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LE TOUR DU MONDE.
de taffetas rouge ou vert, mais ces affreux véhicules ne
sont pas suspendus, et c'est s'exposer à un supplice horrible
que d'y accomplir une course à travers la ville.
Les avenues, jadis pavées de belles pierres de grès de
quatre mètres carrés , sur une épaisseur de quarante
centimètres, n'ont subi aucune réparation depuis deux
cents ans ; la moitié de ces dalles, usées ou détruites par
le temps, a été remplacée par de grands trous; pour
faire rouler une voiture sur ces avenues qui ressemblent
à un chantier de pierres dégradées et posées à plat, il
faut être Chinois. Quand on n'y verse pas, on y ressent
des cahots affreux ;
cependant les gens de Pékin s'en
accommodent; ils sont là paisiblement assis, et fument
leur pipe. Le cocher, qui n'a d'autre siège que le brancard,
s'y maintient par je ne sais quel prodige d'équilibre
! Le prix est de convention avec le cocher, mais je
pense que ma description ne vous donnera pas envie de
tenter une promenade avec lui !
La longue perspective que présente l'avenue de l'Est,
régulièrement percée et bâtie , est interrompue à moitié
chemin par quatre arcs de triomphe, sous lesquels
nous allons passer. En pierre et en bois, chargés de
sculptures représentant des animaux fabuleux, des fleurs
et des oiseaux, ils se composent de deux grands piliers
surmontés d'un entablement avec toiture chinoise. Ce
sont plutôt des portes que des arcs de triomphe.
Il y en a quatre pareils dans l'avenue parallèle, à
l'ouest de la ville.
A notre droite, près des remparts, sont situés les greniers
d'abondance que nous nous dispenserons d'aller
visiter
On n'y voit que d'immenses bâtiments dans un état
de délabrement complet. Jadis ils contenaient des provisions
de riz, de blé et d'orge ,
suffisantes pour fournir
pendant huit ans à la consommation de la capitale ; la
ville
de Tong-Gheou en possédait de plus vastes encore.
Depuis l'avènement de la dynastie mandchoue, ils
sont abandonnés et ne servent plus qu'à loger des mendiants
et d'innombrables légions de rats.
Les deux côtés de l'avenue , à l'extrémité septentrionale,
sont occupés par les deux temples les plus célèbres
de Pékin; à gauche le temple de Confucius , à droite
celui des Mille Lamas.
Le temple de Confucius est une pagode circulaire entourée
d'escaliers en marbre avec rampes sculptées; son
toit est couvert de tuiles vernissées en vert émeraude.
L'intérieur ne présente rien de remarquable que la vaste
étendue de la salle des prières, entourée de galeries latérales
en marbre blanc, sur les parois desquelles on remarque
des tablettes de marbre noir, où sont gravées en
lettres d'or des sentences tirées des écrits du philosophe.
On n'y voit d'autres statues que celles de Confucius et
de son disciple Men-tseu; on n'y lirùlepas d'encens ;
cependant
la dénomination de temple do Confucius paraît
fausse, ou du moins le culte s'en est altéré; car ce philosophe
professait la raison pure, et il y a ici des bonzes
qui accomplissent des cérémonies religieuses.
Ces statues de lions à figures de singes, et cet escalier
orné de tiares Ji cornes du temps des Ming conduit au
portail du célèbre temple des Mille Lamas : vous devez
être frappé, comme moi, de la ressemblance de ces
tiares bouddhiques avec la tiare catholique.
La façade du temple des Mille Lamas est soutenue
par des charpentes énormes auxquelles sont adaptés des
châssis en bois sculpté garnis de papier en guise de
vitres. C'est un grandbâtiment carré avec des pilastres,
sans corniches ni moulures. Le couvent, qui est situé
derrière le temple, est contenu avec ses jardins el ses
dépendances dans une enceinte qui a au moins deux
kilomètres de tour.
La porte en est scrupuleusement défendue à cette
heure de la journée; nous aurons occasion d'y revenir
plus tard ;
cependant, je vous dirai que dans l'intérieur
du temple, qui est très-riche, on admire une immense
statue de Bouddha en bois doré qui a soixante-dix pieds
de haut.
Cet établissement religieux appartient aux Lamas,
c'est-à-dire aux prêtres du bouddhisme réformé qui diffère
de la religion de Fô, professée par les bonzes chinois.
C'est là que les Mandchoux et les Mongols qui
habitent Pékin en grand nombre, et qui sont plus religieux
que les Chinois, vont régulièrement faire leurs
dévotions.
Maintenant nous tournerons à gauche, nous passerons
près de la porte de Ngau-tiiig, par laquelle l'armée
anglo-française est entrée dans Pékin, puis nous gagnerons
le carrefour où s'élève la Tour de la Cloche.
La construction de cet édifice a beaucoup d'analogie
avec celle des portes de la ville, et doit être du même
temps.
L'étage inférieur est formé d'une arcade percée de
deux ouvertures ;
au-dessus s'élève une tour rectangulaire
que surplombe un large toit rouge avec un encadrement
de tuiles vertes; quatre arceaux élégamment
sculptés à jour laissent entrevoir le corps d'une immense
cloche de bronze qui n'a pas débattant, mais sur laquelle
on frappe avec de gros marteaux en bois de fer. Les
gardes de la ville l'emploient la nuit en signe d'alarme,
en cas d'attaque ou d'incendie ;
c'est le tocsin de Pékin.
Il y a plusieurs cloches de ce genre dans les autres
quartiers : celles-là servent à annoncer les veilles de
nuit, qui sont de deux heures ; on annonce la première
en frappant un seul coup qu'on répète de quart d'heure
en quart d'heure ;
on frappe deux coups pour la seconde
veille, trois pour la troisième, et ainsi de suite ;
la nuit
est divisée en cinq veilles.
L'avenue qui part du carrefour de la Cloche, et qui
remonte vers le nord-ouest, dans la direction de la
porte de Toa-Chanrj, longe pendant quelque temps le
plus septentrional des lacs de Pékin, appelé emphatiquement
par les Chinois : la mer du Nord.
Il est alimenté par les eaux des fossés de la ville,
qui
s'y déversent au moyen d'une écluse surmontée d'une
vaste grille en bois.
On ne remarque de ce côté d'autres monuments que le
charmant temple de Fd-qua qui appartient à la secte de