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,
418 LK TOUn DU MON'DK.
destim'-e à rechercher les traces du voyageur disparu et il
recueillir des informations certaines sur sa destinée. Il
pouvait, après tout, être retenu captif au fond de ces
contrées barbares ; et si sa mort devait devenir une triste
certitude, la science était intéressée à ce que l'on cherchât
au moins à recouvrer ses papiers, et à poursuivre
l'exploration qu'il n'avait pu terminer.
C'est sous cette inspiration qu'en 1860 une commission
scientifique fut organisée à Gotha sur de larges bases.
Une souscription publique, à laquelle l'Allenaugne tout
entière prit part d'un seul élan, pourvut amplement au
côté pécuniaire de l'entreprise. Toutes les sciences y
furent représentées par des hommes éprouvés, l'astronomie,
la physique terrestre, l'histoire naturelle, la géologie,
l'ethnogi-aphie, la linguistique , et l'expédition fut
placée sous la conduite de M. de Heuglin ,
qu'un long
séjour antérieur dans le Soudan égyptien
,
joint à de
hautes qualités d'observateur, avaient désigné pour
cette distinction si honorable. La route tracée au gi-os
de l'expédition devait la conduire h la mer Rouge par
-Alexandrie et Suez, et de la mer Rouge à Khartoum (la
capitale du Soudail égyptien) par le port de Massâoua
et les parties peu connues de la haute Nubie qui confinent
à l'Abyssinie du côté du nord. C'était à Khartoum
que devaient commencer, à vrai dire, les travaux sérieux
de l'expédition. De ce point central, qui devenait comme
leur base d'opérations, les voyageurs pousseraient à
l'ouest vers le Dârfour, et du Dàrfour sur le Ouadây et
les autres contrées de cette vaste région intérieure,
oit chaque pas serait une acquisition pour la science
dans quelque direction qu'on se portât. Ajoutons que
dans le même temps un voyageur isolé, M. Moritz de
Beurmann, qui venait d'offrir spontanément son concours
au comité de Gotha, devait se porter à la rencontre
de M. de Heuglin en traversant le Fezzan et en gagnant
le Bornou pour remonter de là au nord-est vers le
Ouadây, c'est-à-dire en reprenant l'itinéraire même
que Vogel avait suivi.
Tel était le plan tracé par les organisateurs de l'expédition.
Tout y était mûri, bien combiné, sagement
prévu, — tout, sauf les mille incidents qui, dans de pareilles
entreprises, échappent à la sagesse humaine. Les
voyageurs, on le savait, auraient k lutter contre les
hommes, le pays et le climat; mais on pouvait espérer
qu'une grande prudence, unie à une grande résolution,
écarterait les périls et surmonterait les obstacles. Hélas!
les obstacles et les périls ont été plus iorts que les hommes
,
et le but lointain que l'on s'était posé, le mystérieux
Ouadây, n'a pas même été entrevu. Un des voyageurs,
M. de Beurmann, est tombé, comme Yogel dont
il suivait la trace, sous le fer des assassins; et, du côté
du Nil , l'expédition principale n'a pas cru pouvoir .s'avancer
même jusqu'au Dârfour. La commission, revenue
à Khartoum qu'elle avait dépassé à peine, s'est dissoute
et
quelques-uns de ses membres se sont portés individuellement
en différentes directions, tandis que les
autres reprenaient le chemin de l'Europe.
Voilà, dans son ensemble, le bilan de l'expédition.
Au commencement de mars 1861, elle prenait tene à
Alexandrie; quatorze mois plus tard, en mai 186-2, la
commission, désorganisée, avait renoncé à toute opération
collective.
Est-ce à dire qu'elle auia été stérile , et ces quatorze
mois n'auront-ils donné rien à la science? Loin de Ih.
Éprouvée, scindée, hâtivement dissoute comme elle l'a
été, cette expédition n'en comptera pas moins parmi
celles qui, de nos jours, auront le jilus activement contribué
à l'avancement de la géographie africaine.
Ce résultat n'est pas dû seulement à l'excellent choix,
à la valeur individuelle des membres de l'expédition;
provient aussi en grande partie de l'activité scientifique
du comité organisateur. En d'autres termes, les fruits de
l'expédition sont tout à la fois dans les travaux qu'elle a
produits et dans ceux qu'elle a provoqués.
Au milieu des circonstances favorables ou contraires
que l'expédition a traversées, le zèle des voyageurs ne
s'est pas un instant ralenti. Nul d'entre eux, chacun
dans sa sphère, même quand le lien commun a été dissous,
ne s'est refroidi dans son ardeur d'mvestigation.
Les travaux de la udssion ont commencé du jour même
où elle a touché le sol ahicain ; et comme une excellente
mesure de prévoyance avait décidé que les notes et les
journaux personnels des explorateurs seraient envoyés en
Europe par chaque occasion, il eu est résulté, entre la
mission et le comité, une correspondance scientifique en
quelque sorte journalière. Cette correspondance, riche
de faits
nouveaux, embrasse d'une part le Delta du Nil,
quelques parties de l'isthme, la mer Rouge, la Nubie supérieure,
le nord de l'Abyssinie et le Kordofan ; et. d'autre
part, avec les envois de M. de Beurmann, le pays de
Barkah, le Fezzan et les oasis intermédiaires. Des deux
côtés nous avons là nombre de mémoires du plus haut
intérêt pour les sciences physiques et naturelles, pour la
géographie positive et pour l'ethnographie. La partie la
plus riche et lapins neuve est celle qui touche à la haute
Nubie, c'est-à-dire aux contrées jusque-là si peu connues
qui longent au nord la frontière de l'Abyssinie.
Cette région, placée sur la roule que l'expédition avait à
traverser entre la mer Rouge et le Soudan oriental, n'avait,
dans le plan primitif, qu'une importance secondaire
;
par le fait, elle est devenue la grande affaire do
la mission et sa conquête ca])itale. Ce qui a surtout contribué
à donner à cette partie des études locales de la
mission allemande le beau développement qu'elle a pris,
c'est l'adjonction de M. 'W^erner Munzinger, un jeune
Suisse plein d'ardeur et d'instruction ,
qui résidait à
Massâoua depuis plusieurs années, et que ses investigations
antérieures sur les territoires et les tribus limilro])hes
de l'Abyssinie préparaient admirablement à
l'exjdoration complète qu'il en a pu faire avec les autres
membres de l'expédition. C'est une excellente acquisition
scientifique ;
car ces parties maintenant si obscures
de la haute Nubie ont un très-grand intérêt pour l'ethnologie
générale du nord de l'Alrique, et même pour
plusieurs chapitres importants de l'histoire du monde
ancien.
il