dorés; les colonnes
qui en soutiennent le faite ont six à sept pieds de circonférence
à leur base , et sont enduites d'une espèce de
mastic revêtu d'un vernis rouge écarlale ; le pavé est
couvert d'un tapis ; les murailles sont sans aucun ornement
, sans lustres, sans peintures et sans tapisseries.
« Le trésor, qui est au milieu de la salle, consiste en
un vaste (offre formant une estrade assez élevée, sans
autre inscription que le caractère chin, qu'on peut interpréter
par le mot sacre.
« Sur la plate-forme qui porte cette salle, on voit de
grands vases de bronze dans lesquels on brûle des parfums
lesjours de cérémonie. On y voit aussi des candélabres
façonnés en oiseaux et peints de diverses couleurs,
ainsi que les bougies et les torches qu'on y allume.
« Cette plate-forme se prolonge vers le nord et porte
deux autres salhs : l'une est une rotonde percée de beaucoup
de fenêtres, et toute brillante de vernis; c'est là
que l'empereur change d'habits avant ou après la cérémonie
; l'autre est un salon dont une des portes est tournée
vers le nord, et c'est par où l'empereur, sortant de
son appartement , doit passer lorsqu'il vient recevoir sur
son trône les hommages des grands de l'empire ; alors il
est porté en chaise par ç[gs officiers habillés d'une longue
veste rouge brodée en soie et couverts d'un bonnet siirmonté
d'une aigrette. »
J'ajouterai à ces détails qu'il y a aussi dans l'intérieur
des casernes et des écuries pouvant contenir quinze
miUe hommes de troupe et cinq mille chevaux, et qu'enfin
la Ville Rouge constitue à elle seule une forteresse
défendue par l'enceinte fortifiée de la \U\e Jaune, qui
est contenue elle-même dans les remparts de la Ville
Mongole. Ainsi il faudrait trois sièges successifs pour
s'emparer du palais Impérial.
En contournant l'enceinte extérieure, nous arrivons à
la porte du Sud de la Ville Jaune i,Tal-Sing-Mcn).
Les deux gi-ands parcs qui bordent chaque côté de cette
large avenue renferment d'anciennes bonzeries abandonnées
depuis l'avènement des empereurs mandchoux.
Dès qu'on a franchi la porte de Tul-Sing, on arrive
sur une grande place où sont de vastes caves contenant
des dépôts de charbon de bois et de combustible.
]\Iais le jour baisse, Pékin n'est pas éclairé la nuit, et
nous n'avons pas de lanternes. Nous retournerons donc
à gauche, si vous le voulez bien, dans la rue de Toimtiau-mi-tiau
(pie voici devantnous, et qui nous ramènera
à la Légation française.
SUITE DE LA VILLE TARTARE. — LA VILLE CHINOISE.
La bon/.erie de ta Vilfe Jaune. — La pagode impériale. — L'écurie
des éléphants. — Établissenïenls des missions catholiques , anglicanes
et grecques. — La cathédrale. — Attelage de cleux cents
chevaux. — Le carrefour des exécutions. — Horrilile spectJicle.
La rue des libraires. — La musique d'un enterrement. — Passage
du bric-i-brac. — La grande Avenue du Centre. — Ouvriers
ambulants. — Orateurs prpulaires. — Diseur de bonne aventure.
— Temple du Ciel.
J'ai fait faire au lecteur dans le chapitre précédent
une longue promenade dans la Ville Tartare. Je n'ai pu
pourtant lui faire visiter la partie occidentale de cette
grande cité, où se trouvent quelques monuments dignes
d'intérêt, et dont je vais donner une descrijilion succincte.