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I
34 LE TOUR DU MONDE.
le gardien de l'Obseivatoirc , invalide des âges passés,
qui a l'air aussi vieux que les instruments qu'il est
chargé de surveiller.
Cette cour contient , outre deux grandes sphères célestes,
une horloge d'eau ou clepsydre dont la conception
mécanique est un chef-d'œuvre de patiepce. Ce
sont quatre bassins de cuivre placés sur des gradins en
brique et régulièrement étages : chaque bassin communique
avec l'autre par un petit tfop-plein, d'où l'eau
tombe goutte à goutte. Dans celui du bas se trouve
une planche sur le côté de laquelle est fixée une aiguille
indicatrice. Dès que la quantité d'eau tombée était suffisante
pour équivaloir i'i un quart d'heure, un gardien,
frappant sur un tambour, annonçait les heures du haut
des murailles. Cette primitive horloge ne fonctionne plus
depuis longtemps.
Il
règne dans la cour de l'Observatoire une humidité
pénétrante et une odeur de moisissure insupportable:
les vieux murs sont couverts de mousse, les aciers et
les fers sont rongés par la rouille, les bassins de cuivre
et les pieds de bronze sont recouverts d'une épaisse
couche de vert-de-gris. Le gardien de l'établissement
s'est scrupuleusement abstenu de gratter les murs, de
frotter ou de polir les instruments qui lui sont confiés,
dans la crainte de se compromettre et d'aliéner les pouvoirs
magiques que la tradition attribue à ces curieux
spécimens de l'ancienne astronomie.
Au fond de l'enceinte se trouve un escalier qui conduit
sur la plate-forme de la tour, élevée de quatre mètres
au-dessus des murailles. Deux sj)hères armillaires, un
horizon azimutal, im quart de cercle et un immense
globe céleste y sont restés à la même place depuis cent
quarante ans, tournés sans doute vers le môme point de
l'horizon où la main du P. Verbiest les avait dirigés. Un
vieil escabeau en bois de fer se voit encore dans un coin de
la plate-forme : peut-être a-t-il servi aussi à l'astronome.
Sur le globe céleste , dont la masse pèse au moins
deux milliers , sont représentés les étoiles et les signes
du zodiaque , mais tout cela est bien effacé et dégi-adé
par le temps. Les pieds de tous ces instruments , coulés
en bronze, sont formés par le dragon impérial qui y
rampe dans toutes les postures : l'artiste qui les a conçus
a véritablement accompli un chef-d'œuvre qui pourrait
servir de modèle à la sculpture d'ornementation, ^'uc
du centre de la ville, la tour de l'Observatoire prend un
aspect étrange : les leviers, les bielles, les grands bras
de ses machines astronomiques s'y dessinent à l'hori-
membres d'une gigantesque araignée.
zon comme les
Tel est cet établissement élevé à l'époque de la plus
grande autorité des missionnaires catholiques dans les
conseils de l'Empire, et qui seul a été respecté et défendu
contre le pillage et la destruction populaire auxquels
furent livrées toutes leurs propriétés.
L'enceinte du l'Observatoire est voisine de celle du
Temple des lettrés; ce vaste yamoun, qui s'appelle le
Wen-hio-Koitiig, est la propriété du corps des lettrés.
C'est là qu'ont lieu chaque année les examens littéraires
;
h cette époque, une foule nombreuse se presse à la
porte pour en connaître les résultats. Vous savez qu'on
ne peut arriver à aucune position en Cliine sans avoir
pris ses grades.
On trouve dans le Wen-hio-Koung des salles spacieuses
richement lambrissées pour les solennités littéraires
; dans le jardin, qui est magnifique, il y a une
pagode en l'honneur de Confucius, et une rangée de
petites cellules où sont enfermés les aspirants lettrés
qui y traitent par écrit la question assignée; ils n'ont le
droit d'emporter avec eux que du papier blanc, une écritoire
et des pinceaux; une sentinelle veille à la porte
pour empêcher aucune communication des concurrents
entre eux ou avec le dehors. Le yamoun des lettrés est
habité par un gouverneur ou surintendant littéraire.
Sortons maintenant, si vous le voulez, de ces rues
étroites, et remontons par la grande avenue de l'Est jusqu'au
nord de Pékin.
La foule se presse dans cette large artère de la ville
mongole ; il est prudent de marcher sur les côtés de la
chaussée pour éviter d'être renversé par les chevaux,
les mulets, les chameaux, les voitures, les chariots,
les chaises à porteur qui s'y croisent en tous sens.
Cet édifice, à gauche, à l'entrée de cette ruelle, est le
tribunal des rites et le ministère des aflaires étrangères :
c'est im ancien temple qui n'a rien de remarquable, sinon
qu'il sert aux entrevues du prince Kong et de ses
confidents avec les ministres européens ;
c'est là que fut
signé , le 25 octobre 1860, le traité de paix qui termina
la dernière guerre.
Voici le grand mandarin Wen-Liang qui débouche
par l'avenue pour se rendre au tribunal des rites !
Il est accompagné de toute la pompe orientale; des
coureurs à cheval le précèdent; derrière sa chaise, et
malgré l'absence de soleil, marchent ses porte-parasols;
il est suivi de tout le tribunal, et, pour augmenter son
cortège ,
chacun des mandarins subalternes traîne après
lui de nombreux domestiques.
L'avenue de l'Est est une des plus populeuses et des
plus commerçantes de la ville mongole ;
mais remarquez
que, dans ce concours d'êtres humains, il n'y a pres([ue
pas de femmes; .sauf celles de la plus basse classe, elles
restent toutes enfermées dans les maisons. En manière
de compensation, vous voyez nombre de soldats de police
charges de la voirie de la ville ; ils balayent les rues, en
enlèvent la boue et font écouler les eaux.
Quelle prodigieuse affiuence de palanquins et de
chaises à porteur! En Chine, tout homme qui se respecte
doit être à cheval ou en chiiise : comme nous
sommes à pied et que nous préférons ce mode de locomotion
pour mieux voir, je suis sûr qu'on nous prend
en j)itié, et qu'on nous regarde comme des gens indignes
de con.sidération.
Il y a des loueurs de chaises qui en ont do grands dépôts,
et l'on peut s'en procurer une pour le prix modeste
d'une piastre par jour. Voici également des stations de
voitures , ou plutôt de chariots avec un ou deux mulets
d'attelage; ils ont un aspect séduisant; la caisse en est
bariolée de couleurs éclatantes, l'intérieur en est garni